HANSEN

Numéro

387

Prénom

Friedrich

Naissance

?

Décès

1711

Selon Jöcher, Friedrich Adolph Hansen serait né à Grumbn dans le Holstein et mort en 1711.

3. Carrière

Il séjourna à Paris depuis au moins 1677 jusqu'à la fin de 1679 ou au début de 1680. Puis il se rendit en Angleterre (lettre à Leibniz, d'Oxford le 1/2 août 1680) où son séjour est attesté en 1680, 1681 et 1682.

6. Activités journalistiques

Il servit d'intermédiaire entre Leibniz et l'abbé de La Roque auquel il transmit des lettres et des mémoires insérés dans le Journal des savants (d'avril 1677 à août 1679). Pendant son séjour en Angleterre, il adressa à La Roque des lettres et extraits de livres que celui-ci publia dans le J.S. après une mise en forme.

8. Bibliographie

B.N., ms fr. 19205-19213. – Jöcher C.G., Allgemeines Gelehrten Lexicon, Leipzig, 1750-1751, 4 vol. – Leibniz G.W., Samtliche Schriften und Briefe, Reihe I, Darmstadt, 1923- et suiv. – Moller J., Cimbria literata sive scriptorum utriusque Slesvicensis et Holsati historia, Copenhague 1744, 4 vol.

GUILLART

Numéro

377

Prénom

(ou Guillard)

Naissance

?

Décès

1694

Guillart serait né, probablement autour de 1630, à Montfort l'Amaury, fils d'un officier de justice. Il mourut à Paris en 1694, avant le mois d'août (A.N., M 759).

2. Formation

On ne sait rien des études qui permirent à G. de posséder outre le latin, l'allemand et l'espagnol, une connaissance assez approfondie de l'histoire et de la géographie, assez approfondie pour en faire un spécialiste des matières diplomatiques.

3. Carrière

Employé par plusieurs grandes familles comme précepteur et mentor pour leurs fils, G. voyagea dans divers pays d'Europe d'où il rapporta de nombreux livres. La plus importante de ces missions le mena au Portugal en 1684, en compagnie de Jean-Baptiste Colbert marquis de Torcy chargé de féliciter Alphonse VI pour son accession au trône.

Les relations et les liens ainsi noués l'introduisirent parmi les plumes ministérielles et dans les cercles savants et elles le conduisirent, à la fin de 1687, au nouveau comité de rédaction du Journal des Savants. Ainsi pourvu de lettres de naturalité dans la République des Lettres, Guillart, auquel l'abbé Dubois avait demandé (entre 1687 et 1689) des mémoires sur l'histoire de l'Allemagne pour l'instruction du duc de Chartres, fut appelé en 1692 à l'académie privée de l'abbé de Choisy qui réunissait chaque mardi au Petit Luxembourg douze érudits, académiciens ou cadets de familles nobles, comme les abbés de Caumartin et de Dangeau, Fontenelle, D'Herbelot ou Charles Perrault. L'un des piliers de ces assemblées (il «y fournit seul plus que toute la Toscane» écrivait Choisy) Guillart y contribua notamment par un extrait de Grégoire de Tours, des remarques critiques sur l'Histoire de Henri II d'Antoine Varillas (sa bête noire) et une dissertation sur les ducs. Cette académie se sépara en août 1692.

4. Situation de fortune

G. aurait possédé «quelque petit bien» à Montfort l'Amaury auquel s'ajoutèrent ses émoluments de précepteur (50 pistoles pour ses mémoires destinés au duc de Chartres), une pension de 200 £ de Georges de La Feuillade, archevêque d'Embrun puis évêque de Metz, qu'il avait accompagné à l'étranger et qu'il fournissait en nouvelles de Paris, et enfin 600 £ du Chancelier Boucherat pour sa collaboration au Journal des Savants. Mais comme le notait le P. Léonard, toujours sensible aux questions d'argent, la fréquentation des grands ne conduisit pas G. à la fortune.

6. Activités journalistiques

Ignoré des histoires de la presse et des dictionnaires biographiques, Guillart a pourtant participé directement à la rédaction du Journal des Savants pendant plusieurs années. Après d'assez longues tractations au cours desquelles furent pressentis des familiers des Colbert et de Pontchartrain, le Chancelier Boucherat constitua en octobre 1687 un comité de quatre rédacteurs qui reprirent la publication du J.S. interrompue depuis janvier précédent. Aux côtés de l'abbé de La Roque, du philosophe cartésien Pierre Sylvain Régis et de Louis Cousin Président en la Cour des monnaies, Guillart se chargea des extraits des ouvrages historiques pour lesquels Cousin se serait déclaré trop peu compétent. Si dans le Journal de 1688 l'histoire fut représentée par deux fois plus de titres qu'en 1686, sa place ne changea pas par rapport aux autres matières et les extraits demeurèrent prudents : selon le P. Léonard, on reprochait à G. de ne pas publier les fautes qu'il avait relevées chez Varillas. La critique, refusée des auteurs, restait bannie des extraits.

A la mort de l'abbé de La Roque, en septembre 1691, le libraire Jean Cusson s'entendit avec le Président Cousin et reçut le privilège du Journal au début de 1692 ; sans doute défavorisé par cet arrangement, G. cessa de collaborer au périodique en septembre de la même année. Ainsi, familier de plusieurs grandes maisons et gravitant dans les cercles ministériels où il remplissait peut-être quelque office de plume, Guillart dut à son érudition et à ces patronages de devenir rédacteur du J.S. au moment où le pouvoir voulait en améliorer la qualité et renforcer son emprise sur la rédaction : sa courte expérience de journaliste porte le cachet officiel de la désignation et de la pension qui l'assimilent à un fonctionnaire de la plume.

7. Publications diverses

A part ses articles, G. ne publia pas d'ouvrage de son vivant mais il compila un gros recueil de ses corrections sur l'Histoire de Varillas qu'il offrit à Pontchartrain, et outre sa dissertation sur les ducs, et ses notes généalogiques publiées en 1861, il aurait laissé des matériaux sur la géographie ancienne et moderne qui enrichirent les portefeuilles de Gaignières et sans doute d'autres érudits.

8. Bibliographie

8. A.N., M 759 : Recueil de notes historiques et critiques (par le P. Léonard).– B.N., f.fr. 22581 : Recueil de plusieurs auteurs qui ont donné des ouvrages au public (par le P. Léonard), f° 105 ; f.fr. 24471 : Recueil de quelques nouvelles journalières de la République des lettres (par le P. Léonard), f° 13 ; f.fr. 25187 : Remarques sur les généalogies des grandes familles du règne de Louis XIV (écrites par G. en 1689, selon Robert de Gaignières).– Ars., ms. 3186 : Ouvrages de M. de Choisy qui n'ont pas été imprimés, tome Ier, f° 175 et suiv., «Journal de l'assemblée du Luxembourg», 1692.– Guillart, Les Généalogies du sieur Guillard. Suivies de Examen et réfutation par le marquis D., Paris, 1861 (publication des Remarques de B.N. f.fr. 25187).

GALLOIS

Numéro

327

Prénom

Jean

Naissance

1632

Décès

1707

Jean Gallois ou Galloys est né à Paris le 14 juin 1632, fils d'Ambroise Galloys avocat au Parlement ; il mourut le 19 avril 1707 dans son logement du Collège Royal.

2. Formation

Selon Fontenelle, il étudia la théologie, l'histoire sainte, les langues anciennes et les modernes (italien, allemand et anglais), les mathématiques, la physique et même la médecine, énumération qui validerait un jugement anonyme des années 1670 : « il ferait bien s'il ne s'arrêtait qu'à une chose » (B.N., n.a.fr. 4333, f° 68). Sa vaste curiosité empêcha G. de produire une œuvre personnelle, mais elle lui permit de devenir un intermédiaire des lettrés.

En 1668, il entra à l'Académie des sciences. Il fut secrétaire de l'Académie des sciences de 1668 à 1670 en l'absence de Jean Baptiste Duhamel. Selon Fontenelle il s'occupa des Mémoires de l'Académie des sciences en 1692 et en 1693.

3. Carrière

Il fut avant 1665 précepteur des enfants de Denis de Sallo, fondateur du Journal des savants (J.S.). Une lettre de 1672, où Thoillier se dit son ancien élève, témoigne que G. enseigna au début de sa carrière, ce qui expliquerait son entrée au service du conseiller au Parlement Denis de Sallo comme précepteur d'un de ses enfants. Cet emploi lui fut un marchepied : chez Sallo, il rencontra des lettrés ; dans ses souvenirs le chevalier de Méré rapporte ses discussions érudites avec Sallo et G., et comme son maître, auteur en 1658 de mémoires sur l'élection de l'Empereur, il aurait mis sa plume au service du ministère, si l'on retient la tradition qui lui attribue la traduction latine du traité de la paix des Pyrénées. Familier de Sallo, G. participa probablement à la publication du J.S. en 1665 ; si nous n'en possédons aucune preuve, le fait qu'en 1666 il devint le rédacteur du périodique semble le confirmer. Responsable de la publication, G. n'en reçut le privilège qu'après la mort de Denis de Sallo en mai 1669.

Ses capacités en langues et en mathématiques, ses activités de journaliste scientifique et ses protections ministérielles conduisirent G. à l'Académie des sciences en 1667 et l'introduisirent dans les cercles savants : Huet et Justel le comptaient parmi leurs amis et il fréquentait les réunions de l'abbé Bourdelot et celles de Saint-Germain des Prés où il rencontra Mabillon. Ses liens avec les savants se renforcèrent lorsque substitut du secrétaire de l'Académie des sciences, Jean Baptiste Du Hamel, de 1668 à 1670, pendant la mission de ce dernier auprès de Croissy à Aix-la-Chapelle, en Angleterre et aux Provinces-Unies, il rédigea les compte rendus des assemblées, mit au net une description de la dissection du castor réalisée par Claude Perrault, que celui-ci publia à côté de ses propres mémoires en 1669 chez Frédéric Léonard sous le titre de Description anatomique d'un caméléon, d'un castor, d'un dromadaire, d'un ours et d'une gazelle, et entra en relations avec Henry Oldenburg pour échanger des informations qui enrichiraient leurs assemblées et périodiques respectifs. Dans les années suivantes, il fréquenta aussi Huygens et Leibniz pendant leurs séjours à Paris et correspondit avec eux après leur départ.

A partir de 1670, il passa au service des Colbert : en septembre 1670, il suivit le frère du ministre, Nicolas Colbert évêque de Luçon, dans un voyage en province ; puis, après 1673, il entra dans la domesticité de Jean Baptiste Colbert, logeant en son hôtel et l'accompagnant à Versailles. Gratifié des faveurs du ministre, G. entra à l'Académie française en 1673, où il succéda à Bourzeis comme dans le prieuré de Saint-Martin de Cores reçu sans doute la même année (date confirmée par l'apparition en 1674 dans le titre du J.S. du sigle G.P.A.D.C. : Gallois Prêtre Abbé de Cores). Il fut le commensal de Colbert, son secrétaire et son conseiller pour l'érudition et les sciences. Il rassembla pour le ministre des notes et des mémoires aujourd'hui conservés dans le fonds Baluze ; après 1676, il participa auprès de Le Cointe, Du Cange, Vio d'Hérouval, Valois et Baluze au comité chargé d'étudier un projet de recueil des historiens de la France et donna des remarques sur un mémoire de Du Cange consacré à ce sujet ; en 1679, il soutint auprès de Colbert l'entreprise d'une Histoire byzantine du même Du Cange et il examina aussi pour le ministre L’Histoire critique du Vieux Testament de Richard Simon. Pour reprendre la formule de Fontenelle, il fut auprès du contrôleur général l'agent des savants et des lettrés, qu'il continuait de fréquenter dans les académies et recevait chez lui comme en témoigne Friedrich Adolf Hansen, introduit par l'abbé de La Roque en avril 1679. «Considéré d'un grand ministre» (Mercure de 1672), il pouvait espérer recevoir quelque jour la mitre. En 1682, il remplaça quelques temps Charles Perrault comme secrétaire de l'Académie royale des inscriptions dont il ne faisait pas partie, et à l'Académie des sciences. Il examina avec Jean Dominique Cassini le projet de navire submersible présenté par Roger Doligny à la fin de 1688.

Il compta de façon épisodique, de 1700 à 1707, au nombre des censeurs ; ainsi pendant sa période la plus active, de 1700 à 1704, il utilisa la formation de son état, ses capacités dans les sciences et sa connaissance, assez rare, de l'anglais pour juger des livres de religion, d'astronomie et de physique. Ses sympathies cartésiennes expliquent son examen, en octobre 1700, du Voyage du monde du P. Gabriel Daniel qui entendait rééditer cette critique du philosophe, et le commun service de Jean Baptiste Colbert le désigna pour lire le manuscrit de L’Histoire généalogique de la maison d'Auvergne où Etienne Baluze, ancien bibliothécaire du contrôleur général, avait inséré des faux qui lui valurent la disgrâce en 1710.

