LE VACHER DE CHARNOIS

Auteurs

Numéro

513

Prénom

Jean

Naissance

1749

Décès

1792?

Jean Charles Le Vacher de Charnois est né le 14 mars 1749 (voir son portrait par Violet, gravé par Alix dans Recherches sur les costumes et les théâtres, éd. 1802, t. I). Il avait épousé la fille du comédien Préville qui s'enfuit avec le marquis de Permangle et qu'on retrouvera à Saint-Pétersbourg (M.S., 11 sept. 1783). Selon la tradition, L. aurait été tué lors des massacres de septembre à la prison de l'Abbaye, le 2 septembre 1792 (Annales religieuses, 1796, t. I, p. 264-274). Mais P. Caron (p.

3. Carrière

Après un passage dans l'administration royale, L. commence sa carrière littéraire en rédigeant le Journal des Théâtres (J.T.) (1777). Dès avant cette époque il était sans doute un familier du monde des théâtres auquel il était attaché par son mariage. En 1777, il est l'ami d'une comédienne, Mme Bellecour (J.T., t. II, p. 164). En 1780, L. est l'amant d'une actrice du Théâtre-Français puis de l'Opéra, Mlle Duranci, qui, «enchantée de trouver dans ce jeune homme à la fois le physique et les ressources de l'esprit, goûtait par son union un charme inexprimable». Mais L. s'étant réconcilié avec sa femme, il dut rompre avec l'actrice qui, de désespoir, se donna la mort (M.S., 3 janv. 1781). Vivant «continuellement avec des filles» (ibid.), L. n'en compose pas moins des Nouvelles dont il dit que la première, seule parue, est largement autobiographique : «Il nous est souvent arrivé de prendre nos exemples dans nos propres erreurs» (p. XIV). L'ouvrage est précédé d'une Préface sur les romans. Mais il est fort mal accueilli par la critique (L'Année littéraire, 1782, t. II, p. 174). Après avoir fait représenter en 1782-1783 un certain nombre de pièces de théâtre, L. fait paraître de 1785 à 1789 les Costumes et Annales des grands théâtres dans lequel il montre des connaissances étendues en matière d'histoire théâtrale. En 1789, L. se lance à corps perdu dans le journalisme politique et ne publie plus d'ouvrages. Son activité de journaliste – dans une place fort délicate, la critique théâ­trale – a été diversement jugée. Dans une lettre à Castilhon, Palissot écrit que L. est un «homme très méprisable et très méprisé» (16 févr. 1786 ; voir Douais). En revanche, L'Année littéraire évoque «la finesse, le goût avec lesquels il [jugeait] les pièces de théâtre» (1782, t. II, p. 146) et Chaudon et Delandine affirment qu'il était « aimé des gens de lettres qu'il guidait de ses conseils» (t. IV, p. 335).

4. Situation de fortune

Avant d'être homme de lettres, L. a été «commis des fermes» (Pidansat, p. 210). Les M.S. rapportent que son travail de rédacteur au Mercure lui rapportait 150 £ la feuille (3 janv. 1781).

5. Opinions

En politique, L. est monarchiste ; il condamne la noblesse vénale qui est «la honte de ceux-mêmes qui cherchent à l'acquérir» et vante «cette noblesse justement héréditaire qui a été transmise jusqu'à nous aux descendants des héros dont notre nation s'honore» (Discours sur le patriotisme, p. 16). Il avait soutenu Necker, ce «ministre immortel», «que ses travaux et son irréprochable probité ont rendu le génie tutélaire de la France». L. montre un grand enthousiasme pour l'action de La Fayette et de Bailly, maire de Paris (ibid., p. 44-47). Dans le Modérateur, il défend la noblesse : «Nous entendons tout le monde se plaindre des aristocrates. Il n'arrive pas un malheur que les aristocrates ne l'aient causé ; une alarme, que les aristocrates ne l'aient occasionnée ; une accusation, que les aristocrates ne soient inculpés» (23 janv. 1790, p. 91). Au début de 1792, contre vents et marées, L. reste fidèle à ses convictions royalistes : Le Spectateur et le Modérateur a ainsi « conservé le calme de la modération et de la justice, au milieu des agitations et des troubles qui ont divisé le royaume » ; ce journal « également éloigné de toute espèce de fanatisme » a « rejeté avec courage toutes les déclamations d'un enthousiasme exagéré» ; cette ligne a été soutenue par «amour de la monarchie, de la justice et de la paix» (Prospectus pour 1792). Suspect par ses idées politiques, L. est arrêté le 10 août 1792, journée révolutionnaire qui marque la chute de la royauté. Sa maison est pillée.

L. était déiste et n'admettait pas l'immortalité de l'âme : du moins est-ce ainsi que nous le présentent les Annales religieuses (1796, I, p. 267 et 271). Mais lors de son séjour à la prison de l'Abbaye, il est converti par un prêtre ; il assiste à la messe dans une « sorte d'extase » et refuse de s'échapper (p. 270-273).

En littérature, L. était opposé aux drames qui ne sont guère que des «monstres informes imaginés par des cerveaux fumeux» ; c'est à eux que l'on doit «ce mauvais goût et l'indécence de la plupart de nos acteurs» (J.T., Ier avril 1777, t. I, p. 5 et 19, n. 1). Cependant L. croyait que le théâtre peut être un instrument d'instruction pour le peuple «dont on a trop longtemps négligé l'éducation» (lettre au Journal de Paris, 10 août 1782).

Favorable à Gluck, «génie fécond et sublime» (J.T., t. I, p. 24), dans la querelle des Gluckistes et des Piccinistes, J. L. fut attaqué très durement par La Harpe lorsqu'il était responsable de la rubrique théâtrale du Mercure. Dans le Spectateur national, en décembre 1789, L. critiqua «le ridicule de l'insolence, le délire de la vanité» du Charles IX de M.J. Chénier et surtout Palissot qui se serait agité «dans la fange où il est enfoncé depuis 25 ans» (Prospectus).

6. Activités journalistiques

L. a collaboré aux journaux suivants :

Journal des Théâtres ou le Nouveau Spectateur du n° 1 (1er avril 1777) au n° 11 inclus (i sept. 1777), t. I et t. II. Le Prospectus (7 p.), daté du 5 mars 1777, précise qu'on traitera dans le J.T. de la Comédie-Française, de la Comédie-Italienne, des spectacles de province, des théâtres étrangers, des pièces imprimées et non représentées, des ouvrages didactiques concernant le théâtre (voir D.P.1 716). Selon les M.S., L. aurait « indécemment supplanté » Le Fuel de Méricourt à la rédaction du J.T. (10 sept. 1779). On trouve dans ce journal, lorsque L. en a la responsabilité, de nombreuses nouvelles intéressantes sur les acteurs et leurs débuts. À l'époque, on a reproché à L., «un jeune homme qui n' [avait] pas encore trente ans», de vouloir prétendre donner des conseils aux acteurs, «à des talents exercés de longue main dans un art difficile». L. répond qu'il ne travaille pas seul, qu'il a «pris soin de s'associer des coopérateurs respectables, exercés de longue main dans la critique des théâtres, et qui réunissent le ton de la bonne compagnie au ton de la saine littérature» (J.T., 15 août 1777, p. 65). A partir du n° 12 (15 sept. 1777), un Avertissement des nouveaux auteurs de ce journal indique qu'il est évident que L. n'est plus le rédacteur du J.T. : on lui reproche d'ailleurs d'avoir «voulu flatter l'amour propre de ces Messieurs [les comédiens] qui l'en ont bien récompensé» (t. II, p. 165). Les nouveaux rédacteurs se présentent en préservant «l'anonyme». «Nous sommes quatre», disent-ils, «l'un donne ses soins à l'opéra, l'autre aux Français, l'autre aux Italiens, le dernier se charge de veiller à l'impression. On n'en saura jamais davantage» (t. II, p. 165-166). On sait cependant que Grimod de La Reynière y prendra part (B.H.C.).

Mercure de France : dans le numéro du 11 septembre 1779 (p. 47), on apprend que les «occupations» de La Harpe ne lui permettent plus de travailler au Mercure. Désormais, «l'article des spectacles» est confié à L.. Mais Suard est toujours chargé de l'opéra et l'abbé Rémy du concert spirituel (10 juil. 1779, p. 3, n. 1). En réalité, L. avait déjà fourni des articles de critique théâtrale dès le mois de juillet 1779. Ils sont d'abord signés «M. de G...» (juil. 1779), puis «M. de Cha.» (août) puis du nom entier (fin août). Après le 4 septembre 1779, les articles ne sont plus signés, car L. est officiellement chargé de la rubrique. Il semble avoir exercé cette fonction assez longtemps, au moins jusqu'en 1783. Est-ce jalousie d'auteur ? La Harpe fut particulièrement vindicatif à l'égard de L. qui ferait «le même métier que les Frérons, celui d'ennemis des talents» (Correspondance littéraire, t. IV, p. 47). L. aurait été chargé, «on ne sait pourquoi», de la rubrique théâtrale du Mercure ; les autres rédacteurs sont «bien souvent embarrassés et confus» d'avoir L. pour collègue et «sentent combien il est triste qu'un article susceptible d'être si agréable et si intéressant ne soit curieux que par l'excès du ridicule». L. parlerait d'un «ton plaisamment emphatique» de sa «mission», des «devoirs que lui impose la place qui lui a été confiée» (La Harpe, Molière à la nouvelle salle, 1782, Lettre d'un amateur, p. XII-XIV).

Costumes et Annales des grands théâtres (D.P.1 247) : L. le rédige à partir du n° 31 du février 1787, rachète le privilège en mai 1789 et conclut en novembre 1789.

Le Spectateur national, ouvrage moral, critique, politique et littéraire, «rédigé par M. de Charnois », 4 déc. 1789 - 21 janv. 1790, 2 vol. in-4° (B.H.G). La devise Deo, Patriae, Regi est à elle seule tout un programme. On trouve dans Le Spectateur national un grand nombre de comptes rendus de pièces et de nombreuses nouvelles théâtrales.

Le Modérateur, 1er janv. - 17 avril 1790, 107 numéros, in-4°. Une grande place y est donnée au théâtre. Le Spectateur national, «par une société de citoyens», 22 janv.-17 avril 1790, in-4°.

Le Spectateur national et le Modérateur, 18 avril 1790 - 30 déc. 1791, 3 vol. in-4°. Pour 4000 £ payables d'avance, L.S. Mercier devait quitter la rédaction des Annales patriotiques pour venir travailler au Spectateur. Mais l'affaire ne se fit pas.

Le Spectateur et Modérateur, 1er déc. 1791 - 10 août 1792, in-40. Avec Delandine et Fontanes : Journal des Théâtres, 4 nov. 1791 - 23 juin 1792, in-40 (B.H.G, p. 589). Annexe du Spectateur national : on pouvait y souscrire séparément.

