FALLET

Auteurs

Numéro

294

Prénom

Nicolas

Naissance

1746

Décès

1801 ou 1802

Nicolas Fallet est né à Langres le 10 septembre 1746 et non le 11 comme l'indiquent le D.B.F. et Migneret, ou en 1753 comme l'affirment la N.B.G. et la F.L 1769. Jean Fallet, son père, était chapelier ; sa mère s'appelait Marguerite Chapusot. Il eut pour parrain Nicolas Febure, bourrelier, et pour marraine Didière Lelièvre, femme de Claude Fallet, marchand (Archives de la mairie de Langres, acte de baptême).

2. Formation

F. fit ses études au collège des Jésuites de Langres (Migneret, p. 80), puis il fut envoyé à Paris chez un procureur (ibid. et B.Un.). Dès 1769 (Mes prémices, p. 67, n.), il y exerça un «travail constant», «pendant plusieurs années» et fut «longtemps premier clerc» (Inst., lettre du 10 déc. 1786, f° 141 v°). Il est sûr que F. connaissait le grec, puisqu'il fit la traduction d'un roman de Chariton d'Aphrodisias, Les Aventures de Chaerée et de Callirrhoé (1775). F. parlait aussi l'allemand (Inst., f° 113) et était assez familier de cette culture pour apprécier «les ingénieuses productions des Schlegels, des Gessners» et pour traduire librement le Fanfaron (1744) de Zachariae (M.B., p. 5 et 9).

3. Carrière

Outre son emploi à la Gazette de France, F. a été secrétaire du marquis de Paulmy (CL., sept. 1782, t. XIII, p. 195).

Pendant la Révolution, s'il n'y a pas homonymie ou confusion avec son frère, il fut officier municipal, membre du tribunal de Police, administrateur de la Municipalité de Paris, au moins pendant la période allant de novembre 1789 a juin 1792. Au début de ses fonctions, il est chargé du domaine suivant : «vauxhalls, cirque, panthéon, clubs, salons, foires, marchés, promenades publiques, balayage, arrosement, bals publics, maisons de jeu, carnaval». Il travaille avec Manuel et Duport Du Tertre (Moniteur, t. II, p. 235 et 282). En 1791, F. porte le titre de « Commissaire de l'administration des biens nationaux» : il s'occupe de l'inventaire de certains biens ecclésiastiques (Tuetey, t. III et VI).

F. a commencé sa carrière littéraire vers 1772 en rédigeant une tragédie intitulée Tibère qui fut représentée dix ans plus tard (Avertissement, p. IV). Dans De la fatalité, poème publié en 1779, F. veut «prouver que dans les revers qui affligent l'humanité il faut mettre tout son espoir dans la Divinité bienfaisante» (L'Année littéraire, 1779, t. VI, p. 58). C'est un «morceau qui ne mérite que des éloges», poursuit L'Année littéraire (p. 69), encouragement que lui prodigue également le Journal encyclopédique (1779, t. VII, p. 286 et suiv.). Mais F. était par-dessus tout attaché à sa carrière dramatique, où cependant il n'a guère brillé. Le 8 mai 1784, on donna au Théâtre-Italien Les Deux tuteurs, opéra-comique en deux actes qui avait déjà été représenté l'année précédente à Fontainebleau devant la Cour sous le titre, Les Deux Soupers. En août 1786, F. fait représenter, encore au Théâtre-Italien, Les Fausses nouvelles, pièce inspirée de celle de Dufresny, Le Double veuvage. Sans se décourager, F. persévère : le 19 juin 1788, il fait jouer Alphée et Zarine, mais le parterre a «hué continuellement» la pièce (CL., t. XV, p. 278). La pièce la plus connue de F. demeure Tibère, représentée au Théâtre-Français le 23 août 1782. Ces pièces ont fait l'objet de comptes rendus mitigés ou hostiles dans C.L. et dans M.S.

En septembre 1785, F. a habité rue des Cannettes, dans la même maison que le sculpteur Caffieri (Inst., f° 135). Pendant la Révolution, en 1791, il demeure rue Boucher, terrain de l'Ancienne Monnaie, «vis à vis» la rue Etienne (Avertissement).

4. Situation de fortune

La situation financière de F. n'a jamais été bonne. Dès 1774, « ma mauvaise fortune », écrit-il, « m'obligea à sacrifier une partie de mon temps à des occupations utiles pour pouvoir employer le reste à la culture des lettres» (Inst., lettre de F. à Vergennes, 1782, f° 118). Son emploi à la Gazette de France est loin de le satisfaire : il s'agit «d'une misérable place» (ibid., 5 janv. 1782, f° 115 v°), il critique «le petit produit de [sa] petite place» (11 sept. 1787, f° 141). L'année 1787 fut «bien dure» pour lui (31 déc. 1787, f° 116). Mais ce qui chagrine le plus F., c'est le manque de perspective dans son emploi à la Gazette de France : «il est surtout bien affligeant pour moi de ne voir aucun avancement, lorsque dans toute autre partie, la seule longueur de mon travail m'en eût infailliblement procuré » ( 11 juin 1784, f° 127). Trois ans plus tard, F. réitère ses légitimes remontrances : « Voici la quatorzième année que je suis secrétaire de la Gazette, sans avoir vu mon sort s'améliorer. Ce qui est bien loin des promesses qu'on m'avait faites dans le temps» (19 déc. 1787, f° 145). En 1782, F. touche 50 louis (1200 £) par an pour son emploi à la Gazette (f° 118 v°). Il essaie d'obtenir une augmentation en janvier 1784 par l'intermédiaire du diplomate Hennin (f° 125), mais son traitement reste inchangé (f° 131). Enfin, F. reçut une somme non déterminée pour la confection des Tables de la Gazette (19 sept. 1787, f° 145).

5. Opinions

F. s'était lié dans sa jeunesse avec Duruflé et Gilbert (B.U.C., t. II, p. 1630). Il était aussi proche d'Antoine Bret, rédacteur à la Gazette de France, mais par la suite, il s'est brouillé avec lui (Inst., 22 mai 1782, f° 117). F. fut aidé par le diplomate Hennin qui faisait pour lui toutes les démarches à Versailles en vue de l'amélioration de sa situation matérielle (31 déc. 1783, f° 124 ; 23 janv. 1784, f° 130). Etant le secrétaire du marquis de Paulmy, F. fut protégé par ce grand seigneur qui lui accordait «l'intérêt le plus vif» (23 janv. 1784, f° 130 v°).

Sur le plan idéologique, F. est rousseauiste (M.B., p. 180). Il fut en opposition avec les philosophes. Certains «sont des esprits audacieux ennemis de la Divinité, qui ont osé y trouver des armes pour la combattre. Leur système, révoltant et destructeur, a fait horreur au monde entier». Enfin F., dont les poésies sont dans le style de Dorât, trouve que Piron est «ingénieux» et se déclare «gluckiste» dans la querelle entre gluckistes et piccinistes (M.B., p. 174 et 183).

6. Activités journalistiques

F. a travaillé à la fois à la Gazette de France et au Journal de Paris (B.N.C., t. VII, p. 20-21 : F.L.). D'après la CL. (t. XIII, p. 195) et les M.S. (20 août 1782, t. XXI, p. 66), F. était «commis au bureau de la Gazette de France» ou plus exactement «secrétaire» de la Gazette (La Harpe, t. IV, p. 16). Il débuta dans cet emploi en 1773 (Inst., 27 sept. 1785, f° 134 v°) ou en 1774 : «la première besogne dont je fus chargé fut de rassembler et rédiger les matériaux destinés à composer la Gazette» (22 mai 1782, f° 118). Par la suite, son travail est celui d'un secrétaire de rédaction. F. corrige les épreuves : «Il n'y a pas de gazette dont je ne corrige deux fois les épreuves», «et si la Gazette passe pour le papier le plus correctement écrit, je puis me flatter que c'est en grande partie à moi qu'elle doit cette réputation» (ibid.). Quelquefois même, F. rédige lui-même certains articles : il réécrit ceux qu'on lui envoie et supplée Antoine Bret «au moins deux jours par semaine qu'il va passer à sa campagne» ; cela donne à F. «une occupation très réelle» (ibid.). F. a rencontré de grandes difficultés dans son emploi à la Gazette. Il se querelle avec A. Bret, lequel parle de lui «comme d'un jeune homme qui n'est capable de rien» (ibid.). F. est même sur le point de perdre son emploi fin mai 1783, mais il fait intervenir Hennin et le marquis de Paulmy (ibid., 30 mai 1783). En janvier 1784, des difficultés s'élèvent avec Dubois-Fontanelle qui, semble-t-il, l'a écarté : «jusqu'à présent, il m'a très peu employé, écrit F. ; il prétend que cela ne le gêne pas de tout faire et me fait avaler cette rude pilule de nullité avec toute la douceur et la politesse possibles» (23 janv. 1784, f° 130 v°). Après avoir occupé pendant des années cet emploi de secrétaire de rédaction, F. convoitait légitimement la fonction de rédacteur à part entière ; mais, dit-il, «après huit années d'un travail irréprochable», je me vois «beaucoup plus mal traité que quand je suis venu» (5 janv. 1782, f° 115 v°). En septembre 1785, Dubois-Fontanelle quitte enfin sa place et F. brûle de l'occuper, mais l'abbé Aubert, mieux en cours et son ennemi mortel, obtient l'emploi pour son neveu (27 sept. 1785,f° 134). Il faut signaler enfin que F. a rédigé les tables de la Gazette au moins pour les années 1785 et 1787 (ibid., f° 136 et 149). Il devra attendre la Révolution pour être le rédacteur à part entière de la Gazette de France. Il prend ses fonctions en janvier 1792. Il ne «négligera rien de son côté, pour conserver à la G. de Fr. le ton décent qu'elle a toujours eu depuis son origine» (Avertissement, p. 2). Dans sa tâche, F. est aidé par Delarue, «chef de bureau de la Gazette». F. est resté peu de temps à la direction de la Gazette, puisque dès mai 1792, Chamfort le remplace (Tourneux, t. II, n° 10190).

En janvier 1784, Panckoucke avait proposé à F. de l'associer à Dubois-Fontanelle pour la rédaction du Mercure de France, mais «on a encore trouvé le moyen de faire avorter cette bonne volonté qu'il avait pour moi», dit-il (Inst., 23 janv. 1784, f° 131).

7. Publications diverses

Liste des œuvres de F. : Dictionnaire universel, historique et critique des mœurs, lois, usages et coutumes civils, militaires et politiques, 1772, 4 vol. (avec J.P. Costard et Contant). – Mes prémices, poésies, 1773. – Les Aventures de Chaerée et de Callirrhoé, 1775. – Le Phaéton, poème héroï-comique en six chants imité de l'allemand de M. Zacharie, Utrecht, 1775. – (MB.) Mes Bagatelles ou les torts de la jeunesse, 1776. – De la fatalité, épître, 1779. – Tibère, tragédie en 5 actes, 1782 ; Tibère et Sérénus, nouv. éd., 1783 ; cette pièce fut parodiée par J.B. Radet : Tibère, repr. au Théâtre-Italien le 8 oct. 1782. – Les Deux tuteurs, comédie, 1784 ; Mathieu et les deux soupers, comédie, 1783 (remaniement des Deux tuteurs). Barnevelt ou le Stathoudérat aboli, tragédie, 1785. – Alphe et Zarine, tragédie, 1788. – Avertissement de la Gazette de France, 1791, in-40 (B.N., Le2 4A). – F. a inséré des poésies dans L’Almanach des Muses. Il a également publié un madrigal dans le recueil Les Plus courtes folies sont les meilleures,1783 (B.N., Lb39 10265).

8. Bibliographie

Desessarts, t. III, p. 9 ; N.D.H. ; B.N.C. ; B.Un. ; N.B.G. ; B.U.C. ; Cior 18, n° 28124-28134. – Brenner, n° 6131-6136. – M.S., 21 août 1782, 9 mai 1784, 27 août 1786. – CL., t. XIII, p. 195. 369, 531 ; t. XIV, p. 455 ; t. XV, p. 278. – Archives de la mairie de Langres, acte de baptême de F. – Inst., ms. 1259, lettres à Hennin, 1779-1788, f° 110-150. – L'Année littéraire, 1779, t. VI, p. 56-69 ; 1782, t. VIII, p. 145-178 ; 1783, t. IV, p. 48-53 et 287. – Journal de littérature, des sciences et des arts, 1779, t. IV, p. 406-414. – Mercure de France, 7 sept. 1782. – Moniteur universel, t. II, p. 235 et 282. –Journal de Monsieur, 1782, t. VI, p. 81-124. – La Harpe J.F. de, Correspondance littéraire, Paris, 1801-1807, t. IV, p. 16 ; t. V, p. 181. – Rivarol A. de, Petit dictionnaire des grands hommes inconnus, éd. Paris, 1808, p. 78. – Lombard de Langres V., Mémoires anecdoti-ques pour servir à l'histoire de la Révolution française, Paris, 1823, t. I, p. 108-109. – Letillois, Biographie générale des Champenois célèbres, Paris, 1836. – Migneret S., «Notice sur Nicolas Fallet», La Haute-Marne, Chaumont, 1856, p. 79-80 et p. 93-94. –Jolibois E., La Haute-Marne ancienne et moderne, Paris, 1858, p. 211. – Tourneux M., Bibliographie de l'histoire de Paris pendant la Révolution française, Paris, 1900, t. II, n° 10190. – Tuetey A., Répertoire général des sources manuscrites de l'histoire de Paris pendant la Révolution française, Paris, 1890-1914, t. III, 407, 426, 4329, 4334, 4363, 4951 ; t. VI, 1991, 1993 ; t. VII, 205, 298, 335, 535, 566.