Après le décès de Colbert, il succéda à Carcavi comme garde de la Bibliothèque du Roi le 18 octobre 1683, mais abandonna sa charge à de Varès dès 1684. En mars 1686, il obtint la chaire de mathématiques (chaire de Ramus) au Collège royal, libérée par la mort de François Blondel, et l'échangea, dès juin de la même année, avec celle de langue grecque dans laquelle il succéda à Jean Baptiste Cotelier. Seignelay, dont dépendait l'établissement, lui continua la protection de son père, lui attribuant en 1688 la fonction d'inspecteur qu'il réunit en 1689 à celle de syndic ; ainsi jusqu'à sa mort G., chargé des questions matérielles comme de l'assiduité des maîtres, fut-il le représentant du ministère dans l'établissement. L'exercice de ces charges le conduisit à fournir à Germain Brice des mémoires sur le Collège pour la préparation de sa Description de la ville de Paris, dans laquelle se trouve un éloge de l'aménagement de l'appartement que lui valaient ses fonctions. Lorsque Pontchartrain lui confia la direction de la Librairie, l'abbé Bignon, reconnaissant ses capacités et sa fidélité, nomma G. censeur royal pour l'histoire sainte et les sciences, comme l'attestent les remises de livres aux examinateurs de 1699 à 1704.

A la même époque les registres de l'Académie des sciences témoignent de son assiduité : participations aux études demandées par le ministère, comme en 1688 l'examen d'un système de mesure des longitudes en mer, présentation de lettres adressées à la compagnie, correspondance avec Denis Papin après 1699, lecture d'extraits de journaux et de livres scientifiques, exposé de mémoires personnels tel un inventaire des merveilles naturelles de la France en 1699 et 1700. En raison de son expérience de journaliste, il reçut la direction des Mémoires de mathématiques et de physique publiés par livraisons mensuelles en 1692 et 1693, et au printemps 1701 il présida le groupe d'académiciens chargés de réformer la Connaissance des temps, dont l'Académie acquit le 19 janvier 1701 le privilège reçu par Des Vaux en succession de Jean Le Febvre, révoqué par le chancelier pour avoir calomnié l'auteur des Regiae scientiarum academiae Ephemeri-des, Gabriel Philippe de La Hire. Toutes ces activités lui valurent lors de la réorganisation de l'Académie en 1699 le poste de pensionnaire en géométrie qui le faisait siéger à droite du président et plusieurs fois la charge de directeur et de sous-directeur de la compagnie au cours des années suivantes.

Sa médiocre santé après 1699 explique la lenteur de ses examens pour la censure, en moyenne un mois et demi par ouvrage en 1700, et la mauvaise tenue du registre d'assemblée du Collège royal que son successeur comme syndic tenta de compléter. Après son décès et son inhumation auprès de ses parents à Saint-Etienne du Mont, son frère tarda à débarrasser l'appartement du Collège des meubles et des livres du défunt au grand mécontentement de son successeur.

De 1701 à 1706, bien que malade, il se rangea aux côtés de Michel Rolle pour s'opposer au calcul différentiel contre lequel il lut, parfois avec emportement, plusieurs mémoires devant l'Académie, qui ne le suivit pas.

A sa mort, il laissait à son frère une riche bibliothèque : son catalogue imprimé en 1710, qui servit d'instrument bibliographique au cours du XVIIIe siècle, compte 7950 numéros soit près de 12 000 volumes et sa vente s'étala sur quatre vacations les 14, 16, 18 et 20 décembre 1713.

Il logeait au Collège de France au moment de sa mort. Il fut syndic du Collège de France.

4. Situation de fortune

G. avait reçu avant 1669 un canonicat à Saint-Etienne des Grès, rue Saint-Jacques. A partir de 1668 il compta parmi les savants dotés d'une gratification royale récompensant successivement «son application aux mathématiques», «son travail dans l'Académie des sciences» (en 1669) et enfin « son application aux belles-lettres ». D'un montant de 1500 £ par an jusqu'en 1674, elle s'éleva à 2000 £ de 1675 à 1682. Par ailleurs il recevait 600 £ comme professeur royal et ses activités de censeur lui valaient peut-être une pension.

6. Activités journalistiques

G. publia deux périodiques, le Journal des savants et les Mémoires de mathématiques et de physique et entreprit la réédition d'une partie du premier sans pouvoir la réaliser.

Probable collaborateur de Denis de Sallo pour les livraisons de janvier à mars 1665, G. devint rédacteur en titre du J.S. à partir 1666. En tête du premier numéro, après une épître dédicatoire au roi signée de son nom, il relevait dans une préface les regrets des lecteurs devant l'interruption du périodique et promettait de rendre «un compte plus exact» des livres en s'interdisant de les critiquer. Ayant ainsi offert des gages aux puissances et aux adversaires du J.S., G. le publia très régulièrement tout au long de l'année 1666 au rythme d'une livraison par semaine, avec une interruption du début septembre au 15 novembre, vacances qui restèrent de règle jusqu'à l'adoption d'un rythme mensuel en 1724.

Les 42 numéros de 1666 présentèrent 193 livres, imprimés pour moitié à Paris et pour un tiers à l'étranger et la plupart cette même année ; parmi les autres, des livres provinciaux ou étrangers vieux d'un à deux ans voisinaient avec un assez fort lot d'éditions parisiennes de 1664 et 1665 dont les extraits provenaient sans doute du surplus des préparations de 1665. Les nouvelles que donnait le J.S., à côté des extraits, étaient surtout d'ordre scientifique (beaucoup rapportent les activités de l'Académie des sciences), contenu qui correspond au choix des livres présentés : ceux qui concernent les sciences et les arts sont les plus nombreux suivis des ouvrages historiques, la théologie et la religion n'arrivant qu'en troisième place. Infidèle aux promesses de sa préface, G. ne se contenta pas d'un simple résumé de ses lectures et bientôt de nouvelles plaintes s'élevèrent contre ses critiques : les auteurs ne concevaient pas encore qu'un compte rendu diffère d'un éloge. Irrités de la présentation de leurs ouvrages, le pasteur Claude et le P. Nouet polémiquèrent avec G. ; mécontent lui aussi, Tanneguy Le Fèvre adressa au sieur Gépé (pseudonyme burlesque formé sur le sigle Gallois Prêtre) son Journal du Journal et sa Seconde journaline dans lesquels il déniait le droit de «censurer par écrit» à qui n'avait pas publié d'œuvre personnelle et employait pour la première fois le mot journaliste pour qualifier cet auteur de « billevesées hebdomadaires» (pique de Sarrazin).

Le rythme de parution de 1666 ne se maintint pas les années suivantes ; absorbé par ses activités à l'Académie des sciences, G. donna 16 numéros en 1667 ; en 1668, mai et juin étant passés sans une seule livraison, Colbert lui ordonna une parution hebdomadaire qu'il ne respecta pas et l'année entière ne compta que 13 journaux. A partir de 1669 G. ne publia plus qu'épisodiquement le J.S. La mort de Denis de Sallo lui valut l'attribution en mai 1669 d'un privilège de douze ans, mais le priva aussi d'une probable collaboration lorsque l'intérim du secrétariat de l'Académie des sciences et le service des Colbert l'absorbaient. Ajoutons ses scrupules à ne publier que des informations de qualité (Huygens jugeait qu'il aurait pu «y mettre moins de façon»), et nous aurons cerné les raisons de l'effondrement de la parution, quatre numéros en 1669, un en 1670 et trois en 1671, et de l'augmentation dans le J.S. de la part des lettres et des mémoires presque tous fournis par l'Académie des sciences. Les érudits regrettaient ce déclin ; en témoignent Justel qui transmettait à ses correspondants le moindre bruit de reprise et cette demande d'information adressée à Malpighi depuis la Calabre : « Odo non so che disordine successo in Francia per quel Giornale, e che pero di là no se ne possano trasmetter » (9 nov. 1670).

En 1672, G. tenta de relancer le périodique mais ne publia que huit numéros et en décembre, il pressentit la collaboration rétribuée de son ancien élève Thoillier qui avait commenté Silius Italicus dans l'édition ad usum, mais le projet n'ayant pas abouti, le journal ne parut pas de toute l'année 1673. Après une livraison en janvier 1674 et dix mois d'une nouvelle interruption, G. confia sa revue à l'abbé de La Roque qui livra son premier numéro le 17 décembre 16 74 et poursuivit la publication pendant douze ans, le plus souvent à un rythme bimensuel.

G. déchargé de la rédaction resta titulaire du privilège jusqu'en avril 1679 où il l'abandonna à La Roque auprès duquel il remplit parfois le rôle de conseiller ou d'intermédiaire. En 1687, lorsque le chancelier Boucherat entendit imposer à La Roque un comité de rédaction, G. fut sollicité d'en prendre la direction, mais, n'ayant pu obtenir le retour du privilège sous son nom, il renonça.

Peu d'années plus tard, en 1692 et 1693, G. s'occupa de nouveau d'un périodique, les Mémoires de mathématiques et de physique «tirez des Registres de l'Académie Royale des Sciences», rassemblant selon les termes de la préface les petites pièces réalisées par les académiciens en hors-d'œuvre, dont la compagnie permettait auparavant la publication dans le J.S. En froid avec celui-ci depuis qu'il l'avait chargée sans son aveu de juger un problème soumis à ses lecteurs, l'Académie reçut sans déplaisir en décembre 1691 l'ordre de Pontchartrain de publier des mémoires mensuels et ses membres s'empressèrent de fournir des articles à G.

Jean Anisson, leur éditeur au titre de l'Imprimerie royale, donna douze numéros en 1692 comme en 1693, soit dix livraisons mensuelles et pour compenser les vacances de septembre et d'octobre, copiées du J.S., deux mois de publication bimensuelle (mars et déc. en 1692 ; mai et déc. en 1693). Imprimé avec soin au format in-40 sur 16 pages, sauf le dernier numéro grossi des tables annuelles, ce périodique était illustré de bois dans le texte et de hors textes en taille douce de belle qualité (10 planches en 1692 et 7 en 1693). Différents du J.S. par la quasi absence d'extraits de livres (un pour chacune des deux années, de la plume de G. et concernant des ouvrages publiés par l'Académie ou sous ses auspices), ces Mémoires lui ressemblent par le contenu des articles : touchant l'astronomie, les mathématiques, la géographie, la physique, l'organisation des animaux et des végétaux ou la médecine, ils s'apparentent aux mémoires que le J.S. recevait de Paris ou de province.

La publication cessa après la livraison du 31 décembre 1693 et en juin de l'année suivante G. rendit leurs manuscrits à ses confrères. Martin Lister dans le journal de son voyage à Paris en 1698 (Bodleian, ms. Lister 22, après H. Brown) attribue cette interruption à un manque de matière imputable au trop faible effectif de l'Académie et à la pauvreté de sa correspondance étrangère. Par ailleurs, très savants sans être spécialisés, ces Mémoires touchaient en France un public restreint et l'usage du français entravait leur diffusion à l'étranger ; dans le même temps, le succès des Acta eruditorum, véhicules de nombreux articles scientifiques prouve que le latin demeurait la langue vernaculaire de la République des Lettres.

A la fin de sa vie G. s'intéressa de nouveau au J.S. et il obtint en juillet 1698 un privilège pour le réimprimer de 1666 à 1697. Selon le P. Léonard de Sainte-Catherine, il envisageait d'enrichir cette réédition d'extraits d'ouvrages ignorés de la première publication ; en 1701, il aurait déjà réalisé 300 de ces comptes rendus et les remarques qu'il porta sur ses exemplaires du J.S. de 1665 et 1666 pouvaient préparer cette impression que la maladie ou un conflit de privilège (le droit de rééditer jusqu'en 1697 était en contradiction avec les privilèges accordés à Jean II Cusson en 1692 et en 1701) l'empêchèrent de mener à bien.

On trouve à la B.N. la première édition du J.S. sous la cote Z 4076 pour l'année 1665 (dans la première édition, contrairement à l'indication du Catalogue collectif des périodiques), et pour les années 1666 à 1792 sous la cote Z 4075. La même bibliothèque offre une collection complète des Mémoires de mathématiques et de physique sous la cote V 6358.

7. Publications diverses

Michaud reprenant Fontenelle attribue à G. une traduction latine du traité de la paix des Pyrénées (que Cior 17 transforme en version française du texte latin). Cette traduction pourrait être l'édition de l'Imprimerie royale réalisée sur l'ordre de Louis XIV pour corriger les défauts des publications antérieures : Fax initia ab Pyranaeos montes, Parisiis, ex typ. regia, 1660, in-folio. – Breviarum Colbertinum, a Joanne Gallois dispositum, Paris, F. Muguet, 1679, 3 part, en 1 vol. in-8° (la B.N. possède des exemplaires aux armes de Jean Baptiste Colbert et de son fils Jean Nicolas, archevêque de Rouen). – G. prononça des discours de réception à l'Académie française ; «Discours prononcé le 30 octobre 1678 lorsque M. l'abbé de Lavau fut receu à la place de M. de Montmor», «Discours prononcé le 26 février 1682 lorsque M. l'abbé de Dangeau fut receu à la place de M. l'abbé Cotin », «Response de M. l'abbé Gallois au Discours prononcé par Monsieur de Chamillard, Evesque de Senlis, le jour de sa réception» (7 sept. 1702). On les trouve dans le Recueil des harangues [...] dans l'Académie Française. – Les remarques de G. sur le projet de recueil des historiens de France dressé par Du Cange furent publiées dans t. III de la réédition, par Fevret de Fontette, de la Bibliothèque historique de France de Jacques Lelong, Paris, 1768-1778, 5 vol. in-folio.