7. Publications diverses

Almanach du théâtre du Palais royal, année 1791, in-12, XXXVI-141 p. (Tourneux, t. III, p. 18277). – Discours sur le patriotisme, Paris, 1789. – Esope à la Foire, comédie épisodique, 1782 ; même pièce que Esope à la Kermesse, 1783, avec Landrin (Brenner, n° 7850). – Histoire de Sophie et d'Ursule, Londres, Paris, 1788, 2 vol. – «Lettre sur Esope à la Foire», Journal de Paris, 10 août 1782. – Le Maître de déclamation, comédie épisodique, 1783, avec Letessier (Bren­ner, n° 8479). – Mirabeau jugé par ses amis et ses ennemis, in-12, 142 p. (Tourneux, t. IV, 24166). – Nouvelles, Paris, 1782. – Qui ne voit, l'entend, proverbe en 1 acte, 1783, avec Letessier (Brenner, n° 8480). – Recherches sur les costumes et sur les théâtres de toutes les nations, tant anciennes que modernes, 1790, 2e éd. en 1802, 2 vol. in-4°.

8. Bibliographie

B.Un. ; F.L. ; B.U.C. ; N.B.G. ; N.D.H. ; Brenner ; H.G.P. – Tourneux M., Bibliographie de l'histoire de Paris pendant la Révolution française, 1890-1913, t. II, p. 10397, 10418, 10488 ; t. III, p. 18108. – L'Année littéraire, 1782, t. II,

145-174. – Journal encyclopédique, 1792, t. V, p. 500-501. – M.S., 10 sept. 1779, t. XIV, p. 193 ; 3 janv. 1781, t. XVII, p. 18 ; 27 avril 1782, t. XX, p. 239-240 ; 2 sept. 1783, t. XXIII, p. 174-175 ; 1er août 1787, t. XXXV, p. 369. – Mercure de France, août 1788, p. 15-26. – Pidansat de Mairobert, L'Espion anglais, 1778, t. V, p. 202-218 (sur Le Fuel de Méricourt et le Journal des Théâtres). – «Supplément à la relation des massacres de l'Abbaye. Relation de la Conversion de M. de Charnois, homme de lettres», Annales religieuses, politiques et littéraires, 1796, t. I, p. 264-274. – La Harpe J.F. de, Correspondance littéraire adressée à Mgr le Grand Duc, Empereur de Russie, 1801-1807, t. IV, p. 47. – Id., Molière à la nouvelle salle ou les Audiences de Thalie, 1782. – Douais C, «Palissot et Castilhon», Revue des Pyré­nées, t. IX, 1897, p. 228. – Caron P., Les Massacres de septembre, 1935, p. 508-509. – Martin A. et Walter G., Catalogue de l'histoire de la Révolution française, 1943, t. V, n° 1342. – Gaiffe F., Le Drame en France au XVIIIe siècle, 1910, p. 84-85, 123, 537.

9. Additif

Une lettre de Grimod de La Reynière datée du 21 juillet 1780 et adressée à un destinataire inconnu, peut-être le lieutenant de police Lenoir (collection François Moureau), résume l’histoire du Journal des théâtres :

« Les deux premiers volumes du Journal des Théâtres ont été composés en 1776 par M. Le Fuel de Méricourt ; et M. de Charnois et moi n’y avons aucune part.  M. Le Fuel a disparu au 14e numéro après avoir emporté l’argent des souscriptions, et ce n’est que 6 mois après que notre bail a commencé. J’espère que vous vous en appercevrez, Monsieur, au ton de modération qui règne dans le troisième volume et dans les suivants. Les 27e, 28, 29 et 30e numéros sont aussi d’une plume étrangère. M. de Charnois et moi avions quitté l’ouvrage après le n° 26 [...] » (J.S.).

LERIS

Auteurs

Numéro

502

Prénom

Antoine de

Naissance

1723

Décès

1795

Antoine de Léris est né le 28 février 1723 à Mont-Louis, Pyrénées Orientales (B.Un. ; N.B.G.). Son père, Gabriel Léris, décédé en mai 1734, s'était marié en 1720 avec Catherine Locher, décédée en octobre 1752; il était «écuyer» et fut «Gendarme de la garde du Roi» (M.C., LXLX, 664). Signalons qu'un Léris avait été désigné, en mai 1702, comme «Baille» de la ville de Mont-Louis, pour sa « suffisante probité, capa­cité, expérience de judicature» (A.D. Pyrénées Orientales, Ñ 2065). L.

2. Formation

La B.Un. indique simplement que L. «fut envoyé à Paris pour y faire ses études», probablement des études de droit pour le préparer à sa profession d'huissier.

3. Carrière

L. commença par évoluer dans les milieux de l'édition: ainsi, en août 1754, le Journal de l'inspecteur d'Hémery le présente comme étant le «garçon de boutique» du libraire Jombert (B.N., f.fr. 22159, f° 55), avec lequel il était encore en contact en novembre 1759 pour la publication du Choix des anciens Mercures (B.N., f.fr. 22134, f° 119) et chez lequel il a fait paraître presque tous ses livres (sans doute des commandes de ce libraire). En 1758-1759, il semble que L. ait plus particulièrement travaillé pour le libraire Rollin.

Cette première période de la vie de L. fut marquée par une certaine indigence, mais tout changea, vers 1760, lorsqu'il parvint à devenir premier huissier de la Chambre des comptes (Ars., ms. 4217, f° 944; 4218, f° 1477-1478). L., en cette qualité, a fait partie, avec le titre de greffier, de la commission qui fut chargée, à partir de 1774, d'évaluer l'apanage du comte d'Artois (Ars., ms. 4216-4218). Il fit aussi l'expertise de la forêt de Bondy pour le roi et le duc d'Orléans (A.N., P 2091). Pendant la Révolution, on a saisi chez lui des documents relatifs à des propriétés de Monsieur, du duc d'Orléans, du duc d'Artois (A.N., T 1682, an II). D'autres documents encore, qui faisaient l'estimation de diverses propriétés de Louis-Philippe d'Orléans, furent saisis chez lui (A.N., T 1640, 12 prairial an II). L. était, semble-t-il, bien connu dans son milieu professionnel, car bon nombre de magistrats de la Cour des comptes, dont le président Nicolay, assistèrent au mariage de sa fille en février 1787 (M.C., CXII, 809 A).

4. Situation de fortune

Pendant la première partie de sa carrière, jusqu'au moment ou il a pu acheter sa charge d'huissier, L. a vécu assez modestement. En janvier 1753, il habite avec sa mère un deux pièces, au 3e étage d'un immeuble de la rue Pavée, paroisse Saint-André des Arts. La succession de sa mère est évaluée à 442 £. Cependant, Mme de Léris possédait un douaire de 12 000 £; elle avait par ailleurs une rente de 600 £ et avait vendu pour 28 000 £ deux maisons, rue de la Grange Batelière (M.C., LXIX, 664).

En juin 1758 la situation de fortune de L., alors «bourgeois de Paris », s'est quelque peu améliorée. Il vit, avec sa première femme et son fils, quai des Augustins, dans une maison dont le libraire Rollin est le principal locataire : une cuisine, trois pièces dont un cabinet (M.C., LXIX, 680). L'inventaire de ses biens, après la mort de sa première femme, s'élève à 5797 £ (M.C., LXI, 678). L., lui-même, dans une lettre à Malesherbes du 24 novembre 1759, explique qu'il a été contraint d'accep­ter des travaux de librairie pour survivre: «la fortune m'ayant peu favorisé», écrit-il, «j'ai été obligé de chercher et de saisir les occasions de vivre honnêtement par mon travail» (B.N., f.fr. 22134, f° 119).

L'acquisition de sa charge d'huissier a permis à L. de nouer des relations utiles dans le monde des affaires, explication plausible de l'amélioration rapide de l'état de sa fortune. Ainsi, en l'an III, L. a prêté la somme de 30 000 £ (M.C., LXI, 676), tandis que, au début de 1787, L. et sa seconde épouse constituent une avance d'hoirie de 80 000 £ à l'occasion du mariage de leur fille : 5000 £ pour un trousseau et 75 000 £ «pour être employées en l'achat d'un office de judicature» pour le futur mari (M.C., CXII, 809 A). D'autre part, sa demeure, en 1795, est décorée de meubles précieux : «un secrétaire en bois de rose», «une table en console en bois d'acajou», «une pendule Lepaute» (M.C., LXI, 678). Bref, l'ensemble de sa succession est, en 1795, évalué à 24 638 £ (ibid.). En juillet 1780, L. avait acheté pour 14 400 £ une ferme entourée de 190 arpents de terres à Dannemois (M.C. CXII, 755 A; CXII, 806 A).

5. Opinions

L. fut en relation étroite avec les milieux de l'édition, de la librairie et de la presse : « il passa sa vie au milieu des gens de lettres, dont il se faisait aimer par son caractère modeste et serviable» {B.Un.). L. semble avoir été proche de Cochin fils, «garde des Dessins du Cabinet du Roi», de l'Académie de peinture, à qui il a dédié sa Géographie aisée (1753). Il apparaît d'autre part que L. ne fut pas opposé aux nouvelles formes esthétiques: Le Fils naturel serait une pièce «très intéressante» (Dictionnaire des théâtres, éd. 1763, p. 204).

Trois inventaires après décès permettent de se faire une idée de sa bibliothèque (M.C, XIX, 914, LXI, 678, et LXIX, 680). Celle-ci comprenait environ 900 volumes et se composait d'ouvrages de droit (Montesquieu, d'Aguesseau), de sciences (Nollet, Buffon), d'ouvrages religieux (catéchisme janséniste de Montpellier). L. possédait aussi des ouvrages de littérature (Virgile, Régnier, Voltaire, La Fontaine), mais surtout des textes de théâtre (Molière, Corneille, Destouches, Favart) ou de livres s'y rapportant : Dictionnaire des théâtres des frères Parfaict, Correspondance dramatique de Du Coudray et Dictionnaire dramatique de La Porte et Chamfort.

6. Activités journalistiques

L. a collaboré au Choix des anciens Mercures, avec un «Extrait du Mercure français» (15 vol., in-12, 1757-1758), puis au Nouveau Choix de pièces tirées des anciens Mercures et des autres journaux (24 t. en 13 vol., in-12, 1758-1760) par Bastide puis Marmontel et La Place (D.P.i 208). Sa collaboration n'est pas tant littéraire qu'administrative comme le suggère par exemple l'Avis du t. XIII du Nouveau Choix, («c'est au sieur L. qu'il faut adresser franc de port, le prix de l'abonnement, et la lettre d'avis») et comme l'indique une lettre de L. à Malesherbes du 24 novembre 1759: «Je ne dois être considéré et ne suis en effet, que le commis du Choiiç. Faire le recouvrement des deniers, payer les frais, être exact à servir le Public, c'est là toute ma mission : je ne vois point les épreuves de cet ouvrage» (B.N., f.fr. 22134, f° 118).