DU COUDRAY

Auteurs

Numéro

258

Prénom

Alexandre

Naissance

1744

Décès

?

Alexandre Jacques Louis Du Coudray est né le 22 mai 1740, à Paris, baptisé le même jour à l'église Saint-Sulpice (D.N. ; M.C., XIV, 486), et non pas en 1744 comme l'indiquent Desessarts (t. II, p. 201), F.L. 1769 et Q. (t. I, p. 631). Son père, Jacques Chevalier (1686-1754), écuyer, capitaine de cavalerie au régiment de La Ferronnaye, avait épousé en 1733 Marie Anne Michelle Nicaise. D.

2. Formation

Comme il le dit lui-même dans L'Ombre de Colardeau (p. 3), D. a été le camarade de collège de Colardeau. Il est probable qu'il a suivi les cours de l'Ecole militaire. De sa campagne en Westphalie en 1761 (Eloge historique de M. de Saint-Foix, p. 7, et Lettre à M. de Saint-Foix dans Suite des Poésies et Œuvres mêlées, 1775, p. 23), D. a contracté une certaine familiarité avec le monde germanique et, vraisemblablement, il connaissait la langue allemande : voir sa traduction des Fables allemandes de Lessing, pour laquelle, cependant, il dit devoir «quelque reconnaissance» au travail antérieur de d'Antelmy (éd. de 1772, p. XLVI). D. a eu aussi l'intention de se présenter à l'Académie française en 1773, comme il l'écrit dans son «Epître dédicatoire à MM. de l'Académie françoise » de son poème Le Luxe (p. III-IV) : Voltaire, à qui D. avait envoyé ce poème, a répondu positivement (il ne pouvait faire autrement), à ce projet académique par une lettre datée du 8 février 1775, parue dans Epîtres et lettres (O., n.p.).

3. Carrière

On possède peu de renseignements sur la fortune de D., mais il est probable qu'il disposait de revenus importants. Le testament du père de D., Jacques Chevalier, demande que ses biens immeubles, dont la nature n'est pas précisée, «soient et demeurent substitués» aux enfants de D. et de sa sœur, l'usufruit devant, de toute façon, revenir à ses petits-enfants (A.V.P., DC6 237, f° 148 r°). En octobre 1791, la veuve de D. touche 1200 £ en règlement d'une obligation d'Antoine René Larcher, capitaine de vaisseau (M.C., VII, 508).

4. Situation de fortune

D. a subi diverses influences intellectuelles. D'abord le rousseauisme, devenu stéréotype, dans son poème Le Luxe (Chant premier, p. 4), où il condamne «le luxe corrupteur». D. a envoyé son poème à Voltaire, qui lui répondit ironiquement par une lettre du 1er mars 1773(017163). Le corollaire de cette critique du luxe est une apologie de la campagne (Essai sur l'agriculture, O., p. XIII). Parallèlement, D. défend les idées les plus traditionnelles de patriotisme (Les Bienfaisances royales, 1778, Epître dédicatoire à la Nation), et exprime sa nostalgie d'une noblesse autrefois respectée (O., p. 1).

5. Opinions

D. s'est aussi élevé constamment contre le droit «mal acquis» des comédiens de refuser les pièces de théâtre qu'on leur soumet, car, en définitive, «l'homme de Lettres ressemble à un vassal de fief qui va faire foi & hommage à un seigneur Suzerain» (Lettre à M. Palissot, p. 17). Pour échapper à leur verdict, D. suggère d'établir un tribunal de huit hommes de lettres, chargés d'examiner les textes dramatiques (T.P., p. 32-33). Enfin, pour limiter définitivement le pouvoir des comédiens, D. préconise l'institution d'un second théâtre (voir les textes déjà cités dans ce paragraphe et la Préface de Vénus pèlerine, 1778, p. VI-VII). Mais dans la C.D., il propose aussi la création d'une intéressante société littéraire, la Société dramatique, dont le but aurait été «l'encouragement des Auteurs, la perfection de l'art, et la correction des mœurs». Elle se serait «composée de gens de l'art et d'amateurs». On se serait réuni le mardi et l'on aurait lu «des Tragédies, des Comédies, des Opéras sérieux et comiques, Parodies, Parades [...], avec des morceaux ou discours sur l'Art Dramatique, ou Pièces relatives au Théâtre» (CD., t. II, p. 7, 1eraoût 1777).

Voltaire a sans doute exercé un fort ascendant sur D. : il le reconnaît comme son «maître» dans l'Epître IX de ses 0. (p. 47-48) : «De toi, de tes écrits, sagement idolâtre». En 1774, d'ailleurs, D. a publié une pièce de théâtre, La Cinquantaine dramatique de M. de Voltaire, dans laquelle il dit son admiration pour ce grand homme, et l'excuse de ses textes antireligieux et anticléricaux (se. 6, p. 13-14).

D. a noué plusieurs amitiés littéraires à Paris, bien que la CL. dise qu'il n'est «connu de personne» (janv. 1775, t. XI, p. 21) et que, dix ans plus tôt, le 21 juillet 1765, Diderot, dans une lettre à Sophie Volland, évoque «un certain» Du Coudray. Il connaissait De Belloy (L'Ombre de Colardeau, p. 2), était l'ami de Lemierre (Epître n° 2, O., p. 5), et de Claude Parfaict (T.P., p. 5). En outre, D. a été le condisciple et «l'ami» de Colardeau (L'Ombre de Colardeau, p. 3), mais c'est avec le poète Saint-Foix qu'il a été le plus familier. D. le connaissait dès 1759 (T.P., p. 3), puis il s'est lié «davantage de connaissance et d'amitié» avec lui à partir de 1761 (Eloge historique de M. de Saint-Foix, p. 7).

6. Activités journalistiques

Il existe deux éditions du périodique de D., La Correspondance dramatique : l'une parue en 1777 (1 vol.), l'autre en 1778 (2 vol.). B.H.C (p. 589), Cior 18, n° 26057, et Q. (t. II, p. 631) ne signalent que la première ; voir D.P.1233.

L'origine de la C.D. est à chercher dans la proposition que fit D. d'acheter à Le Fuel de Méricourt le privilège du Journal des Théâtres, périodique qui dérivait lui-même du Nouveau Spectateur de Le Prévost d'Exmes. Ce projet de D. échoua : «plusieurs difficultés m'en ont empêché, même insurmontables», écrit-il (C.D., 1.1, p. 144). On apprend plus loin que ce sont des «ordres supérieurs» qui auraient interdit à D. de reprendre le Journal des Théâtres (C.D., t. I, p. 354). Ne pouvant s'approprier ce périodique, D. résolut de demander un privilège pour la C.D., en sollicitant, en vain, la collaboration de Palissot et de Beaumarchais (C.D., t. I, p. 227).

7. Publications diverses

D. est l'auteur de nombreux ouvrages : il a commencé son activité littéraire dès 1764, comme l'indique l'Avertissement de L'Egoïste, comédie-ballet de 1774 (p. III). Dans l'ensemble, ses œuvres ont été jugées avec sévérité : les M.S., évoquant la Lettre à M. Palissot, font remarquer que D. est «un espèce de fol» (19 avril 1775). La C.L. n'est guère moins sévère : les Anecdotes intéressantes et historiques de l'illustre voyageur ne sont qu'une «misérable brochure» (juil. 1777, t. XI, p. 499- 500) ; à lire l'Eloge historique de M. de Saint-Foix, on ne peut que «perdre son temps» (janv. 1777, t. XI, p. 410).

Il n'est pas de domaine que n'ait abordé D. : conte, poésie, pamphlet, journalisme, mémoires, histoire, théâtre enfin ; voir notamment Le Roi et le Ministre, 1775, et L'Egoïste, 1774. Nous renvoyons, pour plus de précisions, à Cior 18, n° 26034-26076. On ajoutera : Les Amours nationales, comédie-ballet en trois actes, vers libres, et prologue, 1788 (Brenner, n° 5896). — Le Naufrage des Français dans l'Albanie vénitienne sur les confins du domaine turc ou les Corsaires vaincus, ballet pantomime, représenté au théâtre de Rouen, en juillet 1788 (Brenner, n° 5902). — Les Offrandes de l'amour, ballet représenté au théâtre de Rouen en juillet 1789 (Brenner, n° 5903). — Les Plaisirs de la Campagne, ballet pantomime, représenté au théâtre de Rouen en janvier 1789 (Brenner, n° 5904). Brenner tient ces trois dernières identifications de l'ouvrage de J.H. Bouteiller (Histoire des théâtres de Rouen, 1860-1880, t. I, p. 203, et 225), mais celui-ci ne se réfère pas expressément à D. : il est seulement question d'un certain Chevalier «maître de ballet de la Cour de Modène» qui a dansé les «principales entrées» de ses trois pièces.

D. annonce dans l'Avertissement de sa pièce, Le Roi et le Ministre (p. IV), qu'il «travaille» à un «drame» intitulé François premier, et dans les O. (p. XXXI), il dit avoir représenté sur son «petit théâtre de famille» une pièce dont le titre est Le Seigneur à dîner chez son fermier. Nous n'avons pas trouvé trace de ces deux textes.

8. Bibliographie

F.L. 1769 ; Desessarts. — (A.M.V.) Vincennes, Archives militaires, Yb 29, f° 76 et f° 120 : dossier militaire de D. — (A.V.P.) Paris, Archives de la Ville, DC6 13, f° 155 r° : lettres de la Chancellerie du Palais (18 mai 1754), portant émancipation de D., insinuées le 20 mai 1754. DC6 32, f0 18 7 r° : sentence du Châtelet du 20 février 1790, nommant le curateur de la succession de D. DC6 237, f° 148 : testament de Jacques Chevalier, insinué le 7 août 1754. — A.N., M.C., VII, 508, 15 oct. 1791 : règlement de 1200 £ à la veuve de D. ; XIV, 486, 14 août 1784 : acte de notoriété de D. – CL. : à ce qui est déjà cité, ajouter : janvier 1775, t. XI, p. 24-25 ; août 1777, t. XI, p. 509 ; sept. 1782, t. XIII, p. 189-190 ; sept. 1784, t. XIV, p. 49. – M.S., notamment le 19 avril 1775» L VIII, p. 11. — (O.) Œuvres meslées de M. le Chvr D***, nouv. éd., 1777, 2 part, en 1 vol. (nous nous référons uniquement à la 2e part.). — Voltaire, Correspondence, éd. Besterman, notamment la lettre à D. du 1er mars 1773. D17163. — Diderot, Correspondance, éd. Roth-Varloot, lettre de D., 21 juil. 1765, t. V, p. 52-60, en part. p. 59. — Jougla de Morenas H. et al., Grand armoriai de France, Paris, 1934-1952. — (D.N.) La Chesnaye Des Bois, Dictionnaire de la Noblesse, 3e éd., Paris, 1863-1876. — Mouhy, C. de Fieux de, Abrégé de l'histoire du théâtre françois, Paris, 1780.

9. Additif

 «Les Nouveaux Essais historiques sur Paris […] ont pour père anonyme un autre chevalier, Alexis-Jacques Ducoudray, ancien mousquetaire gris, gouverneur du pays des Andelys, auteur d’une foule de compilations et de productions en tous genres, et pourtant (les biographies ne le disent pas, pour l’honneur des lettres) mort à l’Hôtel-Dieu de Paris le 7 février 1789, et enterré le lendemain à la paroisse de Saint-Pierre-aux-Bœufs.» (Paul Lacroix, Les Cent et une. Lettres bibliographiques à  M. l’administrateur général de la Bibliothèque nationale,1re série, Paris, Paulin, 1849, p. 94).   (Gilles PLANTE) 

COQUELEY DE CHAUSSEPIERRE

Auteurs

Numéro

191

Prénom

Charles

Naissance

I711?

Décès

I791?

Charles Georges Coqueley de Chaussepierre descend d'une famille de juristes. Au XVIe siècle un Lazare Coquelay est conseiller au Parlement de Paris. Membre du parti de la Ligue, il est envoyé en mission auprès du pape Sixte V. «C'était un magistrat d'un grand sens et de beaucoup d'esprit» (de Thou, t. VII, p. 391-392). Le père de Coqueley de Chaussepierre, Denis, est né à Bar-sur-Seine (1680-1749). Lui aussi était magistrat : lieutenant général civil et criminel, commissaire enquêteur au bailliage de Bar-sur-Seine.