8. Bibliographie

8. D.P.1 710 ; Nicéron ; Moreri ; B.Un. \ D.S.B. B.N., f.fr. 21939, Registre des ouvrages manuscrits ou imprimés présentés à M. le Chancelier. – Archives du Collège de France, C XII, dossier individuel de G. ; G II 1, Registre des délibérations (1674-1731) ; K IV a, comptabilité (gages des professeurs) ; pièce 58 c, «Etat de la dépense pendant l'année dernière 1687». – Archives de l'Institut, Académie française, I G, dossier de G. (Certificat du 6 janv. 1686 «sur la vérification de la machine du sieur d'Oligny présentée en petit»). – Inst, fonds Godefroy 275 et 284, lettres de G. à Denis II Godefroy. – B.U. Leyde, March. 7, Catalogue de Prosper Marchand. – Florence, Biblioteca nazionale centrale, mss Panciatichi 216, f° 237-238 : lettre de Thoillier à Panciatichi. – A.N., Oi 13, f° 117-119 : permission pour le Sieur Gallois de faire le Journal des sçavans ; Oi 30, f° 286 : provisions de professeur en langue grecque pour le Sieur Abbé Gallois. – B.N., f.fr. 15279, Journal d'Antoine Galland, années 1712-1713 ; f.fr. 21947, f° 15° : enregistrement du privilège du 23 juillet 1698 donné à G ; f.fr. 22582 : Recueil de plusieurs auteurs qui ont donné des ouvrages au public par le P. Léonard de Ste Catherine (note sur G., 11 févr. 1701) ; n.a.fr. 4333 : Recueil de choses diverses composé vers 1670 ou 1671 ; n.a.fr 5148 : c.r. détaillés des séances de l'Académie des sciences (11 mars 1699-20 déc. 1709). – Ars., ms. 3542-3543 : copies de lettres adressées à Du Cange ou par Du Cange. – Académie des sciences, procès verbaux, t. XIII et XX ; pochettes de séances de l'année 1701 ; dossier de G. – Clément P., Lettres, instructions et mémoires de Colbert, Paris, 1861-1882, t. V. – Fontenelle, «Eloge de Jean Gallois», Œuvres, nouv. éd. augmentée, Paris, 1742. t. V, p. 179 (base des notices de Moreri, Nicéron et B.Un.). – Brice G., Description de la ville de Paris, Paris, 3e éd. 1698, 5e éd. 1706, 6e éd. 1713. – Camusat D.F., Histoire critique des journaux (publiée par J.F. Bernard), Amsterdam, 1734. – Huygens C, Œuvres complètes, La Haye, 1888-1950. – Leibniz G.W., Sämtliche Schriften und Briefe, Reihe I, Allgemeiner politischer und historischer Briefwechsel, Darmstadt, 1923-. – Malpighi M., The Correspondence of Marcello Malpighi, éd. H.D. Adelmann, Ithaca, Cornell U.P., 1975. – Oldenburg H., The Correspondence of Henry Oldenburg, éd. et trad. A. Rupert Hall et M. Boas Hall, Madison, Wise, 1965-. – Omont H., «Privilège du Roy pour le Journal des savants, 31 mai 1669 », Bulletin de la Société de l'histoire de Paris et de l'Ile de France, 1894, p. 57-59. – Seneuze L. (éd.), Bibliotheca D. Joannis Galloys, Parisiis, apud Laurentium Seneuze, 1710. – Simon R., Lettres choisies, Amsterdam, 1730, 4 vol. – Sedillot L.A.. «Les professeurs de mathématique et de physique générale au Collège de France : troisième période 1589-1774», Bolle-tino di bibliografia e di storia delle scienze matematiche e fisiche, t. II, 1869, p. 461-510. – Lefranc A., Histoire du Collège de France depuis ses origines jusqu'à la fin du Premier Empire, Paris, 1893- – Brown H., Scientific organization in the seventeenth century, Baltimore, 1934. – Hahn R., The Anatomy of a scientific institution : the Paris Academy of sciences, 1666-1803, Berkeley, London, 19 71. – Voir également les articles sur Bignon, Comiers, Cousin, Hansen, La Roque et Sallo.

DU PIN

Numéro

277

Prénom

Louis

Naissance

1657

Décès

1719

Descendant d'une famille notable de Normandie, Louis Ellies Du Pin, est né le 17 juin 1657, fils de Louis Ellies Dupin, écuyer, et de Marie Vitard ; il était parent de Jean Racine par sa mère (Moreri). Il mourut à Paris le 6 juin 1719. L'épitaphe de son tombeau, composée par Charles Rollin, peut être encore lue dans la crypte de l'église Saint-Séverin (D.B.F.). Il usa à deux reprises du pseudonyme d'abbé de Clairval, pour signer l'Histoire d'Apollonius de Tyane (1705) et la Bibliothèque universelle des historiens (1707).

2. Formation

Après une formation domestique où son père et des précepteurs lui enseignèrent les rudiments, D. reçut une formation scolaire : admis en troisième au collège d'Harcourt, sa précocité fut vite remarquée de ses maîtres qui soutinrent ses efforts. Reçu maître ès arts à quinze ans, il adopta l'état ecclésiastique ; bachelier en théologie en 1680, il obtient sa licence puis est reçu docteur en Sorbonne le 1er juillet 1684.

3. Carrière

En octobre 1686 il fut admis à la survivance de Léon Noël dans la chaire de philosophie du Collège royal, donnant les leçons sans percevoir de gages jusqu'à la mort de son prédécesseur. A cet enseignement, à ses fonctions de commissaire dans la plupart des affaires de la Sorbonne, il ajouta une énorme entreprise d'érudition : la Nouvelle Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques. L'abbé Bignon l'adjoignit à partir de 1702 à l'équipe du Journal des savants (J.S.), fonction qu'il n'exerça que jusqu'au printemps de 1703, comme celle de censeur pour les livres religieux qu'il avait reçue en même temps. Le Brun a relevé cinq examens à son nom jusqu'au 5 janvier 1703, pour des sermons et des livres de dévotion, ses tendances jansénistes et sa condamnation de 1693 l'écartant probablement de la théologie et de l'exégèse.

L'affaire du cas de conscience mit fin à ces activités : D. se vit retirer l'examen d'un livre reçu le 20 février 1703 et, en mars de la même année, il fut exilé à Châtellerault, perdant avec ses fonctions de journaliste et de censeur, sa chaire du Collège royal et tout espoir d'entrer à l'Académie française.

Sensible à l'idée de réunion des Eglises, il rédigea un mémoire à ce propos lors du voyage de Pierre le Grand en France (1717) et correspondit en 1718 avec l'archevêque de Canterbury, William Wake, qui poursuivait le même projet. Inquiet de telles relations et désireux de ménager la cour de Rome, Dubois fit saisir ses papiers le 13 février 1719. Lafitau, évêque de Sisteron, dressa contre lui un véritable réquisitoire, dans lequel il l'accusa d'avoir commis de graves erreurs doctrinales (B.Un. ; Dictionnaire de spiritualité). Ce fut le dernier tracas de D. avant sa mort, en juin suivant.

4. Situation de fortune

Lorsque sa rapide rétractation lui eut permis de regagner Paris en octobre 1704, privé de ses emplois, il vécut de sa plume, publiant alors les trois quarts de ses ouvrages. Saint-Simon écrit : «Il fut réduit à imprimer pour vivre, ce qui a rendu ses ouvrages si précipités, peu courus, et qui enfin le blasa de travail et d'eau de vie qu'il prenait en écrivant pour se ranimer et pour épargner d'autant sa nourriture».

5. Opinions

D. est l'auteur d'une œuvre considérable où s'expriment ses sympathies pour le jansénisme gallican. Son immense entreprise historique et bibliographique, la Nouvelle Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques (5 vol. publiés de 1686 à 1691) lui attira les critiques de D. Mathou, bénédictin, sur le martyre de saint Savinien, puis celles de M. Petitdidier, qui publia des remarques critiques sur les tomes 1, 2 et 3. L'affaire s'amplifia lorsque Bossuet lui reprocha de favoriser le nestorianisme, d'affaiblir l'autorité du Saint-Siège et de prêter des opinions peu fondées aux Pères de l'Eglise. Le 16 avril 1693. Mgr de Harlay, archevêque de Paris, condamna l'ouvrage (B.N., f.fr. 21048 et 23671) ; le 1er juillet suivant, le Saint-Office le mit à l'index. D. signa en novembre 1698, avec onze autres docteurs de Sorbonne, la censure des Maximes des saints de Fénelon ; mais il manifesta surtout ses sentiments jansénistes lors de l'affaire du cas de conscience. Accusé d'avoir divulgué la consultation des docteurs de Sorbonne de juillet 1701 qui fut condamnée par le pape le 12 février 1703, et par Noailles le 22 février suivant, D. perdit ses charges et fut éloigné de Paris.

D. s'attira une autre querelle, d'ordre littéraire cette fois, en publiant les sept volumes de l'Histoire des Juifs de Basnage sans nom d'auteur, en 1710. D. avait bien procédé à quelques changements et additions ; Basnage de Beauval protesta vivement contre ce procédé qui consistait « à mutiler et à défigurer» l'œuvre d'un «auteur vivant», et donna une nouvelle édition de son ouvrage : Histoire des Juifs réclamée et rétablie par son véritable auteur : M. Basnage (Tables du Journal des savants, art. «Dupin» ; Nicéron).

6. Activités journalistiques

Connaissant sa puissance de lecture, sa facilité de plume, et sensible à un jansénisme sans obstination, l'abbé Bignon chargea en 1702 D. de réaliser pour le Journal des savants les extraits des ouvrages religieux qui formaient environ le quart des livres analysés par la revue. Déjà absorbé par ses autres fonctions, D. se déchargea d'une partie des extraits sur son ami Pierre François Bigres, lui aussi docteur en Sorbonne, qui le remplaça lorsqu'en mars 1703 son exil mit fin à sa carrière de journaliste. Il est difficile de préciser exactement de quels extraits il est l'auteur. La consultation des trois derniers volumes de la Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques du XVIIe siècle (1708) peut fournir quelques indices à cet égard, car Dupin y reprend des extraits qu'il avait écrits pour le J.S., mais aussi, d'après Nicéron, des extraits dûs à d'autres journalistes : «Une bonne partie de cet ouvrage n'a pas coûté beaucoup à M. Dupin, car il n'a fait que copier les extraits dont il parle et qui se trouvent dans le J.S. ; comme la plupart étaient de lui, il les a apparemment revendiqués comme un bien qui lui appartenait» (t. II).

Malgré sa brièveté, cette collaboration témoigne des principes qui guidaient J.P. Bignon dans le choix des rédacteurs du J.S. : outre sa puissance de travail et une érudition peu commune en matière d'histoire religieuse, D. manifestait par son hostilité au quiétisme, ses sympathies pour le jansénisme et ses ouvrages, l'attitude d'esprit éclairée sans être critique qui prévalait dans l'entourage du directeur de la Librairie.

7. Publications diverses

Attaché de1686 à 1711 à l'édition de la Nouvelle Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, D. donna pendant cette période une quarantaine d'autres ouvrages (Cat.B.N.). Cette fécondité s'étendait à plusieurs genres : théologie, droit canon, histoire, exégèse. Mais il écrivait assez rapidement, sans toujours polir les interprétations et le style avec assez de soin, ce qui lui valut attaques et condamnation. On lui doit entre autres : Dissertation préliminaire ou prolégomènes sur la Bible, Paris, 1699 et 1701, 2 vol. – Notae in Pentateuchum Mosis, 1701, 2 vol. – Histoire de l'Eglise en abrégé par demandes et par réponses, 1712. – Analyse de l'Apocalypse, 1714. – Méthode pour étudier la théologie, 1716. – Traité philosophique et théologique sur l'amour de Dieu, 1717, ouvrage qui suscita une controverse avec un auteur anonyme, à qui D. répondit dans une Continuation du Traité, 1717. – Il rédigea de nombreux articles pour les éditions de 1712 et 1718 du Grand Dictionnaire historique de Moreri. Il aida aussi Jacques Le Cointe, avec lequel il partageait son logement, pour son Histoire du règne de Louis XIII (1716-1717, 5 vol.). Il participa à la commission qui examina l'édition des conciles du P. Jean Hardouin. Il rédigea également de nombreuses éditions. On trouve la liste de ses œuvres dans les Mémoires de Nicéron (t. II, p. 25-48 ; t. X, 1er part., p. 75-77 : 2e part., p. 80-81 ; t. XIX, p. 186 et suiv.).

8. Bibliographie

Feller-Weiss ; B.Un. ; N.B.G. ; Cior 17. – Moreri, éd. 1759, t. VIII, «Pin, Louis Ellies Du». – Dictionnaire de spiritualité, t. III, col. 1825-1831, avec une bibliographie détaillée. – D.T.C., t. XXII, p. 2111 et suiv. – A.N., M 758 : recueil de notes historiques et critiques (par le P. Léonard). – B.N., f.fr. 21939-21949 : registres des ouvrages manuscrits ou imprimés présentés à M. le Chancelier. – Archives du Collège de France, CXII, Louis Ellies Dupin, Pièce 1 : nomination de D. en survivance de Léon Noël. – Histoire du cas de conscience, Nancy, 1705-1711. – Journal des savants, 13 juin 1718. – Table du Journal des savants, t. IV, 1754, p. 186 et suiv. – Le Brun J., «Censure préventive et littérature religieuse en France au début du XVIIIe siècle», Revue d'histoire de l'Eglise de France, 1975, t. II, p. 201-225.

DU BELLAY DU RESNEL

Numéro

248

Prénom

Jean François

Naissance

1692

Décès

1761

Jean François Du Bellay Du Resnel naquit à Rouen, le 29 juin 1692, d'un ancien capitaine d'infanterie, François seigneur Du Bellay, qui avait épousé une fille de commerçants dont il eut au moins un autre fils. D. mourut le 25 février 1761, à Paris où il demeurait rue Saint-Pierre, quartier Saint-Eustache en 1752 comme en 1756 (D5153 etD6739).