L., qui possédait d'ailleurs dans sa bibliothèque un exem­plaire du Choix (M.C., LXI, 678), travaillait ainsi pour le libraire Rollin, l'éditeur du Choix, chez lequel il habitait (M.C., LXIX, 680 et Choix, t. XIII, Avis). On sait aussi que L. attendait, en novembre 1761, une somme de 3500 £ à récupérer sur le total du versement de Rollin (M.C., XLI, 574), et que l'un des co-auteurs, Bastide, en juillet 1758, dit avoir «perdu, depuis quatre mois, quatre mille livres annuelles que les libraires allaient [lui] payer pour l'ouvrage du Choix» (B.N., f.fr. 22147, f° 12).

L. a également participé à la publication du Nouveau Spectateur de Bastide qu'il connaissait assez bien pour lui devoir 200 £, suivant un billet à ordre payable en avril 1762 (M.C., XLI, 574). Le libraire Rollin a, comme pour le Choix, chargé L. d'organiser l'intendance du Nouveau Spectateur. Cette collaboration n'est attestée que pour les t. II-IV inclus (1758-1759), lorsque son nom apparaît au début de ces trois volumes. Il est possible, mais rien n'est sûr, que L. ait coopéré à la rédaction de ce périodique pour les articles de théâtre dont il était spécialiste: «Deux scènes de comédie» (t. I, p. 37), «Aventure arrivée à la Comédie française» (t. III, p. 235), «Entretien avec un homme profond sur la scène de Comédie insérée dans le Ier Cahier de cet ouvrage» (t. IV, p. 4), et probablement la « Lettre d'un fat au sujet d'une lettre écrite par une Comédienne» (t. VI, p. 416 [410]).

7. Publications diverses

Les Après-Soupers de la Campagne, ou Recueil d'histoires courtes, amusantes et intéressantes, Amsterdam, Paris, 1759. En collaboration avec Bruix, selon Barbier. – Dictionnaire portatif des théâtres, Paris, 1754, 2e éd. 1763. Le Journal de l'inspecteur d'Hémery signale que cet ouvrage fut d'abord attribué (à tort) au libraire Jombert (B.N., f.fr. 22159, f° 55). – La Géographie rendue aisée ou Traité méthodique pour appren­dre la géographie, Paris, 1753.

8. Bibliographie

8. F.L. 1769 ; B.Un. ; N.B.G. ; B.H.C. ;D.O.A. ; D.L.F. ; CioriS; CL. – A.D. Pyrénées-Orientales, Perpignan, C 2065 : «Pro­vision de l'office de Baille de la ville de Mont-Louis pour le S. Léris» (26 mai 1702). – B.M. Saint-Germain en Laye, FF 1 h: «Etat pour le compte que [rend] Antoine de Léris [...] au nom et comme curateur de l'interdiction de Jeanne Dia[...]», 2 janv. 1777, 68 f°. – Ars., ms. 4216-4218: « Procès-verbal de l'Evaluation de l'Apanage de Monseigneur le Comte d'Artois», 3 vol. in-folio. – B.N., f.fr. 22134, f° 118-120: lettre de L. à Malesherbes du 24 nov. 1759: f.fr. 22147, f° 12: «lettre de Bastide à Malesherbes, 4 juil. 1758; f.fr. 22159, f° 55: Journal de l'inspecteur d'Hemery, août 1754. – A.N., P 2091, T 1640, T 1682: «Procès verbal d'enlèvement des papiers d'émigrés chez le citoyen L.», an IL – A.N., M.C., V, 680, 17 sept. 1775; VI, 881, 30 avril 1793; XVIII, 890, 12 juin 1790; XIX, 914, 19 messidor an VI: inventaire après-décès de la veuve de L. ; XLI, 574, 7 nov. 1761: contrat de mariage entre L. et A. Jude; LXI, 676, 16 messidor an III; ibid., 678, 6 brumaire an IV : inventaire après-décès de L. (6 brumaire) ; LXIX, 664, 23 janv. 1753; ibid., 680, 21 juin 1758; CXII, 795 A, 12 juil. 1780; CXII, 809 A, 13 sept. 1785 et 11 févr. 1787: contrat de mariage de la fille de L., 11 févr. – Jougla de Morenas H., Grand armoriai de France, Paris, 1934-1952, t. IV, n° 21575.

LE MOYNE

Auteurs

Numéro

496

Prénom

Nicolas, dit Des Essarts

Naissance

1744

Décès

1810

Nicolas Toussaint Le Moyne, qui prendra le nom de Des Essarts (ou Desessarts) naît à Coutances (Manche) le 1er novembre 1744 de Me François Jean Baptiste Le Moyne, avocat au Baillage et Siège présidial du Cotentin à Coutances, et de Marie Marguerite Josèphe Guillard (acte de naissance, A.M. Coutances). L. avait un frère qui s'est porté volontaire dans la marine au début de la guerre d'Amérique (Réponse, p. 13). Il est mort à Paris le 5 octobre 1810 (B.Un. ; N.B.F.), sans laisser d'enfants (Le Carpentier).

2. Formation

L. a été élevé au collège de sa ville natale (Lair, p. 36, 37). Il a fait probablement des études de droit. Il était membre de l'Académie des Sciences et Belles-Lettres de Rouen, de l'Académie des Belles-Lettres d'Arras, de l'Académie de Caen, de la Société académique de Cherbourg (Siècles, t. II, p. 316 et F.L. 1784, t. IV, 1re part., p. 46, III).

3. Carrière

L. est arrivé à Paris vers 1768 (Le Carpentier). Il est d'abord secrétaire d'un avocat général au Parlement de Paris (Gerville, p. 244), probablement Vergès (M.S., 1er mai 1773). Devenu lui-même avocat au Parlement de Paris, il rédige parallèlement ses Causes célèbres et ses autres ouvrages. Vers 1795, il s'oriente vers des activités d'éditeur et d'imprimeur (Siècles, t. II, p. 316), tout en se chargeant «d'affaires contentieuses, spécialement auprès de la Cour de cassation» (Boisjolin, t. II, p. 1325).

En 1789, L. possédait le titre de Secrétaire ordinaire de Monsieur (Motion, p. 2-3). L. ne dédaigna pas de courtiser quelque peu le gouvernement de Louis XVI, en présentant au Roi et à la Reine deux de ses livres (Gazette de France, 2 mai et 21 août 1777). Plus tard, en 1786, il dédie son Dictionnaire de Police, à Le Noir, Lieutenant général de Police, ouvrage qu'il a, dit-il, «rédigé sous [ses] yeux» (t. I, p. V). Cette dédicace lui fut vivement reprochée durant la Révolution : on l'a même accusé d'avoir été «un agent de police» pendant l'administration de Sartine et de Le Noir, ce dont il se défend vigoureusement (Réponse, p. 12, 13).

D'après les éléments précis que L. donne de l'administration de la ville de Londres dans son Dictionnaire (1786, t. I, p. VII et IX), il est possible qu'il ait séjourné dans cette ville avant la Révolution. Ses Mélanges historiques et politiques sur l'Angleterre (1801) font supposer qu'il y est revenu pendant la Terreur, lorsqu'il s'est caché (Draville, p. 414).

A son début, L. accueille favorablement la Révolution : il se dit «plein de confiance dans les lumières des Représentants de la Nation» (Réponse, p. 1), il offre un exemplaire de son Dictionnaire de Police à l'Assemblée Nationale (Procès-verbaux de l'A.N., 7 déc. 1789, p. 16), et enfin renonce aux privilèges fiscaux dont il jouit, en tant que Bourgeois de Paris, sur sa propriété de Passy (Motion, p. 2). En décembre 1789, lors de la réorganisation administrative et territoriale du pays, L. est député par la Commune de Passy «pour suivre auprès de l'Assemblée Nationale la formation de notre District & de nos Cantons» (Réponse, p. 3 et Procès-verbaux, 28 décembre 1789, p. 13). Après les élections de février 1790, il occupe, à l'Assemblée électorale du Département, la fonction de Scrutateur général (Réponse, p. 8-10). En juin 1790, L. prononce à Saint-Denis un discours le jour de la Fédération préparatoire à la Fête du 14 juillet suivant (ibid., p. 6, 18-19). Quelques mois auparavant, il avait organisé la Garde nationale de Passy et en avait été nommé Commandant par la Commune de Paris (ibid., p. 2-3). Trop modéré, L. subit la pression de ses «ennemis», reçoit «des lettres anonymes, infâmes, remplies de menaces de [l'] assassiner» (ibid., p. 5). Le Club de Passy («Cette société renferme plusieurs personnes qui m'ont voué une haine implacable», ibid., p. 10-11), avec à sa tête F.J. Denizot, l'accuse, pendant son commandement, de «vexations & d'actes de despotisme revoltans» (ibid.). L. donne sa démission, la reprend, puis démissionne définitivement le 9 janvier 1791 : les membres du Comité sont «désesperés» de cette défection forcée (ibid., p. 7-8, 22-23).

Par la suite, L. s'est opposé aux développements de la Révolution. Sur le plan religieux, il est scandalisé de l'attitude de l'Evêque constitutionnel Gobel qui se déclare athée à la barre de la Convention : cela lui inspire «le plus profond mépris» (Précis, p. 72). Il critique le vandalisme commis dans les églises (Procès, t. II, p. 213-214 et 232-233). Il condamne les représentations du Culte de la Raison : «processions indécentes», «cérémonies puériles» (ibid., p. 213, 221). Sur le plan politique, L. réprouve les massacres de septembre 1792, «ces journées exécrables», qui sont autant d'«attentats révoltants» commis par d'«affreux assassins» (Procès, t. I, p. 139, 140). Plus vivement encore, il blâme «l'exécrable» loi du 22 prairial an IV qui institua la «Grande Terreur» (ibid., t. I, p. 189). Les hommes responsables de cette politique sont voués aux gémonies : Couthon, «l'âme la plus féroce et la plus complètement perverse qui ait jamais souillé l'humanité» (Précis, p. 164-165), Fouquier-Tinville, «cannibale», «atroce bourreau des Français» (ibid., p. 99 et Procès, t. I, p. 142), et surtout Robespierre «le plus hypocrite, le plus lâche, le plus féroce des monstres à figure humaine», le «plus exécrable des tyrans qui ait paru sur la scène du monde pour le malheur de l'humanité» (Précis, p. 3).

Pendant la Terreur, L. s'est caché en France ou peut-être en Angleterre. Il est vrai qu'il risquait sa vie : F.J. Denizot, l'«ennemi» de Passy, était, entre-temps, devenu juge au Tribunal révolutionnaire. En cette qualité, il a instruit le procès des Dantonistes, signé l'arrêt de mort de Mme Roland et des Fermiers généraux (Tuetey, t. X, n° 400, t. XI, n° 825-829, 1585).