2. Formation

C. a été le chancelier de la Société académique des Enfants d'Apollon: «La base et le motif de notre honnête société est l'amitié réciproque de tous ses membres les uns pour les autres, la simplicité des mœurs, les talents et la justice que chacun de ceux qui la composent rend aux talents et aux vertus de chacun de ses membres» (Hesmart, p. 20).

C. a été membre associé de l'Académie de Nancy de 1761 à 1790 (Favier, p. 90).

Il jouait fort bien la comédie. «C'est l'un des meilleurs comédiens que j'aie jamais connus», écrit Collé. «Il a un masque excellent, une intelligence supérieure, un comique et un naturel que je n'ai vus qu'à lui. Je ne crains point de dire qu'il est au-dessus et fort au-dessus de Préville» (Journal, août-sept. 1769, t. III, p. 235. Voir aussi CL., t. VIII, p. 456).

3. Carrière

C. a eu au cours de sa vie trois activités essentielles: avocat au Parlement de Paris, garde des Archives au Louvre et censeur. Selon la B.Un., il devint avocat au Parlement de Paris en 1756. On cite souvent l'anecdote suivante: «Ce fut lui qui, plaidant contre Linguet, affecta par dérision de prononcer l'u; Linguet pour lui rendre la pareille, l'appela Maître Cocu et laid, comme il eut dit coqu-eley» (Beffroy de Reigny, t. I, p. 523). Il a exercé cette profession au moins jusqu'en 1785. De plus, C. a été chargé des fonctions de conseil de la Comédie-Française (CL., t. VIII, p. 455); Collé dit de façon plus familière: «avocat des comédiens» (t. III, p. 97). En 1772, C. était garde des Archives du Louvre (A.N., Y 429, f° 132 r° et A.V.P. V E2 386). Les A.N. possèdent de lui une lettre datée du 15 mars 1769 où il donne une réponse technique relative au dépôt dont il est responsable» (F1 d11

C. figure dans la liste des censeurs royaux au Ier janvier 1762: il était particulièrement chargé de la jurisprudence (f.fr. 22073, f° 78 v°). En janvier 1770, il rédigea pour Sartine un Mémoire au sujet du trop grand nombre de censeurs: il y en avait en tout 128 et «ce nombre est visiblement trop considérable. Un grand nombre d'entre eux sont absents ou hors d'état, soit pour d'autres emplois, soit pour leur grand âge de se livrer à l'examen d'aucun ouvrage » (f.fr. 22123, f° 108). Les activités de censeur royal de C. se sont partagées entre l'examen d'ouvrages de droit, mais aussi de pièces de théâtre et de périodiques. En juin 1775, il refuse de lire un manuscrit intitulé Le Triomphe et le règne de Thémis ou Histoire de l'origine et de l'établissement des tribunaux et juridictions de Paris (n.a.fr. 3348, f° 271). En mai 1754, il avait refusé d'approuver un ouvrage de Gousse, conseiller au Présidial d'Orléans sur les présidiaux (f.fr. 22143, f° T46). En novembre 1761, le livre de Thibaut, conseiller d'Etat du roi Stanislas, Histoire des bénéfices, lois et usages de la Lorraine et du Barrois, reçoit en revanche l'imprimatur des mains de C. (f.fr. 22144, f° 59 et 61). Mais Malesherbes pouvait aussi lui demander d'examiner des ouvrages de tactique militaire, de théologie (f.fr. 22152, f° 154-155) et même d'histoire (t. II de l'Histoire d'Irlande de Geoghegan, f.fr. 22073, f° 135-136).

C. connaissait bien le théâtre; c'est pourquoi sans doute l'Administration royale lui confia Le Satirique de Palissot. une vive satire des philosophes (Guénot, 1.1, p. 92-95). Dans un rapport du 15 août 1782, il note que «la pièce est un peu maligne; mais ce sont des critiques générales et elles tombent sur des travers que l'on peut, je crois, critiquer en gros» (Manuel, t. I, p. 174). C. fut également le censeur du Mariage de Figaro; Beaumarchais avait demandé au lieutenant de police Lenoir que sa comédie soit censurée «dans son cabinet même, afin qu'elle ne puisse tomber entre les mains d'aucun commis, ni d'aucune personne étrangère» (Hallays-Dabot, p. 127). Voir les documents 315 et 355 reproduits par G. et M. von Proschwitz dans Beaumarchais et le Courier de l'Europe, S.V.E.C. 274, 1990. Comme on le sait, l'approbation de C. ne fut pas suffisante, Louis XVI en personne voulut se faire lire Le Mariage de Figaro (Hallays-Dabot, p. 127).

Plus délicate encore fut la censure de L'Année littéraire, le journal de Fréron. Pendant l'été de 1760, après la représentation des Philosophes de Palissot, satire virulente des encyclopédistes (voir Guénot, t. I, p. 37-51), et de L'Ecossaise, pièce de Voltaire où Fréron était fort malmené, C. écrit que «la censure des feuilles devient une affaire furieusement difficile depuis les pouilles qu'on permet sur la scène» (f.fr. 22191, f° 283. 31 juil. 1760). Il refuse de faire passer un certain nombre de critiques dans L'Année littéraire (D9101) et le 5 août 1760 il écrit à Malesherbes : «Encore de L'Ecossaise. Cet homme [Fréron] devient fou. Si j'étais le maitre, je rayerais tout l'article [...] et ceci pour la troisième fois» (D9117). Fréron, qui ne connaît pas son censeur, en est fort mécontent. Celui-ci «ne veut point passer l'article le plus simple et le plus innocent qui ait jamais paru dans mes feuilles» (à Malesherbes, 24 nov. 1757, citée par Balcou, p. 201). Plus tard, ce censeur le «désole» (D9161) et il se résout à lui demander «un peu plus d'indulgence que par le passé pour quelques traits de pure plaisanterie qui pourront [lui] échapper dans [ses] feuilles sur ce fou de Voltaire» (18 juil. 1760, D9076). C. est pris entre les réclamations de Fréron et la colère de Voltaire : « Pourquoi laisse-t-on impuni le censeur de L'Année littéraire qui donne son infâme approbation», demande-t-il ? (D9737). C'est pourquoi C. avait demandé à Voltaire, en pleine affaire Calas, de le dissocier des attaques dont il était l'objet dans le journal de Fréron: «Je vous sais très bon gré», lui répond Voltaire, «d'avoir séparé votre cause de la sienne» (24 avril 1767, D14139).

C. n'a pas seulement censuré L'Année littéraire. Il dut s'occuper d'autres périodiques, les Causes célèbres en février 1757 (n.a.fr. 45, f° 31 et 369), les Ephémérides troyennes de Grosley en 1760 et en 1761. Dans ce dernier journal, on trouve «beaucoup de choses utiles, de mémoires curieux et savants, de détails amusants, de critiques justes et décentes et rien de personnel, du moins cela m'a paru ainsi», écrit-il dans une lettre du 28 décembre 1761 (n.a.fr. 3344, f° 80). Enfin, est-ce parce qu'il s'agissait de théâtre et qu'il n'y était pas associé ? C. « se fit un malin plaisir de rendre impossible la publication régulière du Journal des théâtres de Le Fuel de Méricourt (D.P.i 716). Signalons aussi qu'il fut pressenti pour s'occuper du Journal des Dames en février 1759, mais il demande que ce soit son collègue G.H. Gaillard qui l'examine (f.fr. 22134, f° 265). Comme on le voit, cette fonction de censeur n'était pas de tout repos. C. s'entoure de toutes les précautions convenables. En octobre 1761, un document signale que «M. Coqueley ne veut s'engager à rien, ni être responsable de rien pour tout ce qui est permission tacite» (f.fr. 22073, f° 108). Lorsqu'il supprime un passage d'un ouvrage, il faut un ordre écrit de Malesherbes pour qu'il accepte de le rétablir: «Je persiste dans ma radiation, si cependant vous jugiez devoir permettre ou tolérer cela, sur votre ordre écrit, je le parapherais» (f.fr. 22191, f° 284). Il est vrai que C. avait été victime de la censure de l'Histoire de Jean Sobiesky de l'abbé Coyer. L'ouvrage avait bien paru, mais C. dut faire un court séjour à Vincennes du 18 au 29 mars 1761 (Ars., ms. 12114). Cela explique les précautions peut-être excessives dont il s'entoura par la suite. Quoi qu'il en soit, on n'en saura guère plus sur son incarcération, car son dossier, à l'Arsenal, ne comporte que deux feuillets.

C. demeura un temps rue des Deux-Portes, près de la rue Hautefeuille (f.fr. 21150, f° 140-141); en janvier 1751, il habitait rue Hautefeuille (n.a.fr. 10781, f° 113).

4. Situation de fortune

En mai 1772, on lui accorda un logement au Louvre en relation avec son emploi de garde des archives (A.N., O1 118, f° 207-208).

5. Opinions

C. a toujours eu la réputation d'être facétieux. Opposé au drame, il écrivit en 1770 Le Roué vertueux qui est une parodie de L'Honnête criminel de Fenouillot de Falbaire. L'Année littéraire considère que « le Poème du Roué vertueux est de l'excellent comique et par le sujet et par la forme» (1769, t. VIII, p. 15). En revanche, pour la CL. il s'agit d'une «dégoûtante et insipide farce» (t. VIII, p. 457). En 1775, C. réitère ses attaques burlesques contre le drame en publiant Monsieur Cassandre ou les effets de l'amour et du vert de gris: cette fois-ci, c'est Merinval d'Arnaud qui est visé (Gaiffe, p. 137; CL., t. XI, p. 77). «C'est une critique très gaie des mauvais drames dont nous sommes inondés. [...] L'auteur imite très adroitement, dans sa prose, l'importance, l'affectation et le galimatias si fort à la mode dans les préfaces de nos brochures nouvelles» (Mercure, juin 1775, p. 134 et 135). Cette parodie, «la meilleure qu'on ait jamais faite contre les drames» (Journal encyclopédique, 1775, t. V, p. 315), plut même au rédacteur de la CL.: «c'est une assez bonne plaisanterie» (t. XI, p. 77).

Dans une lettre du 6 janvier 1762, C. évoque son «amitié pour M. Grosley» (n.a.fr. 3344, f° 82 v°). Il obtient que dans la Renommée littéraire, le périodique très caustique de Lebrun, « il ne soit question ni en bien ni en mal » de Colardeau (lettre du 25 févr. 1763, f.fr. 22150, f° 140-141).

6. Activités journalistiques

C. a travaillé de longues années au Journal des savants, selon Beuchot d'août 1752 à juin 1789 (B.Un. ; voir aussi Desessarts, t. II, p. 177). Il s'occupait probablement de tous les articles de droit et de jurisprudence.

7. Publications diverses

C. a publié les ouvrages suivants: Code de Louis XV ou Recueil d'édits, déclarations, ordonnances concernant la justice, police et finance depuis 1722 jusqu'en 1726, 1758, 12 vol. Mémoire pour L.E. Batillot, J. Pasquin, G.Fr. Detunne et consorts au nombre de neuf des douze maîtres relieurs et doreurs de Paris contre F. Lemonier, garde-comptable, 1758, in-40, 12 p. – Mémoire pour Elisabeth Fr. Poirier, fille majeure intimée contre ses beaux-frères (voir E. Robert, Causes amusantes et connues, Berlin, 1769. t. I, p. 325-327). – Mémoire pour la Demoiselle Leblanc de Crouzoul contre le sieur Poinsinet le jeune (voir Causes amusantes et connues, t. II). – Précis pour le sieur Boucher de Villers, peintre, dessinateur des médailles pour le cabinet du Roi, demandeur, contre le sieur Costel, défenseur, in-40, 6 p. (voir CL., avril 1767, t. VII, p. 298-299 et Causes amusantes et connues, 1.1). – Réplique et consultation signifiée pour le syndic et adjoint des libraires et imprimeurs de Paris contre le sieur Luneau de Boisjermain, 1769, in-40, 20 P- (f-fr-22069, f° 59-70). – Le Roué vertueux, poème en prose en quatre chants, 1770 (Brenner, n° 4997). – Monsieur Cassandre ou les effets de l'amour et du vert de gris, drame en deux actes et en vers, Londres, 1775, 3e éd. en 1781 (voir Brenner, n° 4996). – Les Effets de l'amour et de la mort aux rats, tragédie bourgeoise en un acte, représentée à l'Ambigu Comique, 1783 (remaniement de M. Cassandre selon Brenner). – Mémoire et consultation sur la cause pendante en la grande chambre du Parlement entre les comédiens français, le sieur Nicolet et les autres entrepreneurs des spectacles forains, 28 mai - 9 juin 1785, in-40, 16 p. (B.N., 40 Fm 7443; voir M. Tourneux, Bibliographie de l'histoire de Paris pendant la Révolution française, t. III, n° 18284). – Etude du droit civil et coutumier français, 1789, in-40. – Précis pour les comédiens français contre la dame Vestris, les demoiselles Desgarcins, le sieur Dugazon, le sieur Talma, comédiens attachés au théâtre de la rue de Richelieu, 1792, in-40, 23 p. (B.N., 40 Fm 7444). – C. est aussi l'auteur du «Cantique de Virginie» que l'on trouve dans Lusse, Recueil de romances historiques, tendres et burlesques, 1767, 2 vol. – Dans la Correspondance littéraire de La Harpe, t. IV, p. 84-85, on trouve des vers de C.