2. Formation

Après le collège de Rouen, ayant perdu son père en 1705, D. entra en 1710 dans la compagnie de l'Oratoire, suivi par son frère, l'abbé de Saint-Pierre. Après un an de formation à Paris il fit sa théologie à Saumur, puis étudia le droit à Boulogne-sur-Mer où il enseignait, et fut reçu docteur utroque juro. Pendant ce séjour, il fréquenta des réfugiés jacobites auprès desquels il apprit l'anglais.

3. Carrière

A partir de 1713, D. enseigna dans les diverses classes du collège de Boulogne-sur-Mer dont l'évêque, son parent, le pourvut en 1720 d'un canonicat. Ce bénéfice fournit à D. l'impulsion pour une carrière dans les institutions littéraires et ecclésiastiques : grâce à son échange contre un siège au chapitre de Saint-Jacques-de-l'Hôpital (rue Mauconseil) en 1724, il put s'installer à Paris où la faiblesse de ses bronches entrava ses essais comme prédicateur. En revanche il commença à fréquenter les milieux mondains, noua des relations avec Voltaire dès son retour d'Angleterre et publia en 1730 une traduction en vers de Pope qui lui valut plusieurs charges officielles. D. fut choisi en 1731 par l'Académie des Inscriptions, comme associé en remplacement de l'abbé François Paris radié pour absentéisme ; en 1742, il fut élu à l'Académie française ; enfin il devint pensionnaire aux Inscriptions en 1756. Ces distinctions honoraient autant le traducteur que l'agent de la direction de la Librairie, où il était entré comme censeur, avant de participer à la rédaction du Journal des savants en 1731. Des charges ecclésiastiques s'ajoutèrent à ces fonctions éditoriales et académiques : il obtint l'abbaye de Sept fontaines au diocèse de Reims, en décembre 1733, par la protection du duc d'Orléans, et le prieuré de Saint-Pierre de Brégy : l'évêque de Toulon le nomma vicaire général et il fut conseiller-commissaire d'une chambre ecclésiastique.

4. Situation de fortune

Homme «qui cherche à faire sa fortune» selon Voltaire (D916, 22 sept. 1735), D. réunit diverses pensions : du duc d'Orléans à la suite de sa traduction de Pope, de l'Académie des Inscriptions, du bureau de la censure, du Journal des savants, de l'Académie française, sans compter ses bénéfices ecclésiastiques.

5. Opinions

Manifestant la sagesse et «l'esprit de tolérantisme» propres à charmer Voltaire, D. fut attaqué à la suite de sa traduction des Principes de la morale et du goût de Pope. « Le péché originel ne trouve pas son compte dans cet ouvrage», écrivait Voltaire (D916), qui soutint vivement un ami, censeur complaisant (D609 ; 5153).

6. Activités journalistiques

En 1731, l'abbé Bignon appela D. à la rédaction du Journal des savants pour remplacer Louis Mangenot. Il lui aurait été recommandé par le P. Rouillé, par la suite responsable des Mémoires de Trévoux. D. collabora avec Andry, Burette et Héricourt, survivants de l'équipe animée par Jean Paul Bignon entre 1702 et 1714 ; ses capacités semblent l'avoir désigné pour les extraits des livres en anglais, des ouvrages religieux et peut-être de belles-lettres. L'abandon de « ce quart de gloire» (Voltaire, D771) en 1736, pourrait résulter de la réduction de la pension versée par le libraire Chaubert à la rédaction, 1800 £ au lieu de 2400. Le témoignage de Le Beau dans son Eloge de deux participations successives de D. au Journal, trouve confirmation dans une lettre où Voltaire le remercie pour un extrait des Eléments de la philosophie de Newton dans le Journal de juin i738 (Di559) : D. y conserva ses entrées, ou collabora comme surnuméraire après son départ de la rédaction.

7. Publications diverses

Seuls un panégyrique de Saint Louis de 1732, et un autre du duc de Berwick prononcé la même année à l'Académie française, témoignent de la carrière oratoire de D., qui se distingua par trois traductions de Pope. La première, L’Essai sur la critique, parut en 1730 à Paris ; Voltaire qui en avait corrigé la version (D367) l'annonça dans la 22e Lettre anglaise. La deuxième, celle de L’Essai sur l'homme, sortit en 1731 de presses d'Utrecht. Enfin, les Principes de la morale et du goût, publiés à Paris en 1737, suscitèrent une longue polémique (voir Audra), aliment d'un succès dont témoigne une impression in-12 cette même année, deux fois rééditée en 1738. Quatre dissertations académiques qu'il consacra à la situation des poètes dans l'Antiquité et à l'utilisation de leurs œuvres pour la divination parurent dans les Mémoires de l'Académie des Inscriptions (t. X, 1731-1738 ; t. XIII, 1734-1737 ; t. XIV, 1738-1740 ; t. XIX, 1744-1746). Enfin L’Extrait de l'Essai sur la peinture, la sculpture et l'architecture en 14 p. in-8° datées de 1751, qui figure au Cat.B.N., n'est qu'un tiré à part de l'article publié sous ce titre dans le Journal des savants de décembre 1751.

8. B.Un. ; D.B.F. ; Cior 18. Gallia christiana, Paris, 1715-1865, réimpr. Farnborough, 1970, t. IX. – Le Beau C, «Eloge de l'abbé Du Resnel», Histoire et Mémoires de l'Académie des Inscriptions, t. XXXI, 1761. – Voltaire, Correspondence, éd. Besterman. – Audra E., Les Traductions françaises de Pope (1717-1823), Paris, 1931. – Barret-Kriegel B., Les Académies de l'histoire, Paris, 1988. – Maury A., L'Ancienne Académie des Inscriptions, Paris, 1864.

DENIS

Numéro

220

Prénom

Jean Baptiste

Naissance

vers 1640

Décès

1704

De la jeunesse de Jean Baptiste Denis, né vers 1640, nous ne savons rien, et sa parenté avec Claude Denis, fontainier à Versailles, établie sur une homonymie (Det; D.S.B.) est infirmée par les actes notariés. Il mourut à Paris, le 3 octobre 1704.

2. Formation

Son titre de docteur en médecine n'est confirmé ni par les matricules de la faculté de Montpellier, ni à Reims pour des «lettres de médecine», ses seuls diplômes acquis au cours de l'hiver 1667, selon un de ses adversaires. Ses conférences et son Discours sur les comètes suivant les principes de M. Descartes lui ouvrirent les portes de l'académie réunie par Habert de Montmor, avant 1667.

3. Carrière

Les premiers documents qui nous parlent de lui le montrent établi conférencier au moins dès 1664: chaque samedi, à son domicile de ce quai des Grands Augustins fréquenté par les amateurs de gazettes et de nouvelles à la main, il donnait à partir de quatorze heures une conférence publique de physique, mathématique et médecine, semblable par son organisation et ses sujets à celles que Fontenay ou Rohault dispensaient depuis quelques années. Sur un sujet proposé par un auditeur, ou «envoyé de divers endroits de l'Europe», le conférencier présentait un état de la question et donnait la parole à chaque contradicteur auquel il s'efforçait de répondre immédiatement. Il traita ainsi de questions d'astronomie (l'instabilité du firmament, la taille apparente de la lune sur l'horizon, les comètes à l'occasion de celle de 1665); de sujets d'anatomie et de médecine (la fonction de la rate, les parties du coeur); de curiosités, comme l'ambre ou la rosée de mai.

A la différence de Renaudot ou de Richesource qui exposaient une science facile et populaire, D. traitait des mêmes sujets que les cercles savants, comme l'académie Montmor. Il y noua des relations suivies avec Henry Justel et l'abbé Bourdelot; le premier l'initia aux travaux des Anglais et l'introduisit auprès d'Henry Oldenburg, et il fréquenta vers 1672 les réunions du second, après la disparition de cette académie.

Lorsqu'en 1667 l'Académie des Sciences décida de renouveler les expériences de transfusion sanguine réalisées à Londres l'année précédente, Habert de Montmor l'imita et il chargea D. et un habile chirurgien, Paul Emerez, de poursuivre ces expériences devant les amateurs qu'il réunissait de nouveau. Les compte rendus que D. publia sous forme de lettres adressées à Montmor, Sorbière ou Oldenburg nous apprennent qu'après avoir répété et amélioré les essais londoniens sur des chiens, les deux expérimentateurs passèrent à des veaux puis réalisèrent des transfusions d'un animal (agneau ou mouton) à un homme, qui après la guérison d'un jeune homme affaibli et le renforcement d'un homme déjà vigoureux, se terminèrent par la mort suspecte du quatrième patient. L'enquête révéla que le malade avait été empoisonné par son épouse et le lieutenant criminel soumit en avril 1668 toute nouvelle transfusion à l'autorisation de la Faculté de médecine, hostile à la théorie circulatoire, ce qui fermait la voie aux expérimentateurs.

Ces expériences, comme les conférences qu'il donna au moins jusqu'en 1672, permirent à D. d'asseoir sa réputation auprès du public et face à la Faculté de médecine de Paris qui entravait l'exercice des médecins de province, ce que D. surmonta en acquérant, avant 1671, une charge de Médecin ordinaire du roi.

Par ailleurs la publication d'une vingtaine de brochures à propos de ses transfusions (dont quatre de sa plume) lui montra l'avidité du public pour les nouvelles scientifiques. Il répondit à cette attente en donnant un Discours sur l'astrologie judiciaire et en lançant un périodique lorsque l'abbé Gallois, absorbé par le service de Colbert, négligea la publication du Journal des Savants (J.S.). Dans la deuxième version de sa revue publiée sous le titre de Conférences, Denis versa outre des mises en forme des séances du Quai des Grands Augustins, le compte rendu des expériences de son eau styptique, un hémostatique qui lui valut d'être appelé en Angleterre en juin 1673, où le gouvernement de Charles II, alerté par un mémoire des Philosophical Transactions, lui fit répéter ses démonstrations avant de lui commander assez de son remède pour satisfaire aux besoins de la flotte qui s'armait contre les Néerlandais. Après un court séjour à Paris, fin 1673-début 1674, au cours duquel il donna les derniers numéros de ses Conférences, D. retourna en Angleterre au printemps de 1674 et y exerça quelques temps son art.

A partir de ce moment les témoignages à son sujet se font rares: à part une nouvelle publication en 1683 dans laquelle il promettait de donner bientôt un système des fièvres qui ne parut jamais, et son installation, au plus tard en 1687, rue d'Anjou, ce qui avec l'absence de mention dans le Livre commode de Blégny (1692) laisse supposer la fin de ses conférences publiques, on ne sait rien de lui jusqu'à sa mort.

5. Opinions

Les idées exposées par D. dans ses conférences et les livres qui les prolongèrent justifient partiellement l'étiquette de philosophe cartésien que lui décernèrent ses contemporains. Les sujets ou les arguments de conférences consacrées à la végétation des plantes, à l'instabilité du firmament ou à la digestion renvoient à Descartes, mais lorsqu'il veut démontrer l'absence d'influence des comètes ou l'inanité de l'astrologie judiciaire, il présente les diverses théories à ce propos, dont celle de Descartes. Ses écrits sur la transfusion renvoient autant à une pensée mécaniste qu'à une pratique d'expérimentateur et la répétition des tentatives en 1667 et 1668 servit à satisfaire une curiosité scientifique, partagée avec les membres du cercle Montmor, comme à appuyer la réputation d'un traitement et de son divulgateur: chez D. le philosophe se double d'un «virtuoso» et la recherche expérimentale n'est pas éloignée d'un souci commercial.

6. Activités journalistiques

Denis avait donné entre 1665 et 1668 deux de ses conférences en petits volumes et six de ses lettres sur la transfusion dont deux dans le Journal des Savants et quatre en opuscules d'une douzaine de pages tous imprimés par Jean Cusson; ces publications lui firent mesurer l'intérêt du public pour les comptes rendus scientifiques et le goût de certains libraires pour les brochures faciles à éditer et à écouler.

D. profita des années de langueur du J.S. pour publier le premier de chaque mois un périodique qu'il accompagna, tous les quinze jours, d'un extraordinaire: composé de douze pages in-quarto, presque toujours illustrées d'une planche de Pierre Giffart qui gravait au même moment le recueil des médailles du Cabinet du roi, les Mémoires concernant les arts et les sciences sortirent des presses de Frédéric Léonard à partir du 1er février 1672. La présentation de ces Mémoires au Dauphin et leur réalisation par l'imprimeur des ouvrages ad usum depuis 1670 montrent que D. et Léonard cherchèrent à réfléchir sur ce périodique le prestige des publications delphiniennes.

En tête de son premier numéro le journaliste affirmait ne pas vouloir répéter ce qu'avait jusque-là publié le J.S., ce qui sous la déférence envers un confrère laissait entrevoir un programme comparable. Autorisé par son privilège du 6 janvier 1672 à imprimer des mémoires scientifiques, des pièces curieuses et la traduction des Philosophical Transactions comme du Giornale de' Letterati, le rédacteur consacra pourtant presque entièrement son premier numéro à des extraits de livres dont il indiquait les dépositaires parisiens. Bien qu'il s'en défendît, Denis plaçait sa revue dans la mouvance du J.S. dont il cherchait à capter le public en se situant dans son prolongement par l'annonce de la traduction des parties des journaux étrangers inédits en français.