L. en 1773 habitait «rue Saint-Dominique, Faubourg Saint-Germain» (Prospectus des Causes célèbres). Peu après cette époque, il est installé «rue de Verneuil, la 3e porte cochère à gauche avant la rue de Poitiers», pour, en 1786, emménager «rue du Théâtre français, au bâtiment neuf» (Choix, t. X, 1786, Avertissement). En 1797, et probablement jusqu'à sa mort, il habitera à cette même adresse (page de titre du Précis ou de l'éd. des Oeuvres de Duclos).

4. Situation de fortune

Vers 1785-1786, L. avait demandé une pension aux Services de la Maison du Roi : en vain, Louis XVI s'était contenté de souscrire au Dictionnaire de Police (Tourneux, n° 73, 239). Il semble que son Journal des Causes célèbres, eu égard à son succès, lui ait procuré des gains appréciables.

5. Opinions

Avant la Révolution, L. est proche des idées des Philosophes. Il reconnaît à Bayle une «critique ingénieuse» et une «dialectique subtile» (Siècles, t. I, p. xvi), à Rousseau «la gloire d'être l'écrivain le plus éloquent du XVIIIe siècle» (ibid., t. V, p. 480) et à Diderot une «célébrité méritée» (ibid., t. II, p. 351). Voltaire aurait certes combattu «l'erreur», mais L. condamne la violence verbale du Patriarche.

La profession d'avocat de L. lui a permis de mettre en pratique ses idées libérales. Il est le défenseur d'«un nègre et [d'] négresse qui réclamaient leur liberté contre un juif» (Choix, t. V, p. 291-329). Cette affaire d'ailleurs vaudra à L. les félicitations de Voltaire (D 18819). Par le canal des Causes célèbres, L. poursuivra son travail d'information sur la question de l'esclavage : «Nègre qui réclamait sa liberté en France» (Choix, t. IV, p. 47-68), mais aussi sur les grandes affaires judiciaires qui ont secoué l'Ancien Régime. L'Affaire Calas est l'objet d'un article (ibid., t. III, p. 1-79) dans lequel il démontre les irrégularités du procès. Il observe que «le sieur Calas père a été sacrifié a des conjectures mal fondées». L. reçut de Voltaire une lettre à ce sujet (D 18604).

Plus tard, L. a partagé l'idéal politique des Girondins. Ainsi Brissot et ses amis «n'étaient point des ennemis de la République». «C'étaient au contraire d'ardens défenseurs de la liberté» (Procès, t. VI, p. 118). Le même Brissot et Condorcet «avaient la passion de régénérer les principes politiques et de créer un nouvel art social, puisé dans la nature, qui rendît l'homme à sa dignité, lui conservât l'exercice de toutes ses facultés, et ne lui donnât d'autre maître que la loi [...]. A ces titres ils ont des droits aux regrets des âmes sensibles» (ibid., p. 119-120).

6. Activités journalistiques

L. est le co-auteur des Causes célèbres : Prospectus d'un Journal des Causes célèbres, curieuses et intéressantes de toutes les Cours souveraines du Royaume, avec les Jugemens qui les ont décidées, Paris, P.G. Simon, 1773, in-4°, 4 p. L'approbation est du 4 janvier 1773. Voir B.N., f.fr. 22085, f° 10-11. – Causes célèbres, curieuses et intéressantes de toutes les Cours souveraines du Royaume, avec les Jugemens qui les ont décidées, Paris, Lacombe, 1773-1789, 196 vol. in-12. 8 vol. par an, puis 12 à partir de 1775 (Causes, 1775, t. I, p. 193-194) ; voir B.H.C., p. 553 et D.P.1 201 ; A.G. Camus, n° 868 ; J.J. Dupin, n° 1306 ; A. Monglond, La France révolutionnaire, t. I, p. 138. – Choix de nouvelles causes célèbres avec les Jugemens qui les ont décidées, Extraites du Journal des causes célèbres depuis son origine jusques & compris l'année 1782, Paris, Moutard, 1785-1787, 15 vol. in-12.

Il existerait «plusieurs contrefaçons [des Causes] faites en pays étrangers» (Procès, t. I, p. 1 et 2).

L. a travaillé en collaboration, depuis le début de son entreprise semble-t-il, avec François Richer (1718-1790), né lui aussi à Coutances, avocat au Parlement (N.B.G.). Situant leur travail dans le sillage des Causes célèbres de Gayot de Pitaval (1738-1750), L. et Richer prennent le parti de ne traiter que des affaires judiciaires contemporaines dans un triple but moral, pédagogique et professionnel, tout en n'excluant pas de «divertir» le lecteur (Prospectus).

7. Publications diverses

L. est un polygraphe, auteur de nombreux livres. Il a écrit trois pièces de theâtre, des pamphlets, des ouvrages de droit, d'histoire, de critique littéraire, de pédagogie, de bibliographie. En outre, il a été l'éditeur de Duclos, Gilbert, Saint-Evremond, Thomas, etc., mais son texte le plus connu reste son Dictionnaire universel de Police (inachevé), 1786-1791, 8 vol. in-4°. Voir Brenner, n° 5426, 9028 ;F.L. 1784, t ; II, p. 503-504 Cior 18, n° 23182-23209.

8. Bibliographie

B.Un., Feller-Weiss, F.L. 1769 et suppl. 1784, Q., M.S. ; D.B.F. – Oeuvres de L. : (Choix) Choix de nouvelles causes célèbres, 1785-1787, 15 vol. – (Motion) Motion faite par un bourgeois de Paris à l'Assemblée municipale tenue le 13 avril 1789, s.l.n.d. – (Précis) Précis historique de la vie, des crimes et du supplice de Robespierre et de ses principaux complices (1797). – (Procès) Procès fameux, extraits de l'Essai sur l'histoire générale des tribunaux des peuples tant anciens que modernes, 1786-1788, 9 vol. – (Réponse) Réponse de N.T. Le Moyne Des Essarts [...] à ses calomniateurs, s.d. – (Siècles) Les Siècles littéraires de la France, Paris, 1800-1803, 7 vol. – A.M. Coutances. – A.N., M 44 (1329), lettre de L. du 26 pluviose an IX. –Voltaire, Correspondence éd. Besterman, D. 18279, 18328, 18819, 1988, 19213, 20329. – Camus A.G., Lettres sur la profession d'avocat, 1818, t. II, p. 264. – Draville des Essarts H., «Un ancêtre de la chronique judiciaire» dans Les Contes du Palais, Paris, 1887, p. 405-420. – Dupin J.J., La Profession d'avocat, Paris, 1832, 2 vol. – Frère E.B., Manuel du Bibliographe normand, Rouen, 1858-1860, t. I, p. 345. – Gerville de, Etudes géographiques et historiques sur la Manche, Cherbourg, 1854. – Lair A., Bulletin de l'Association amicale des anciens élèves du Collège-Lycée-de Coutances, 1889, p. 36-41. – Lebreton T.E., Biographie normande, Rouen, 1857-1861, t. I, p. 417-418. – Le Foyer J. , Revue de l'Avranchin, t. XXX, 1937-1939, p. 654. – Lüsebrink H.J., «Les crimes sexuels dans les Causes Célèbres», D.H.S., t. XII, 1980, p. 153-162. – Magasin encyclopédique, 1800, t. I, p. 234 ; t. III, p. 131. 1801, t. I, p. 223 ; t. II, p. 424 ; t. III, p. 480 ; t. IV, p. 340. 1802, t. III, p. 100. 1803, t. I, p. 142. 1808, t. III, p. 225. 1810, t. IV, p. 454. – Mars S.P., Gazette des tribunaux, 1775, t. I, p. 25, 138, 331, 408. 1776, t. II, p. 41, 118, 186, 318, 379, 392. 1777, t. III, p. 91, etc. – Mercier L.S., Tableau de Paris, 1789, t. XI, p. 123-124. – Mirabeau H.G. de Riqueti de, Des Lettres de cachet et des prisons d'Etat, Hambourg, 1782, t. I, p. 264, 265, 266. – Oursel N.N., Nouvelle Biographie normande, 1886, t. I, p. 263. – Tourneux M., «Encouragement aux lettres et aux sciences sous Louis XVI», R.H.L.F., t. VIII, 1901, p. 281-311. – Tuetey A., Répertoire des sources manuscrites de l'histoire de Paris pendant la Révolution française, t. X et XI.

LE CAMUS

Auteurs

Numéro

477

Prénom

Antoine

Naissance

1722

Décès

1772

Antoine Le Camus est né à Paris le 12 avril 1722 (B, p. IV ; N.B.G.) de Nicolas Le Camus, major des Gardes de la ville de Paris et de Françoise Carbonnet (Chereau, p. 307). Il était l'arrière-petit-fils du botaniste Sébastien Vaillant (B, p. XIII). L. avait un frère, Louis Florent, qui publia Le Négociant (D.P.1 975). L. est resté célibataire : «Ce n'était pas misanthropie de sa part : c'était encore moins amour de libertinage, mais bien de la liberté» (B, p. XVIII). Tombé malade au milieu de l'année 1771, L.

2. Formation

L. fit «toutes ses études» au Collège de Clermont où, en rhétorique, il a été l'élève du P. Porée, duquel «il prit ce goût pour la poésie et cette aisance à versifier» (B, p. IV). Il fit son cours de philosophie au Collège d'Harcourt et eut l'astronome P. Le Monnier, membre de l'Académie des Sciences, pour professeur (ibid.). Maître ès-arts en 1739, L. entreprend des études à la Faculté de Médecine de Paris sous la conduite d'Antoine Ferrein, plus tard adjoint à l'Académie des Sciences et Professeur au Collège Royal : «les progrès que fit [L.] en peu de temps furent bien capables d'honorer les leçons du Professeur». Il est reçu Bachelier en médecine en 1742 (ibid.). En licence, il est chargé par ses camarades de prononcer l'acte public des paranymphes, éloge public des candidats. Il s'en acquitta en vers francais, «et il eut la satisfaction d'avoir pu dérider la médecine» en cette occasion (p. V-VI). L. fut reçu docteur en médecine le 2 octobre 1744 (Chereau, p. 307) et non en 1742 comme l'indique la N.B.G. ; en cette circonstance, il montra comment il concevait son métier de médecin (B, p. VI).

Mais L. n'arrêta pas là ses études. Il commenca par dédier à la Faculté un poème intitulé Amphitheatrum Medicum (1745), composé pour célébrer l'inauguration de l'Amphithéâtre rénové, puis il soutint deux thèses en 1745 et en 1746 (B, p. XXI) en vue de l'obtention du titre de Docteur Régent de la Faculté.

L. était membre de l'Académie royale de La Rochelle et de la Société littéraire de Chalons-sur-Marne (1756). Il est en outre membre honoraire de l'Académie royale d'Amiens en 1757 (F.L. 1769, t. I, p. 46, 78, 129, 205 et B, p. XI). A la mort de Ferrein en 1769, il se présenta au siège qu'occupait son maître à l'Académie des Sciences, mais il échoua dans cette entreprise (B, p. XVI).