8. Bibliographie

F.L. 1769; Desessarts; B.Un., art. de Beuchot; N.B.G.; D.B.F. ; Brenner; D.L.F.; Cior 18, n° 21132-21135. – CL., t. VII, p. 298-299; VIII, 456-457; IX, 71 ; XI, 77-78. – A.N., F1 dII C11, lettres de C. du 15 mars 1789; O1 118, f° 207-208; Y 429; Y 491, f° 241 et 242. – (A.V.P.) Archives de la Ville de Paris, V E2 386. – Archives de la Bastille, Ars., ms. n° 12114. – B.N., f.fr. 22069, 22073, 22085, 22109, 22118, 22123, 22134, 22143, 22144, 22150, 22152, 22191 ; n.a.fr. 3344, 3347, 3348, 3531, 10781. – Ste-G., ms. 514 (permis d'imprimer signés C. du prospectus d'un ouvrage du P. Jos. Barre, Histoire des lois et des tribunaux de la monarchie française). L'Année littéraire, 1769, t. VIII, p. 14-26. – Journal encyclopédique, 1775, t. V, p. 306-315. – Mercure de France, juin 1775, p. 133-147. – Journal des beaux-arts et des sciences, avril 1775, p. 179. – La Harpe J.F. de, Correspondance littéraire, Paris, 1801-1807, t. IV. – Voltaire, Correspondence, éd. Besterman, D8977, 9076, 9101, 9103, 9117, 9161, 9716, 9737, 14107, 14110, 14139, 14177. – Beaumarchais, Œuvres, éd. G. d'Heylli et F. Marescot, Paris, 1869-18 71, t. III. – Thou J.A. de, Abrégé de l'histoire universelle de J.A. de Thou par Rémond de Sainte-Albine, La Haye, 1759, t. VII, p. 391-392. – Beffroy de Reigny L.A., Dictionnaire néologique, Paris, an VIII, t. III, p. 522-523. – Collé C, Journal et mémoires, éd. H. Bonhomme, Paris, 1868. – Rigault L.F., Nouveau tableau des avocats au Parlement, leurs demeures et leurs bancs au Palais, 1770. – Hesmart, Eloge d'Antoine Sacchini, Paris, 1787. – Manuel L.P., La Police de Paris dévoilée, Paris, an II [1793], t. I, p. 174-177. – Loménie L. de, Beaumarchais et son temps, Paris, 1856. – Hallays-Dabot V., Histoire de la censure théâtrale en France, Paris, 1862. – Socard E., Biographie de Troyes, Troyes, 1882. – Lintilhac E., Beaumarchais et ses œuvres, Paris, 1887. – Favier J., Table alphabétique des publications de l'Académie Stanislas (1750-1790), Nancy, 1902. – Gaiffe F., Le Drame en France au XVIIIe siècle, Paris, 1910. – Id., éd. du Mariage de Figaro, Paris, 1928, p. 47 et suiv. – Reizler S., Les Censeurs royaux et l'approbation des livres (1623-1791), Louvain, 1913. – Grosclaude P., Malesherbes, témoin et interprète de son temps, Paris, 1961, t. I. – Balcou J., Le Dossier Fréron, Genève, 1975. – Guénot H., Le Personnage du philosophe, au théâtre, entre 1750 et 1772, thèse dact., U. de Paris III, 1982, t. I, p. 37-51 et 92-95. – Proschwitz G. et M. von, Beaumarchais et le Courier de l'Europe, S.V.E.C. 273-274, 1990.

CAUX de CAPPEVAL

Auteurs

Numéro

152

Prénom

N.

Naissance

1712?

Décès

1774

Selon la N.B.G. et la F.L., N. Caux de Cappeval serait né «au commencement du XVllle siècle» en Normandie (d'Aquin) et plus précisément dans le «diocèse» de Rouen (F.L. 1769, I, 210-211). Selon sa fiche de police, rédigée par l'inspecteur d'Hémery, C. aurait eu 40 ans le 1er avril 1752: il serait donc né en 1712 (n.a.fr. 10781, f° 82). Léris précise que C.

2. Formation

La page de titre du livre de d'Aquin cité dans la bibliographie indique que C. est un «ex-oratorien».

3. Carrière

C. a d'abord été régent de collège (d'Aquin). Il a «vu» les «campagnes mémorables» de Louis XV: pendant la Guerre de Succession d'Autriche, on le retrouve à Bruxelles (A.G.F., p. l9). C. essaie de se faire remarquer par divers poèmes, notamment par une ode au Roi, La Prise de Bergopzoom (1747): «Toi dont les fastes héroïques,/ Effacent ceux des plus grands Rois, [...]/ Louis, des vainqueurs le modèle,/ C'est à ta gloire que mon zèle/ Consacre ma lyre et mes vœux» (p. 1). Dans Le Parnasse ou Essais sur les campagnes du Roi (1752), il renouvelle ses éloges : «le Parnasse n' est rempli que de la France: Louis XV en est le héros, le génie tutélaire en est l'âme et la gloire de la nation en est l'objet» (p. 6). Mais ces deux ouvrages n'ont pas réussi à faire sortir C. de l'obscurité. Fin 1756 il propose, dans un prospectus, de publier une «édition corrigée» de La Pucelle de Chapelain: «la réforme ne tombera que sur le style» (C.L., III, p. 349).Le projet est fort bien reçu par L'Année littéraire pour qui «M. de C. a beaucoup de talent et [...] a donné des preuves de son génie poétique» (1756, t. VIII, p. 281), mais la C.L. est plus critique (t. III, p. 349). Il ne semble pas que l'ouvrage ait paru. Plus tard en février 1759, C. publie La Simiade ou l'Histoire d'un Singe, une imitation de Vert-Vert de Gresset: «c'est bien maladroit de choisir des modèles charmants pour mieux faire sentir sa pauvreté», commente la C.L. (t. IV, p. 79).

Désespérant de trouver succès, emploi et pension en France, C. résolut de s'exiler à Mannheim, auprès de l'électeur palatin Charles Théodore chez qui il reçut, semble-t-il, bon accueil. Il est probablement arrivé à Mannheim peu avant l760: il est alors «homme de lettres au service de S.A.S.E.P.» (p. de titre des Odes héroïques) ou plus simplement «au service de la Cour palatine» (La Henriade, page de titre). A la Cour, C. se lie avec le comte de Couturelle, grand chambellan. Il y jouit d'une position assurée, «bien qu'il y eût de puissants ennemis» (O.H., p. 109, n. et 110). En 1768, C. publie les Odes héroïques à Mannheim. De nombreux poèmes sont dédiés à l'électeur palatin: il y chante «tous les beaux-arts florissants et les établissements les plus heureux [qui] caractérisent le règne pacifique de Charles Théodore, le véritable Titus du Palatinat, par le bonheur qu'il procure à ses peuples» (p. 15, n.). Il marque sa reconnaissance dans cette ode de 1762: «C'est le Palatinat qui fixe la fortune/ De ma course importune;/ France épargne à mon cœur des regrets superflus;/ Je trouve un Empire où règne l'harmonie/ Où les fruits du génie/ Seront récompensés et lus» (p. 108).

Quatre ans plus tard, C. s'avise de traduire La Henriade de Voltaire en latin, ouvrage dédié également à Charles Théodore, le «meilleur des maîtres», le «souverain le plus digne de tous les hommages des Muses, par tant d'heureux établissements qu'il a fait pour elles et qui doivent l'immortaliser» (Dédicace, p. VI). L'objectif du traducteur est de «rendre service aux étrangers qui n'entendent pas le français, en essayant d'en faire passer les beautés dans la langue de Virgile» (Préface, p. X). Bref, il s'agit d'un «livre classique» (p. XI). On critiqua beaucoup cette traduction de La Henriade (C.L. t. III, p. 350). Dans une lettre à Voltaire, Cideville écrit que C. «a travesti votre Iliade en vers latins pour la faire lire aux pédants de l'Université qui n'entendent pas le français» (D 7203). «Je crois, conclut Meister, que l'on continuera de lire La Henriade en français» (C.L., t. X, p. 60).

4. Situation de fortune

C., à Mannheim, obtint une pension de la Cour palatine avec l'appui du prince de Gallean, Grand Maître, et du comte de Couturelle, chambellan (O.H., p. 10). Plus tard, le baron de Bergh, brigadier des armées du Roi, lui obtint «un accroissement de pension» (p. 112, n.).

5. Opinions

C. était l'ami «très intime» de Titon du Tillet, «de plus de vingt ans, malgré la différence des âges» (O.H., p. 58, n. et 64, n.). Il l'avait connu par Fontenelle, «ami et compatriote de l'auteur» (ibid.; voir aussi A.G.F., p. 35, n.). Fréron, qu'il a dû bien connaître quand il collaborait aux Lettres sur quelques écrits de ce temps, est pour lui un «grand connaisseur» et un «zélé citoyen» (ibid.). C. s'est résolument opposé aux encyclopédistes et notamment à Rousseau: «Le manteau de la Philosophie couvre souvent bien des vices, quoiqu'il ne soit fait que pour servir d'enseigne au ridicule». Pendant la Querelle des Bouffons, il écrit que «jamais [les Philosophes] n'ont injurié la France avec tant de force et de courage: ce qui fait croire que la Philosophie est à son plus haut degré de perfection, je veux dire d'extravagance» (ibid., p. 8 et 9). Toutefois, en 1764, il reprochera au P. Desbillons de s’être imprudemment rangé du côté de Fréron (R. Desné, «Treize lettres inédites de Fréron au P. Desbillons», D.H.S., n° 11, 1979, p. 305-306).

Dans les Lettres sur quelques écrits de ce temps (1754, t. XIII, p. 218), C. avait condamné Le Siècle littéraire de Louis XV en ces termes: «il faut bien peser les principes qu'on établit [...]. Il ne suffit pas de répandre quelques parallèles parsemés d'antithèses, quelques descriptions fleuries, quelques passages plus éblouissants que lumineux [pour obtenir un bon livre]». D'Aquin répliqua fort vivement dans ses Observations sur les œuvres poétiques de M. C. (1754). Celui-ci y est traité de «rimailleur» (p. 8) et d'Aquin s'amuse même à faire des vers: «O bienheureux de Caux dont la fertile plume/ Peut tous les mois sans peine enfanter un volume» (p. l5, n.). Il semble que peu après d'Aquin et C. se soient réconciliés, puisqu'ils ont collaboré plus tard à divers périodiques. L'occasion de cette réconciliation fut la Querelle des Bouffons: ils étaient tous les deux partisans de la musique française. Dans l'A.G.F., il écrit à propos de d'Aquin: «Caractère doux, sociable et citoyen: je ne parle pas de son génie; il est au-dessus de toute expression: mais n'a-t-il pas le cœur français?»

C. était lui-même musicien; il était flûtiste (d'Aquin, p. 21). Il prit part activement à la Querelle des Bouffons. Il s'était rangé du côté des partisans de la musique française. Il a beaucoup critiqué Rousseau et sa Lettre sur la musique, «un des libelles extravagants qui ne paraissent que pour passer du mépris universel dans l'oubli le plus humiliant» (A.G.F., p. 2). C. fit même une épigramme contre lui qui fut mise en musique dans le style italien: elle fit le tour de Paris et les musiciens de l'Opéra la chantèrent tous les jours au foyer et dans les cafés (lettre de Fréron à d'Hémery, 30 déc. 1753, dans Balcou, p. 133). Dans l'A.G.F., il attaque le Devin de Village, «amas de sornettes» (p. 50). L'A.G.F. fut bien accueillie par les Lettres sur quelques écrits de ce temps (1754, t. XIII, p. 149, 151).

6. Activités journalistiques

C. a collaboré aux périodiques suivants:

Lettres sur quelques écrits de ce temps, 1754, t. XIII, 155-180 («Siècle littéraire de Louis XV»); t. XIII, 217-230 («Suite du Siècle littéraire de Louis XV»).

L'Année littéraire, 1757, t. VII, p. 311-314 («Vers à Le Vachon»).

La Semaine littéraire (avec d'Aquin), 1759, 4 vol., in-12 (voir D.P.1 1204).

Journal des Journaux ou Précis de plusieurs ouvrages périodiques de l'Europe, «par une société de gens de lettres», Mannheim, janvier-avril 1760, 2 vol., in-8°. C. a rédigé ce journal avec Portelance (voir ce nom) et l'abbé Regley (voir ce nom).