Les lecteurs ne s'y trompaient pas; ainsi Henry Justel écrivit au Toulousain Samuel de Fermat, le 6 février 1672, qu'il s'agissait d'un «journal déguisé» né de l'abandon de l'abbé Gallois, et le comparant au J.S. dans une lettre à Panciatichi du 24 février suivant, Émery Bigot jugea: «c'est un dessein quasi semblable et qui ne diffère qu'au titre». De fait les deux périodiques se ressemblent non seulement par la forme des articles et les thèmes abordés, mais plusieurs sujets se retrouvent dans les deux revues: le J.S. du 29 février 1672 et les Mémoires publiés le lendemain, mardi 1er mars, présentèrent le nouveau télescope de Newton, chacun par un article accompagné d'une illustration. Au delà des similitudes, leurs différences prouvent qu'il ne s'agit pas d'un plagiat de la première revue par la seconde mais de l'exploitation d'une source commune, lettre, mémoire ou opuscule récemment parvenu d'Angleterre.

Cette similitude de champ et de forme conduisit Gallois à intervenir; Leibniz présent à Paris de 1672 à 1674 en témoigna dans une lettre de 1678: «M. Denys fut obligé de changer ses mémoires en conférences, à cause du privilège de M. Galloys auquel ces mémoires estoient contraires». D. publia un dernier numéro des Mémoires le 11 juin 1672, un samedi sans doute pour atteindre les lecteurs du J.S. qui paraissait le lundi et bien marquer sa situation par rapport à celui-ci.

Il transforma alors sa formule et donna le titre de Conférences présentées à Monseigneur le Dauphin un périodique, le plus souvent mensuel, de même format et volume que les Mémoires, qui offrait à côté du texte de certaines de ses assemblées du samedi, quelques lettres ou mémoires de savants italiens qui pourraient avoir été transmis par l'abbé Bourdelot, lui même auteur de deux lettres. Cette nouvelle revue véhicula aussi une publicité pour les conférences de D. et pour son eau hémostatique dont les démonstrations remplirent les onzième et douzième livraisons.

Le premier séjour de D. en Angleterre entraîna, de la fin d'avril au 15 décembre 1673, une interruption de la revue qui cessa après le quatorzième numéro du 1er février 1674 lors du second voyage du rédacteur outre Manche. Par la suite, en 1683, il présenta comme une quinzième livraison des Conférences un mémoire imprimé par Laurent D'Houry, libraire spécialisé dans les ouvrages médicaux, qui discutait des vertus thérapeutiques d'une fontaine polonaise et du quinquina; mais il n'en donna pas d'autre et ne souscrivit pas au projet de dialogues mensuels que l'abbé Bourdelot lui présenta vers la fin de la même année.

Il en fut peut être dissuadé par l'attitude de l'abbé de La Roque envers ses concurrents: sortant d'une lutte contre Nicolas de Blégny (que Bourdelot avait soutenu), il tentait de prolonger son J.S. par un Journal de médecine, lancé en février, et par des recueils périodiques de pièces curieuses dont il exposa en mai le projet à Huygens. Une intervention du rédacteur du J.S. pourrait expliquer l'existence de deux impressions de ce mémoire, l'une intitulée Quinzième conférence, l'autre seulement Conférence, supprimant ainsi l'allusion à une reprise de l'ancien périodique; par ailleurs le titre de la réédition de ce texte en 1687, Relation curieuse d'une fontaine découverte en Pologne, abandonna toute référence au recueil antérieur.

Très largement inspirés du J.S. et reçus comme son remplaçant, les Mémoires concernant les arts et les sciences connurent dès 1672 la consécration d'une contrefaçon à Bruxelles chez Eugène-Henry Fricx qu'imitèrent en 1673 à Amsterdam Pierre Michel et Pierre Le Grand dont l'ajout au titre de la mention «qui y continue le Journal des Savants» fit admettre que ces Mémoires constituaient un supplément du Journal. Leur adjonction à la réédition in-4° des années 1672 à 1675 de ce dernier réalisée par Pierre Witte au début du XVIIIe siècle accrédita cette idée auprès des bibliographes du siècle suivant et encore des rédacteurs du Catalogue collectif des périodiques (voir D.P.1 1177). Sources de revenus, ses périodiques furent aussi pour D. un moyen d'annoncer au public ses conférences et ses remèdes et de se faire connaître du monde savant; cela le rattache à un groupe de journalistes pour lesquels la publication d'un périodique prolongeait des activités médicales ou des conférences publiques.

7. Publications diverses

Outre deux périodiques, D. a publié des articles, des opuscules et un petit ouvrage qui correspondaient tous à une actualité. Lors du passage de la comète de 1665, il participa au flot d'ouvrages qui analysaient le phénomène ou discutaient de son éventuelle influence en donnant un texte issu de ses conférences dont trois libraires se partagèrent le tirage: Discours sur les comètes, suivant les principes de M. Descartes, Paris, C. Savreux (et aussi J. Guignard et P. Promé), 1665. Le numéro du 1er avril 1672 des Mémoires concernant les arts et les sciences en annonça une réédition qui ne semble pas avoir paru.

Denis rendit compte de ses premières expériences de transfusion sanguine dans deux courtes lettres publiées par le J.S. le 14 mars et le 25 avril 1667; par l'intermédiaire de Justel, Oldenburg publia une traduction de cette dernière dans les Philosophical Transactions du 6 mai 1667. La parution au début de l'été suivant d'un livre du médecin Claude Tardy sur la transfusion, que le J.S. présenta dans son numéro du 13 juin, incita probablement D. à publier chez Jean Cusson, l'imprimeur du J.S., son premier opuscule sur le sujet: la Lettre escrite à M. de Montmor par J. Denis [...] touchant une nouvelle manière de guérir plusieurs maladies, in-4° de 15 pages daté du 25 juin. La suivirent en 1668 la Lettre escrite à M***, par Jean Denis touchant une folie invétérée qui a esté guérie depuis peu par la transfusion du sang (12 pages in-4°), la Lettre écrite à M. Sorbière [...] touchant l'origine de la transfusion du sang (12 pages in-4°) et enfin la Lettre écrite à M. Oldenburg [...] touchant les différentz qui sont arrivez à l'occasion de la transfusion du sang (12 pages in-4°), tous trois chez le même libraire. Ces quatre ouvrages, comme le Discours sur l'astrologie judiciaire et sur les horoscopes, Paris, Jean Cusson, 1668 (une autre édition chez C. Savreux en 1669) invoquent, sans le dater, un privilège qui pourrait être celui accordé à leur auteur le 20 juin 1667, pour des cours et divers opuscules de médecine que D. ne présenta que le 25 octobre 1668 à l'enregistrement de la Chambre syndicale des libraires.

Les Mémoires comme les Conférences furent contrefaits dès 1672 à Bruxelles, puis à Amsterdam avec quatre tirages en 1673, 1678 et 1682. A Paris, Laurent D'Houry réalisa en 1682 un réassortiment de la collection des deux périodiques auxquels il ajouta, en 1683, un mémoire publié sous deux titres différents. Enfin, en 1729, Jean Baptiste Delespine entérina la manipulation hollandaise en fondant les deux périodiques de D. dans une réédition intitulée Supplément du Journal des savants.

8. Bibliographie

Moreri, éd. 1759 – D.P.1 1177, «Recueil des Mémoires et Conférences (1672-1674)». – Florence, Bibl. Nazionale Centrale, Panciatichi 216, Lettere erudite di diversi. – B.N., f.fr.21945: enregistrement à la Chambre syndicale des privilèges accordés par le Chancelier. – B.M. Toulouse, ms. 846: lettres de Justel à Fermat. – Astruc J., Mémoires pour servir à l'histoire de la Faculté de Médecine de Montpellier, t. V, Paris, 1767. – Bayle P., Oeuvres diverses, t. I, Amsterdam [Trévoux], 1737. – Guiffrey J., Comptes des bâtiments du Roi sous le règne de Louis XIV, Paris, 1881-1901. – Huygens C., Oeuvres complètes, La Haye, 1888-1950. – La Martinière P.M. de, Remonstrances charitables du Sieur de la Martinière à Monsieur Denis, Paris, 1668. – Le Gallois P., Conversations de l'Académie de Monsieur l'abbé Bourdelot, Paris, 1672. – Leibniz G.W., Sämtliche Schriften und Briefe, Reihe I, Allgemeiner politischer und historischer Briefwechsel, Darmstadt, depuis 1923. – Oldenburg H., The Correspondence of Henry Oldenburg, Madison, Wis., depuis 1965. – Barroux M., Les Sources de l'ancien état-civil parisien, Paris, 1898. – Brown H., Scientific organisations in seventeenth century France, Baltimore, 1934. – Id., «Jean Denis and transfusion of blood. Paris 1667-1668», Isis, t. XXXIX, 1948, p. 15-29. – Det A.S., «Le médecin Denis, l'un des inventeurs de la transfusion du sang», Mémoires de la société académique d'agriculture de l'Aube, 1892, p.307-312. – D.S.B., «Denis Jean-Baptiste» par Hebel E. Hoff. – Dupâquier J., Statistiques démographiques du Bassin parisien (1636-1720), Paris, 1977.

COMIERS

Numéro

189

Prénom

Claude

Naissance

?

Décès

1693

Né à Embrun, à une date inconnue, Claude Comiers mourut à Paris en octobre 1693, à l'Hôpital des Quinze-Vingts où aveugle il s'était retiré en 1690.

2. Formation

Il participa au cercle académique de Jean Baptiste Lantin à Dijon. Reçu dans les cercles savants de la capitale, il s'y lia à Henry Justel et à Nicolas Hartsoeker et participa en mai 1681 aux conférences académiques organisées par Nicolas de Blégny au cours desquelles il expérimenta, avec regret, que le corail rouge gardait sa couleur au cours d'une ébullition dans de la cire blanche. Il fréquenta aussi l'Observatoire où il assista, avec ses élèves, à l'étude d'une éclipse en décembre 1685.

3. Carrière

Les plus anciens renseignements sur C. nous le montrent à la recherche d'une position et d'un protecteur. Au cours de la Fronde, il servait le marquis de Saint-André Montbrun, maréchal de camp, lieutenant général et gouverneur du Nivernais pour lequel il se rendit, en 1652, au nom du roi au Fort l'Ecluse en Bugey. Il y occupa ses loisirs à des expériences d'optique pour lesquelles il fit exécuter des instruments à Genève. Il séjourna ensuite à Lyon où il rencontra en 1653 le cardinal Alphonse de Richelieu frère du ministre. En 1654, une maladie l'empêcha d'accompagner le Père Alexandre de Rhodes, jésuite avignonnais, premier missionnaire du Tonkin, qui se rendait en Perse. Demeuré au service de Montbrun qui le dota en 1655 de la prévôté du chapitre de Ternand (proche de Villefranche-sur-Saône), il participa en 1660 à ses côtés aux négociations avec le comte de Dohna, gouverneur d'Orange, ville que Louis XIV entendait occuper pendant la minorité de Guillaume-Henri de Nassau, et il dissuada une délégation des protestants cévenols de répondre aux demandes d'aide de Dohna. Dans le même temps il avait commencé à enseigner comme précepteur de jeunes nobles étrangers (ainsi le fils du marquis de Nocle-Sommeldicks), activité qui le mena au journalisme. D'environ 1656 jusqu'en 1665, il s'occupa de théologie tout en continuant de s'intéresser aux mathématiques. Cela le conduisit chez l'érudit dijonnais Jean Baptiste Lantin, éditeur de Sau-maise, ami d'Henry Justel, assidu du Cabinet Dupuy et de l'Académie Bourdelot lors de ses passages à Paris, et qui réunissait à Dijon un cercle savant composé surtout de magistrats comme Jean Bouhier ou Philibert de La Mare. C. y présenta un microscope de sa fabrication en 1655 et en 1664 il y montra un miroir ardent, instrument mis à la mode par les expériences du Lyonnais Villette. A cette époque, il se lia avec Moreri et La Poterie qui l'honorèrent de quatrains et il rencontra Mariotte chez Lantin, qui peut-être l'introduisit auprès de ses relations parisiennes. En 1665, exploitant le passage d'une comète, il publia à Lyon son premier ouvrage La Nature et présage des comètes, puis après 1670 il quitta la province pour Paris où il continua d'enseigner, de présenter des démonstrations et de publier, activités qui le firent entrer dans les milieux scientifiques parisiens. Il fournit des extraits et des mémoires à plusieurs périodiques scientifiques ou mondains et s'occupa tout particulièrement de machines. En 1676 il en présenta plusieurs à l'Académie des sciences, la plupart simplement irréalisables, fait caractéristique de cette époque d'engouement pour la mécanique envisagée seulement sur le papier. Cette connaissance des machines l'amena à fréquenter Hubin, émailleur et orfèvre qui fabriqua des machines pour le roi, et à assister à ses expériences sur le vide en septembre 1684. En 1680, il se rendit probablement en Ecosse, après quoi il donna en postface à la traduction du Digesteur de Denis Papin une version simplifiée de cet appareil (1681) et servit d'interprète en 1682 entre Seignelay et des Anglais inventeurs d'une nouvelle pompe utilisable sur les bateaux. Devenu aveugle avant 1689, il se retira aux Quinze-Vingts et publia jusqu'à sa mort des articles et des plaquettes, poursuivant la vulgarisation mondaine d'un savoir préscientifique qui lui avait permis de s'élever de la fréquentation des érudits provinciaux jusqu'aux cercles savants parisiens.

6. Activités journalistiques

A Paris, sa collaboration à des périodiques, successivement le Journal des savants (J.S.), les Nouveautés journalières et le Mercure galant, va de pair avec ses cours ou conférences et lui ouvre l'accès aux cercles curieux et aux assemblées savantes.

