LIMIERS

Auteurs

Numéro

523

Prénom

Henri de, le fils

Naissance

?

Décès

1758

Henri Philippe de Limiers est le fils de Henri Philippe de Limiers, mort en 1728. Né dans les dernières années du XVIIe siècle, il est mort en novembre 1758 (A.M. Utrecht). Citoyen d'Utrecht depuis 1734, il avait épousé Sara Amalia Mortier.

5. Opinions

L. et sa mère sont considérés par d'Argens comme des espions catholiques au service de l'ambassadeur, le marquis de Fénelon (B.U. Leyde, March. 2, f° 105, 115-116, vers février 1737 ; S. Larkin, Correspondance entre Prosper Marchand et le marquis d'Argens, S.V.E.C. 222, n° 29 ; voir également n° 31). Ses craintes sont fondées : le 18 juillet 1737, l'ambassadeur apprend au cardinal Fleury que «le Sr. de Limiers et sa mère», auteurs de la gazette française, se sont convertis au catholicisme et se mettent à la disposition du cardinal (A.A.E., CD., Hollande, ms. 432). Le 10 août, il communique au cardinal des lettres, extraits et listes d'adresses de correspondants «bons à connaître, qui servent au passage des livres et écrits des jansénistes, d'Utrecht en France et de France à Utrecht», et il recommande L. (ibid., f° 394 ; les documents ne sont pas joints à la lettre). Le 5 septembre 1737, il fait savoir que L. a des «scrupules à jouer le personnage d'espion » ; il apparaît qu'il souhaite être engagé par la Cour et fera alors beaucoup mieux (ibid., ms. 424, f° 9 et suiv.). Fleury se montre très réticent (ms. 4302, f° 302, 26 juil. 1737). Parallèlement, L. a offert ses services au lieutenant-général de police : une lettre du 22 juillet 1737 dans les archives de la Bastille signifie nettement qu'il est prêt à publier tout ce qu'on lui enverra : «Vous ne me répondez rien sur la demande que je vous ai faite par rapport aux nouvelles de Paris, et aux pièces qui y paraissent. [Pouvez-vous] Monsieur, me faire le plaisir de m'envoyer une espèce de Manifeste de M. Chauvelin qui se voit, dit-on, à Paris?» (ms. Bastille 11364). L. restera finalement en Hollande tout en regrettant les «maisons notables dont [sa] religion et le refuge [l']ont séparé» (lettre à Fagel, 20 sept. 1753, A.M. La Haye, ms. Fagel, 2237).

6. Activités journalistiques

Il succède à son père à la direction de la Gazette d'Utrecht en 1728 et la rédige jusqu'en 1753 au moins : dans sa lettre à Fagel du 20 septembre 1753, il annonce son intention de prendre congé du public et sollicite un emploi de secrétaire-traducteur au greffe de La Haye (ms. Fagel 2237, lettre du 26 sept. 1753). La Gazette d'Utrecht resta, sous sa direction, étroitement contrôlée par la France. En novembre 1757 encore, L. se justifie auprès du maréchal de Belle-Isle au sujet d'une information relative à son neveu ; cette nouvelle lui est venue directement de Paul Lesfilles, du Bureau d'adresse, qui fournit des nouvelles à la Gazette d'Utrecht depuis 1724 (Feyel, t. II. p. 526).

8. Bibliographie

A.A.E., Correspondance diplomatique, Hollande, ms. 432, 424, 4302. – Archives de la Bastille, Ars., ms. 13364. – Feyel G., L'Annonce et la Nouvelle : la presse d'information et son évolution sous l'Ancien Régime 1630-1788, thèse, U. de Paris IV, 1994, t. II, p. 526.

9. Additif

Activités journalistiques: La Gazette d’Utrecht tire en partie ses informations de nouvelles à la main fournies par le Bureau d’adresse de la Gazette de France. Quand en novembre 1757, Henri Philippe de Limiers le fils doit se justifier d’un nouvelle « injurieuse » au sujet du neveu du maréchal de Belle-Isle, il fait état d’un bulletin manuscrit de Paris, qu’il a trouvé exact et qui, « du moins dans le passé était toujours visé par la police ». Le 29 novembre, il envoie ce bulletin à Belle-Isle, lui confirmant qu’il le reçoit depuis 1724. Le 6 juillet 1742, la Gazette d’Utrecht avait publié une lettre de Lesfilles, directeur du Bureau d’adresse de Paris, annonçant que le lieutenant de police venait d’interdire l’envoi des nouvelles aux gazettes de Hollande ; mais Lesfilles semble avoir continué ce commerce pour son compte personnel (Feyel, L’Annonce et la nouvelle, p. 459). (J.S.)

LE TELLIER

Numéro

508

Prénom

Jean François

Naissance

?

Décès

1791

On ignore presque tout de son état civil. Jean François Le Tellier a un frère prénommé Antoine (voir «Le Tellier Antoine»); il a été marié et ne semble pas avoir d'héritier direct (P, doc. 415).

3. Carrière

Avant 1776, il exerce comme architecte et entrepreneur des bâtiments du Roi (Lüthy, p. 398; P. doc. 490). En 1774, il songe à s'installer à Marseille pour se rapprocher de Volpelière, commerçant et banquier qu'il avait connu à Paris. Mais la vente d'un grand immeuble à Necker et les différends qui s'ensuivent le retiennent à Paris (A.D.H.). En juin 1776, il se trouve pour la première fois à Deux-Ponts, où il a obtenu le privilège de l'établissement de 1'«Imprimerie Ducale» et «de deux gazettes politique et de littérature» (Kuhn, p. 240). De 1776 à 1778, il voyage beaucoup entre Paris, où il a gardé son appartement, et l'Allemagne. En 1777, il adresse à l'envoyé de Deux-Ponts en France une lettre signée «L., Maison Saugrain et Cie, libraire et mercier papetier, Rue des Lombards, au Marc d'Or» (lettre non datée de L. à Pachelbel, sans doute de mai 1778, B.H.S.). Dès 1776, L. est en contact avec Paradis (voir ce nom), fondateur de la «Société patriotique de Hesse-Hombourg » et journaliste à Francfort, qui lui envoie régulièrement des nouvelles et articles destinés aux journaux de Deux-Ponts. Au début de l'année 1777, L. adhère à la « Société patriotique » et envisage un déplacement de la plus grande partie de son entreprise ainsi que des deux journaux sur Hombourg, près de Francfort (Solomé à Paradis, 27 févr. 1777, H.S.D. D 11, 128/9); il obtient à cet effet le privilège du landgrave de Hesse-Hombourg. Il se rend à Versailles (où il rencontre Beaumarchais) pour tenter d'en obtenir la prorogation du droit de faire entrer ses journaux en France, au cas où ils seraient désormais publiés à Hambourg. N'ayant pas réussi, il renonce à son projet de déménagement (Solomé à Paradis, Ier mai 1777 et 13 juil. 1777, H.S.D., Du, 128/9; L- à Volpelière, 13 août 1777, A.D.H.). Le 23 octobre 1777, L. prévoit donc d'exploiter deux imprimeries: «l'une aux Deux-Ponts, où je continuerai les gazettes et où j'imprimerai ce qui sera destiné pour la France et le midi, l'autre à Hesse-Hombourg, où j'imprimerai ce qui est destiné pour le nord et pour les foires de librairie d'Allemagne» (A.D.H.). Le grand projet de coopération entre L. et Paradis à Hombourg ne se réalisera jamais: en 1778, L. proteste contre la publication à Paris d'un journal fondé par Rossel, la Bibliothèque du Nord, devenue l'organe officiel de la «Société patriotique de Hesse-Hombourg» (voir D.P.i 161), et qu'il considère comme une concurrence pour ses propres journaux. Les relations entre Hombourg et Deux-Ponts sont rompues, le comité de Deux-Ponts est exclu de la « Société » en avril 1778. On se dénigre réciproquement auprès des autorités (voir la lettre de Verdy Duvernois du 24 mai 1778 au landgrave de Hesse-Hombourg, W. Rüdiger, «Über die Société patriotique de Hesse-Hombourg», Annalen des Vereins für nassauische Altertumskunde, t. XXXVIII, 1908, p. 248, n. 19, et la lettre non datée, sans doute d'avril 1778, que L. écrit à Pachelbel, B.H.S.). A partir de 1778, L. semble négliger de plus en plus son travail à Deux-Ponts pour se consacrer à l'édition des œuvres complètes de Voltaire à Kehl, montée par Beaumarchais. Il effectue avec Sanson (voir ce nom) un voyage à Londres et Birmingham - sans doute en 1780 pour s'y procurer des caractères de Baskerville. Si L. fut d'abord très estimé et soutenu par Beaumarchais, celui-ci le considérera plus tard (en 1784) comme le «malheur de son existence» et fustigera en lui le «Noir Le Tellier» (P, doc. 416). En janvier 1785, Beaumarchais le remplace par J.G. de La Hogue, mais leur différend financier durera encore en mai 1787. L. reste en possession du privilège de Deux-Ponts jusqu'à sa mort, bien qu'il semble avoir rapidement abandonné son activité à Deux-Ponts.