Il faut signaler que, vers la fin de 1744, l'abbé Desfontaines, que C. avait consulté sur sa traduction de La Henriade, proposa de l'associer à [ses] travaux périodiques». «Je crus devoir refuser ce dangereux honneur, écrit C. de .C, et mon refus ne diminua rien de son estime» (Mercure de France, juin 1747, 2e partie, p. 32).

7. Publications diverses

C. est l'auteur des ouvrages suivants: Adieux aux Bouffons, 1754 (F.L.). – L'Anti-Scurra ou Préservatif contre les Bouffons italiens, 1753 (Richebourg, p. 111). – (A.G.F.) Apologie du goût français relativement à l'Opéra, 1754. – Critique du Siècle littéraire de M. d'Aquin, 1753 (Pasquier). – Epître aux Bouffonistes, 1753 (Richebourg). – Essai sur les goûts anciens et modernes de la musique française relativement aux paroles de l'Opéra, 1754 (peut-être de F. Colin de Blamont). – La France vengée par la Pucelle d'Orléans (Pasquier). – La Henriade, nouvelle édition en vers latins, Deux-Ponts, 1772. – Ode à M. Fratel, Mannheim, 1770 (B.M. Rouen, Hédou, p. 9). – (O.H.) Odes héroïques, Mannheim, 1768. – Le Parnasse ou Essais sur les campagnes du Roi, 1752. – La Prise de Bergopzoom, ode au Roi, 1747.– Réflexions lyriques, 1753 (Richebourg). – La Réforme de l'Opéra, 1753 (ibid.). – La Simiade ou Histoire d'un singe, 1759 (v. C.L., t. IV, p. 79). – Les O.H. faisaient partie d'un ensemble, Les Muses palatines, recueil de poésies de toute espèce, relatives au Palatinat; «Ce recueil formera plusieurs volumes». Ce projet n'a pas abouti (O.H., p. 118). C. a eu aussi l'intention de publier un recueil de «trente mille vers», «prêts à paraître», Les Campagnes, qui devait s'imprimer par souscription avec de magnifiques estampes, vignettes, culs de lampe et le portrait [de l'auteur]» (d'Aquin, p. 20). Enfin, il avait écrit une pièce de théâtre intitulée Achille, non publiée, que «Messieurs les comédiens ont écouté avec transport et reçu avec empressement» (ibid. ; Léris).

8. Bibliographie

B.Un., Cior 18 n° 16226-16232, D.B.F., D.L.F., F.L. 1769. B.H.C., N.B.G. – B.N., n.a.fr. 10781. – C.L., t. III, p. 350; t. IV, p. 79; t. X, p. 60. – La Harpe J.F. de, Correspondance littéraire, 1801-1807, t. V, p. 345-346. – Frère E., Manuel du bibliographe normand, 1858, t. I, p. 203. – Lebreton Th.E., Biographie normande, Rouen, 1857-1861, t. I, p. 280. – Léris A. de, Dictionnaire portatif des Théâtres, 2e éd., Paris, 1763. – Oursel N.N., Nouvelle Biographie normande, 1886. – Pasquier A., Biographies normandes, 9 vol. – L'Année littéraire, 1754, t. I, p. 350-353; 1756, t. V, p. 349-356; t. VIII, p. 279-284; 1757, t. VII, p. 311-314. – Lettres sur quelques écrits de ce temps, t. XIII, 1754, p. 145-152. – Mercure de France, juin 1746, 2e partie, p. 28-41; avril 1753, p. 208. – La Semaine littéraire, 1759, t. II, p. 6. – Voltaire's Correspondence, éd. Th. Besterman, D 7103, D 7467, D 8865, D 8884, D 17954. – Aquin de Château-Lyon P.L. d', Observations sur les Œuvres poétiques de M. Caux de Cappeval, La Haye, 1754. – Richebourg L., Contribution à l'histoire de la Querelle des Bouffons, 1937. – Ambri-Berselli P., «Le Journal des Journaux», Rivista di Letterature moderne, t. VIII, 1955, 30-42. – Balcou J., Le Dossier Fréron, Genève, 1975.

BOUDIER DE VILLEMERT

Auteurs

Numéro

096

Prénom

Pierre

Naissance

1722

Décès

?

D'après B.Un. et N.B.G., Boudier de Villemert serait né en 1716 ; mais d'après l'inspecteur d'Hémery, B. aurait eu 30 ans en mars 1752 : il serait né par conséquent en 1722. Il est dit «de Paris», ce qui suggère qu'il y est né. Son père était d'ailleurs avocat à Paris. B. était de «taille ordinaire, laid, assez mal fait, blond et les yeux gros» ; mais il avait «assez d'esprit» (n.a.fr. 10783, f° 148)

2. Formation

B. a porté le petit collet ; on l'appelait quelquefois l'abbé de V. Il avait un frère intendant de M. de Brionne, grand écuyer, par lequel il espérait obtenir un bénéfice ecclésiastique (n.a.fr. 10783, f° 148). La page de titre de l'Andrométrie (1753) lui donne la qualité d'«abbé», ce qui suggère qu'il avait reçu les ordres mineurs.

3. Carrière

B. a été avocat au Parlement de Paris (B.Un. ; N.B.G.).

5. Opinions

B. est l'auteur d'une série d'ouvrages que l'on peut classer en trois grandes catégories.

D'abord, au début de sa carrière, il écrivit un roman léger ou satirique, Le Monde joué (1753), dont il dit : «c'est [...] une folie que j'ai faite pour m'amuser moi-même, et que je livre à l'impression au hasard de ce qu'elle pourra devenir» (Avertissement, p. V).

Un deuxième ensemble d'ouvrages est de tonalité plus morale. Dans l'Apologie de la frivolité (1750), B. fait le procès des pédants, «une certaine classe d'hommes, qui, nés avec un tempérament froid et mélancolique ont mieux aimé se livrer à des raisonnements abstraits, qu'aux douceurs de la société pour laquelle ils étaient peu propres. Ils se sont vengés des dégoûts et de la sécheresse, inséparables de ce genre de travail, par un mépris formel pour tout ce qui affectait le reste des humains» (p. 8). Il oppose le sentiment au raisonnement (p. 9) et constate que «l'esprit de dispute relégué dans les écoles a cédé la place aux grâces et à l'enjouement» (p. 10). Bref, «toute la métaphysique doit le céder non seulement à une comédie qui nous corrige en nous amusant, mais encore à un joli roman, à une épigramme même» (p. 25). Selon les Mémoires de Trévoux, l'Apologie de la frivolité est «une bagatelle qui n'est pas mal écrite» (juil. 1752, p. 1508).

L'Andrométrie est d'inspiration rousseauiste : critique des sciences, des talents, des rangs et des honneurs, «grands mots pour signifier peu» («j'appelle peu tout ce qui de sa nature ne saurait contribuer à rendre l'homme meilleur ni plus heureux», p. 57-58), du luxe (p. 90) et des villes (p. 91 n.).

L'ouvrage qui a fait le plus connaître B. est L'Ami des femmes, lui aussi d'inspiration rousseauiste : Rousseau est un «excellent observateur» (p. 167). B. admet que «si les femmes [...] joignent aux grâces du corps un esprit juste et un coeur droit, le goût que nous avons pour elles ne peut que développer en nous d'excellentes qualités» (p. 14-15). D'autre part, il déplore «le peu d'estime qu'elles font de leur intelligence» (p. 30) ; mais «elles doivent surtout s'éloigner des sciences abstraites et épineuses» (p. 32), pour s'attacher à l'histoire et à la physique, en évitant dans ces deux sciences ce qu'elles ont de «systématique» (p. 34). Les femmes savantes sont condamnées sans appel (p. 33). De plus, B. de V. critique l'oisiveté des femmes (p. 44-49), le luxe (p. 74), le rouge, les paniers, les mouches (p. 86 et suiv.). Enfin B. se déclare un partisan convaincu du mariage (chap. IX), de l'allaitement maternel (p. 147-149) et un détracteur des nourrices (p. 149-150). L'Ami des Femmes fut bien reçu par L'Année littéraire : cet ouvrage «offre des vérités utiles et dignes d'être répétées. Il y a dans le style des grâces et de la chaleur» (1766, t. III, p. 287). Pour le Journal encyclopédique, B. donne «partout des conseils très sages» (1779, t. III, p. 456). En revanche, la C.L. critique cette «réthorique froide», ces «platitudes» d'«un de nos écrivailleurs» (t. IV, p. 36 et 168).

Enfin, B. s'est fait polémiste et apologiste de la religion chrétienne. D'abord, dans L'Irréligion dévoilée (1774), il s'élève contre les Philosophes, «ces esprits ténébreux qui veulent enlever au genre humain les vérités les plus consolantes et nommer sagesse une fausse dialectique qui attaque les fondements de la société» (p. 3). Bref, «de l'idée que nous avons de la Divinité et de sa Providence se tire celle de l'âme, de son immortalité, de là nos devoirs et une religion» (p. 10). Les Pensées philosophiques (1784) sont conçues pour s'opposer à celles de Diderot : cette réponse n'a été écrite «que pour les esprits chancelants dans la foi» et «non pour nos incrédules, sourds, volontaires, qui ne veulent rien entendre» (Avertissement du t. I). Dans l'Avertissement du t. III, B. rappelle ses convictions : Dieu «est le principe d'où tout part, il est la fin où tout se termine. Toute pensée vraie a une liaison plus ou moins directe avec Dieu ; il n'est qu'une grande et unique vérité».

Les efforts de B. contre les Philosophes et pour la défense de la religion ont été encouragés par l'abbé Sabatier : l'Irréligion dévoilée est un ouvrage où l'on voit «un écrivain zélé pour les vrais principes, qui les développe et les défend avec une supériorité d'esprit qui ne laisse rien à désirer» (Trois Siècles, t. I, p. 340). Quant aux Pensées philosophiques, d'après l'Année littéraire, «elles sont écrites, en général, d'un style concis, mâle et nerveux. L'élégance s'y rencontre moins que la force et la noblesse» (1787, t. II, p. 155-156).

6. Activités journalistiques

B. a collaboré aux périodiques suivants :

La Feuille nécessaire contenant divers détails sur les Sciences, les Lettres et les Arts, Paris, Lambert, 1759, in-8°, 45 numéros en tout. La Feuille nécessaire est due à la collaboration de B. et de Jean Soret (D.P.1 4472). La C.L. dans sa livraison de février 1749 (t. IV, p. 83) attribue la Feuille nécessaire à l'abbé de La Porte (voir l'art. «Soret»).

L'Avant-coureur « feuille hebdomadaire, où sont annoncés les objets particuliers des Sciences et des Arts, le cours et les nouveautés des spectacles et les livres en tout genre», 1760-1773, 13 vol. in-8 . B. a travaillé à ce périodique de concert avec Querlon, Jonval, La Combe, La Dixmerie (v. D.P. 129).

Le Courrier de la mode ou le journal de goût, 1768-1770 (D.P.1 274) : B. a lancé ce nouveau journal en avril 1768 (voir Archives de la Librairie, pièce 53, et C. Rimbault, La Presse Féminine de langue française au XVIIIe siècle, thèse de l’Ecole des Hautes Etudes, Paris, 1981, p. 203

7. Publications diverses

Voir Cior 18, n° 13035-13050.

8. Bibliographie

F.L. 1769,B.U.C., B.Un., N.B.G, H.P.L.P., t. III, p. 183-184 ; D.O.A. : D.B.F., D.L.F., Cior 18, n° 13035-13050. – C.L., t. IV, p. 36, 42, 83, 368. – B.N. : f.fr. 22072, f° 296-305 ; n.a.fr. 10783, f° 148. – Ste G., ms. 1486, f° 26. – L'Année littéraire, 1759, t. IV, p. 259-263 ; 1766, t. III, p. 277, 288 ; 1786, t. II, p. 120 ; 1787, t. II, p. 154-158. – Le Censeur hebdomadaire, 1760, t. I, p. 191-192 et 303-307. – Journal encyclopédique, 1759, t. I, p. 132-133 ; 1779, t. III, p. 450-456 ; 1787, t. II, p. 191-199 ; 1792, t. I, p. 153. – Mémoires de Trévoux, juil. 1752, p. 1508-1512. – Semaine littéraire, 1759, t. I, p. 76. – Sabatier de Castres A., Les Trois Siècles de la littérature française, 1781, t. I, p. 339-340. – Rétif de La Bretonne N.E., Les Nuits de Paris, CXXXe nuit, 1789, t. V, p. 2147. – Benoît A., «Notice sur Boudier de la Jousselière et Boudier de Villemaire», Procès verbaux de la Société archéologique d'Eure et Loir , 1876, t. V, p. 226-239. – La Chesnaye-Desbois et Badier, Dictionnaire de la noblesse, 1864, t. III, p. 678-680. – Lebreton T., Biographie normande, 1857, t. I, p. 199. – Monod A., De Pascal à Chateaubriand, 1916, p. 478. – «Notice sur Pierre-Francois Boudier», Société d'archéologie de la Manche, Mélanges, 3e série, 1974, p. 19-22 (A.D. de la Manche). – Venturi Fr., La Jeunesse de Diderot, 1939, p. 366.