Une lettre de Henry Justel à Samuel de Fermât du 25 février 1679 nous apprend que C. réalisait les extraits des livres de mathématique pour le J.S., témoignage précieux puisqu'il identifierait l'auteur de près du tiers des extraits de livres à une époque où seuls les mémoires publiés par le J.S. sont signés. C. divulgua aussi les machines qu'il avait présentées à l'Académie des sciences dans huit articles illustrés de tailles douces de mai à septembre 1676, à quoi s'ajoutent quelques contributions en 1676 et 1677: un secret pour rendre les corps imputrescibles, un avis d'astronomie et deux mémoires de géométrie. Tous ces textes témoignent d'un esprit entiché de curiosités et de chimères, ces machines sont irréalisables et ces problèmes appartiennent aux lieux communs de la géométrie; vulgarisateur et démonstrateur mondain et non savant, C. vise la renommée par l'accumulation des publications qu'il cite de l'une à l'autre.

Ses problèmes lui valurent les réponses de deux mathématiciens célèbres : d'une part Vincenzo Viviani dernier disciple de Galilée publia en 1677 à Florence Enodatio problematum universis geometris propositorum a clarissimo, ac reverendissimo d. Claudio Comiers, in-40 de 63 p. consacré à la trisection de l'angle par la cycloïde qui fut analysé dans le J.S. du 15 mai 1679, et resta cité jusqu'au XXe siècle parmi les œuvres notables de Viviani; d'autre part Jacques Ozanam, membre de l'Académie des sciences, qui donna en 1681 une plaquette in-4° intitulée Réponse [...] au problème de géométrie, qui a été proposé [...] par M. Comiers.

Cette collaboration au J.S. commencée au plus tard en 1676 avec la publication des machines s'acheva avant septembre 1680 date d'une contribution de C. aux Nouveautés journalières concernant les sciences et les arts, le troisième périodique de Nicolas de Blégny. L'article publié dans les Nouveautés journalières du 7 septembre 1680 sous forme d'une lettre au rédacteur marque une rupture avec La Roque ; sous couvert d'un éloge de Blégny, C. y énumère les défauts que celui-ci ne partage pas : travaillant plus pour les autres que pour lui-même il n'est pas de ceux qui monnaient contre des livres, des maquettes et des présents, leur pouvoir d'établir une réputation. Cette accusation de cupidité, qui ne pouvait désigner que l'unique concurrent et adversaire de Blégny, rejoint les remarques de Leibniz, dans une lettre de novembre 1678 au duc Johann Friedrich de Brunswick, où il compare La Roque se laissant faire la violence d'une gratification à la servante de Georges Dandin qui refuse un présent, mais tend son tablier derrière elle. Cette lettre fut la seule contribution aux Nouveautés journalières dont Blégny cessa la publication en octobre 1680 pour repasser de l'in-4° à l'in-12 avec le Journal des nouvelles découvertes, commencé en janvier 1681, auquel C. collabora chaque mois de mars à novembre, sauf en août. Les cinq articles qu'il y signa sont consacrés soit à des sujets d'ordre médical, recettes pour pétrifier les corps poreux et secs, pour cuire des viandes, pour extraire des os une gelée nourrissante ou discussion de l'effet pathogène des comètes, soit à des observations de physique comme l'expérience sur le corail rouge réalisée par C. dans la conférence du 9 mai 1681 de l'Académie de Blégny dont la relation introduisit cinq livraisons d'une «Philosophie des couleurs» sujet sur lequel Mariotte travaillait à la même époque.

En même temps qu'il publiait ces articles dans le Journal des nouvelles découvertes de Blégny, C. commença à collaborer en juin 1681 au Mercure galant avec une dissertation consacrée aux miroirs ardents et il lui donna des textes très régulièrement jusqu'à sa mort : on en compte près de trente dei68iài693. Selon la convention du Mercure ils prennent le plus souvent la forme de lettres supposées, mais ce sont aussi des dissertations et des traités divisés en plusieurs livraisons (une douzaine pour un « Traité des lunettes » dont la parution s'étala sur trois ans de juillet 1682 à mai 1685) et souvent des tailles douces les accompagnent pour montrer instruments, monstres ou découvertes archéologiques. Cette abondante production peut s'ordonner autour de quelques thèmes: la physique et la mécanique comme «L'homme artificiel anémoscope» en mars 1683, la «Lettre [...] contenant [...] tout ce qui concerne les jets d'eau » dans l'Extraordinaire d'avril 1688 ou la «Lettre astronomique à M. le Marquis de Nocle-Sommeldicks, sur l'éclipsé de lune du 10 décembre 1685»; avec le «Traité des phosphores» de juin et juillet 1683, prolongé par un article dans les Acta erudito-rum de 1684, et la «Lettre sur la vitrification» de mars 1687, on touche la chimie; enfin le «Calendrier perpétuel et invariable » ou « La baguette justifiée » de mars 1693 relèvent des curiosités.

Une étude plus attentive de ces articles révèlent chez C. le souci de traiter des sujets à la mode : une gratification du roi et l'achat d'un de ses miroirs pour l'Observatoire avaient attiré l'attention sur l'ingénieur lyonnais Villette en 1680 et C. profita de sa venue à Paris en juin 1681, annoncé par Blégny dans son Journal des nouvelles découvertes, pour publier sa « Dissertation sur les miroirs ardens » ; de même le début de la publication du «Traité sur les lunettes» en juillet 1682 peut-il être rapproché de la visite du roi à l'Observatoire en mai de la même année et la «Lettre contenant toutes les machines anciennes et modernes pour élever les eaux» d'avril est contemporaine de l'achèvement de la machine de Marly et d'une série de mémoires et d'extraits de livres publiés sur le même sujet dans le J.S.

7. Publications diverses

Les ouvrages de C. se regroupent sous deux thèmes: la vulgarisation d'une physique de salon et les curiosités. Au premier se rattachent la présentation d'instruments d'optique (lunettes, miroirs ardents) ou de physique (anémoscope ou baromètre d'Otto de Guericke, et machines diverses) et de remèdes, tous ouvrages prétendant exposer des connaissances scientifiques dans un but pratique. Le second comporte des publications justifiant les pouvoirs de la baguette de sourcier et son usage par médium pour découvrir des criminels et un recueil de quatrains divinatoires. Ces choix trahissent une attitude préscientifique que confirme le traitement des preuves: beaucoup de ces ouvrages offrent un centon de témoignages ; déplaçant à la physique une démarche scolastique, C. forge des chaînes de citations dont la validité est fonction de la qualité du témoin, le passeport au royaume de ouï-dire. Il arme ses écrits de références mondaines, le trait d'esprit d'un maréchal de France cité dans La Nature et présage des comètes (exemple de contamination du rang social relevé par Gaston Bachelard), un remède du chancelier Le Tellier rapporté dans La Médecine universelle, la qualité du cité validant l'information et rejaillissant sur l'auteur. Cette démarche analogique sous-tend aussi les démonstrations de C. : ici l'image virtuelle obtenue au miroir ardent expliquerait la nature des comètes, là une baguette dont le bois a poussé sur des mines possède la vertu d'en déceler les métaux, enfin on a observé la transmission de la goûte par le fauteuil d'un goûteux et la délivrance par la combustion du meuble. Joignant un goût pour la construction d'instruments à une démarche analogique C. s'apparente aux amateurs de cabinets de curiosités, ses lecteurs, et rappelle les démarches de certains de ses contemporains académiciens. A partir de la compilation des catalogues de la B.N., de la B.L., de la National Union et de la Herzog August Bibliothek de Wolfenbüttel on a pu dresser cette chronologie des livres de C. : La Nature et présage des comètes, Lyon, 1665. – La Duplication du cube, la trisection de l'angle, et l'inscription de l'heptagone régulier, Paris, 1677. – Le Pantographe physico-mathématique, s.l., 1677. – Nouvelles instructions pour réunir les Eglises prétendues réformées à l'Eglise romaine, Paris, 1678 (dans son catalogue P. Marchand indique un prix de 1 £ 15 s.). – C. donna une postface à la deuxième édition du livre de Denis Papin, La Manière d'amollir les os, Paris, 1682. – Lettres de Monsieur Comiers [...] à Mgr le Marquis de Seignelay, sur l'excellence et usages de la nouvelle pompe, Paris, 1682. – La Médecine universelle, Paris, 1687. L'Art d'écrire et de parler occultement et sans soupçon, Paris, 1690 (C. a présenté sa Sténographie impénétrable à l'Académie des sciences le 15 mars 1690). – Traduction polyglotte du verset du psaume 112, s.l., 1691. – Traité de la parole, langue et écritures, Bruxelles, 1691. – La Baguette justifiée et ses effets démontrez naturels, s.l., 1693. – Factum pour la baguette divinatoire, s.l., 1693. – Calendrier perpétuel et invariable, s.l., 1693. – Pratique curieuse, ou les oracles des sibylles, Paris, 1694 (vendu 1 £ 10 s. selon Marchand). – C. publia aussi Explication de la planche représentant la ligue d'Augsbourg par une hydre renversée, s.l.n.d. Beaucoup de ces ouvrages sont en relation avec les articles de périodiques, qu'ils en constituent le prolongement comme La Duplication du cube de t 677, qui offre une autre méthode de trisection de l'angle que celles publiées dans le J.S. du 21 décembre 1671, ou plus souvent qu'ils soient formés d'articles rassemblés derrière une préface de circonstance ; ainsi des mémoires publiés dans le Mercure galant en juin, juillet et août 1687 furent repris dans La Médecine universelle publiée aussi en 1687 à Paris et d'un article du Mercure de mars 1693, «La baguette justifiée» paru en volume in-8° la même année sous ce titre. En tête de plusieurs de ses livres et articles C. plaça des dédicaces adressées à des mathématiciens appartenant à la bonne société et à des amateurs mondains réputés pour leur savoir comme Mme de La Sablière, hommages traditionnels chez un auteur cherchant des gratifications et reflétant son audience. Celle-ci est encore attestée par les rééditions de certains de ses ouvrages, deux pour La Médecine universelle et jusqu'à neuf pour la Pratique curieuse, et sa renommée peut être mesurée par le fait que Moreri lui consacra une notice enrichie d'un inventaire presque complet de ses publications et que Furetière mentionna des travaux de C. à l'appui de cinq articles de son Dictionnaire: anémoscope, clepsydre, comète, duplication du cube (pour laquelle Furetière parle d'une «fort belle démonstration de Comiers») et lunette. Ainsi la carrière et les publications de C. nous offrent à côté du médecin (Renaudot, Blégny) et de l'homme de lettres (Visé, Bayle), l'exemple d'un autre type de journaliste du XVIIe siècle, le clerc pourvu ou non d'un bénéfice qui emploie sa plume à une vulgarisation mondaine de sujets scientifiques à la mode et, comme ses confrères, exploite sa veine par l'édition de recueils d'articles d'abord divulgués dans un périodique.

8. Bibliographie

D.P.1 670 et 710; Moreri, art. «Comiers». – A.N., M 758, Recueil de notes historiques et critiques (par le P. Léonard de Sainte-Catherine). – B.N., f.fr. 23253, Lanti-niana. N.S.U.B., Göttingen, Rara 4° Bibl. Uffenb. 44, Machines de M. Comiers. – B.U. Leyde, March. 7, P. Marchand, Catalogue général de tous les livres imprimés à Paris depuis 16so jusqu'en 1705. – B.M. Toulouse, ms. 846, Lettres d'Henry Justel à Samuel de Fermât (1669-1679). – Furetière A., Dictionnaire universel, rééd., Paris, 1978. – Leibniz G.W., Sämtliche Schriften und historischer Briefwechsel, Reihe I, Allgemeiner politischer und historischer Briefwechsel, Darmstadt, 1923 et suiv. – Ozanam J., Réponse au [...] problème de géométrie, qui a été proposé [...] par Mr Comiers, s.l., 1681. – Viviani V., Enodatio problematum universis geometris propo-sitorum a clarissimo, ac reverendissimo d. Claudio Comiers, Florentia, ex typographia Joannis Guglianti, 1677. – Bachelard G., La Formation de l'esprit scientifique, Paris, 1938. – Sergescu P., «La littérature mathématique dans la première période (1665-1701) du Journal des savants», Archives internationales d'histoire des sciences, n° 1, oct. 1947, p. 60-99. – Vincent M., «Un philosophe du XVIIe siècle, le Père Comiers, < savant universel >», XVIIe siècle, oct.-déc. 1990, n° 169, p. 473-480. – Vittu J.P., «De la Respublica literaria à la République des lettres, les correspondances scientifiques autour du Journal des savants», dans Le Travail scientifique dans les correspondances entre savants au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles, Colloque international 10-13 juin 1992, à paraître. Voir également art. «Hansen» et «La Roque».

CHEVALIER

Numéro

174

Prénom

André

Naissance

1660

Décès

1747

Né à Bourg-en-Bresse en 1660, André Chevalier épousa une Messine, Catherine Barbier (née en 1663), et en eut une fille Anne (Luxembourg, 11 juin 1688) qui reprit l'entreprise à la mort de son père, survenue le 10 décembre 1747. A ce moment Chevalier demeurait rue Neuve à Luxembourg, dans une maison acquise le 20 février 1690 (pour 825 écus), après avoir habité depuis son arrivée dans la rue Chimay.