4. Situation de fortune

Nous sommes assez bien renseignés sur la situation financière de L. entre 1774 et 1784, par ses lettres à Volpelière (A.D.H.) ainsi que par la correspondance de Beaumarchais et surtout les « Brouillon et minute des observations du Sr De Beaumarchais sur le dernier mémoire du Sr Le Tellier » (P, doc. 490). Le 2 décembre 1774, L. possède un «terrain de cent à cent vingt mille livres» (A.D.H., 17 août 1755) qu'il vend à Jacques Necker en été 1775 (A.D.H.). Peu de temps après la signature du contrat, des différends financiers opposent les deux hommes ; le procès au sujet de l'hôtel de la Chaussée d'Antin, que L. construit pour Necker en qualité d'architecte, ne se terminera qu'en 1779 (ibid.), fixant le coût de la construction à 261 600 £ (P, doc. 194, note 2). Les nombreux détails que L. donne sur cette affaire dans ses lettres à Volpelière (A.D.H.) ne corroborent qu'en partie le tableau négatif que Beaumarchais peint de lui à partir de 1784 et que reprendra von Proschwitz. Très lié avec L. en 1776, Beaumarchais lui prête alors 1000 louis que L. ne lui avait toujours pas remboursés en 1787 (P, doc. 490). Le même Beaumarchais investit en 1777 une somme de 50 000 £ dans l'entreprise de L., participation pour laquelle il est «associé à un tiers» (A.D.H., 13 août 1777). Pour cette somme également, Beaumarchais constatera dix ans plus tard que L. la lui doit toujours. Les sommes que L. dépense pour l'imprimerie de Kehl sous la garantie de Beaumarchais sont énormes: de 20 à 25 000 £ par mois en 1784 selon Beaumarchais (P, doc. 398, p. 847); en octobre 1784, il aurait tiré en tout de Beaumarchais 300 000 £ (doc. 405, p. 8 5 7) ; en mai 178 7, le libraire Ruault évalue à223i248£ le total des sommes dépensées par Beaumarchais en dix ans pour l'édition des œuvres de Voltaire (doc. 495, p. 973).

Les lettres de L. à Volpelière et divers documents conservés aux Archives de Darmstadt et Munich sont riches en détails sur les conditions matérielles du fonctionnement de l'imprimerie et des gazettes à Deux-Ponts. En 1776, quand L. succède à Dubois-Fontanelle à la direction des gazettes de Deux-Ponts, celles-ci rapportent 10 000 £, montant duquel il faut retirer 4400 £ pour frais d'impression et papiers de correspondance, ainsi que 3600 £ pour la composition ou J. les frais de copie pour les deux gazettes (lettre de Castilhon à Dubois-Fontanelle, H.S.D., D II, 128/9). Quant aux 200 £ de bénéfice net, L. les considère comme l'argent nécessaire «pour faire bouillir la marmite» (A.D.H., 9 juin 1776). Il compte surtout sur «la commission de livres» en ce lieu idéal entre la France et l'Allemagne et sur des bénéfices considérables grâce à «l'impression de bons ouvrages nou­veaux, ou la réimpression d'anciens ouvrages dont l'édition est épuisée et recherchée, ou (ceci se dit tout bas) la contrefac­tion des ouvrages les plus en crédit» (ibid.). Lorsque L. projette, en 1777, de déplacer partiellement l'entreprise de Deux-Ponts sur Hombourg près de Francfort, une société devait être fondée à cet effet par L., Castilhon, Paradis et Solomé (voir ces noms), société dans laquelle L. aurait surtout été chargé de fournir «les fonds nécessaires». On espérait, dans un délai de quatre ans, un bénéfice net de 40 000 £ (Solomé à Paradis, 17 mai 1777, H.S.D., D II, 128/9). La plupart de ces renseignements sur la situation financière de L. à Deux-Ponts nous sont fournis par lui-même dans des textes où il cherche à convaincre ses amis et collaborateurs, et qui concernent donc en partie des projets qui ne seront jamais mis en œuvre. Aussi convient-il de les interpréter avec prudence. L. n'a-t-il pas avoué à Beaumarchais que son «entreprise des Deux-Ponts» n'a eu aucun succès (P, doc. 490)? Solomé par contre, son plus proche collaborateur à Deux-Ponts, parle en 1800 dans un «Mémoire à la Louable Commission de l'Administration générale du Palatinat» de «Feu M. Le Tellier, riche propriétaire établi à Paris» (G.K., 213/334). Quoi Qu'il en soit, tous ces détails matériels trouvés dans la correspondance de L. et de ses collaborateurs sont précieux pour qui désire approfondir sa connaissance du fonctionnement de la presse française en Allemagne au siècle des Lumières. A cet égard, il convient de souligner l'intérêt particulier d'un mémoire adressé par L. à «Messieurs les Administrateurs des Postes de France» en 1778, dans lequel il se plaint des conditions peu avantageuses infligées par cette institution aux journaux de Deux-Ponts, et nous fournit quelques détails financiers intéressants: la gazette politique est taxée à 36 £ pour le public par la Bureau des gazettes étrangères. Mais les auteurs ne touchent que 10 £ et doivent même encore payer les frais de port et d'expédition de Deux-Ponts à Sarrelouis. L. demande que le bureau et les auteurs se partagent le prix de 36 £ plus équitablement, à raison de la moitié (18 £) pour chaque partie, et insiste sur ses dépenses, honoraires des correspondants, et des rédacteurs, l'achat du papier et frais d'impression (B.H.S., Bayr. Gesandtschaft Paris, 278).

5. Opinions

L. semble bien introduit dans les milieux politiques de Paris et dispose surtout, par l'intermédiaire de Beaumarchais, d'une source d'informations secrètes (A.D.H., 23 oct. 1777). Il semble favorable aux réformes du gouvernement Turgot (A.D.H., 18 déc. 1775). Il s'intéresse à la littérature, mais ce sont les sujets commerciaux qui dominent sa correspondance. Il semble avoir un caractère difficile et des procédés pas toujours honnêtes. Il se brouille en effet avec Paradis, Volpelière et Beaumarchais après avoir été très lié avec eux. Nous avons de lui des lettres adressées à Antoine Volpelière, grand commerçant marseillais de l'époque, lettres conservées aux A.D. Hérault, ms. I E 1505. Sa correspondance avec Beaumarchais est imprimée par von Proschwitz; quatre lettres de L. à Formey, datées de 1776, sont conservées dans la Deutsche Staatsbibliothek Berlin, Nachlass Formey.

6. Activités journalistiques

Pour le commencement du travail de L. à Deux-Ponts, où il possédait le privilège pour la Gazette des Deux-Ponts et la Gazette universelle de littérature, deux dates avaient été retenues: 1770 par Q. (t. V, p. 255) et 1775 par von Proschwitz (doc. 44, p. 304, n. 1); on peut aujourd'hui fournir la date de juin 1776. Cette datation se confirme par les lettres de L. en 1776 à Volpelière. II est à Deux-Ponts le 9 juin 1776 (A.D.H.) après avoir obtenu du duc Charles II Auguste, le 20 mars 1776, le privilège exclusif pour «l'éta­blissement d'une imprimerie et de deux gazettes politique et de littérature » sur une période de vingt ans, dont le texte est conservé au Landesarchiv de Speyer (f° 16). Il restera en possession du privilège jusqu'à sa mort en 1791.

Quel fut le rôle exact joué par L. dans la rédaction des deux journaux de Deux-Ponts, la Gazette universelle de littérature (1770-1780) et la Gazette des Deux-Ponts (de 1770 à 1777 et de 1783 à 1798) dont le titre est changé en Gazette ou journal universel de Politique de 1778 à 1782? Il semble bien qu'il se soit surtout consacré au côté commercial de l'entreprise. Ses nombreux séjours à Paris et d'autres voyages excluent en effet l'hypothèse d'un travail rédactionnel régu­lier à Deux-Ponts. Au début, quand il succède à Dubois-Fontanelle en 1776, il semble décidé à s'occuper activement des deux journaux. Il se félicite alors d'avoir «pris un établis­sement qui réunit les deux objets pour lesquels [il a] le plus de goût, les lettres et le commerce» (A.D.H., 9 juin 1776). Il taxe son prédécesseur de négligence et essaie de trouver « de bons correspondants tant pour les nouvelles politiques que pour les littéraires» (ibid.). Les lettres qu'il adresse à Formey en 1776, où il encourage son correspondant à continuer «l'envoi des nouvelles politiques et littéraires les plus fraîches et les plus intéressantes» (D.S.B., 9 juin 1776) ou le critique d'être trop peu concis dans ses articles, prouvent bien qu'il se consacre alors lui-même à ses feuilles. Plus que son prédécesseur, nous dit-il, il tente à donner à ses journaux la variété qui plaît au public: «J'ai une correspondance en littérature beaucoup plus étendue que ne l'était celle de M. de Fontanelle, et le nombre des bons ouvrages dont je reçois des extraits m'empêche d'insérer des articles d'une grande étendue» (D.S.B., 24 juil. 1776). Il correspond avec ceux qui lui fournissent les nouvelles, Paradis en particulier, qu'il prie de « lui écrire [de Hombourg] tous les jours, s'il est nécessaire » et de l'informer sur les nouvelles les plus fraîches d'une trentaine d'endroits (en Allemagne, Suède, Russie, Italie, Suisse, etc.): «Vous n'excepterez des nouvelles de l'Europe entière que celles de France, d'Angleterre, de Hollande et d'Espagne que je me fournirai d'ailleurs» (H.S.D., 30 juin 1776). Dans la même lettre il insiste sur l'actualité des informations : « Vous ne devez laisser vieillir aucune nouvelle dans vos mains». Quelques jours plus tard il attend Paradis pour « notre réunion aux Deux-Ponts » : « que vos matériaux soient seulement préparés et nous y mettrons tous ensemble la dernière main» (H.S.D., Du II, s.d.).