3. Carrière

L. a mené une double carrière de professeur et de médecin. Il fut nommé en 1762 professeur à la Faculté de Médecine ; il ouvrit son cours (21 nov.) par un discours en latin, «très applaudi», sur les moyens de pratiquer avec succès la médecine à Paris (B, p. XX). A partir de 1766, L. occupe la Chaire de chirurgie en langue française de la même Faculté. Dans sa leçon inaugurale, il entend prouver que «la chirurgie n'est point un art difficile» (ibid.). L. était enfin Agrégé honoraire au Collège royal des Médecins de Nancy (1768 ; B, p. XIV).

L. eut, avec d'autres, l'intention de fonder une «Société académique», où l'on aurait fait des conférences, lu des mémoires, formulé des observations sur la médecine. Ce projet, dont L. était «l'un des plus zélés partisans», n'aboutit pas, essentiellement à cause de l'hostilité de la Faculté.

En tant que médecin, L., partisan résolu de l'inoculation, eut l'idée en 1770 de faire «élever un hospice pour l'inoculation tant pour l'utilité que pour la sûreté publique». Cet hôpital était situé au Grand Charonne (L., Maison d'inoculation, 1771, p. 2). Dès les premières inoculations (mars 1771), les habitants du lieu s'inquiétèrent, adressèrent des plaintes à l'Administration qu'ils surent faire appuyer «du crédit de personnes puissantes», si bien que L. fut obligé de se «défaire promptement et avec perte d'un hospice qu'il n'avait établi que pour le bien de ses concitoyens» (B, p. XVII).

Sans se décourager, L. persévère dans ses entreprises hospitalières. La même année, il rédige avec Cambotte un projet de «Maison de santé», dont le but est exclusivement philanthropique. Il s'agissait de «fournir des lits propres, des gardes [...], un garçon chirurgien». Le prix de la pension est fixé a 4 £ par jour, mais on ne paie ni le médecin ni le chirurgien. La consultation pour les pauvres est gratuite. L. conclut que «l'humanité seule a dicté l'Etablissement d'une Maison où les Malades gagneront beaucoup du côté de la dépense, l'exactitude et de l'administration sûre et prompte des remèdes et aliments sous l'oeil des Ministres de Santé» (L., Maison de Santé, 1771, p. 2-3).

L. a demeuré rue du Four, «près la Croix Rouge» (A.R., 1765, p. 362), puis rue du Foin, «vis à vis la rue Bouterie» (ibid., 1772, p. VI).

4. Situation de fortune

L. s'est peut-être enrichi dans la pratique de son art, car c'était un médecin célèbre : Bourru évoque «le nombre considérable de malades qui prenaient ses conseils par écrit ou de vive voix» (p. VII).

5. Opinions

L. s'est toujours élevé contre le dogmatisme, le principe d'autorité, l'habitude dans la recherche médicale : il remarque que l'on s'est souvent déterminé «par prévention, par système, par routine, sans réflexion précise, sans examen particulier, sans jugement certain» (Journal économique, mars 1754, p. 124) ; on jurait «sur la parole de son maître et tout était décidé par son autorité» (L., Mémoires sur divers sujets de médecine, 1760, p. VI). Cependant L. se félicite que désormais «on pense qu'Aristote, aussi bien que les plus célèbres auteurs, ont pu se tromper» (ibid.). Et tout naturellement, pour lui, «le Scepticisme limité est la mesure de la raison [...]. Ce n'est que depuis que Descartes a introduit le doute dans la Philosophie, que les Sciences ont fait des progrès et que la raison humaine s'est perfectionnée» (Médecine pratique, t. I, Préface, p. IX). Aussi, écrit-il, «je suis exactement le précepte que j'ai donné de ne voir que par ses propres yeux» et «je tache seulement à engager les étudiants à se méfier de l'autorité [...]» (ibid., p. IX et X). Cette attitude novatrice de L. se retrouve évidemment dans ses travaux médicaux. C'est ainsi qu'il se prononce contre l'abus des drogues dans la thérapie, encourage les femmes à allaiter leurs enfants (Journal économique, mai 1755, p. 133). Dans quelques articles de ce même journal (mai 1755, p. 124 et suiv. ; juin 1755, p. 114), L. attaque vigoureusement l'abus de la saignée. Ces positions critiques ne lui firent pas que des amis. Au sujet de son opinion sur la saignée, il fut dénoncé, en compagnie d'un autre praticien, Marteau, dans une assemblée de médecins ; «il fut traité de novateur, de sectaire. On fit plus, pour le rendre vraiment criminel, on l'accusa d'avoir vomi des injures contre la Médecine et contre les Médecins» (B, p. IX-X). Signalons enfin que dans la querelle de l'inoculation, L. prit position pour cette pratique (Maison d'inoculation, 1771, p. 1).

Dans la Préface de la Médecine de l'esprit, L. entend écarter toute ambiguïté : il rejette à l'avance une éventuelle accusation de «matérialisme» qu'une de ses affirmations («je sais que par des causes vraiment méchaniques l'âme est aidée», Préface, p. IX) pouvait laisser supposer. Il affirme la spiritualité de l'âme et l'existence de Dieu (ibid., p. IX et X). Dans un premier temps les Mémoires de Trévoux prennent acte de cette profession de foi de L. : cette «précision» ne «laisse aucun nuage sur la religion et sur ses intentions» (avril 1753, p. 883). Mais dans un second temps, ce même journal observe que L. s'est trop «asservi» aux idées de Locke, qu'il développe «avec complaisance» (juin 1753, p. 1392).

Enfin, L. est entré en polémique avec Fréron au sujet du compte rendu qu'avait fait celui-ci de la Bibliographie médicinale de P.J. Du Monchaux que le critique attribuait à tort a L. Ainsi la Médecine de l'esprit serait une «production grotesque», et l'éloge qu'on fait de cette Bibliographie serait entaché d'«une sorte de ridicule» (L'Année littéraire, 1756, t. VII, p. 47 et 49). L. répond à Fréron dans le Journal économique d'octobre 1756 en disant qu'il n'est qu'un «zoïle» «qui cherche à décourager les talents» (p. 104).

L. a dédié sa Médecine pratique (1769) à Christian VII, roi du Danemark et de Norvège, et sa Médecine de l'esprit (2e éd., 1769) au Marquis de Paulmy.

6. Activités journalistiques

L. a collaboré au Journal économique du début de 1753 et régulièrement jusqu'en 1765 compris (F.L., t. V, p. 38 ; B.Un. ; D.P.1 729). Outre la publication de mémoires médicaux dans ce journal, L., tous les mois, rédigeait «des notes sur les maladies régnantes dans cette Capitale, l'analyse des thèses soutenues aux Ecoles de Médecine, l'annonce de différents ouvrages de Médecine à mesure qu'ils paraissaient» (Journal économique, févr. 1772, p. 136). Il est à signaler qu'il a fait paraître encore un dernier article dans ce même périodique en août 1769. La plupart des mémoires médicaux de L.C. ont été tirés à part, ou ont été recueillis dans ses Mémoires sur divers sujets de médecine, 1760.

De plus, L. a traduit en prose le Praedium rusticum du P. Vanière ; ce travail a paru en livraisons mensuelles de janvier 1755 à avril 1756, mais Barbier (D.O.A., t. II, p. 1037) indique que cette traduction serait en réalité du P. Antonin Boudet.

La collaboration de L. au Journal économique semble avoir été fort prisée des lecteurs. La B.Un. remarque qu'il traita sa partie «avec beaucoup de talent». De son côté, Du Monchaux écrit que le Journal économique «est très utile aux Médecins [...] ; on y voit toujours avec plaisir ce que le zèle et surtout l'amour de l'humanité dicte au sage médecin, auteur des articles les plus intéressants qu'on y trouve. Et d'ailleurs la plume légère de M. L. jette sur les choses les plus abstraites un air de gaîté qui plaît autant qu'il attache» (Bibliographie médicinale, p. 208-209). Enfin Eloy, après Bourru, fait observer que «ses Mémoires étaient écrits avec la franchise d'un honnête homme, le style d'un Lettré, le feu d'un Médecin de génie» (p. 524).

7. Publications diverses

L. est l'auteur de nombreux mémoires de médecine, dont on trouvera la liste dans la F.L. et dans le Tableau chronologique des ouvrages imprimés de Me Ant. Le Camus (B, p. XIX-XX). Ses deux ouvrages scientifiques essentiels sont La Médecine de l'esprit (1753, 2 vol., 2e éd. 1769) et La Médecine pratique rendue plus simple, plus sûre et plus méthodique (2 vol., 1769 et 1772). Par ailleurs, L. a publié plusieurs oeuvres littéraires, des traductions, un poème latin déjà cité, un roman, Abdeker, ou l'art de conserver sa santé (1748, 1754-1756, 1774, 1790-1791), trois comédies (F.L., Brenner, n° 8186-8187). Parmi les manuscrits qu'il a laissés, on relève des Mémoires de médecine, des additions à ses ouvrages déjà parus, un poème latin, Bibliothecae poema ab Antonio le Camus (1744), des Recherches sur l'histoire de l'Isle de Cos (catalogue des ouvrages mss. de L. dans Bourru, p. XXI). La B.N. a de lui un autre ms. qui ne figure pas dans ce catalogue : Compendium Botanices juxta Doctoris Tournefort Systema a Doctore Le Camus [...], 1763, in-12, 186 f. (n.a.fr. 4644).

D'une façon générale, on peut dire que ses ouvrages littéraires et scientifiques furent particulièrement bien accueillis de la critique du XVIIIe siècle. Pour l'abbé Sabatier, L. est un «homme d'esprit» et un «Ecrivain élégant» (Trois Siècles, t. I, p. 435). En août 1760, le Journal de médecine le présente comme «un homme d'esprit qui [joint] à l'aménité du style du feu et une imagination agréable» (t. XIII, p. 100). Dès ses débuts, en novembre 1745, les Mémoires de Trévoux avaient cru déceler en lui «un homme sçavant, instruit des règles et de l'histoire de son art, plein de la lecture des anciens» (p. 2082).