3. Carrière

Installé imprimeur à Metz depuis au moins 1685, Chevalier se vit proposer en 1686, par l'intendant Jean Mahieu, de s'établir à Luxembourg. Par un acte notarié passé entre eux à Metz, le 2 juin 1686, Chevalier obtint le monopole de l'imprimerie et de la librairie à Luxembourg pendant vingt ans, un logement durant le même temps, et l'exclusivité de la clientèle scolaire et de l'édition des RR. PP. Jésuites ; enfin l'administration royale prit à sa charge le déménagement depuis Metz, ville où il ne semble pas avoir conservé de boutique (Ronsin, 1963). Pourtant après le retour de Luxembourg à l'Espagne, Chevalier perdit son monopole lorsqu'en janvier 1703 un de ses ouvriers, Jacques Ferry, obtint l'autorisation d'installer sa propre imprimerie ; Chevalier devait d'ailleurs dans le même temps demander le renouvellement de son privilège d'imprimeur (mars 1703), formalité qu'il réitéra en 1711, lorsque Philippe V céda le Luxembourg à Maximilien de Bavière (Van der Vekene, p. 46-47). Pour soutenir le développement de ses presses, il constitua une entreprise intégrée par l'acquisition, en 1719, d'un moulin à papier situé à Senningen qu'il agrandit bientôt grâce à une patente obtenue, le 3 septembre 1721, de l'empereur Charles VI, souverain du Luxembourg depuis le traité de Radstadt. Mais en 1737, peut-être en difficulté par d'ambitieuses entreprises éditoriales, Chevalier retourna à la seule édition et céda cette papeterie à un confrère.

6. Activités journalistiques

L'entreprise développée sur les bases d'un marché captif se trouvant menacée par la perte de son monopole local pour l'imprimerie lors du retour de Luxembourg à l'Espagne, Chevalier lança un périodique, ouvrage permettant tout à la fois d'enchaîner un public assidu, de répandre une réclame pour ses propres ouvrages, et d'entretenir des réseaux, licites ou clandestins, de diffusion de son fonds. La première livraison mensuelle de La Clef du Cabinet des Princes de l'Europe, datée de juillet 1704, portait l'adresse supposée de «Jacques le Sincère, à l'enseigne de la Vérité», libraire imaginaire né en Hollande en 1687 dont l'impressum se multiplia à partir de 1700 sur des ouvrages de polémique religieuse, surtout réformée (voir E. Weller). La reprise de cette adresse par Chevalier pouvait ainsi avoir une double fonction commerciale : faire passer pour impression hollandaise un ouvrage réalisé en territoire régnicole, farder ce mercure politique, catholique et francophile, aux couleurs de la R.P.R. Les autorités françaises tenaient La Clef pour un ouvrage prohibé comme le montrent les saisies de ballots d'exemplaires en feuilles, dirigés sur Paris via Reims, à la fin de l'été 1705 (voir B.N., f.fr. 21743) : non que le périodique ait été outrageusement dirigé contre le gouvernement, mais il enfreignait le privilège de la Gazette, ainsi que le monopole des postes et celui du libraire parisien David pour l'importation des gazettes d'Amsterdam (voir J.P. Vittu). Cette situation nous semble éclairer le contrat passé le 1er septembre de cette même année 1705 entre Chevalier et Claude Jordan. Ancien rédacteur de gazettes à Leyde de 1686 à 1688, puis à Amsterdam entre 1688 et 1691, lié à Paris pour y récolter les annonces publiées dans ses journaux et comme expéditeur exclusif des gazettes depuis la métropole hollandaise, Jordan avait regagné la France en 1693, poursuivant ses activités de publiciste en donnant les Voyages historiques de l'Europe à Paris de 1693 à 1700, tout en continuant probablement de participer à une gazette amstellodamoise, commencée à l'automne 1691. Son expérience de journaliste comme ses introductions parisiennes en faisaient un excellent allié dans le royaume, aussi dès l'accord signé par lequel il s'engageait à fournir son manuscrit mensuel contre 50 £, Claude Jordan demanda-t-il un privilège royal, qu'il obtint le 27 novembre 1706 pour un Journal historique sur les matières du temps. Fruit de l'accord et du privilège, une double présentation du périodique qui déconcerte encore le lecteur d'une seule collection : à partir de 1707, le même texte parut chaque mois sous deux pages de titre différentes. L'une d'elles portait pour titre La Clef du cabinet des princes de l'Europe et elle conserva quelques années l'adresse supposée de «Jacques le Sincère», alors que l'autre indiquait sous le titre Journal historique sur les matières du temps, soit l'adresse de Verdun, «chez Claude Muguet Marchand Libraire», soit celle de Luxembourg, «chez André Chevalier, Imprimeur et Marchand Libraire». Ainsi la localisation du Journal historique à Verdun, dans les Trois-Evêchés considérés comme «province d'étranger effectif», permettait l'entrée dans le royaume des feuilles imprimées à Luxembourg, qui se trouvaient alors réputées impressions françaises grâce au privilège accordé à Jordan ; le dépôt régulier du périodique à la Bibliothèque royale à partir de 1711, année où le Luxembourg passa à Maximilien de Bavière, témoignerait de cette pratique (B.N., Archives 34).

Ainsi La Clef dut-elle sa naissance et sa prospérité à la situation de Chevalier sur la grande voie de transit qui reliait Amsterdam à Bâle et Genève, via Liège et Luxembourg ; elle fournissait le rédacteur en informations par les gazettes hollandaises ou des lettres particulières, elle approvisionnait le libraire en ouvrages qu'annonçait le périodique, enfin elle ouvrait sur un large réseau de diffusion : sur la quarantaine de collections de Clef recensées par Van der Vekene, n'en trouve-t-on pas vingt-sept hors de France? Cette ample diffusion européenne explique aussi qu'après la rupture, en 1716, avec Claude Jordan et la publication par ce dernier d'une Suite de la Clef, ou Journal historique sur les matières du tems à Paris, Chevalier ait pu continuer indépendamment sa Clef à Luxembourg (voir D.P.1, 214 et 1230). A partir de 1735, le mensuel aurait été rédigé par Pierre Bourgeois, marchand à Luxembourg et acquéreur de la papeterie de Chevalier en 1737. A la mort de Chevalier, en avril 1747, sa fille continua ce périodique qui exista sous le même titre jusqu'en 1788.

Lors de ses difficultés sur le marché français, Chevalier tenta aussi de gagner un public littéraire et savant avec un Diarium Europaeum Historico-litterarium trimestriel, dont on ne possède que le premier fascicule de 1707 (B.N., G 15975). Cet in 12 de 92 pages qui offrait après des nouvelles littéraires classées par pays (dont la plus récente est datée du 21 mars), des annonces de livres nouveaux, reproduisait l'organisation de son quasi homonyme parisien de 1703, le Diarium historico-litterarium du Père Jacques Hommey.

7. Publications diverses

La publication de ces périodiques ne forme qu'une part des éditions que Chevalier commença dès sa période messine. Ronsin ne connaît que deux titres pour ces années 1685 et 1686 (voir Répertoire bibliographique), mais Van der Vekene en a recensé 332 pour la période luxembourgeoise de Chevalier Si les publications administratives et scolaires prédominent, l'analyse de cette liste révèle que fort de son monopole, Chevalier s'est petit à petit lancé dans des entreprises plus ambitieuses : ouvrages religieux et juridiques, puis recueils de traités, enfin recueil des bulles pontificales avec le Magnum Bullarium Romanum dont il publia les dix premiers volumes de 1727 à 1730, avant de céder l'entreprise à un consortium formé autour de Gosse de Genève. Derrière ce développement éditorial transparaissent à la fois les associations de Chevalier avec des confrères des pays voisins (Broncart à Liège en 1705), et l'édition de contrefaçons, pratique commencée peu après l'installation à Luxembourg en participant à l'édition de la Bible de Sacy organisée par Anisson (voir Martin) et qu'il avait largement développé au début du XVIIIe siècle, comme en témoigne le catalogue de quarante-neuf titres saisi à Paris, en 1705, sur un Liégeois prévenu de contrebande (B.N., f.fr. 21746, f° 178 ; c'est un feuillet 23,8 x 17,6 cm facile à dissimuler).

8. Bibliographie

A.N., O1 44, f° 102 et 424. – B.N., Archives 34 ; f.fr. 21743, 21746, 21749 et 22071. – Birn R., «La contrebande et la saisie de livres à l'aube des Lumières», Revue d’Histoire moderne et contemporaine., t. XXVIII, 1981, p. 158-173. – Fraikin J., «Le commerce de transit dans le Luxembourg au XVIIIe siècle et les conditions particulières du trafic des livres», Annales de l'Institut archéologique du Luxembourg, 103-104, 1972-1973, p. 153-167. – Grégoire P., Drucker, Gazettisten und Zensoren, 1964, t 1, Luxembourg, p. 29-37. – Kunnert J.P., De l'imprimerie Chevalier en 1685 à BIS Banking Systems S.A. en 1989, Luxembourg, 1989. – Idem, «André Chevalier, imprimeur 1686-1747», 125e anniversaire de la Fédération luxembourgeoise des travailleurs du livre, Luxembourg, 1989, p. 103-115. – Martin H.J., «Guillaume Desprez, libraire de Pascal et de Port-Royal», dans Le Livre français sous l'Ancien Régime, Paris, 1987, p. 65-78. – Moureau F., «Le libraire imaginaire ou les fausses adresses», Corps écrit, n° 33, p. 45-46. – Répertoire bibliographique des livres imprimés en France au XVIIe siècle, tome X, Lorraine - Ronsin A., Trois-Evêchés, Baden-Baden, 1984. – Id., «L'industrie et le commerce du livre en Lorraine au XVIIIe siècle», Bulletin de la Société lorraine des études locales dans l'enseignement public, 1963-1964, XXII-XXIII, p. 23-52. – Van der Vekene E., Die Luxemburger Drucker und ihre Drucke bis rum Ende des 18. Jahrunderts, Wiesbaden, 1968. – Vittu J.P., «Le peuple est fort curieux de nouvelles : l'information périodique dans la France des années 1690», S.V.E.C, 320, 1994. – Weller E., Die falschen und figierten Druckorte. Repertorium der seit der erfindung der Buchdruckerkunst unter falscher Firma erschienenen deutschen, lateinischen und französischen Schriften, Leipzig, 1864, reprint Hildesheim, New-York, 1970.

BURETTE

Numéro

134

Prénom

Pierre

Naissance

1665

Décès

1747

Pierre Jean Burette naquit à Paris le 21 septembre 1664 d'une famille d'origine bourguignonne. Son père Claude, lui-même fils d'un chirurgien, avait abandonné ses études de médecine au profit de la musique : harpiste et claveciniste réputé, il composa pour ces deux instruments et joua devant le Roi. Frappé d'une attaque de paralysie en 1731, il renonça à sa pratique et à ses activités. Il mourut à Paris le 19 mai 1747.

2. Formation

De santé délicate, B. reçut une éducation domestique sous la direction de deux ecclésiastiques pour les rudiments et le latin, et de son père pour l'épinette et la harpe. Très doué il se produisit à la cour, à peine âgé de neuf ans, avec son père et peu après sa dixième année, il commença à enseigner le clavecin à de jeunes enfants : une carrière de musicien prodige semblait alors s'ouvrir à lui. Son acharnement à s'instruire l'en détourna. Outre le latin étudié avec ses précepteurs, il apprit seul le grec en s'aidant d'une méthode et déjà jeune homme, il choisit de devenir médecin. Pour cela il fallut prendre des grades universitaires : élève à dix-huit ans au collège de La Marche où il lia des amitiés, maître ès-arts après deux ans de philosophie, il entra à la Faculté de Médecine et fut reçu bachelier vers vingt-deux ou vingt-trois ans. Son goût pour les langues anciennes le conduisait en même temps au Collège Royal où il acquit une connaissance passable de l'hébreu, du syriaque et de l'arabe ; il apprit assez d'italien, d'espagnol, d'anglais et d'allemand pour lire ces langues, à défaut de pouvoir les écrire, où même les parler. Ce trait laisse supposer une étude autodidacte, commeB. l'avait fait pour le grec et ses choix témoignent d'un intérêt nouveau à son époque pour des langues autres que latines. En 1690, il fut reçu licencié et docteur régent en deuxième place ce qui, en un temps où le premier payait son rang, désignait le meilleur de sa promotion.

Son érudition et ses protections lui valurent des distinctions officielles : choisi comme élève de l'helléniste André Dacier à l'Académie royale des Inscriptions en 1705, il devint associé en 1711 et succéda à De Tilladet comme pensionnaire.

3. Carrière

Après ces brillantes études,B. se vit confier, dès 1692, plusieurs des charités qui dans les paroisses de Paris soignaient à domicile les malades pauvres, et bientôt la Charité des hommes, rue des Saints-Pères, dont il resta trente-quatre ans médecin. Ces fonctions qui l'empêchèrent de se constituer une clientèle en ville plus rémunératrice, établirent sa réputation auprès de ses confrères et le menèrent à l'enseignement. Professeur de matières médicinales à la Faculté de Médecine de Paris pour l'année 1698, il traduisit en latin et réduisit en tables pour les besoins de son cours les Eléments de botanique de Tournefort qui utilisa ensuite ce travail. En 1703, nommé professeur de chirurgie latine, il fit un cours d'opérations. La carrière de ce médecin érudit prit une autre voie lorsqu'en 1704 Jean Baptiste Couture membre de l'Académie Royale des Inscriptions, avec lequel il s'était lié d'amitié au collège de La Marche, lui fit connaître l'abbé Bignon auquel Tournefort, son médecin, vanta les mérites de son confrère. Bignon utilisa l'érudition de B. dans plusieurs emplois dépendant de la direction du livre : après lui avoir fait examiner quelques ouvrages pour mesurer ses capacités, il le fit nommer censeur royal en 1704 (manière de lui attribuer une pension puisque ses examens, épisodiques, pour la médecine, le jardinage, la littérature, ne commencèrent qu'en décembre 1705), puis en 1706 il lui confia une place de rédacteur du Journal des savants. Enfin lorsque, responsable de la Bibliothèque du Roi après 1718, Jean Paul Bignon créa des rechercheurs de livres chargés de retrouver les ouvrages ayant échappé au dépôt légal, l'expérience acquise parB. en matière de librairie le désigna pour s'occuper de l'histoire naturelle et de la médecine.