Il est évident que L. désire surtout mettre sur pied un important réseau de correspondances. De là son intérêt pour la «Société patriotique de Hesse-Hombourg», qui se voulait un nœud de communication entre tous les savants et nouvellistes. Outre les nouvelles et articles envoyés par Paradis et par Formey de Berlin, on reçoit à Deux-Ponts une « correspondance littéraire de Paris, composée de trois lettres doubles par semaine», des correspondances de «Bordeaux, Brest, Dunckerque, et Calais ou Boulogne-sur-Mer, équivalant à dix lettres par semaine» et tous les grands journaux de l'Europe, le London Evening Post, le Morning Post, le Courier de l'Europe, la Gazette de Madrid, le Courier d'Avignon, la Gazette de France « relativement aux nouvelles politiques » et le Monthly Review, et le Criticai Review «relativement aux nouvelles littéraires» (mémoire cité, B.H.S., Bayr. Gesandtschaft Paris, 278). L'organisation de ce réseau d'informations pour ses journaux de Deux-Ponts est sans aucun doute le mérite de L., homme plein de dynamisme mais aussi de projets étouffés dans l'œuf (telle l'idée de faire traduire régulièrement les journaux de Deux-Ponts en allemand; H.S.D., lettre à Paradis, n.d., sans doute de juillet 1776).

L. semble avoir envisagé ou compris très vite qu'il lui fallait des gens sûrs pour assurer un travail régulier à Deux-Ponts. Il engage dès juin 1776 Nicolas Sanson comme directeur commercial, «ex commissione de M. LeTellier» (H.S.D..D II, 128/9, lettre de Sanson au landgrave de Hesse-Hombourg, non datée, mais vraisemblablement de mars 1777), avec lequel il rompt en 1782 ; pour le détail de l'engagement de Sanson, voir la lettre de Beaumarchais à Sanson du 8 juin 1780 (P, doc. 239, p. 591-592). Comme rédacteur de la Gazette universelle de littérature, il engage d'abord (en 1776) Jean Pierre Solomé, qui s'occupera des journaux de Deux-Ponts jusqu'en 1802. A partir d'octobre 1777, c'est Jean Louis Castilhon qui est chargé du journal littéraire, dont la publication prend fin avec son départ à la fin de l'année 1780 (c'est à Castilhon, et non pas à L., que le gouvernement français fait les reproches qui le décident à abandonner la rédaction du journal littéraire de Deux-Ponts). Quand il est question de fonder la société qui devait réunir les activités de Hombourg et de Deux-Ponts, en collaboration avec Castilhon, Solomé et Paradis (voir ci-dessous), il propose à chacun pour ce projet des conditions qui reflètent très bien la répartition du travail à Deux-Ponts, même si le projet de Hombourg ne s'est jamais réalisé. L. est le patron incontesté de l'entreprise, et se réserve à ce titre six dixièmes du bénéfice net, « 1° en qualité de propriétaire, 2° en qualité de bailleur de fonds qu'il peut perdre, 3° en qualité de correspondant, agent et collaborateur, 4° en ce qu'il se chargera de reconnaître les soins et le zèle de M. Sanson qui avec six cents livres d'appointements veillera à l'imprimerie et au commerce» (lettre de Solomé à Paradis, 17 mai 1777, H.S.D.). Le second dans la hiérarchie de la maison est Castilhon, dont le rôle serait d'apporter «dans la société un journal dont il a le projet, un nom déjà célèbre, un travail facile et sûr» (ibid.), avec 2000 £ d'appointements fixes et deux dixièmes de participation au bénéfice net. Pour Solomé et Paradis sont prévus un dixième de participation et 1500 £ d'appointe­ments chacun. Quant à Volpelière, il refuse comme une offense les 4000 £ d'appointements qui lui sont offerts par L. pour entrer de son côté dans l'entreprise de Deux-Ponts, ce qui met fin à leur correspondance (A.D.H., 17 janv., 8 févr. et 5 juin 1778). Après 1778, L. ne semble plus participer activement à la production des journaux, dont il conserve pourtant le privilège jusqu'à sa mort.

7. Publications diverses

Nous ne connaissons aucune publication signée de L. lui-même, ce qui confirme l'impression que son intérêt pour les journaux de Deux-Ponts et son engagement dans l'édition des œuvres de Voltaire à Kehl furent surtout le fruit d'un intérêt économique.

8. Bibliographie

(A.D.H.) A.D. Hérault, Montpellier, ms. IE 1505. – (G.K.) Badisches Generallandesarchiv Karlsruhe, Abteilung 207, Nr 101 et 620; Abteilung 213/332, 333, 334. – (B.H.S.) Bayerisches Hauptstaatsarchiv München, Bayerische Gesandtschaft Paris 278 et Kasten blau 420/17/I. – (D.S.B.) Deutsche Staatsbibliothek Berlin, Nachlass Formey, 4 lettres de L., 1776. – (H.S.D.) Hessisches Staatsarchiv Darmstadt (Hausarchiv), Abteilung Du , Konvolut 128, Faszikel 1-16 et Konvolut 109, Faszikel 7, Folie L. – Pfälzisches Staatsarchiv Speyer, B2/225/3, f° 16. – Lüthy H, La Banque protestante en France, de la révolution de l'Edit de Nantes à la Révolution, t. IL De la banque aux Finances (1730-1794), Paris, 1961. – Kuhn K.H., Das Französischsprachige Pressewesen im Herzogtum Pfalz-Zweibrücken, thèse dact, Trier, 1989. Voss J., «Die Société patriotique de Hesse-Hombourg (1775-1781) : Der erste Versuch einer europäischen Koordi­nationsstelle für wissenschaftlichen Austausch», Deutsch­französische Beziehungen im Spannungsfeld von Absolutismus, Aufklärung und Revolution, Bonn, 1992, p. 153-175. – (P) Proschwitz G. et M. von, Beaumarchais et le Courier de l'Europe : documents inédits ou peu connus, S.V.E.C. 273-274, 1990. Schlobach J., «Conditions matérielles de l'imprimerie et des gazettes littéraires et politiques à Deux-Ponts», dans Les Gazettes européennes de langue française (XVIIe-XVIIIe siècles), Table ronde internationale Saint-Etienne, 21-23 mai 1992, textes réunis par H. Duranton, C. Labrosse et P. Rétat, Saint-Etienne, 1992, p. 269-280.

LE TELLIER

Auteurs

Numéro

507

Prénom

Antoine

Naissance

?

Décès

?

Antoine François ou Anatole (selon Funck-Brentano) Le Tellier ne nous est connu que par son interrogatoire à la Bastille de décembre 1780, relaté par La Bastille dévoilée (t. VII, p. 126-132). Incarcéré le 18 décembre pour avoir écrit des nouvelles à la main (Funck-Brentano), il fut libéré le 20 avril 1781 et exilé à Caen (Hjortberg, p. 90). Il se pourrait, comme le supposent G. et M. von Proschwitz, qu'il soit le «M. Antoine», ou «S.

6. Activités journalistiques

L., selon La Bastille dévoilée, fournissait des matériaux «pour une feuille périodique littéraire qu'on imprimait à Cologne» (cité par Hjortberg, p. 91). Il s'agit très probable­ment de la Correspondance littéraire secrète (D.P.1 235).

7. Publications diverses

7. Le Portefeuille d'un talon rouge, imprimé à Düsseldorf, attribué parfois au marquis de Pellfort, lui est rendu par le nouvelliste parisien Schütze (Wolfenbüttel, Niedersächsisches Staatsarchiv, 1 Alt 22, n° 1510, 2 févr. 1781 ; renseignement fourni par F. Moureau).

8. Bibliographie

Manuel L.P., La Bastille dévoilée, Paris, 1789-1790. – Funck-Brentano F., Les Lettres de cachet, 1903, p. 406, n° 4113. – Hjortberg M., Correspondance littéraire secrète 1775-1793 une présentation. Acta Universitatis Gothobur­gensis et Paris, J. Touzot, 1987. – Von Proschwitz G. et M., Beaumarchais et le Courier de l'Europe, S.V.E.C. 273-274, 1990, doc. 415, 416, 417.

LE GOBIEN

Auteurs

Numéro

493

Prénom

Charles

Naissance

1653

Décès

1708

Charles Le Gobien est né à Saint-Malo en 1653 et mort à Paris à la maison professe des Jésuites le 5 mars 1708 (Sommervogel).