8. Bibliographie

B.Un., D.O.A., F.L. 1769 et Supplément 1784, Lelong, t. IV, p. 107, n° 46070 ; Ersch ; Feller-Weiss, N.B.G., B.H.C. – B.N., f.fr. 22085, f° 2 ; n.a.fr. 1180, f° 48 et 4644. – Journal économique, mars 1754, p. 102 ; mai 1755, p. 125 ; fév. 1772, p. 136. – Journal de médecine, juillet 1754 (2e éd. 1783, p. 5-20) et t. XIII, p. 99 ; t. XXXI, p. 565 ; t. XXXIV, p. 1. – Le Roux des Tillets J.J., Table indicative [...] du Journal de Médecine, 1788, in-4°. –Médecine de l'esprit, 2e éd., 1769. – Médecine pratique, 2e éd., 1772. – L'Année littéraire, 1754, t. I, p. 173 ; 1756, t. VI, p. 38. – Lettres sur quelques écrits de ce temps, 1752, t. VII, p. 339 et 1753, t. VIII. p. 121. – Mémoires de Trévoux, nov. 1745, p. 2071 ; avr. 1753, p. 881 ; juin 1753, p. 1389 ; sept. 1760, p. 2227. – Journal des Beaux-Arts et des Sciences, mars 1768, p. 378, 2335 etc. ; mai 1769, p. 353 ; mai 1773, p. 362. – Voltaire, Correspondence, éd. Bestermann, D 14654. – Du Monchaux P.J., Bibliographie médicale raisonnée, 1756, p. 208-209.- (B) Bourru E.C., «Eloge historique de Me A. Le Camus», dans L., Médecine pratique, 1772, t. II, p. I-XVIII. - Eloy N.F.J., Dictionnaire historique de la médecine ancienne et moderne, Mons, 1778, t. I, p. 523-526 et t. II, p. 223-224. – Sabatier de Castres A., Trois Siècles de la littérature, éd. 1781, t. I, p. 435-436. – Lelong J., Liste générale et alphabétique des portraits gravés des Français et Françaises illustres jusqu'à l'année 1775, 1809. – Bayle A.L.J. et Thillayre, A., Biographie médicinale, 1855, t. II, p. 466-468. – Chereau A., Le Parnasse médical français ou Dictionnaire des médecins poètes de la France, 1874, p. 307-310. – Delaunay P., la vie médicale au XVIe, XVII et XVIIIe siècles, Paris, 1935.

LANJUINAIS

Auteurs

Numéro

452

Prénom

Joseph

Naissance

1730

Décès

1808

Joseph Lanjuinais serait né vers 1730 dans les environs de Rennes (Levot, t. II, p. 143). Mort en 1808 à Moudon (Suisse). L. était l'oncle de Jean Denis Lanjuinais (1763-1827), membre modéré de la Convention, sénateur sous l'Empire, pair sous la Restauration.

2. Formation

L. fit ses études au collège de Rennes puis entra dans la Congrégation de Saint-Maur. Il avait une culture étendue en droit, théologie, histoire, économie politique. L. occupe pendant quelques temps, dans son ordre d'origine, une chaire de philosophie. Ami des encyclopédistes, notamment de D'Alembert et de Diderot, ses supérieurs veulent le faire renoncer à ses amitiés. Il quitte alors la France, se réfugie à Lausanne et se convertit à la Religion réformée (Levot). Vers 1770, il devient principal du collège de Moudon (Haag).

5. Opinions

Les écrits de L. sont souvent violents et sentent un peu le fagot. Dans L'Esprit de Clément XIV, L. prend le prétexte de la fiction d'une traduction pour attaquer très durement la religion catholique, surtout la hiérarchie. Le livre se termine par ce passage quelque peu équivoque, où L. professe la «religion» des philosophes : «Ce n'est pas par les discours des chrétiens qu'il faut juger les déistes de nos jours. C'est par leurs oeuvres. Le seul Voltaire a donné des exemples de toutes les vertus» (p. 473). Il va sans dire que L'Esprit de Clément XIV fut sévèrement interdit en France. Et c'est dans la Lettre IX du Supplément à l'Espion anglais que, non sans humour, L. s'en déclare l'auteur : «Vous me demandez, Milord, si ce n'est point moi qui suis l'auteur de L'Esprit de Clément XIV ; vous savez, Milort, que jamais je ne fis d'outrage à la vérité ; vous m'avez deviné ; je suis charmé que cet ouvrage ait mérité vos éloges, malgré que [sic] l'auteur ait été condamné aux anathèmes de Rome et de son clergé intolérant» (éd. De 1782, p. 44). Mais le titre de gloire de L. est d'avoir publié en 1774 Le Monarque accompli, ouvrage dans lequel il expose des idées politiques assez hardies.

Si L. défend Montesquieu, cet «illustre auteur» qu'on a accusé «d'irréligion et d'impiété» (t. I, p. 245), il s'attaque en revanche vigoureusement à Rousseau qui développe des «sophismes séduisants» et fait figure de «philosophe cynique de nos jours» (t. I, p. 442-443). Ce n'est que deux ans après la parution du Monarque accompli que cet ouvrage fut condamné. En effet, c'est à la suite du réquisitoire de Séguier, en mai 1776, que le Parlement condamne le livre «comme séditieux, tendant à la révolte et à soulever les esprits contre toute autorité légitime, attentatoire à la souveraineté des Rois et destructrice de toute subordination» (M.S., 7 mai 1776, t. IX, p. 118). Bien entendu, cette condamnation met le livre à la mode ; cela, commentent les M.S. «donne un merveilleux véhicule à l'ouvrage qu'on n'osait lire à cause de sa longueur» (ibid.). En décembre 1777, le livre est toujours «recherché» (ibid., 19 déc. 1777, t. X, p. 340-341). Les M.S. d'ordinaire si sévères, font l'éloge du Monarque accompli : «Il y a [...] des endroits vraiment hardis, pris dans les grands principes et qui caractérisent une âme forte et patriotique. Le style en est clair et nerveux et partout on est étonné de la profonde érudition de ce professeur de Moudon, plus propre à Régenter dans les Cours que dans l'enceinte obscure d'un collège.» (ibid., 28 déc. 1777, t. X, p. 350). C'est aussi non sans un certain humour que L., dans le Supplément à l'Espion anglais, parle du Monarque accompli comme d'«un ouvrage profond de politique et de morale, c'est un véritable code de l'humanité» (Lettre XI, éd. de 1782, p. 50). En 1781, L. renouvela ses attaques contre la monarchie dans le Supplément à l'Espion anglais, lui aussi condamné (Peignot, t. II, p. 229). Dès le début du livre il flétrit ce «scélérat de Maupéou» (éd. De 1782, p. 9) et Calonne dont l'image même «est devenue si révoltante pour toute âme sensible et bien née» (Lettre V). Seul Necker trouve grâce aux yeux de L. : «âme haute et magnanime», il aurait été le «restaurateur de la France» s'il avait pu se maintenir au pouvoir (p. 17, 78). Après avoir rendu hommage à «la nation anglaise et à son gouvernement» (p. 171), L. ne manque pas une occasion de condamner les ennemis des Philosophes. Linguet est cet «écrivain téméraire, acharné contre le mérite, vendu aux prêtres», dont la «plume» est «vénale et mensongère» (Lettre XV, p. 180). Il y oppose le «mérite universellement reconnu du célèbre D'Alembert» et les «talents supérieurs du fin et délicat Marmontel» (p. 186).

6. Activités journalistiques

Supplément à l'Espion anglais ou Lettres intéressantes sur la retraite de M. Necker, sur le sort de la France et de l'Angleterre, et sur la détention de M. Linguet à la Bastille, adressées à Milort All'Eye, par l'auteur de l'Espion anglais, Londres, J. Adamson (Lausanne), 1781, in 8°, 222 p., éd. De 1782, in 8°, 194 p. (D.P.1 1235).

7. Publications diverses

Eloge de Catherine II. – Esprit du Pape Clément XIV, Moudon, 1775. –- Manuel des jeunes orateurs ou Tableau historique et méthodique de l'éloquence chez les Grecs, les Romains et les Français, Moudon, 1777, 2 vol. – Le Monarque accompli ou Prodiges de bonté, de savoir et de sagesse qui font l'éloge de l'empereur Joseph II, Lausanne, 1774, 3 vol. Autres éd. En 1777 et en 1780.

8. Bibliographie

Ersch, t. II, p. 247 ; B.Un., N.B.G. ; B.H.C. ; Haag. – Cior 18, n° 36840-36843. –Arrêt de la Cour de Parlement qui condamne le Monarque accompli, 1776, in 4, 8 pages. – Levot P.J., Biographie bretonne, Vannes, 1852-1857, t. II, p. 143-144. – Peignot G., Dictionnaire critique, littéraire et bibliographique des principaux livres condamnés au feu, supprimés et censurés, 1806, 2 vol. – Voltaire, Correspondence, éd ? Besterman : D20190.

HERNANDEZ

Auteurs

Numéro

398

Prénom

Philippe

Naissance

1724

Décès

1782

Philippe Hernandez est né à Paris en 1724 (F.L. 1769, I, 294) ; il est mort dans la même ville en 1782 (Chaudon, Xlll, 427 ; B.Un., N.B.G.). Il était originaire d'Espagne et a d'ailleurs dédié sa traduction du Voyage aux Indes orientales à Jaime Masones de Lima et Soto-Mayor, «Gentilhomme de la Chambre de Sa Majesté Catholique», qui le protégeait (p. Vl). H. était père d'une «nombreuse famille» et avait fait allaiter ses enfants par une chèvre (Chaudon, B.Un.).

2. Formation

Selon la B.Un., H. qui était d'«un esprit vif et enjoué», possédait vingt-six langues «sans compter les idiomes» (B.Un.). On est sûr qu'il écrivait «fort clairement» et qu'il était «bien versé dans la langue anglaise» (Mémoires de Trévoux, juil. 1758, p. 1543). H. parlait également russe et polonais. En 1769, il demande à la Bibliothèque du Roi «communication des livres russes qui pourraient y être, afin de s'exercer dans cette langue». Mais il n'y a qu'une «Bible esclavonne, pas même un dictionnaire ou une grammaire» (f.fr. 9454, f° 192).

3. Carrière

En 1769, H. habitait au Collège de Cluny, place de la Sorbonne (Description de la Généralité de Paris). En 1758, il logeait chez le libraire Lambert (f.fr. 22141, f° 202).

H. avait fait un voyage en Russie, et en octobre 1774 l'Administration royale se demande comment elle pourrait se «servir utilement de lui, pour tirer de ce pays-là une notice des manuscrits grecs, qu'on prétend effectivement y avoir été transportés du Mont Athos» (f.fr. 9454, f° 193). Au début d'août 1757, il est à Londres (f.fr. 22152, f° 217) ; à la fin de ce même mois (26 août), il est à Lille chez Panckoucke. Le 8 octobre, la veuve Panckoucke écrit que H. est revenu d'un voyage de La Haye «fort fatigué» (ibid., f° 228-229). On le retrouve enfin à Amsterdam du 10 au 24 octobre 1757 où il habite chez Marc-Michel Rey (ibid., f° 223 et f° 232). En 1758-1759, H. écrit à Malesherbes qu'il part avec le prince Doldoruk «pour l'armée de France» ; il se propose ensuite de faire «avec lui le voyage d'ltalie et des Cours du Nord» : «La fortune, lui dit-il, ne me traite pas ici assez bien pour que je refuse ce parti» (f.fr. 22141, f° 208).