BOISSY

Auteurs

Numéro

086

Prénom

Louis de

Naissance

1694

Décès

1758

Louis de Boissy a été baptisé à Vic-sur-Cère (Cantal) le 26 novembre 1694 (A.D. du Cantal). Son père, Pierre Boissy, était conseiller et juge prévôt à la Cour ordinaire de Vic et en 1694 à la Cour royale de Carladez (ibid.). Il était né en 1625, et disparut en 1698 (Szapiro, p. 37). Parmi les membres de cette famille, il y avait un prêtre, docteur en théologie, Michel Boissy, curé de Vic (A.D. du Cantal). Un aïeul de B. fut avocat (Szapiro, p. 37). Sa mère s'appelait Marie Félisse de Comblat (A.D. du Cantal).

2. Formation

B. fit ses études au Collège de Saint-Flour, «où il se distingua» (Gardissal, p. 77). Au sortir du collège, il prend l'habit ecclésiastique et se prépare à la prêtrise (ibid.) : «Je l'ai vu dans sa jeunesse clerc tonsuré», dit Goujet (n.a.fr. 1011, f° 495). Mais il abandonne bientôt cette carrière. Sa famille l'envoie alors faire son droit à Paris ; cependant il prend goût à la vie parisienne et ne revient pas en Auvergne. Sa famille qui, d'ailleurs, «était outrée contre lui de ce qu'il s'était entièrement livré au bel esprit» le déshérite au profit de son frère cadet (C., t. Il, p. 136). Grâce à l'appui de Mme de Pompadour, B. fut reçu à l'Académie française le 25 août 1754 à la place de Néricault-Destouches (A., p. 563). «Toute l'assemblée partagea avec lui le plaisir de son installation dans l'aréopage littéraire et il put jouir de l'estime publique qu'on lui prodigua avec enthousiasme» (C.L., t. Il, p. 180). N'ayant que peu de temps pour préparer son discours de réception, B. fit une ode, ce qui, pour la C.L., est «le comble de l'extravagance» (t. Il, p 415). Dans sa réponse, Gresset fit une critique de la frivolité dans les comédies et «on trouva que c'était une épigramme qui tombait directement sur M. de Boissy» (ibid., p. 181). La Curne de Sainte-Palaye raconte que B. suivait assidûment les assemblées de l'Académie et note qu'il a concouru à ses travaux «avec zèle» (p. 14, 15).

3. Carrière

B. arrive à Paris en 1717 (Ravaisson, t. Xll, p. 89, cité par Szapiro, p. 39). Là, il se livre à ses goûts littéraires et recherche le milieu des Auvergnats de Paris : on le retrouve chez Lefévre de Caumartin, fils de l'intendant de Clermont (ibid.). En 1718, B. publie, «par un besoin impérieux de subsister» (A., p. 563), Terpsichore ou le Nourrisson de la satire, 2 vol. Ce livre est une vive critique de tout ce qui comptait dans la littérature de cette époque : Fontenelle, La Motte, Marivaux. B. sortit ainsi de l'anonymat, mais il «s'aliéna par imprudence tous ceux qu'il avait besoin de ménager» (ibid., p. 565). L'Elève de Terpsichore est jugée ainsi par Fréron : «Les traits qu'on y décoche sont durs et grossiers ; il y a même de temps en temps de plates ordures» (L'Année littéraire, 1759, 1, 39).

B. écrivit encore deux petits romans : Les Filles femmes et les Femmes filles et Les Quinze minutes ou le temps bien employé (1751) où «il y a beaucoup d'esprit, d'imagination» (Fréron, Lettres sur quelques écrits de ce temps, IV, 45), mais sa véritable spécialité est le théâtre. Sa production est très abondante : une quarantaine de pièces représentées tant au Théâtre français qu'au Théâtre italien depuis 1725.

Le Babillard, joué le 16 juin 1725, eut seize représentations (Joannidès) et fut remonté souvent depuis (Léris, p. 68). Ce fut un succès : le caractère du babillard y est exprimé «dans toute sa force et avec une vivacité extrêmement agréable» (A.L., 1759, 1, 9 ; La Porte et Chamfort, 1, 155).

Le Français de Londres (3 juillet 1727, 19 repr. ; Joannidès) eut aussi «le succès le plus flatteur, succès mérité à beaucoup d'égards» (A.N., 1759, 1, 12). Cette pièce fut «très goûtée» (Léris, p. 214) : les Français eux-mêmes rient des défauts qu'on leur prête (La Porte et Chamfort, 1, 525).

Au Théâtre italien, le 8 novembre 1730, B. fit monter Le Triomphe de l'intérêt, pièce satirique qui conte «les aventures scandaleuses du juif Dulis et de la Pelissier, actrice de l'Opéra» (A.L., 1754, 1, 24). Le public saisit parfaitement toutes les allusions de la pièce : cela lui procura «un grand succès» (Léris, p. 438 et C, t. Il, p. 138).

Le 18 février 1740, on donna à la Comédie française Les Dehors trompeurs : ce fut peut-être la plus belle réussite de B. (23 représentations, Joannidès). Il y peignait «avec tant de finesse et de vérité» la vie de la haute société qu'on attribua la pièce à un grand seigneur de la Cour (Fréron, Opuscules, Il, 133). Ce texte est sans doute «le meilleur et le mieux écrit» de tous ceux de B. (A.L., 1759, 1, 18), celui où «pétille l'esprit» (La Porte et Chamfort, 1, 348). Bref, si Les Dehors trompeurs le mettait «au rang des vrais poètes comiques» (A, p. 575), Voltaire regrette cependant que «cela» ne soit pas plus «étoffé» (D 2201) et J.B. Rousseau déclare que le texte l'a «entièrement ennuyé» (Lettres, 1750, t. I, p. 265 et 268-269).

B. dut aussi essuyer plusieurs échecs. La Comète ne put finir d'être jouée à sa création aux Italiens en juin 1749 (C.L., t. I, p. 313 et Collé, t. I, p. 80). Le Retour de la Paix est une «misère» remplie de «lieux communs et de jugements de café» (ibid, t. II, p. 38). Au Théâtre italien, on monta Le Prix du silence en mars 1751 où il y a «quelque esprit» (C.L., t. II, p. 38), mais dont «les caractères sont misérables» (C, t. I, p. 292-293).

4. Situation de fortune

Sa famille le déshérita, car il ne voulait pas revenir dans sa province (C, t. II, p. 136). Son mariage ne lui fut pas profitable financièrement (A, p. 590). «Il [fut] toute sa vie mal à son aise» (C, t. II, p. 136). D'Alembert parle même d'«indigence» (p. 590) et dit qu'il supporta cette situation «avec beaucoup de noblesse et de courage» (ibid.). Cette pauvreté était telle que B. et sa femme envisagèrent de se suicider en se laissant mourir de faim (ibid.). Cette anecdote est aussi racontée par Marmontel qui ajoute que le pire fut évité lorsqu'un ami survint fort heureusement et les sauva (t. I, p. 151). B. ne voulait rien laisser deviner de sa misère : il était toujours «bien mis» (ibid., t. II, p. 59) ; quelquefois même, «il allait [...] jusqu'à montrer aux yeux du public une espèce de superflu, au risque de se priver du nécessaire dans son intérieur domestique» (d'Alembert, p. 590).

Cependant quand B. obtint le privilège du Mercure de France en 1754, sa situation changea entièrement : l'exploitation de ce périodique «toutes charges payées» lui rapportait au moins 18 000 £ par an (C, t. II, p. 136). Le privilège du Mercure rapportait en effet à l'époque de 20 000 à 25 000 £ (C.L., t. II, p. 199). B. connut dès lors «l'aisance» (Oeuvres, 1766, t. I, p. xxvii) et il devint prodigue : «sa dépense allait jusqu'au luxe et presque jusqu'au faste, mais il avait si longtemps attendu l'opulence [...] qu'on lui pardonnera sans doute de n'en avoir pas fait un usage plus modéré» (d'Alembert, p. 594).

Lorsqu'on lui retira la Gazette de France en 1751, on lui accorda une pension de 1000 £ en dédommagement (f.fr. 22156, f° 96).

Signalons enfin qu'en février 1758, Bastide avait proposé à B. 5000 £ pour que celui-ci prête son nom à l'entreprise du Choix des anciens Mercures (f.fr. 22134, f° 49-50).

5. Opinions

A vingt-quatre ans, B. publia L'Elève de Terpsichore : c'est une oeuvre de jeunesse contre «les goujats du parti moderne» (I, 24 n.). La Motte y est vivement critiqué : «[...] on aurait tort de respecter un écrivain qui respecte si peu ses maîtres, qui ose les condamner sans les connaître, qui méprise les anciens, parce qu'il ne les entend pas et qui ne se met pas en peine de les entendre, parce qu'il croit qu'un homme d'esprit comme lui peut se suffire à lui seul [...]» (t. I, 33).

En 1753, une note de police rapporte qu'il assiste avec Bonneval, Palissot, Du Tertre, Deslandes aux soupers du lundi donnés par Thome, lieutenant général des armées qui «n'a aucune religion et ne va jamais à la messe» (f.fr. 22158, f° 124).Il est signalé comme étant «un homme qui n'est point suspect» (ibid.).

La Curne de Sainte-Palaye dit qu'il avait «un grand nombre d'amis», car B. était un «auteur sans présomption» et un «poète sans jalousie» (p. 15). Un de ses amis nous est connu : il s'agit de l'abbé Porquet (1728-1796), poète membre de l'Académie de Nancy (A.L., 1759, I, 42-43). Mais, le plus souvent, B. vivait dans la «retraite ou dans des sociétés obscures et peu nombreuses» (d'Alembert, p. 579).

6. Activités journalistiques

B. dirigea la Gazette de France et a été titulaire du privilège du Mercure de France.

Il fut d'abord chargé de la Gazette de France de décembre 1750 à juillet 1751 (n.a.fr. 10781, 1er janvier 1751 ; f.fr. 22156, f° 26, 5 juillet 1751). De nouveau, trois ans plus tard, il s'occupa de la Gazette de France, «à peu près dans le même temps» où il fut élu à l'Académie française, en août 1754 (A, p. 592). Mais il ne garda pas longtemps la direction de la Gazette «qu'il avait acceptée plus par nécessité que par goût» : «Il s'était acquitté de cet emploi comme on s'acquitte d'un travail de commande» (ibid. ; voir aussi B., Oeuvres, t. I, p. xxvi).

B. a dirigé le Mercure de France à partir de janvier 1755 jusqu'en avril 1758 inclusivement. Avant son arrivée, l'interim avait été assuré par Raynal (Marmontel, t. I, p. 152). Les mois de mai, juin et les deux volumes de juillet 1758 ont été donnés par son neveu (Courcel, p 7). B. se chargeait des nouvelles littéraires (Mercure, avril 1755, p. 74).

C'est lors d'une entrevue à Fontainebleau entre Mme de Pompadour –à qui il avait dédié sa comédie Le Prix du silence, 1751– et Marmontel que tout se décida. Le précédent titulaire du Mercure, La Bruère, étant mort en 1754 à Rome, la place était vacante. Mme de Pompadour demanda à Marmontel le nom de ceux qui pouvaient le remplacer : il nomma Crébillon fils, d'Alembert et Boissy. Celui-ci l'emporta finalement : la Marquise ne pardonnait pas à Crébillon le roman satirique, Les Amours de Zeokinizul (Louis XV) ; d'Alembert passait pour «une tête chaude» et un partisan trop zélé du roi de Prusse (Marmontel, t. II, p. 58-60). Ainsi grâce à Marmontel qui cita son nom et surtout grâce à Mme de Pompadour qui appuya sa candidature, B. devint directeur du Mercure. B. lui-même confirme ce scénario dans une lettre à Malesherbes (23 févr. 1758) où il écrit en toutes lettres : «Mme de Pompadour de qui je tiens le Mercure» (f.fr. 22134, f° 49 v.).

C'est par un brevet du 12 décembre 1754 que B. obtient officiellement le privilège du Mercure de France, car, dit le document, il «ne se distingue pas moins par une conduite sage et mesurée que par la multitude des ouvrages qu'il a mis au théâtre et qui ont eu les succès les plus suivis» (A.N., 0198, f° 314-315). Ce brevet oblige par ailleurs B. à verser un certain nombre de pensions à partir du 1er janvier 1755 : 2000 £ à Cahusac ; 2000 £ à Raynal, «qui a été chargé de la composition du Mercure depuis plusieurs années et qui a perfectionné cet ouvrage par son attention et son travail particulier» ; 2000 £ à Lironcourt, «ci-devant consul de France au Caire» ; 2000 £ à Philippe Bridard de la Garde ; 1200 £ à Piron ; 1200 £ à Marmontel ; 1200 £ à Seran de la Tour ; 1200 £ au chevalier de la Vegerie (frère de la Bruère) (ibid, f° 315-316 et C.L., t. II, p. 199).