2. Formation

Il entre au noviciat de la Société de Jésus le 25 novembre 1671 et prononce les quatre voeux le 2 février 1690 à Tours (Moreri). Il a enseigné la grammaire et les humanités pendant six ans (Moreri) à Tours (Sommervogel), puis la philosophie pendant deux ans à Alençon, avant de devenir préfet des classes pendant deux ans également (Sommervogel). Les éléments fournis par Moreri et Sommervogel restent imprécis et ne rendent pas compte des vingt années qui séparent l'entrée de L. dans la Société de Jésus de sa profession et de son ordination. Peut-être faut-il placer ici son expérience de missionnaire au Levant et en Chine, qui n'est pas attestée, mais que ses ouvrages et ses fonctions ultérieures à Paris rendent très vraisemblable.

3. Carrière

Appelé à Paris (vers 1700), il demeure quatre ans au noviciat des Jésuites comme enseignant, puis à la maison professe. Nommé secrétaire des missions de la Chine, à une date inconnue (vers 1704), il devient procureur des missions de la Chine à la mort du P. Verjus en 1706 (Sommervogel). En 1697, il a pris position en faveur des cérémonies chinoises dans sa Lettre sur les progrès de la religion de la Chine (Paris, impr. de H. Lamblin, 1697), et surtout dans son Histoire de l'édit de l'empereur de Chine en faveur de la religion chrétienne (Paris, J. Anisson, 1698), textes réédités la même année dans les Nouveaux mémoires sur l'état présent de la Chine du P. Lecomte (Paris, Anisson, 1698, t. III). L'Histoire de l'édit est censurée par la Faculté de théologie de Paris le 18 octobre 1700 (D.L.F. et Catholicisme hier, aujourd'hui et demain, Paris, Letouzey et Ané, 1975, t. VII, « Le Gobien »). L., associé à Le Comte, réplique aussitôt par un Acte de protestation et la Lettre à un docteur de la Faculté de Paris sur les propositions déférées en Sorbonne («par M. Prioux», 1700). Ses fonctions ultérieures montrent qu'il n'a jamais été désavoué par les Jésuites.

6. Activités journalistiques

Un premier recueil de Lettres de quelques missionnaires de la Cie de Jésus écrites de la Chine et des Indes orientales ayant obtenu un certain succès auprès du public en 1702, L. fonde en 1703 la collection des Lettres édifiantes et curieuses (D.P.1 814), à laquelle il s'efforce de donner rapidement un rythme annuel : il en publie trois volumes en 1703, puis le tome IV en 1704, le tome V en 1705, le tome VI en 1706, le tome VII en 1707 et le tome VIII en 1708, année de sa mort. Ce dernier volume publié par ses soins contient un hommage au P. Verjus, son prédécesseur à la tête de la mission de Chine. Cet hommage a été repris la même année dans ses Lettres aux Jésuites français, missionnaires à la Chine et aux Indes, sur la mort du R.P. Verjus (Paris, A. Lamblin, 1708). Animateur infatigable des missions de la Chine, L. est très probablement à l'origine de la conception même des Lettres édifiantes et curieuses, dont il a défini le caractère à la fois apologétique et journalistique. On trouvera des extraits des lettres de la Chine dans Lettres édifiantes et curieuses de Chine par des missionnaires jésuites, 1702-1776, éd. par I. et J.L. Vissière, Garnier-Flammarion, 1979.

7. Publications diverses

Voir Sommervogel. Outre les mémoires rappelés ci-dessus, on mentionnera son Histoire des Isles Mariannes, nouvellement converties à la religion chrétienne (Paris, N. Pépie, 1700), essentiellement consacrée à l'apologie de l'esprit de mission, mais riche également de cartes et de données ethnologiques originales, reprises par Prévost dans l'Histoire générale des voyages en 1752, t. X, Livre II.

Lettres ms. de L. B.N., ms.fr. 15510 et 19206.

8. Bibliographie

Moreri («Gobien, Charles le»). – B.Un. ; D.L.F. ; Sommervogel («Gobien, Charles le»). – Mercure galant, août 1708, p. 167-171.

LEFEBVRE DE SAINT-MARC

Auteurs

Numéro

490

Prénom

Charles

Naissance

1698

Décès

1769

Charles Hugues Lefebvre ou Le Febvre est né à Paris le 22 juin 1698 (Jal) – en juillet 1697 selon le Nécrologe – d'une famille «honnête» mais sans biens, originaire de Picardie (N.). Son parrain était le duc de Lionne, à qui son père était attaché en qualité de secrétaire. Du côté maternel, il était allié aux Capperonnier: Claude, dont il publia l'Eloge en 1744, et Jean qui communiqua au Nécrologe en 1770 le peu que nous savons de lui. Il prit le nom de Saint-Marc d'une propriété familiale située près de Moreuil dans la Somme (B.Un.).

2. Formation

Il fit au collège du Plessis de brillantes études ; il eut comme ami, dès avant 1714, Goujet (lettre de Goujet à Bouhier, 21 octobre 1739, dans la Correspondance littéraire du président Bouhier, éd. H. Duranton, t. II, U. de Saint-Etienne, 1976, p. 37), qui l'introduisit dans le milieu des Oratoriens. Après avoir tenté vainement la carrière des affaires étrangères, la carrière militaire et la carrière ecclésiastique (B.Un.), il trouva, grâce à l'appui de Goujet, divers préceptorats. A la fin de sa vie, il fut membre de l'Académie de La Rochelle.

3. Carrière

A une date inconnue mais antérieure à 1730, il fut chargé de l'éducation de Jean-Charles de Saint-Nectaire ou Sennectère (1714-1785). Le comte de Saint-Nectaire, ambassadeur de France à Turin, lui accorda une pension jusqu'à la fin de sa vie et paya ses frais d'enterrement (N.). Saint-Marc, qui connaissait parfaitement l'italien (traductions du Pour et Contre), se consacra, sur la fin de ses jours, à l'histoire d'ltalie. En 1739, il est attaché à la famille d'Egmont: «C'est un laïc, nommé Le Febvre de Saint-Mard, qui est actuellement gouverneur de M. le duc de Bilache, 2e fils de M. le comte d'Egmont» (Goujet à Bouhier, 21 octobre 1739).

4. Situation de fortune

Il vécut pauvre et mourut dans la misère. Une «succession» lui permit, pendant quelque temps, de travailler aux «éclaircissements» de l'édition des Oeuvres de Boileau, publiée en 1747 (N.).

5. Opinions

Il figure parmi les correspondants de Bouhier, qui rédige lui-même des extraits de ses oeuvres dans le Pour et Contre (cf. lettre de Saint-Marc à Bouhier, 2 févr. 1740, f.fr. 24418). Entre 1730 et 1735, il connut une crise spirituelle et se rapprocha des jansénistes (N.).

6. Activités journalistiques

En juillet 1739, il succède à Prévost à la tête du Pour et Contre; il rédige, jusqu'en février 1740, la majeure partie des tomes XVII et XVIII (nombres 240-269). Il s'efforce, sans grand succès, de se limiter aux comptes rendus d'ouvrages littéraires (t. XVII, p. 49-50), propose un nouveau plan du journal (t. XVIII, p. 3-19), détourne l'intérêt de l'Angleterre à l'ltalie (traductions des Osservazione letterarie de Vérone dans le t. XVIII) et tente de répondre aux attaques de Desfontaines et de Granet (t. XIX, p. 48). Mais «obligé par d'autres occupations» (t. XIX, p. 48), il cède progressivement la place à Prévost (nombres 268 et 269) et se retire (cf. J. Sgard, Le «Pour et Contre» de Prévost, Nizet, 1969, p. 18, 25).

7. Publications diverses

Il a publié des éditions des Mémoires de Feuquières (1734, 3 vol.), de l'Histoire d'Angleterre de Rapin-Thoyras (1745-1750, 16 vol.), des Oeuvres de Boileau (1747, 5 vol.), de Pavillon (1747, 2 vol.), de Chaulieu (1749, 2 vol.), du Médecin des pauvres de Hecquet (1749), du Voyage de Chapelle et Bachaumont (1754), des poésies de Malherbe (1757), de Lalanne, Saint-Pavin et Charleval (1759).

Il fut surtout un érudit et un historien. En collaboration avec Goujet, il a publié un Supplément au Nécrologe de Port-Royal (1735). Son oeuvre la plus importante est l'Abrégé chronologique de l'histoire générale d'ltalie (1761-1770, 6 vol.). Il a donné en outre une Vie de M. Pavillon (1738) et une Vie de M. Hecquet (1740). On lui doit enfin le livret d'un ballet, Le Pouvoir de l'Amour (1743).

8. Bibliographie

Jal ; B.Un. ; D.L.F., Cat.B.N. ; Cior 18, n° 38544-38553. – (N.) Nécrologe, éd. de 1770, p. 391-402 ; éd. de 1775-1778, t. III, p. 355-364.

LARCHER

Auteurs

Numéro

456

Prénom

Pierre

Naissance

1726

Décès

1812

Pierre Henry Larcher est né à Dijon le 12 octobre 1726 «d'une famille très honorable alliée aux grands noms du Parlement de Bourgogne» (M, p. 602). Sa mère était apparentée à la famille Bossuet. Il est mort à Paris le 22 décembre 1812, des suites d'une chute (M., p. 625, n. 153).