Protégé de Bignon,B. reçut la chaire de médecine du Collège royal après la mort d'Enguehard en 1710, et il donna des cours reflétant les deux aspects de sa carrière : l'érudition («Nature et usage des sources thermales gauloises», «Maladies rares ou oubliées») et la pratique hospitalière («Médecine opératoire», «Examen soigneux des médicaments simples et comment ils guérissent» ; liste de ces cours dans Enseignement et diffusion des sciences, p. 280). Bignon attacha aussiB. à sa maison en le choisissant comme médecin à la mort de Tournefort en 1709 et il eut même l'honneur d'être appelé par Fagon au chevet du roi en 1715.

6. Activités journalistiques

Le patronage de l'abbé Bignon conduisit B. au Journal des savants pour lequel les fonctions de censeur (1704) et un fauteuil à l'Académie royale des Inscriptions (1705) lui servirent d'antichambre, comme à plusieurs de ses collègues journalistes. En 1706, il entra au comité de rédaction de cette revue que Jean Paul Bignon étoffait pour alléger la tâche des membres anciens et permettre la publication d'un supplément mensuel qui commença en 1707 et dura trois ans. Dans ce comité élargi, la spécialisation de chacun fut moins stricte qu'auparavant et B. partagea avec d'autres rédacteurs l'examen des livres de physique, d'humanité et d'histoire ; à sa mort, on estimait que ses contributions pourraient remplir au moins huit gros volumes in-4°, preuve d'une activité soutenue. A l'Académie des Inscriptions cette expérience du journalisme et de l'édition fut mise à profit, en 1714, au comité de librairie chargé de préparer l'édition des Mémoires académiques.

Faute de pouvoir identifier l'apport de B. parmi des extraits anonymes, on retiendra seulement son éloge de Madame Dacier, l'épouse de son collègue aux Inscriptions dont il avait été l'élève de 1705 à 1711 (J.S. du 9 décembre 1720) et sa controverse avec le Père Antoine Du Cerceau qui s'étendit de 1727 à 1730. Cette dispute commença avec la publication dans les Mémoires de Trévoux de janvier 1727 des remarques du P. Du Cerceau sur une traduction d'Horace par Antoine Dacier, parmi lesquelles il exposait ses théories sur la musique des anciens Grecs.B. qui travaillait sur ce sujet depuis 1716 répliqua à Du Cerceau en présentant la traduction des poésies d'Horace du P. Sanadon dans le J.S. de mai 1728. Puis d'addition en objection et de réponse en nouvelle réplique, élargissant le débat à de nouveaux points, les deux adversaires développèrent pendant trois ans leur controverse par le canal des Mémoires de Trévoux et du Journal des savants (liste de ces articles dans Catalogue [... ] Burette p. XXII et suiv. et dans G. Dumas, p. 90-91). Demeuré au comité de rédaction après la réforme du J.S. de 1724, chargé des livres de chimie, d'anatomie et (avec Desfontaines) de belles-lettres,B., diminué par son attaque de paralysie, l'abandonna le 23 décembre 1739 avec l'accord du Chancelier d'Aguesseau.

7. Publications diverses

A part la réunion en 1695 des compositions de son père pour clavecin et pour harpe en deux volumes manuscrits, B. laissa plusieurs ouvrages dans les deux domaines de son activité : la médecine et l'étude de l'Antiquité. La B.Un. lui attribue deux manuscrits concernant la médecine, qui sont probablement le texte des cours qu'il professa plusieurs années au Collège Royal sur les maladies (1718, 1727-1728, 1731, 1740-1742 et 1744-1746) et sur les sources thermales gauloises (1712, 1723-1724, 1730, 1732-1733, 1737-1738 et 1743-1744). Les autres ouvrages médicaux deB., imprimés cette fois, mentionnés par la B.Un. ne figurent pas au catalogue de la B.N. ; ce pourraient être des disputes académiques ou des thèses qu'il présida.

Pendant ses dix premières années à l'Académie royale des Inscriptions, B. donna pour ses dissertations académiques une quinzaine de mémoires sur les sports et les athlètes de l'Antiquité, sujets où convergeaient la pratique de sa profession et sa culture grecque et latine ; puis après un débat avec l'abbé Fraguier qui en 1716 prétendit «que les Grecs avaient connu la musique à plusieurs parties», il consacra une dizaine de mémoires à la musique de la Grèce antique qui, comme les précédents, furent publiés dans les volumes I à XVII des Mémoires de littérature de l'Académie des Inscriptions.

Sa traduction du dialogue de Plutarque sur la musique, d'abord donnée à cette Académie qui la publia aussi dans ses Mémoires, fut ensuite éditée à Paris (1735) ; il fit aussi imprimer à douze exemplaires un recueil de ses autres dissertations sur l'ancienne musique qu'il distribua à quelques amis choisis ; enfin peu après sa mort, trois de ses mémoires parurent en italien chez Groppo à Venise. S'appuyant sur des sources littéraires,B. décrivit le système musical des Grecs et montra contre Fraguier et Du Cerceau qu'ils ignoraient le contrepoint et la polyphonie. Mettant à profit son érudition et ses connaissances musicales, il tenta aussi la transcription de trois hymnes grecques reconstituées d'après des manuscrits d'Oxford et de la Bibliothèque du Roi, transcriptions qui furent interprétées par l'abbé Jourdan le 16 juillet 1720 à la séance ordinaire de l'Académie Royale des Inscriptions, puis à la séance publique du 12 novembre suivant comme illustration de la Dissertation sur la mélopée de l'ancienne musique. Sources de polémiques de son vivant, les études deB., qui n'offraient pas une théorie d'ensemble de la musique grecque, demeurèrent une référence jusqu'au début du XIXe siècle. Le journalisme ne fut pour lui qu'un prolongement de ses activités et une étape vers d'autres fonctions ; en cela il appartient à un type de journaliste né de l'institutionnalisation du Journal des savants. Choisi par le responsable de cette revue pour sa spécialité, membre d'un comité de rédaction, ce journaliste n'a plus rien d'un entrepreneur de presse ou d'un polygraphe soucieux de placer sa copie ; il ajoute la presse à d'autres charges officielles qui lui valent renom et pensions.

8. Bibliographie

B.Un. The New Grove dictionary of music and musicians, London, Washington, 1980, art. «Burette» (donne une liste des mémoires musicaux de B.). – Archives de l'Académie des Inscriptions et Belles-lettres : A 93, Comité de librairie pour l'impression des Mémoires de l'Académie ; Z 201 Registre journal des assemblées et des délibérations pendant l'année 1720 (p. 317, 331, 351 et 431). – Archives du Collège de France : affiches 1724-1729 ; dossiers personnels, CXII, «Burette» ; G II 2, Registre des délibérations. 1732-1779. – B.N., f.fr. 15278, Journal d'Antoine Galland ; f.fr. 21940, Registre des ouvrages manuscrits ou imprimés présentés à M. le Chancelier. – Catalogue de la bibliothèque de feu M. Burette... (Par Gabriel Martin), Paris, G. Martin. 1748, 3 vol., in-12. – Encyclopédie, Supplément, VI, p. 72a. – Gacon F., Suite du Secrétaire du Parnasse par le poète sans fard, Paris, 1724 (Gacon y railleB. d'avoir mentionné sa fonction au J.S. sur l'affiche des cours du Collège Royal). – Histoire de l'Académie Royale des Inscriptions et Belles-lettres, avec les Mémoires de littérature, tome VI, Paris, 1729. – Journal des savants, 9 déc. 1720, p. 593-607, «Eloge de Madame Dacier» (la B.N. conserve sous la cote LN 27 5282, une autre édition de cet éloge, provenant d'un recueil, ou plus probablement d'un autre périodique que le J.S.), avril 1728, p. 203-310, et mai 1728, p. 280-291, c.r. de la trad. des poésies d'Horace par le P. Sanadon S.J. – Mémoires de Trévoux, janv., fév., avril et août 1727, nov. et déc. 1728, janv. et févr. 1729, juin et juil. 1730. – Nouvelles littéraires, janv. 1724, p. 154-155 (présentation du J.S. du même mois). – Goujet C.P., Mémoires sur le Collège Royal, Paris, 1758, tome III, p. 221-225. – Laborde J.-B. de, Essai sur la musique ancienne et moderne, Paris, 1780, 4 vol. – Dumas G., Histoire du Journal de Trévoux depuis 1701 jusqu'en 1762. Paris, 1936. – Laboulbène A. L'Hôpital de la Charité de Paris, Paris, 1878. – Lallemand L., L'Assistance médicale au XVIIIe siècle, Paris, 1895, 22 p. – Enseignement et diffusion des sciences en France au XVIIIe siècle, Paris, 1964. – Balayé S., La Bibliothèque Nationale des origines à 1800, Genève, 1986.

BORDELON

Numéro

092

Prénom

Laurent

Naissance

1653

Décès

1730

Laurent Bordelon naquit en 1653 à Bourges et il mourut à Paris, le 6 avril 1730 dans la maison de M. de Lubert, rue de Cléry, où il demeurait. Il fut inhumé dans l'église Saint-Eustache.

2. Formation

B. dut faire ses études à Bourges puisqu'il y soutint son doctorat en théologie. Sa participation à l'édition du Segraisiana (1720) témoigne de ses relations dans les milieux lettrés parisiens.

3. Carrière

M. de Lubert, président à la troisième chambre des enquêtes au parlement de Paris employa B. comme précepteur de son fils, fonction qu'il exerça peut-être chez d'autres comme le suggère la dédicace d'un de ses ouvrages à un jeune garçon. Il fut aussi chapelain à Saint-Eustache.

Polygraphe, B. consacra une quarantaine d'ouvrages à la littérature, à la philosophie, et à des anecdotes ou jugements sur le théâtre pour lequel il aurait écrit plusieurs pièces.

4. Situation de fortune

Si l'on voit que B. vécut de ses fonctions de précepteur, de la charge de chapelain et de ses ouvrages, on ne connaît pas encore l'importance de ces revenus. On notera pourtant que sa mention du prix de cession des dernières pièces de Molière par Armande Béjart témoigne d'une bonne connaissance des pratiques de l'édition parisienne (B., Diversités curieuses, t. I, p. 104).

5. Opinions

Si B. glissa des jugements dans ses anecdotes théâtrales et littéraires, il ne demeure connu que pour ses critiques des superstitions (voir La Harpe).

6. Activités journalistiques

En 1704, B. publia un mensuel intitulé Cent questions et réponses dont il donna les livraisons datées de janvier à août (D.P.1, 205). L'ouvrage s'appuyait sur le privilège accordé le 10 juin 1699 à B. pour l'Histoire critique des personnes les plus remarquables publiée cette même année 1699 chez Urbain Coustelier qui édita aussi le périodique. Cet usage d'un privilège différent en contravention avec les arrêts et lettres patentes de 1701 suppose soit des protections à la Librairie, et c'est Fontenelle qui approuva l'ouvrage, soit une intervention des autorités derrière l'interruption du périodique avec la livraison datée d'août 1704. Le mensuel qui se vendait 8 sols (Leyde) transposait dans l'imprimé les pratiques de conférences publiques qui, à terme régulier, s'offraient de répondre à des questions proposées par leurs assistants, ou leurs organisateurs ; mais B. ne put obtenir que s'établisse le courant d'échanges dont il souhaitait nourrir sa brochure.

7. Publications diverses

B. écrivit une quarantaine d'ouvrages dont on peut établir la liste avec Cio 18r et La Harpe. Leurs sujets révèlent une polygraphie de circonstances : B. se saisissait d'un sujet en vogue qu'il amplifiait, copiait, voire plagiait. Ainsi, De l'astrologie judiciaire s'inscrit dans le flot d'ouvrages consacrés aux comètes depuis Pierre Petit (1665), jusqu'à Pierre Bayle, et les Caractères naturels des hommes en cent dialogues parurent fin 1691 entre la sixième et la septième édition des Caractères de La Bruyère, ce qui valut à B. de figurer parmi les clés du n° 62 des «Ouvrages de l'esprit» : «ils sont plagiaires, traducteurs, compilateurs». De cet ensemble survit l'Histoire des imaginations extravagantes de M. Oufle, Don Quichotte des superstitions selon Jacqueline de La Harpe qui le met en parallèle avec le héros du Chef d'oeuvre d'un inconnu, Don Quichotte de l'érudition.

8. Bibliographie

Moreri, 1759; B.Un.; D.B.F. ; Cior 18. – B.U. Leyde, March. 7, Catalogue général de tous les livres imprimés à Paris depuis 1650 jusqu'en 1705 par P. Marchand. – Godard de Beauchamps P.F., Recherches sur les théâtres de France, Paris, 1735. – Mélèse P., Le Théâtre et le public à Paris sous Louis XIV, 1659 1714, Paris, 1934. – La Harpe J. de, « L'abbé Laurent Bordelon et la lutte contre la superstition en France entre 1680 et 1730 », University of California publications in modern philology, Berkeley, t. XXVI, 1941, p. 123-224. – Abdel-Halim M., Antoine Galland, sa vie et son oeuvre, Paris, 1964.