Dans un Avant-Propos paru avec le Mercure de janvier 1755, B. explique sa nouvelle politique rédactionnelle. Désormais, le journal sera divisé en six rubriques : «Pièces fugitives en vers et en prose», «Nouvelles littéraires», «Sciences et Belles-lettres», «Beaux-arts», «Spectacles», «Nouvelles étrangères et celles de France» (p. IX-XII). Pour introduire une certaine nouveauté, B. fit appel aux contributions de ses confrères : «Je réitère la prière que j'ai déjà faite à tous nos bons écrivains de vouloir bien enrichir mon recueil de quelques-unes de leurs productions» (Mercure, fév. 1755 ; p. 82 et Avant-Propos, janv. 1755, p. V). Marmontel, par exemple, lui fournit des contes (Mémoires, t. II, p. 63-64) ; en avril 1757, B. insiste auprès de Thierot pour publier une lettre de Voltaire (D 7213).

Lorsque B. reprit le Mercure, celui-ci était tombé «en discrédit» (C.L., t. II, p. 199). Mais grâce à la qualité de ses collaborateurs, B. put relever sensiblement le niveau de son journal qui «n'a jamais mieux valu que lorsqu'il était entre ses mains» (Sabatier de Castres, Trois Siècles, t. I, p. 323). B. «eut le talent de le rendre aussi instructif qu'amusant» (Sabatier de Castres, Correspondance littéraire, p. 3-4). Cependant on lui reprochait une indulgence excessive dans les comptes rendus des livres qu'il faisait (d'Alembert, p. 593).

B. est aussi l'éditeur du Choix des anciens Mercures (F.L. 1769, t. II, p. 11). Il s'est vivement querellé avec Bastide en février-mars 1758 à propos de cette publication, mais les choses ont fini par s'arranger (voir lettres de Bastide et de B., f.fr. 22134, f° 47, 49, 62, 88, 90-91).

7. Publications diverses

A part L'Elève de Terpsichore, 2 t. en un vol. (1718) et Les Filles femmes et les Femmes filles ou le monde changé, Les Quinze minutes ou le temps bien employé (1751), B. n'a composé que pour le théâtre. Ses pièces ont été recueillies dans les Oeuvres de théâtre de M. de Boissy, «nouvelle édition corrigée et augmentée», Veuve Duchesne, 1766, 9 vol., in-8°.

A la liste donnée par Cior 18 (n° 12343-12390) et par Brenner (n° 3855-3911), il convient d'ajouter plusieurs titres de son Théâtre inédit (f.fr. 9322) : f° l9 : La France galante, opéra-comique en 3 actes, repr. à la Foire Saint-Laurent le 28 juin 1731.– f° 71 : Les Contes, opéra-comique en un acte avec un divertissement, destiné à être représenté à la Foire Saint-Laurent, 1731 (non repr.).– f° 76 : Le Triomphe de l'ignorance, opéra-comique en un acte avec un divertissement, repr. à la Foire Saint-Laurent le 20 mars 1732.– f° 92 : La Coquette amoureuse, comédie reçue par les Comédiens Français en l'année 1732 (non repr.).– f° 170 : La Comette, comédie en un acte, en vers libres, 7 juin 1749.

On trouve un poème de Boissy, «La Bagatelle à Melle Sallé de l'Opéra» dans P.L. d'Aquin de Chateau-Lyon, Siècle littéraire de Louis XV, 1753, t. I, p. 187-188.

8. Bibliographie

C.L. ; F.L. ; Desessarts, t. I, p. 302-303 ; B.Un. ; D.B.F. ; D.L.F. ; N.B.G. – A.D. Cantal C 126, 2796, 3092, 7092, 7239 ; 443 F2 ; 15 B (Fonds du baillage de Vic). – A.N., 0198, f° 314-317 ; Z1 a600. – Inst., collection d'autographes, une pièce signée, 1744.– B.N., f.fr. 9322, f.fr. 22134, f° 47-48, 49-50, 62, 63-64, 81-82, 83-84, 88, 90-91 ; f.fr. 21156, f° 26 (5 juillet 1751) et f° 96 ; f.fr. 22158, f° 124 ; n.a.fr. 1011, f° 495 ; n.a.fr. 10781, 1er janvier 1751. – Gazette de France, 17 août 1754, p. 387 ; 29 avri1 1758, p. 212. – Mercure, fév. 1727, p. 351 ; oct. 1739, p. 245 ; mars 1753, p. l79. – (A.L.) Fréron : L'Année littéraire, 1754, t. VII, p. 345-349 ; 1758, t. IV, p. 194-203 ; 1759, t. I, p. 346 ; Lettres sur quelques écrits de ce temps, 1752, t. IV, p. 233 et 241 ; Opuscules, Amsterdam, 1753, t. II, p. 37, 57, 132. – Journal des Savants, 1740, p. 96 et 1749, p. 380. – (C) Collé Ch., Journal et Mémoires, éd. H. Bonhomme, 1868, 3 vol. – Des Essarts N.L., Les Siècles littéraires de la France, 1800, t. I, p. 302-303. – Aigueperce P.G., Biographie ou Dictionnaire historique des personnages d'Auvergne, Clermont-Ferrand, 1834, 2 vol. – (A) Alembert d', «Eloge de Louis de Boissy» dans Histoire des membres de l'Académie française, 1786,t. V, p. 563-599. – Berveiller M., «Anglais et Francais de comédie chez Boissy et Samuel Foote», Comparative Literature Studies, U. of Maryland, 1965, II, p. 259-269. – Chaumeil abbé, Biographie des personnes remarquables de la Haute-Auvergne, Saint-Flour, 1868, p. ll5-116. – Constans A., «An unpublished criticism of Voltaire's Eryphile», P.M.L.A., t. XXXVIII, 1923, p. 859-868. – Id,, Recherches sur Louis de Boissy, Ph.D. Harvard U., 1926. – Courcel G. de, Mémoires historiques sur le Mercure de France 1672-1780, 1903, p. 7. – Gardissal C.D., «Notice sur Louis de Boissy», Tablettes historiques de l'Auvergne, 1844, t. V, p. 74-86. – Gresset J.B.L. et Boissy, Discours prononcés devant l'Académie francaise a la réception de M. de Boissy, 1754. – Jacquart J., Correspondance de l'Abbé Trublet, 1926 (deux lettres de Trublet à Boissy, p. 57 et p. 83). – Joannidès A., La Comédie francaise de 1680 à 1900, 1901. – La Curne de Sainte Palaye J.B. de, Discours prononcés dans l'Académie francaise le 26 juin 1758, 1758, in-4°. – La Porte J., et Clément J.M.B., Anecdotes dramatiques, 1775, t. II, 107. – Léris A. de, Dictionnaire des Théâtres de Paris, 1763. – Marmontel J.F., Mémoires, éd. de M. Tourneux, 1891, 3 vol. – Mijoule J., «Le premier auvergnat de l'Académie francaise, Boissy, poète dramatique et comique (1694-1758)», Revue de la Haute-Auvergne, 1929-1930, p. 181-205. – Pitou S., «The censors, the public and Boissy's Admède et Alceste (1727)», Romance Notes, 1969-1970, XI, p. 574-578. – Rousseau J.B., Lettres de Rousseau sur différents sujets de littérature, Genève, nouvelle édition, 1750, t. I, p. 265, 268. – Sabatier de Castres A., Correspondance littéraire, 1780, p.3-4. Id., Les Trois Siècles de la littérature francaise, éd. de 1781, t. I, p. 321-323. – Szapiro-Hirsh Fr., «Piganiol de la Force et Boissy», Revue de la Haute-Auvergne, 1975-1976, XLV, p. 35-43. – Voltaire, Correspondence, D 2201, D 7232, D 10405. – Zeek Ch. F., Louis de Boissy, auteur comique, Grenoble, 1914.

BAUVIN

Auteurs

Numéro

045

Prénom

Jean

Naissance

1714

Décès

1779

Jean Grégoire Bauvin ou Beauvin est né à Arras en 1714. Il est issu d'une «famille honorable mais très pauvre» (Cardevacque, p. 40). Il est mort le 7 janvier 1779 (ibid.; F.L.). Marmontel raconte que B. était «laid» et «bancal», mais qu'il était «homme de sens» et «homme de goût» (Mémoires, t. I, p. 65 et 66).

2. Formation

Après avoir fait d'«excellentes études», il est reçu avocat au Parlement de Paris (Cardevacque). C'est le 10 novembre 1742 que B. devient membre de l'Académie d'Arras (Van Drival, p. 25).

3. Carrière

Vers 1745, alors qu'il vient de faire la connaissance de Marmontel, B. loge chez une fruitière, près de l'Hôtel de Tours où habitait Vauvenargues, non loin de la rue de l'Ecole de Médecine (Mémoires, t. I, p. 66).

Ce n'est qu'assez tard, fin septembre 1772, que B. parvient à faire représenter à la Comédie française Les Chérusques. Il s'agit d'une version remaniée d'Arminius (1769), libre adaptation de Herrman de J.E. Schlégel (Brenner, n° 3313); B. s'était adjoint à cette occasion les services de Cappler, professeur d'allemand à l'Ecole militaire. Le cadre historique des Chérusques est la défaite de Varus, général des troupes d'Auguste, face au germain Arminius, prince chérusque (9 après J.C.). Le sujet avait déjà été traité par Scudéry et Campistron (Préface des Chérusques). B. eut toutes les peines du monde à faire représenter sa pièce: les comédiens se dérobaient. Il fut contraint de faire sa cour à Molé et «d'essuyer les hauteurs, les rebuffades et, qui pis est, la compassion des comédiens» (Collé, t. III, p. 365). C'est grâce à la Dauphine qu'il fait représenter sa pièce qui fut très «mal jouée» (C.L.,t. X, p. 68). Malgré tout, Les Chérusques réussissent fort bien: «l'auteur a été appelé à grands cris» (ibid.). La pièce fut reprise en juin 1773, non sans mal: les comédiens refusaient à nouveau de la jouer. Les Etats d'Artois, d'où est originaire B., eurent recours au Maréchal de Richelieu qui, «après avoir fouaillé les comédiens d'importance, les a obligés de jouer hier Les Chérusques» (M.S., 10 juin 1773). Instruit du conflit qui opposait Richelieu et les comédiens, le public se rend en foule à la représentation des Chérusques et «la pièce a été très applaudie» (ibid.). «La chaleur que le parterre a mise dans la querelle» s'explique par sa «haine pour les historiens», il a voulu ainsi «protéger» la pièce et «la faire aller» (ibid.).

La critique de l'époque est divisée au sujet des Chérusques. L'Année littéraire précise que cette tragédie «a obtenu les suffrages des connaisseurs» car «peu d'ouvrages dramatiques» sont «conduits avec plus de jugement et de sagesse»; il s'agit d'un ouvrage «plein de noblesse, d'éloquence, de chaleur, et l'on y trouve un grand nombre de beaux vers» (A.L., 1772, VIII, p. 264-265, 266). Le Mercure de France rapporte qu'on a remarqué dans cette tragédie «de beaux vers», «des sentiments patriotiques exprimés avec noblesse et énergie» (oct. 1772, 2e vol.,p. 151). En revanche, la C.L. affirme que «après avoir applaudi» la pièce, «on en dit beaucoup de mal dans le monde» (t. X, p. 69). Pour les Mémoires secrets, nul nerf, nulle énergie dans les caractères, nul intérêt, nulle chaleur, une froideur continue» (27 sept 1772). Voltaire lui-même dit avoir «fait les plus incroyables efforts pour lire Les Chérusques» (D 16908 et D 16974).

4. Situation de fortune

Alors qu'il habitait avec Marmontel, B. est très pauvre: c'est la bohême littéraire, ils vivent à crédit et vont chercher l'eau eux-mêmes pour faire des économies (M, t. I, p. 66). Cependant B. disposait d'«une centaine d'écus» vers 1745 (ibid., p. 65).

Bien que reçu avocat, B. ne plaidait pas parce que, dit-on, il était trop «timide». Il finit par occuper une chaire de professeur à l'Ecole militaire, «place peu rétribuée qu'il remplit avec honneur pendant plus de 30 ans» (Cardevacque). Et en effet, en 1772, B. est encore pauvre: ce «vieux bonhomme de 60 ans» est «pauvre comme un rat d'église ou comme un poète, ce qui est synonyme» (C.L., t. X, p. 68). Mais le succès des Chérusques attire l'attention des Etats d'Artois qui lui allouent une pension de 600 £ (Cardevacque).

5. Opinions

Après l'arrivée de Marmontel à Paris en 1745, B. devient «l'ami intime de celui-ci» (lettre de Marmontel à Harduin, 15 mai 1758, Correspondance, t. I, p. 39). Ils vont ensemble au théâtre, se donnent rendez-vous au Café Procope. A cette époque, ils sont de l'entourage du marquis de Vauvenargues (ibid.).