2. Formation

Il perdit son père en 1738 ; destiné par sa famille à lui succéder dans la magistrature, il s'y refusa et quitta Dijon à dix-huit ans pour achever ses études à Paris. Il ne fut jamais répétiteur au collège Mazarin comme l'a affirmé Voltaire, mais selon Feller-Weiss, il s'établit à Paris au collège de Laon. Vers 1748, il se rend en Angleterre où il demeure deux ans à l'insu de sa famille (M., p. 603).

3. Carrière

Il revient à Paris en 1750 et entreprend une carrière de traducteur, d'abord de grec (Electre d'Euripide, Paris, Cailleau, 1751), puis d'anglais («Discours sur la poésie pastorale» de Pope, 1752 ; M., p. 603). Il revient au grec en 1763 (Histoire des amours de Chéréas et de Callirhoë, Paris, Ganeau, 1763, 2 vol.) ; c'est en qualité de traducteur qu'il est élu membre non-résident de l'Académie de Dijon en 1763 (M., p. 603-604). Il entreprend en 1764 la traduction d'Hérodote, à laquelle il travaillera pendant quinze ans (M., p. 604). Il est élu en 1778 à l'Académie des Inscriptions, où il présentera dix-huit mémoires (M., p. 619), et, le 23vjuin 1796, à l'Institut. Pendant la Révolution, il vit dans une complète retraite rue de la Harpe, où il meurt en 1812 après y avoir demeuré quarante ans (M., p. 622).

4. Situation de fortune

Fréron écrit en 1769 : «[M. Larcher] n'a jamais été Précepteur Répétiteur ni Cuistre dans aucun collège [...] il jouit d'une fortune considérable pour un homme de lettres...» (Année littéraire, citée par M., p. 611).

5. Opinions

L. doit une grande part de sa célébrité à sa polémique avec Voltaire au sujet de la Philosophie de l'histoire : ayant critiqué les erreurs de Voltaire dans un Supplément à la Philosophie de l'histoire en 1767, Larcher devient, avec Cogé et Riballier, l'une des cibles favorites du philosophe ; J.M. Moureaux a relaté en détails cette querelle au cours de laquelle se manifeste la mauvaise foi de Voltaire. L. n'est pas un «mazarinier ridicule» comme Voltaire le répète dans la Défense de mon oncle ou les notes de la Pucelle (M., p. 601), mais un «philosophe», un ami du baron d'Holbach (M., p. 617) dont d'Alembert s'est porté garant et qui scandalisera les dévots par ses commentaires d'Hérodote (M., p. 620). L. rétracte cependant ses opinions philosophiques en mai 1795 (M., p. 622) et expurge sa réédition d'Hérodote en 1802 (M., p. 623) ; son retour à la religion est applaudi en février 1803 dans le Journal des débats (M., p. 624).

6. Activités journalistiques

Lettres d'une société ou Remarques sur quelques ouvrages nouveaux, en collaboration avec Boulenger de Rivery et Landon ; l'ouvrage est présenté à la censure par Duchesne et refusé le 14 juillet 1750 ; le tome I (et unique) est publié à Berlin en 1751, puis réédité en 1752 sous le titre : Mélange littéraire ou Remarques sur quelques ouvrages nouveaux (Cior 18, n° 37071-37072 ; D.P.1 809).

7. Publications diverses

Voir Cior 18, n°37070-37084. Cette oeuvre consiste surtout en mémoires historiques et en traductions de l'anglais et du grec. La Porte ajoute, dans F.L. 1769 : «Il travaille à la traduction des Transactions Philosophiques, pour la Collection académique» ; mais il ne mentionne pas les Lettres d'une société.

8. Bibliographie

Feller-Weiss, B.Un. – Sabatier de Castres, Trois siècles de notre littérature, Amsterdam et Paris, 1772, t. II, p. 231-238. – Boissonade, notice biographique parue dans le Moniteur du 6 décembre 1813 (plusieurs rééd., notamment dans le Catalogue des livres rares et précieux de la bibliothèque de feu M. P.H. Larecher, 1813 ; voir M., p.v601). – Dacier B.J., notice historique parue dans le Moniteur des 6 et 7 décembre 1817. – (M) Moureaux J.M., «Voltaire et Larcher ou Le faux mazarinier», R.H.L.F., juil.août 1974, p. 600-626, article d'où est tiré l'essentiel de cette notice.

LA PLACE

Auteurs

Numéro

454

Prénom

Pierre de

Naissance

1707

Décès

1793

Pierre Antoine de La Place est né à Calais le 1er mars 1707 de Pierre de La Place (1676-1724) et de Jeanne Lauret ou Loret (Cobb, app. IV, p. 212). Selon le certificat produit le 12 juillet 1743 par Jean Charles de La Place-Torsac, il était descendant direct de Pierre de La Place (1520?-1572), historien, président de la Cour des Aides, massacré lors de la Saint-Barthélémy.

2. Formation

Il fut élevé «conformément aux Edits de Louis XIV, concernant les Réformés, au collège des Jésuites Anglois de Saint-Omer» où il demeura de 1714 à 1721 (P.I., t. III, p. 131 ; Cobb, p. 12-13). L'enseignement y était donné en langue anglaise. «Quoique peu familiarisé avec la langue française», il entreprit, au sortir du collège, d'écrire une tragédie imitée de Racine (P.I., t. III, p. 131-132 ; Cobb, p. 14 et suiv.). Il fit des études de droit à Paris en 1733 et devint avocat à Arras ; il fut l'un des premiers membres de la société littéraire d'Arras (1737), plus tard Académie d'Arras.

3. Carrière

Elu député des états d'Artois vers 1740 (P.I., t. V, p. 52 ; t. VII, p. 54) pour la bourgeoisie, car il ne possédait pas de «terre à clocher» (P.I., t. VII, p. 306), il s'installe à Paris pour le reste de ses jours ; il démissionna de l'académie d'Arras en 1745 (Cobb, p. 26). Dès 1735, il s'était fait «l'écolier de Voltaire» (lettre à M. de B., citée par Cobb, p. 20-21 ; réponse de Voltaire le 14 nov. 1735). Il débuta au théâtre avec une imitation d'Otway, Venise sauvée (5 déc. 1746), usa de l'influence du maréchal de Richelieu, ami de son père, pour faire jouer Adèle de Ponthieu (8 avr. 1757), tenta vainement de faire reprendre ses tragédies à la Comédie Française (6 lettres ms. aux Archives de la Comédie Française, cf. Cobb, p. 214), et se résigna à faire carrière de traducteur et de journaliste.

4. Situation de fortune

Jusqu'en 1760, il vécut surtout de ses traductions (Le Théâtre anglais, 1745-1749, en 8 vol. ; Le Véritable Ami ou la Vie de David le simple de Fielding, en 1749 ; Histoire de Tom Jones de Fielding en 1750, etc.). Marigny, frère de la marquise de Pompadour, le chargea en 1759 de traduire, dans le plus grand secret, une biographie de la marquise, parue à Londres (The History of the Marchioness of Pompadour, Londres, 1759-1760, 3 part. en 1 vol.). En fait, l'ouvrage avait été écrit en français par Mme de Fauques, ou de Falques, et fut imprimé à Amsterdam, dans le texte d'origine, dès 1759 (voir Quérard, art. «Fauques») ; le travail de La Place, inutile, fut désavoué par Marigny. C'est Mme de Pompadour qui l'en récompensa, selon La Place lui-même, par le brevet du Mercure («Anecdote persanne», P.I., t. II, 312-320).

Le Mercure lui assura une existence confortable. Il prit la direction du journal en février 1760, succédant à Marmontel dont la pension était de 15 à 18 000 £ (H.P.L.P., t. III, p. 40) ; lorsque La Combe prit en charge la gestion du journal en 1768, il assura à La Place une pension de 5000 £, qui lui fut versée jusqu'à sa mort (M.S., 21 mai 1768, IV, 37 ; La Harpe, art. cité ; H.P.L.P., t. I, p. 423). Outre le privilège du Mercure, La Place avait le privilège du Choix du Mercure, beaucoup plus lucratif semble-t-il (voir B.N., ms. fr. 22134, f° 30 et suiv.) ; en association avec l'abbé de La Porte (M.S., 28 janv. 1762) il en publia 69 volumes en quatre ans. Après son départ du Mercure en 1768, il publia de nouveau romans et traductions. Collé le dit rapidement ruiné : «Banqueroutier frauduleux, il a vendu une partie de sa bibliothèque et de ses effets avant sa fuite à Bruxelles. Arrangé probablement avec ses créanciers, il est revenu depuis quelques années à Paris, où il vit dans la crapule» (Journal, éd. 1805-1807, t. II, p. 180, cité par Cobb, p. 18).

5. Opinions

Il vécut à Paris dans un petit cercle d'épicuriens plus ou moins athées : Boindin, Boismorand, Caylus, Crébillon, Piron, Duclos ; il faisait partie de plusieurs sociétés «badines» dont celle des Dominicains (P.I., t. V, p. 277 ; Cobb, p. 152). Il avait été patronné à ses débuts par Fontenelle, ami de son père (P.I., t. II, p. 235). A en croire les Pièces intéressantes, il fréquenta tous les grands écrivains de son temps. Il eut surtout l'art de s'introduire auprès des gens en place (le Régent, Maurepas, Marigny). Très opportuniste, il évite longtemps de manifester ses sentiments. Les P.I. montrent cependant une certaine fidélité à son milieu d'origine et au protestantisme, ainsi qu'une hostilité durable au prosélytisme jésuite (cf. P.I., t. III, p. 137-138, N.B.). Cette haîne s'affirma dès les premiers jours de la Révolution ; il salua l'ouverture des Etats Généraux («Essor de sentiment patriotique» s.l., 1 p.) et attaqua vivement la superstition (Lettres à M. Cerutti sur les prétendus prodiges, 1790-1791 ; Les Forfaits de l'intolérance sacerdotale 1791).