H., protégé par Malesherbes, lui demande en novembre 1758, 400 £ d'avance pour payer le papier de son Almanach de la Généralité de Paris (ibid., f° 203). Mais Bonamy, le censeur, fait des difficultés : il demande à l'article «Montereau» que la phrase «Le Dauphin avait fait assassiner au XVè siècle le duc de Bourgogne» soit remplacée par celle-ci : «Ce fut en présence du Dauphin, etc...». H. fait faire le carton et le livre paraît. Pour cet ouvrage, il a puisé ses informations dans les «Bureaux de l'Intendance», dans l'Histoire de Paris de l'abbé Leboeuf et dans l'Histoire de Meaux de Dom Duplessis ; de plus, il avait interrogé les sub-délégués (ibid., f° 205-206).

4. Situation de fortune

H. était interprète du Roi (F.L., N.B.G., B.Un.). Il était employé par le Département des Affaires étrangères où il faisait des «traductions journalières» du russe et du polonais (f.fr. 9454, f° 192). En octobre 1774, H. demande le rétablissement de l'emploi «d'interprète des langues russe et polonaise attaché à la Bibliothèque du Roi», qui était vacant depuis la mort de l'abbé Girard en 1748. H. appuie ainsi sa demande : «[...], pour soutenir la prééminence que la Bibliothèque du Roi a sur toutes les autres bibliothèques de l'Europe [...], il faut indispensablement qu'il y ait des livres russes et polonais. Il [H.] les connaît assez pour indiquer ceux de première nécessité. Il pourra faire les traductions que Monseigneur jugera nécessaires pour le bien du service» (ibid.).

6. Activités journalistiques

H. a collaboré au Journal étranger. Une note manuscrite sur le feuillet de garde de l'exemplaire de la B.N. (t. I, avr. 1754, Z 21730) indique qu'il en a même été le «principal rédacteur». La F.L. de 1769 (I, 294) suivie par Des Essarts (III, 455) précise qu'il a travaillé au Journal étranger pour la partie anglaise en 1757 et en 1758. La date de 1758 est corroborée par la page de titre du Voyage aux Indes orientales. Quérard, la B.Un. et la N.B.G. donnent «depuis 1755 jusqu'en 1779», Chaudon «depuis 1751 jusqu'en 1761», mais c'est manifestement une erreur dans les deux cas puisque le Journal étranger a paru seulement et par intermittence de 1754 à 1762.

7. Publications diverses

Liste de ses oeuvres dans F.L. 1769 (I, 294), B.Un., N.B.G. et dans Cio 18, n° 33929-33932. Y ajouter : Catalogue de livres russes propres à faire connaître l'histoire, la législation et la constitution de la Russie que j'ai rapportés de ce pays (f.fr. 9454 f° 181-191). – Histoire des comtes de Flandres, mars 1759, 663 p. : le libraire Dessaint reconnaît avoir reçu ce manuscrit pour la veuve Panckoucke. Il ne semble pas avoir été imprimé (f.fr. 22144, f° 190).

8. Bibliographie

Lelong J., Bibliothèque historique de la France, éd. 1768-1778, I, 2242. ; F.L. 1769, t. I p. 294 ; Desessarts, t. III, p. 455 ; N.D.H. ; B.Un. : N.B.G. – B.N., f.fr. 22141, 22144, 22152, 9454. – Catalogue de la Bibliothèque de M. Edgard Mareuse, 1928, t. I, n° 5503. – Journal encyclopédique, 1758, t. IV, p. 96-110. –Mémoires de Trévoux, juillet 1758, p. 1541-1557.

9. Additif

Carrière : D’après A. Mézin et V. Rjéoutski dans Les Français en Russie au siècle des Lumières. Dictionnaire des Français, Suisses, Wallons et autres francophones en Russie de Pierre le Grand à Paul Ier (Ferney-Voltaire, 2011, t. II, p. 415), Hernandez a fait un premier séjour à Moscou, avec femme et enfants, en 1761, et un second en 1768. Les 5 lettres de H. conservées dans la correspondance de M.-M. Rey à la B.V. d’Amsterdam (686.2 REY) permettent de compléter ces informations : H. est arrivé à Moscou en octobre 1760, pour remplir un emploi de précepteur d’une « Princesse » (15 juin 1761), sans doute une princesse Gallitzine, chez qui il réside (6 décembre 1761) ; il reçoit 2400 £ de salaire annuel, avec table, deux laquais, un  carrosse et des chevaux. Il est en relations avec Rey pour une vente de fourrures (10 octobre 1760), puis de livres. Rey lui fournit des livres, surtout des romans, car les Russes veulent de l’amusant (24 septembre 1761). H. garde les invendus, car les livres sont sa « passion dominante » (28 octobre 1761).

Activités journalistiques : En juin 1761, il publie chez l’éditeur hollandais T.S. Höjer un Journal des sciences et des arts « particulièrement consacré à l’instruction de la jeunesse russienne par M. Hernandez, ci-devant l’un des auteurs du Journal étranger », journal dont on n’a pas gardé de trace. Le 6 décembre 1761, le premier volume de son journal est en vente ; il en envoie 50 exemplaires à Rey, mais les liaisons entre Moscou et Amsterdam sont difficiles. Il se fait aider dans son travail par un copiste que Rey lui a procuré (15 juin, 24 septembre 1761) : M. de Chavannes.

Il repart en France en 1768 avec sa famille et une importante bibliothèque. (J.S.)

HAVÉ

Auteurs

Numéro

391

Prénom

Adrien

Naissance

1739

Décès

1817

Adrien Joseph Havé, fils d'un huissier au Châtelet en résidence à Reims, est né à Romain (Marne) le 4 septembre 1739 et baptisé le 14 (Jadart, Affiches, p. 2, note 1). Il est mort à Reims le 8 juillet 1817 (Etat civil de Reims, Registre des décès 1817, n° 666, f° 131, p. 7, note 3). H. a épousé Elisabeth Jacob Denizard.

2. Formation

H. fit des études classiques puis suivit les cours de la Faculté de droit de Reims (ibid., p. 4).

3. Carrière

Comme il le dit lui-même, H. est à la fois un homme de lettres et de loi. Avocat au parlement de Paris (1762), H. devient ensuite entre 1766 et 1771 secrétaire de Marin, un collaborateur du lieutenant général de Police, Sartine (ibid., p. 4). «Comme il écrivait très bien et très correctement, on le chargeait de copier les pièces les plus importantes» (B.Un.). Après une longue interruption, due à la rédaction des Affiches de Reims, H. reprend des fonctions juridiques. Pendant le Directoire, il est juge suppléant du district de Reims, et en 1797 il cesse ses fonctions de substitut du commissaire du Directoire (ibid.). En 1805, il est nommé juge suppléant au Tribunal civil (Jadart, Affiches, p. 6), cela jusqu'en 1810 (B.Un.). H. est un homme enraciné dans la vie locale. En 1770, c'est lui qui est chargé par les échevins de Reims de présenter des vers à la Dauphine lors de sa visite dans la ville (Journal encyclopédique, 1770, t. IV, p. 115-116). Et c'est après quelques années passées à Paris qu'il revient à Reims pour rédiger, pendant plus de trente ans (1772-1805), les Affiches de Reims. H. connaissait d'ailleurs «parfaitement» l'histoire de sa ville et de sa région (B.Un.). La Bibliothèque de Reims possède de nombreux manuscrits historiques ou juridiques lui ayant appartenu. Mais H. est aussi un bibliographe et un collectionneur. Très jeune, en 1762, le procureur au bailliage de Reims le chargea de dresser le catalogue de la bibliothèque du Collège des Jésuites lorsque ceux-ci furent expulsés du royaume (B.Un. et Jadart, Bibliophiles, p. 69). En 1773, H. avait proposé la création d'une bibliothèque publique à Reims avec le fonds de la bibliothèque des Jésuites et celle de Félix de La Salle. Il échoua dans cette première tentative (Affiches de Reims, 1773, p. 111, 126, 174). En 1806, H. propose de nouveau la création d'une bibliothèque publique dans le local du Mont-Dieu, rue du Barbatre, qui aurait réuni les éléments des dépôts des couvents et des abbayes. Là encore, H. ne fut pas suivi par l'administration municipale qui préféra l'installer au premier étage de l'Hôtel de ville (1808). Ses connaissances littéraires et bibliographiques le destinaient au poste de conservateur de la Bibliothèque, mais la municipalité - avec laquelle il n'était pas, semble-t-il, au mieux - lui préféra l'obscur Siret, professeur au Lycée (Jadart, Affiches, p. 6-7). Dans une lettre au Journal encyclopédique (1785, t. II, p. 142), où il conteste à Leibniz, à Sidney et à Vossius la paternité de L'Histoire des Sévarambes pour l'attribuer correctement à Denis Veiras, il écrit : «Dès ma jeunesse, j'ai recueilli des livres, parce que je les ai regardés comme la meilleure société, comme propres à me faire oublier les chagrins de la vie, à distraire les loisirs et les infirmités de la vieillesse, si toutefois je devais en être assiégé». De fait, H. s'est forgé une réputation de bibliophile averti : H. Jadart a fait la description de ses ex-libris gravés (Bibliophiles, p. 70). D'ailleurs la bibliothèque de Reims conserve un grand nombre de manuscrits ayant appartenu à H. On y trouve surtout un fonds important en histoire locale, avec à l'occasion un peu de théologie ou de polémique religieuse (Traité des Trois imposteurs, ms. n° 651). De son côté, la B.N. possède un Recueil de poésies françaises du XVIe siècle provenant de la collection de H. (n.a.fr. 14747).

4. Situation de fortune

Dans l'Avis préliminaire du Journal de Champagne du 5 janvier 1784, H. insiste auprès de ses lecteurs sur son travail de journaliste effectué avec «une persévérance si exacte» avec, au regard, un «dédommagement si modique». Il constate «avec regret», puisque cela lui fait perdre des abonnés, que les lecteurs se prêtent le journal, si bien que «le nombre des lecteurs excède au moins quatre fois celui des souscripteurs».

5. Opinions

H. est un esprit universel : il s'intéresse à la littérature, à l'archéologie, à l'économie politique ; il s'opposera, pendant la Révolution, aux destructions d'églises et de monuments de Reims. Monarchiste, «sans être l'apologiste de tout ce qui existait» (B.Un.), H. sera détenu six mois après le coup d'état républicain du 18 Fructidor pour avoir reproduit dans son journal un article sur les biens nationaux (Ibid.). En 1814, il voit «avec plaisir» la Restauration des Bourbons (Ibid.).

6. Activités journalistiques

Le nom de H. est lié à celui des Affiches de Reims. La Bibliothèque de cette ville possède la collection complète du périodique en quinze volumes reliés en parchemin vert : cet exemplaire a appartenu à H. lui-même (Jadard, Affiches, p. 2). Les Affiches de Reims sont une mine pour l'histoire locale : on y trouve ainsi quantité de renseignements sur l'université, les écoles, les sociétés diverses, l'économie politique, l'assistance publique et les hôpitaux ; les monuments, les antiquités, les beaux-arts, les fêtes et réjouissances publiques ; les crimes et les exécutions capitales ; la biographie des Rémois célèbres, la nécrologie (ibid., p. 2 et suiv.).