B. semble avoir aussi bien connu Cappler, professeur d'allemand à l'Ecole militaire.

6. Activités journalistiques

L'idée de L'Observateur littéraire revient à B. qui y associe Marmontel (ibid., D.P.1 1080) Mais les rédacteurs refusent de payer le tribut exigé par le Journal des Savants: L'Observateur est donc poursuivi. Entre-temps, Voltaire avait, lors de son élection à l'Académie française (25 avril 1746), demandé la saisie d'un pamphlet contre lui attribué à P. Ch. Roy, membre de l'Académie des Inscriptions, Discours prononcé à la porte de l'Académie française par M. le Directeur à M***. Lors d'une perquisition chez le libraire Clousier, le Commissaire du Châtelet chargé de l'affaire découvre par hasard 2000 feuilles imprimées de L'Observateur littéraire; Clousier révèle à la justice que les rédacteurs de cette feuille sont Boivin (sic) et «l'Abbé» Marmontel; Balland fils s'était chargé de l'impression (A.N., Y 17351, 29 avril 1746; lettre de Dadvenel à Marville, 30 avril 1746, Ravaisson, t. XII, p. 273-274). Voltaire, se rendant compte de l'énormité de la bévue, dans une lettre à Vauvenargues, charge celui-ci, «héros de l'amitié», de «faire passer jusqu'à eux le chagrin que lui cause la petite tribulation arrivée à leurs feuilles et l'empressement qu' [il aura] de les servir» (D 3062, 30 avril 1746). Il semble d'ailleurs que Voltaire ait usé de son crédit pour que L'Observateur littéraire puisse reparaître. Dans une lettre à Vauvenargues, datée du 1er juin 1746 (D 3094), il écrit: «Nos amis, monsieur, peuvent continuer leurs feuilles. M. de Boze fermera les yeux, mais il faut les fermer aussi avec lui et ignorer qu'il veut ignorer cette contrebande de journal». Cependant l'entreprise de L'Observateur littéraire fut finalement un échec, l'ouvrage «eut peu de débit» dit Marmontel. Il l'explique ainsi: «nous n'avions ni fiel ni venin», «cette feuille [n'était] ni la critique infidèle et injuste des bons ouvrages, ni la satire amère et mordante des bons auteurs» (M, t. I, p. 66).

B. a travaillé par ailleurs au Mercure de France et au Journal encyclopédique (F.L., 1769, t. I, p. 178).

7. Publications diverses

7. Arminius, tragédie, 1769. – Les Chérusques, tragédie tirée du théâtre allemand, 1772, 2e éd.,1773. – Sentences de Publius Syrus, traduites du latin. – Ode chrétienne, 1774. – Ode sur le rétablissement de la santé du Roi, 1744 (Van Drival, p. 25-26). – Projet d'histoire de la province d'Artois, Arras.

8. Bibliographie

Q. ; F.L., 1769 ; B.Un. ; N.B.G.C.L., t. X, p. 67-69. – A.N., Y 13751, 29 avril 1746. – Archive de la Bastille, Ars., ms. 11576, f° 101-106. – Ravaisson, t. XII, p. 273-274, rapport du 30 avril 1746. M.S., 3 sept. 1772; 25, 27 sept. 1772; 7, 10 oct. 1772, 10 juin 1773. – Voltaire, Correspondence, éd. Bestermann, D 3062, 3071, 3094, 16908, 16974, Appendix, n° 47, XV, 257. Id., Oeuvres complètes, éd. L. Moland, 1880, t. XXXVI, p. 439. – L'Année littéraire, 1772, t. VIII, p. 217-267. – Journal des Beaux-Arts et des Sciences, août 1769, p. 356-357. – Mercure de France, octobre 1772, p. 149-154. – Collé C., Journal et Mémoires, éd. H. Bonhomme, 1868, t. III, p. 364-365. – Van Drival, E. F., Histoire de l'Académie d'Arras depuis sa fondation en 1737 jusqu'à nos jours, Arras, 1872. – Cardevacque A. de, Dictionnaire biographique du département du Pas de Calais, Arras, 1879, in-4°, p. 40. – Lenel S., Un homme de lettres au XVIIIe siècle. Marmontel, 1902, rééd. 1970, p. 59 et p. 69. – Marmontel J.F., Correspondance, éd. J. Renwick, Clermont-Ferrand, 1974, t. I, p. 39 et II, p. 174-175. Id., Mémoires, éd. J. Renwick, Clermont-Ferrand, 1972.

ARAIGNON

Auteurs

Numéro

015

Prénom

Jean Louis

Naissance

1720

Décès

1792

Jean Louis Araignon est né le 27 juillet 1720 à Paris ; il fut baptisé le lendemain en l'Eglise Saint-Paul. Il était le fils de Noël Araignon, «bourgeois de Paris», et de Marie Simon (A.V.P., état Civil). Noël Araignon, né vers 1690, arrivé à Paris vers 1705, marié en 1715, était domestique du financier Paris-Duverney. C'est ce qui ressort de son interrogatoire par la police (25 janvier 1727), qui le soupçonne d'avoir fait baisser le cours des actions de la Compagnie des Indes (Ars., ms 10983, f° 294, f° 303).

3. Carrière

A. était avocat au Parlement de Paris. Tout l'indique : la page de titre du Vrai Philosofe et du Siège de Beauvais, Des Essarts (t. I, p. 61), La Porte (t. IV, p. 387), Mouhy (t. II, p. 7). Mais son nom ne figure pas dans le Registre matricule des Avocats au Parlement de Paris 1706-1751 (A.N., X1A 9327), ni dans la liste établie par Fournel en 1813. Il n'a sans doute pas exercé régulièrement sa profession ou même effectué ses «quatre années d'épreuves» (Règlement de 1751, cité par Fournel, t. II, p. 488).

A. a fait un voyage en Allemagne en février 1765 (Epître dédicatoire du Siège de Beauvais, p. 4), et semble y être retourné en 1767, précisément à Francfort et à Leipzig, pour la traduction allemande du Vrai Philosofe. De plus, il a résidé à Rocroy en 1778 (M.C., XCII, 798).

4. Situation de fortune

Au début de sa carrière, la situation financière d'A. n'est guère enviable. Le testament de son père prévoit notamment un legs de 3000 £ à son oncle, Jean, tandis que lui doit se contenter de l'usufruit, qui «ne sera saisissable par ses créanciers ny cessible d'avance, le destinant pour ses nourriture et entretien». S'il contrevient à cette disposition testamentaire, Noël Araignon fera de sa fille, Jeanne Marie, sa légataire universelle (A.V.P., DC6 239, f° 31 v., et A.N., Y 247, f° 68-69). Auparavant, par un acte de septembre 1755, A. avait investi 4303 £ qui rapportent 331 £ de rentes viagères sur la Ville de Paris (M.C., CXVI, 380).

Son contrat de mariage avec M.A. Gimier (7 juil. 1769) précise mieux encore quelle est sa fortune personnelle : A. apporte 2000 £ en vêtements, bijoux et meubles, les 331 £ de rente viagère, dont on vient de parler, 275 £ de rente sur la Compagnie des Indes, enfin les biens meubles et immeubles de son père. De son côté, M.A. Gimier ne fournit guère au foyer que 600 £ de vêtements et d'«effets divers», mais A. fait à sa femme un douaire de 12000 £ (M.C., LXVI, 602 et A.N., 7420, f° 167». Une quittance du 7 février 1778 signale aussi que des fondés de pouvoir d'A., résidant alors à Rocroy, rachètent, pour 10 000 £, ses 500 £ de rente sur les Etats de Bourgogne, constituée en octobre 1770 (M.C., XCII, 798). A. possédait donc une fortune immobilisée assez importante, mais les revenus de cette fortune étaient médiocres.

5. Opinions

Dans le Siège de Beauvais, A. développe a la fois des idées royalistes et patriotiques : il écrit lui-même qu'on y trouve «partout [...] les sentiments Patriotiques les plus grands, liés de concert avec l'étonnant pouvoir d'un amour extrême pour son Roi» (Ep. dédicatoire, p. 4). Le Vrai Philosofe tient du «drame» par son parti-pris édifiant et pathétique (IV, 5) et A. entend y montrer «la plus pure vertu triompher après mille revers, de l'envie, de la calomnie» (Ep. dédicatoire, p. 4). De plus, A. y défend et illustre des notions comme le sens de l'honneur (II, 2), le mariage «fondé sur l'estime et l'amour mutuel» (III, 9), la famille (II, 12 ; IV, 15).

6. Activités journalistiques

C'est dans une lettre à Malesherbes, rédigée vers 1760, qu'A. sollicite un «Privilège exclusif» pour un périodique intitulé Le Courier des Spectacles (C.S.) ; il devait paraître tous les quinze jours. Le C.S., prenant pour «seuls objets» la Comédie-Francaise, la Comédie-ltalienne et l'Opéra-Comique, aurait eu un rôle informatif et critique : A. demande en effet qu' «il lui soit permis de dire librement sa pensée sur toutes les pièces tant anciennes que nouvelles, qui auront été jouées ou chantées pendant ledit intervalle, et d'y joindre des réflexions critiques et mesurées sur le mérite et les défauts de jeu ou de chant des comédiens, chanteurs et danseurs [...]». Ainsi, le C.S. aurait pu exercer un contrôle de la qualité de l'ensemble de la production parisienne, être «utile à tous les artistes de chaque genre», en ayant «soin de ranimer l'Emulation de ceux qui se négligeront, et d'encourager les talents naissants» (B.N., f.fr. 22134, f° 364). A. n'a pu faire paraître, semble-t-il, aucun numéro du C.S.

7. Publications diverses

Liste des ouvrages d'A. : Contes philosophiques, proposés par souscription, 1770.– Epître au plus illustre de mes aïeux, 1780.– Epître au Roi à l'égard des réformes de sa maison, s.d. – La Noce interrompue, repr. au Théâtre de Nicolet en 1768.– Le Prix d'amour, parodie, repr. au Théâtre Italien, le 27 septembre 1756. Parodie de la troisième entrée des Talens lyriques de Gauthier de Mondorge ; en collaboration avec Pierre Clément, de Genève ; resté manuscrit.– Ramir, comédie héroïque en quatre actes, en vers, tirée de l'italien [...]. Représentée pour la première fois par les Comédiens Italiens ordinaires du Roi, le lundi 31 janvier 1757. Paris, 1757 ; en collaboration avec Mailhol.– Le Siège de Beauvais, ou Jeanne Laisné, tragédie en cinq actes, Paris, 1766 –Le Vrai Philosofe, comédie en cinq actes en prose, Paris, 1767 ; traduction allemande sous le titre Der Wahre Philosoph, Frankfurt et Leipzig, J.B. Garbe, 1767 ; in-8°, 152 p.

8. Bibliographie

C.L. ; F.L. 1769 ; Desessarts ; B.Un. N.B.G. ; D.L.F.– A.M. Beauvais, II, 42 (correspondance d'A. et des Magistrats de Beauvais à propos du Siège de Beauvais, notamment trois lettres d'A. des 4 oct. et 16 déc. 1765, et du 10 mars 1766, détruites en 1940, mais citées par E. Charvet dans Recherches, 1881, p. 36-42.– A.M. Saint-Malo, BB 38 (Réception d'A. comme citoyen d'honneur de Saint Malo).– Ars., ms. 10983, f° 294 et f° 303 (interrogatoire de N. Araignon, 25 janvier 1727).– B.N., f.fr. 22134, f° 364 (lettre d'A. à Malesherbes, 1760).– (A.V.P.), Archives de la Ville de Paris, DC6 239, f° 31 v. (testament de N. Araignon, insinué le 14 juillet 1756) ; DC6 249, f° 18 r. (testament de Marie Simon, insinué le 21 nov. 1767) ; DC6 263, f° 29 (testament de Jeanne Marie Araignon, enregistré le 4 fév. 1786 ; Service de l'Etat-Civil reconstitué de la ville de Paris.– A.N., X1A 9327 (registre matricule des Avocats au Parlement de Paris, 1706-1751) ; Y 247, f° 68-69 (testament de N. Araignon, enregistré le 2 sept. 1756 ; Y 420, f° 167 (contrat de mariage entre A. et M.A. Gimier, 1769).– A.N., M.C. XXXI, 339, 16 fév. 1808 (acte de notoriété d'A. ) ; LXVI, 602, 7 juil. 1769 (contrat de mariage d'A. avec M.A. Gimier) ; XCII, 798, 7 fév. 1778 (quittance) ; CXVI, 380, 16 sept 1755 (titres de rente).– M.S., 6 mars 1766 et 11 mars 1767, t. III, p. 5-6, et p. 170-171.– Fournel, Histoire des avocats au Parlement et du Barreau de Paris depuis St Louis jusqu'au 15 octobre 1790, Paris, 1813.– Mouhy C. de Fieux, chevalier de, Abrégé de l'Histoire du théâtre français, Paris, 1780.