6. Activités journalistiques

L. prit la direction du Mercure en janvier 1760 (C.L., IV, 184 ; ms.fr. 22134, f° 99 ; Cobb, p. 150-151) ; il démissionna en juin 1768 (avertissement du Mercure du même mois) quand l'entreprise fut commanditée par Lacombe. En qualité de directeur, il exerça toutes les fonctions : choix des collaborateurs, correction des épreuves (P.I., t. IV, p. 310-311 ), rédaction de contes, de traductions, de vers et de chansons (Cobb, ch. VII). Il tenta de faire attribuer les pensions du journal aux écrivains chargés d'une chronique du Mercure ; il eut pour collaborateurs Lagarde pour le théâtre (payé 1000 écus, selon H.P.L.P., t. I, p. 423), La Dixmerie pour les contes, et La Porte. Sa gestion fut très critiquée ; dès 1762, selon Bachaumont, «la diminution des fonds a été si sensible que le grand nombre des pensionnaires s'en est ressenti» (M.S., 15 oct. 1762, additions, t. XVI, p. 160). Le Mercure, disait-on, était «tombé sur la place» (La Harpe). Pour se défendre, La Place publia une liste de 1600 souscripteurs (H.P.L.P., t. I, p. 419) ; il inaugura une rubrique économique en concurrence avec celle du Négociant (M.S., 22 oct. 1762, additions, t. XVI, p. 162) ; mais il ne put empêcher la crise et le recours à un commanditaire privé.

En même temps que le brevet du Mercure, il eut en 1760 l'exclusivité du Choix des Mercures qu'il publia sous le titre : Nouveau choix de pièces tirées des anciens Mercures et des autres journaux. Cette publication était elle-même périodique (voir la notice «Bastide»), à raison de 16 volumes par an. La tomaison est continue depuis le 1er volume du Choix publié par Bastide en 1757, jusqu'au 108e volume de la collection ; le nom de La Place figure, en page de titre, du tome XL (1760, 3e année) au tome CVIII (1764).

On l'a dit à l'origine du premier quotidien français, le Journal de Paris ou Poste du soir : «M. de La Place, pour l'exécution de son projet de la Poste du soir a pris deux acolytes, les sieurs d'Ussieux et de Senneville, personnages peu connus. Quoiqu'il en soit, ces Messieurs fondent, non sans vraisemblance, de grands espoirs de fortune sur le nouvel établissement ; ils ont en conséquence loué un hôtel dans un quartier de Paris fort cher et vont monter des bureaux» (M.S., 18 nov. 1776, t. IX, p. 265). L. avait, selon le même témoignage, l'appui du lieutenant-général de police, Jean Charles Lenoir. Le prospectus de lancement du journal parut en novembre 1776. Le rôle de L. paraît s'être limité à la gestion du journal pendant trois semaines (D.P.1 682, p. 618) ; il donna sa démission dès le 18 janvier 1777 (voir art. «Corancez») et son nom n'est jamais cité parmi ceux des premiers rédacteurs (voir B.H.C., p. 76-78).

L. a en outre adressé de nombreux contes, vers, chansons et épitaphes comiques à divers périodiques : l'Almanach des Muses, l'Année littéraire, le Journal étranger, le Journal littéraire, les Mémoires de Trévoux (liste de ces contributions dans Cobb, p. 216-217).

Les Pièces intéressantes et peu connues publiées de 1781 à 1790 (Bruxelles et Paris, 1781-1790, 7 vol. ; rééd. à Maestricht chez Roux, 1790, 8 vol.) constituent plutôt un recueil d'ana qu'un périodique. On y retrouve cependant la manière du directeur du Mercure et du Nouveau Choix : abondance d'anecdotes historiques et littéraires, traductions de l'anglais, vers et épitaphes, lettres inédites (tirées des archives de Duclos pour le t. I, puis de la correspondance du Mercure). Comme dans le Nouveau Choix, les emprunts à Prévost sont nombreux.

7. Publications diverses

Liste des oeuvres de L. dans Cobb, Appendix I-III, et dans Cior 18, n° 36297-36 974 ; en retirer les Mémoires de Milord «par Monsieur D.L.P.», Paris, 1737 : L. Cobb les attribue avec raison à Guillot de La Chassagne, qui signe «D.L.P.» les Mémoires d'une jeune fille de qualité. Les M.S. signalent en outre une comédie jouée en 1777, Le Veuvage trompeur (9 avr., 4, 9 et 16 mai 1777, t. X, p. 96-97).

8. Bibliographie

H.P.L.P. – Cobb L., Pierre Antoine de La Place. Sa vie et son oeuvre (1707-1793), Paris, de Boccard, 1928. Si l'on excepte la notice nécrologique fournie par La Harpe (Mercure de France, 20 juil. 1793), très limitée et malveillante, l'essentiel de nos informations repose sur les Pièces intéressantes et peu connues (citées ici dans l'éd. de Maestricht) et sur les documents réunis par L. Cobb.

LA MOTTE

Auteurs

Numéro

450

Prénom

Yves de

Naissance

1680

Décès

1738

Son identité est déclinée dans l'Interrogatoire du Père de La Motte, jésuite... de 1715 (B.V. Grenoble ; B.H.P., Recueil factice n° 10755). A cette date, Yves Joseph de La Motte, «prêtre de la Compagnie de Jésus», est «âgé de trente-cinq ans» et demeure au séminaire de Joyeuse à Rouen. Il prend en Hollande le pseudonyme de La Hode, sans doute vers 1732 (cf. la lettre de La Martinière à Desmaizeaux du 28 décembre 1734, B.M, add. mss. 4285). Il meurt à La Haye vers l'automne de 1738 (Bibliothèque francaise, t. 27, 1re part., p.

2. Formation

Il enseigne vers 1711 au Collège Louis-le-Grand, où il est le préfet d'étude de René Louis d'Argenson (Journal et Mémoires, éd. Rathery, t. VI, p. 168).

3. Carrière

Il se rend célèbre par un sermon prononcé dans la cathédrale de Rouen le 20 octobre 1715, sermon dans lequel il attaque les «novateurs» de l'entourage du Régent (Interrogatoire, p. 2 et suiv. ; voir le Journal de la Régence de Buvat, oct. 1715, éd. Campardon, t. I, p. 102 et suiv.). Désavoué par ses supérieurs, il est relégué à Hesdin (d'Argenson, Journal, p. 167-168) ; il y travaille pour d'Argenson qui lui confie le plan et les matériaux de l'Histoire du droit public ecclésiastique en 1725. L.. les emporte en Hollande et les publiera sous son nom.

Les aventures de La Motte sont souvent rapportées par d'Argens, témoin peu digne de foi. Selon lui, L. aurait dilapidé un bénéfice considérable et extorqué 1000 francs à Voltaire avant de fuir à Constantinople où il se serait fait Turc (Lettres cabalistiques, t. IV, lettre III) ; mais Voltaire n'en dit rien ; il semble en revanche d'accord avec d'Argens pour dire que L. vécut en «mendiant» en Hollande (Siècle de Louis XIV, éd. Pomeau, Pléiade, p. 854) ; d'Argens, lui, le nomme tour à tour «ex-jésuite», «cancre médecin» ou «frater», «bateleur», attaché à La Martinière, Don Quichotte dont il est le «barbier» (cf. Lettres juives, éd. augmentée de 1738, t. I, p. 168 et épître du t. VI ; Lettres cabalistiques, éd. Paupie de 1741, t. I, préf., t. IV). Copiste et compilateur de La Martinière, L. aurait publié, en collaboration avec Desroches et La Barre de Beaumarchais, une douzaine d'ouvrages. Une partie de cette activité est confirmée par Rousset de Missy dans une lettre à Gachet d'Artigny du 19 mai 1750 : «M. de Beaumarchais après être sorti de chez moi [...] s'est mis en société avec M. de La Martinière et M. de La Hode [...]. Ils ont barbouillé une abominable suite à la belle histoire de Rapin Thoyras, et ils ont composé une Histoire de Louis XIV qui a paru sous le nom de La Martinière, et des Mémoires anecdotes que La Hode a publiés...», ( l’abbé d’Artigny, Nouveaux Mémoires, 1751, t. IV, , p. 446).

4. Situation de fortune

En Hollande, L. a travaillé pour Rousset puis pour La Martinière, comme auteur, copiste, journaliste anonyme ; il publie, pour le compte de l'éditeur catholique Van Duren, diverses imitations des Lettres juives, ce qui explique en partie l'animosité du marquis d'Argens à son égard.

5. Opinions

Inspiré par les Jésuites dans ses attaques contre le Régent en 1715 mais désavoué par eux, il reste lié, en Hollande, aux milieux catholiques. Il est considéré par Voltaire et d'Argens comme un émissaire des Jésuites ; en fait, après 1715, il s'est rapproché des cercles politiques de la Régence et fera à plusieurs reprises l'apologie de Philippe d'Orléans.

6. Activités journalistiques

Journal littéraire, La Haye, Swart et Van Duren, tomes XXII et XXIII (1734-1735). La Martinière écrit à Desmaizeaux, le 28 décembre 1734 : «Le Journal littéraire est depuis quelque temps sur le côté. Mr. de Beaumarchais qui par accablement ne pouvoit suffire à tout en a laissé à faire la plus grande partie à un homme de lettres nommé Mr. de Lahode qui est ici depuis environ deux ans. Eux deux ont fait la continuation du Rapin. Hoc inter nos» (B.M., add. mss. 4285). Le journal a été racheté par Van Duren en 1732 (t. XX), confié par lui à La Barre en 1734 (t. XXI), que vient aider La Hode en 1734 et 1735 (t. XXII et XXIII) ; d'Argens attaque particulièrement ces deux tomes : «Actuellement, l'ex-jésuite est le seul qui en fasse les principaux extraits» (Lettres juives, éd. citée, t. 5, p. 294).

Anecdotes historiques, galantes et littéraires du temps présent, en forme de lettres, La Haye, Paupie, 1737 (D.P.1 105).

Correspondance historique, philosophique et critique Entre Ariste, Lisandre et quelques autres amis : pour servir de réponse aux Lettres juives, La Haye, van Dole, 1737-1738 (D.P.1 234).

7. Publications diverses

Histoire d'Angleterre de M. de R.T., «continuée jusqu'à l'avènement de George I», La Haye, Van Duren, 1735-1736. La Barre et La Motte ont fait les 3 volumes de la continuation (t. XI-XII) ; selon d'Argens, L. serait le seul auteur du t. 3 (Lettres cabalistiques, t. IV, p. 48). – La Vie de Philippe d'Orléans «par L.M.D.M.», Londres, La Haye, Van Duren, 1736 ; attribuée à L. par Voltaire, qui semble bien renseigné (Siècle de Louis XIV, éd. citée, p. 946) ; l'ouvrage est en partie une apologie de La Motte. – D'Argens lui attribue également les Mémoires du comte de Bonneval dans la révision catholique de 1738 chez Van Duren, ainsi que les Nouveaux Mémoires de 1737 ; mais il est difficile de préciser la part qui revient à L. dans ces ouvrages. – Histoire du droit public ecclésiastique français, Londres, S. Harding, 1737. – Histoire des révolutions de France «par Mr. de La Hode», La Haye, P. Gosse et A. Moetjens, 1738, 4 vol. – Histoire de la vie et du règne de Louis XIV, «publiée par M.B. de la M.» (Bruzen de La Martinière), La Haye, Van Duren, 1740-1742 ; Francfort, Varrentrapp, 1740 (avec le nom de La Hode). L'attribution à L. est confirmée par la Bibliothèque française (t. XXVII, 1re part., p. 184) et par Voltaire (Des Mensonges imprimés, éd. Moland, t. XXIII, p. 435) ; voir également la lettre publiée à ce sujet dans les Observations sur les écrits modernes de Desfontaines, t. XXV, 30 août 1741, p. 280-283.

8. Bibliographie

N.B.U., B.Un . – Interrogatoire du Père de La Motte, 1715, B.V. Grenoble et B.H.P., n° 10755. – Argenson R.L. d’, Journal et mémoires, éd. Rathery, Paris, 1859-1867. – Buvat, J., Journal de la Régence, éd. Campardon, Paris, 1865. – voltaire, Le Siècle de Louis XIV, éd. R. Pommeau, dans Œuvres historiques, Paris, Pléiades, 1957.

LA FONT

Auteurs

Numéro

442

Prénom

Jean de

Naissance

?

Décès

1685

Jean Alexandre de La Font est né dans le Languedoc ou le Vivarais à une date inconnue. Il épousa, en premier mariage, Jeanne Boebé dont il eut un fils, Anthony, qui devait obtenir en 1689 et 1691 un privilège pour la Gazette de Leyde, journal qu'il publia jusqu'à sa mort en 1738 (van Eeghen, t. II, p. 28). L. épousa en secondes noces Magdalena Rivière dont il eut au moins un enfant, enterré à Amsterdam le 11 février 1673 (van Eeghen, t. II, p. 26 ; cf. H.P.L.P., t. I, p. 144). L.

6. Activités journalistiques

Gazette ordinaire d'Amsterdam : dès 1667, L. est associé à la rédaction de la gazette, alors dirigée par Smient. S'il faut en croire le portrait gravé par Lambert et qui le présente, tenant à la main un numéro de la gazette daté du 5 décembre 1667, il aurait, dès cette époque, acquis une grande réputation (voir le commentaire de B.H.C., p. 84 ; G.H., p. 142-143). La Gazette ordinaire parut au moins jusqu'en 1675, peut-être jusqu'en 1687 (D.P.1494).

Traduction libre des gazettes flamandes et autres, à Leyde, chez J. van Gelder, à la Tortue, 1677-1679 : entre 1675 et 1678, L. se rendit à Leyde ; le premier numéro de la Traduction libre parut en mars 1677 (Sautijn Kluit, cité par Van Eeghen, t. II, p. 26) ; le dernier numéro connu est daté du 8 juin 1679 (B.H.C., p. 85). Les initiales «D.L.F.» figurent du 8 juin 1678 jusqu'au dernier numéro.

En 1679 ou 1680 (G.H., p. 147), cette gazette devient : Nouvelles extraordinaires de divers endroits, à Leyde, de l'imprimerie de la veuve Van Gelder, 1680-1798 ; le premier numéro connu date du 1er octobre 1680 ; à partir du 10 février 1682, la gazette est imprimée «pour De la Font» ; en 1684, seule subsiste la mention «Pour J.A.D.L.F.» (B.H.C., p. 85). Après sa mort, les Nouvelles extraordinaires, plus connues sous le nom de «Gazette de Leyde» furent reprises par son fils, puis, à la mort de celui-ci, par Etienne Luzac (D.P.1 514).

L. est resté le plus connu des gazetiers de Hollande ; Bayle lui a rendu hommage à deux reprises ; un distique de Santeuil orne son portrait qui fut diffusé en France, sans doute vers 1680 (B.H.C,p. 85, P.D.1 514).

8. Bibliographie

G.H., B.H.C. , H.P.L.P. – Van Eeghen I.H., De Amsterdamse boekhandel, 1680-1725, 1960-1967, t. II, p. 26-28.

9. Additif

Activités journalistiques: Sur la personnalité de La Font et son rôle prééminent dans la Gazette d’Amsterdam, voir J. Sgard, « L’auteur. Le portrait de La Font » dans La Gazette d’Amsterdam miroir de l’Europe au XVIIIe siècle, sous la direction de P. Rétat, Voltaire Foundation, SVEC 2000:06, p. 31-35. Sur la publication des « lardons » dans la Gazette d’Amsterdam, qui dut commencer peu avant la mort de La Font, voir J. Sgard, Chavigny de La Bretonnière. La Religieuse en chemise et le Cochon mitré, P.S.E., 2009, p. 26 et suiv. (J.S.)

LACOMBE

Auteurs

Numéro

437

Prénom

Jacques

Naissance

1724

Décès

1811

Jacques Lacombe est né en 1724 (Sabatier) ; il est mort le 16 juillet 1811 (Fétis) ; Feller-Weiss, B.Un. donnent 1801. Il eut un frère, Honoré L., dit de Prezel, qui naquit en 1725, fut avocat et mourut sous la Révolution. Il fut, selon Fétis, le beau-frère de Grétry.

2. Formation

Il fit des études de droit à Paris, fut inscrit au barreau (Sabatier), puis se tourna vers la littérature. Il publie, en 1749, une ode : Les Progrès des sciences et des arts sous le règne de Louis XV. Il s'oriente dès lors vers la critique d'art et donne son Dictionnaire portatif des beaux-arts (1752), qui connut un grand succès.

3. Carrière

Il se fit alors, selon Sabatier, libraire puis imprimeur ; mais il ne fut reçu libraire qu’en 1765 et les premiers de ses ouvrages qui sortirent de son imprimerie, le Dictionnaire des anecdotes et la Poétique de M. de Voltaire, datent de 1766. A cette époque, il est connu comme critique d'art et comme compilateur, auteur de plusieurs «abrégés» à succès. A partir de 1760, il se lance dans l'édition des périodiques et acquiert en dix ans une douzaine de journaux. La banqueroute de 1778 met fin à cette ascension. L. passe au service de Panckoucke qui lui confiera la rédaction de nombreux «dictionnaires» de l'Encyclopédie méthodique.

4. Situation de fortune

L., qui semble avoir joui d'une importante fortune personnelle, est l'un des premiers grands commanditaires de la presse. Il rachète à Panckoucke en décembre 1765 pour 48 000 £ de privilèges de journaux (Tucoo-Chala., p. 94, 121). Le rachat du brevet du Mercure en 1768 témoigne de ses moyens : les charges du Mercure étaient estimées en 1762 à 60 000 £ (M.S., 28 janv. 1762) ; la défection de La Place permet à L. de reprendre le journal, moyennant un versement annuel de 30 000 £ pour les pensions (ibid., 21 mai 1768 ; C. Collé, Journal et Mémoires, éd. Bonhomme, p. 199-200). A cette date, il diffuse des ouvrages à gros tirages (abrégés, dictionnaires), des périodiques dont il est souvent l'imprimeur, et des ouvrages de moindre succès. Ce sera, selon Sabatier, la cause de sa ruine : L. s'est «chargé trop facilement des ouvrages de MM. Marmontel, de La Harpe, Gaillard, etc. qu'il n'a pu vendre et qui l'ont ruiné» (Sabatier, p. 8). Ses affaires commencent à prendre mauvaises tournure en 1773, quand il se mesure à Panckoucke, concurrent plus habile et plus cynique que lui : Panckoucke lui revend le Journal historique et politique en juillet 1773, puis s’entend avec le ministre des Affaires étrangères en 1776 pour reprendre ses droits sur le journal, faire acquitter de lourdes redevances et faire place au Journal de Bruxelles (Feyel, t. III, p. 935-940). L. fait faillite en mai 1778 : «Depuis longtemps, le Sr. La Combe, cet homme de lettres devenu libraire pour faire fortune, ayant voulu trop embrasser, était en mauvaise posture, et l'on craignait la faillite. Elle vient enfin de se manifester ; elle est d'un demi-million» (M.S., 14 mai 1778).

5. Opinions

L. ouvrit largement sa librairie puis le Mercure aux philosophes. Voltaire, qui lui commande des livres, le considère comme son ami (lettre à L., 12 juin 1767, D 14224 ; 17 juil. 1767, D 14283). Les comptes rendus du Mercure, les «délires philosophiques» de L. et ses éloges de Voltaire susciteront la colère de Sabatier (p. 4-6). J.J. Rousseau soupçonne L. de l'avoir plagié dans son Dictionnaire portatif des beaux-arts, (cf. Correspondance, éd. Leigh, n° 6812, 23 nov. 1770) : il y trouve plusieurs de ses articles pour l'Encyclopédie, transcrits «mot à mot» (Confessions¸ livre XII, éd. Pléiade, p. 608 et n. 4) ; L. les aurait obtenus de d'Alembert. On notera cependant que L. était partisan de la musique française, comme le rappelle Grétry dans ses Essais de musique (1796, t. III, p. 410). L. eut avec Voltaire une correspondance suivie (voir l’index de la correspondance, éd. Besterman : environ 80 lettres sous le nom de L.)

6. Activités journalistiques

On trouve dans la feuille d'annonces du Mercure de juillet 1768, alors imprimé et débité par L., la liste de tous les périodiques qu'il diffuse : le Mercure, le Journal des Savants, L'Année littéraire, L'Avant-Coureur, le Journal encyclopédique et le Journal de politique. Sabatier parle en 1778 du nombre des journaux qu'il a su «soumettre au joug de sa presse» et de la «surintendance» qu'il exerce sur le journalisme. Il est difficile de savoir quelle est la part qui revient à L. dans ces journaux : financement, impression et diffusion, rédaction d'articles (critique d'art, critique littéraire ou théâtrale). On peut considérer qu'il a eu la direction des journaux suivants :

Le Salon en vers et en prose, ou Jugement des ouvrages exposés au Louvre en 1753, Paris, 1753, in-12, 39 p. (D.P.1 1199). Le premier essai de critique de L. n'a pas de lendemain mais lui assure une petite place parmi les prédécesseurs de Diderot (H. Zmijewska, «La Critique des Salons en France avant Diderot», Gazette des Beaux-Arts, juil.-août 1970, p. 85-87).

L'Avant-Coureur, «feuille hebdomadaire où sont annoncés les objets particuliers des sciences et des arts, le cours et les nouveautés des spectacles et les livres nouveaux en tout genre», Paris, 1760-1773, 14 années en 13 vol. in-8° (D.P.1 129) : le sous-titre subira plusieurs modifications légères, dues aux protestations des auteurs du Mercure, jaloux de leur privilège ; une plainte est déposée à la fin de 1765, sans succès (M.S., déc. 1765 et janv. 1766, cités par Hatin, H.P.L.P., t. III, p. 183-184). Lacombe collabore avec Meunier de Querlon et La Dixmerie, avant de devenir propriétaire et éditeur du journal qui, en 1770, est publié «chez Lacombe, libraire à Paris, rue Christine, près de la porte Dauphine». La juxtaposition de « notices courtes, simples et précises » voulues par L. se heurte toutefois à la résistance des lecteurs (D.P.1 129, p. 155). En janvier 1773, l'Avant-Coureur entre dans sa 15e année (Avertissement du n° du 4 janv. 1773) ; il s'arrête au n° 48 de la même année, le 29 novembre. Panckoucke venait d'acheter, le 4 octobre, le privilège de l'Avant-Coureur, et le joignait à celui de la Gazette de littérature obtenue le 15 octobre 1773 (Tucoo-Chala, p. 195, n. 13) ; il publie, le 11 janvier 1774, le premier numéro de Gazette et Avant-Coureur de littérature, des sciences et des beaux-arts ; dans l'avertissement, il écrit : «... le sieur Panckoucke a acquis du sieur Lacombe pour le prix de huit mille livres, tous ses droits sur l'Avant-Coureur qui désormais sera réuni et confondu avec cette Gazette de littérature». Dès la fin de janvier 1774, le journal prend en effet le titre de Gazette de littérature, des sciences et des arts. Le 5 octobre 1774, Panckoucke réunira la Gazette et le Journal de politique pour créer le Journal de politique et de littérature dont la rédaction sera confiée à Linguet.

Le Mercure de France : l'avertissement de janvier 1768 précise que la direction du journal est passée de La Place au Sieur Lacombe, libraire à Paris, quai de Conti, par «brevet» prolongé le 12 septembre 1774 (Tucoo-Chala, p. 211). L. avait pourtant déjà pris place dans la rédaction du Mercure depuis plus d'un an : c'est à lui que s'adresse Voltaire le 17 novembre 1766, pour publier sa lettre à Hume avec des notes ; les «Notes sur la lettre de M. Voltaire à M. Hume» paraissent dans le Mercure de décembre. A partir de 1768, L. est le commanditaire, le directeur, l'éditeur et le diffuseur du journal, dont il confie la rédaction à plusieurs journalistes parmi lesquels La Harpe (M.S., 10 févr. 1770, 19 sept. 1775 ; D.P.1 924) et La Porte (Collé, Journal et mémoires, p. 199-200). Le poids des pensions devait cependant grever les bénéfices du Mercure, et L. déposa son bilan en mai 1778 (Tucoo-Chala, p. 211-212 ; voir le bilan, p. 247).

Journal des causes célèbres (D.P.1 201) : L. lance en avril 1773 ce périodique promis à un très grand succès, puisqu'il dure jusqu'en 1789 et forme une collection de plus de cent volumes. Publié chez Lacombe, libraire rue Christine, il paraît à raison de 8 vol. par an (voir la Gazette de littérature, n° 45, annonces). Lacombe avait déjà publié en 1766 un Dictionnaire d'anecdotes qui rappelait la manière de Gayot de Pitaval, premier compilateur de «causes célèbres».

C'est L. qui possède à l'origine le privilège accordé par le duc de Deux-Ponts, Christian IV, «de l'établissement d'une imprimerie de deux gazettes politique et de littérature à Deux-Ponts» (Gazette des Deux-Ponts et Gazette universelle de littérature). Il distribue ces journaux à Paris et y exerce la fonction de «libraire-agent en France» du duc de Deux-Ponts. Après lui, le privilège passe à Varennes, qui le conserve jusqu'au 15 mai 1773. Voir le «Mémoire 1° pour la modération du Port par la Poste de deux Gazettes, 2° pour l'indication d'un Bureau d'abonnements à Paris chés le libraire-agent en France de S.A.S.», (Bayerisches Hauptsaatsarchiv München, Geheimes Staatsarchiv, Bayerisches Gesantschaft Paris 278), et le privilège du 20 mars 1776 pour la Gazette des Deux-Ponts et la Gazette universelle de littérature (Landesarchiv Speyer B2.225.3, f° 16) ; renseignement communiqué par J. Schlobach.

7. Publications diverses

L. fut surtout connu par le Dictionnaire portatif des beaux-arts (Estienne et fils et Hérissant, 1752), le Spectacle des beaux-arts (Hardy, 1758) et l'Histoire de Christine, reine de Suède (Stockholm et Paris, Veuve Damonneville, 1762). On trouvera la liste de ses oeuvres dans B.Un., N.B.G., Brenner et Cior 18, n° 35339-35364.

8. Bibliographie

8. M.S., B.Un., N.B.G., Tucoo-Chala. – Fétis F.J., Biographie universelles des musiciens, 2e éd., Paris, 186-1880. – Sabatier de Castres A., Les Trois Siècles de la littérature française, Gosse junior, 1778, t. III, p. 3-8. – Feyel G., l’annonce et la nouvelle, la presse d’information et son évolution sous l’ Ancien Régime (1630-1788), thèse, U. de Paris IV, 1994 ; Oxford, Voltaire Foundation, 1999