Les Affiches de Reims ont changé d'intitulé de nombreuses fois au cours de leurs trente ans d'existence : Affiches, annonces et avis divers de Reims et généralité de Champagne, janvier 1771-déc. 1777.– Affiches de Reims et généralité de Champagne, janvier 1778 déc. 1780.– Journal de Champagne, janvier 1781 juillet 1790.– Journal de Champagne, comprenant les départements de la Marne, de la Haute-Marne, de l'Aube et des Ardennes, 19 juillet 1790 août 1792.– Journal général des départements de la Marne, des Ardennes et de la partie orientale du département de l'Aisne, 27 août 1792 fin mars 1794.– Journal général de Reims, avec le même sous-titre, 31 mars 1794 juillet 1795.– Journal de Reims, avec le même sous-titre, 2 Thermidor an III (20 juillet 1795) Brumaire an VI (octobre 1797). Le 30 Fructidor an III (16 sept. 1795) le sous-titre s'était raccourci : on avait retranché «la partie orientale du département de l'Aisne».– Affiches, annonces et avis divers de Reims et des départements de la Marne, de la Haute-Marne, de l'Aube et des Ardennes, 8 Brumaire an VI (29 oct. 1797) 10 Messidor an VII (29 juin 1799). H. cède alors la rédaction à Appert. Les Affiches de Reims seront suspendues de cette dernière date jusqu'en Floréal an IX (fin avril 1801).– Journal de Reims et département de la Marne, 10 Floréal an IX (30 avril 1801) – 27 avril 1805. H. reprend la rédaction du journal. Le prix de l'abonnement mensuel est de 6 £ de 1772 à 1783 ; de 7 £ 10 sous de 1784 à 1797 ; de 8 F., 60 centimes à partir de cette dernière date (voir H. Danton, «Recherches statistiques sur les journaux publiés à Reims», p. 147-149).

7. Publications diverses

Adieux d'un Danois aux Français, poème satirique, Reims, 1768, in 8°. – Apollon chez les Eburons, pièce de circonstance, Liège, 1784 (Brenner, n° 7372). – L'Homme sans famille ou Lettres d'un voyageur allant de Paris à Spa, Reims, 1770. – Lettre à M. D*** sur l'établissement d'une bibliothèque dans la ville de Reims, Epernay, 1806, in 8°, 16 p. – «Lettre sur le problème bibliographique proposé au TRPM ***», Journal encyclopédique, 1785, II, 142-145 (lettre datée du 1er janvier 1785). – Lettres sur les causes physiques et les effets de l'antipathie, voir J.S. Ersch, La France littéraire, Hambourg, 1797-1806, II, 172.– Mémoire pour Havé, Reims, 1783, in 4°. – Ode au Roi sur sa statue érigée par la ville de Reims, Reims, 1765, in 4°. – Le Sacre de Louis XVI, ode, Reims, 1775, in 4°, 7 p., Bibliothèque de la ville de Reims, ms. n° 1492. – Satire sur l'éducation des filles à Reims, s.d., Bibliothèque de la ville de Reims, ms. n° 1298. – «Vers présentés à Mme la Dauphine à son passage à Reims le 22 mai 1770», Journal encyclopédique, 1770, IV, 115-116.

8. Bibliographie

B.Un., XVIII, 584-585. – Cio. 18, n° 33571-3581. – F.L.B.H.C., p. 297. – N.B.G., XXIII, 616-617.– A.D. de la Marne : J. 562, 10 l 34 (Infraction à la loi sur la presse, an VI). – Bibliothèque de la ville de Reims : ms. 1299, autographe de H., quittance, 18 Floréal an X (8 mai 1802) ; ms. 651, 664, 1298, 1314, 1471, 1481, 485, 1499-1502, 1510, 1546, 1588, 1619, 1633, 1649-1650, etc. : manuscrits ayant appartenu à H.– B.N. : n.a.fr. 14747, Recueil et poésies françaises du XVe siècle, ex-libris A.J. Havé. – Voltaire, Correspondence and related documents, D 18994, Lettre de Voltaire à Havé, 24 mai 1776.– Danton H., «Recherches statistiques sur les journaux publiés à Reims jusqu'à ce jour», Reims : Revue historique et littéraire de la Champagne, 15 juin 1854, p. 147-149. – Jadart H., «Les Affiches de Reims d'Havé», Travaux de l'Académie nationale de Reims, 1895, XCVI, p. 1-55. – Jadart H., «Les Bibliophiles rémois, les ex-libris et fers de reliure suivis de ceux de la Bibliothèque de Reims», Travaux de l'Académie nationale de Reims, 1894, XCII, p. 69-70. – Lacatte-Joltrois A., Biographie rémoise (manuscrite).

9. Additif

Publications diverses :  "L'Homme sans façon ou Lettres d'un voyageur allant de Paris à Spa", sl, 1786 (et non "L'Homme sans famille…", etc.) [I. M.]

GROSIER

Auteurs

Numéro

366

Prénom

Jean Baptiste

Naissance

1743

Décès

1823

Selon la F.L., la B.Un. et Sommervogel, Jean Baptiste Grosier est né le 17 mars 1743 à Saint-Omer (Pas-de-Calais). Cependant, ce qu'on peut déduire de son acte de décès donne à penser qu'il est né en mars 1741 (A.V.P., V 2E 11401). Signalons que Derheims le fait naître le 19 mars 1738 et lui attribue les prénoms suivants : Gabriel, Emmanuel, Joseph ; mais l'acte de baptême qui correspond à cette date aux A.D. du Pas-de-Calais porte le nom de Grossier.

2. Formation

G. a été agrégé profès à la maison des Jésuites de Saint-Omer (Derheims), puis a été reçu dans la Province de Champagne le 7 juillet 1761. Lorsque la Société est proscrite de France (1764), il est envoyé à Pont-à-Mousson pour y poursuivre ses études. En 1765, il y suivait le cours de physique (Sommervogel). A Pont-à-Mousson, G. fut le condisciple du Père F. Bourgeois, sinologue, avec qui il était en relation dès août 1758 (f.fr. 9385, f° 185). G. a toujours été fidèle aux maîtres de sa jeunesse. En 1790, il écrit que «la cessation des services rendus par les jésuites, justifie [les] regrets de l'homme impartial», que «des maximes saines, un but utile, ont toujours caractérisé les écrits des littérateurs jésuites» et que «jamais le saint respect dû aux lois, aux moeurs, à la religion, n'a été violé par eux» (Mémoires d'une société célèbre, t. I, Préface, p. v et xxii).

3. Carrière

Après l'expulsion des Jésuites, G. vient à Paris et devient précepteur des enfants de Guillaume de Lamoignon, ancien Garde des Sceaux, et de ceux de Charles de Rohan, prince de Soubise, maréchal de France (Derheims). Grâce à l'appui de plusieurs grands seigneurs, G. devient en 1764 chanoine honoraire de Saint-Louis du Louvre (ibid.). Sommervogel place cet événement en 1780. Sinologue, G. est connu pour être l'éditeur de l'Histoire générale de la Chine ou Annales de cet Empire, 1777-1785 avec Leroux des Hauterayes sur des matériaux fournis de Pékin par le Père J.A.M. Moyriac de Mailla. Pour annoncer cette publication, G. rédigea un Prospectus qui fut très bien accueilli par le public : en quelques mois, il recueillit 86 000 £ de souscription : «D'Alembert, après avoir lu ce prospectus, dit modestement qu'il était le plus beau et le mieux écrit qui eût paru depuis celui de l'Encyclopédie» (Barbier, Revue encyclopédique, XXI, 741). Le treizième volume de cet ouvrage, intitulé Description générale de la Chine, est entièrement de l'abbé G. Il parut en 1785 (in 4°). G. y passe en revue les lois, les moeurs, les coutumes, les sciences et les arts de la Chine. Ce volume eut le plus grand succès, on le vendit séparément, avec un frontispice particulier. Il fut réimprimé en 1786 (2 vol., in 8°, rééd. en 1788 et en 1795) et on le traduisit en anglais, en italien et en allemand (1789). Beaucoup plus tard, en 1818-1820, G. en fit une édition augmentée. La C.L. indique que la Description générale de la Chine est «la compilation la plus exacte et le plus complète de tout ce qui a été écrit sur la Chine» (XIV, 426). L'ensemble de l'ouvrage est «le plus complet, le plus instructif et le meilleur que l'on possède sur la Chine» (B.Un.). Ami de Décatour, «ancien imprimeur du Roi, possesseur d'un cabinet très riche en peintures, dessins, livres et raretés sur la Chine» (Description générale de la Chine, 1818, Prosp., p. 5), G. polémique avec C. de Pauw, auteur des Recherches philosophiques sur les Egyptiens et les Chinois (1773, 2 vol.) : «la haine de cet écrivain contre les Asiatiques, observe-t-il, perce avec la dernière indécence dans toutes les pages de son livre» (Description générale de la Chine, 1777, t. I, Avertissement, p. 7). G. eut aussi un débat avec C.L.G. de Guignes, consul à Canton, auteur d'un Dictionnaire chinois, français et latin, 1813 (Biographie des hommes vivants, III, 327). On ne sait ce que devint G. pendant la Terreur. Sans doute se cacha-t-il. Il réapparaît pendant la période du Directoire au Château de Baillon, près de l'Abbaye de Royaumont, hôte de M. de Montgelas, ancien consul de Cadix. G. s'occupait de l'éducation des deux fils de M. de Montgelas et rédigeait un Abrégé de l'Histoire générale de la Chine qui n'a pas paru (B.Un.). En 1809, G. est employé à la Bibliothèque de l'Arsenal (Martin, 424). Par décret du 4 janvier 1812, il est fait sous-bibliothécaire et un logement lui est proposé (ibid., 548). Enfin, en 1818, il devient administrateur en chef avec le titre de Bibliothécaire de Monsieur (ibid., 562). G. n'exerce ses fonctions qu'une année et la place est donnée à Dussaulx (B.Un.). Selon Martin (p. 563), pendant l'administration de G., la bibliothèque de l'Arsenal vécut une sorte de torpeur. Mais Barbier et la B.Un. affirment que, dans ses fonctions de bibliothécaire, G. «se fit aimer par son aménité et par sa complaisance de tous les gens de lettres qui avaient besoin de lui». G. fit probablement peu de voyages : on le retrouve en 1760 à Amiens (Mercure de France, juillet 1760, I, 14) puis en 1765 à Pont-à-Mousson. Le reste de sa carrière s'est déroulé à Paris. En 1779, G. habite rue des Fossés-Saint-Victor, vis-à-vis les Pères de la doctrine chrétienne (J.L.S.A., 1779, III, Avertissement).

4. Situation de fortune

La fortune de G. semble avoir été assez médiocre. Avant la Révolution, il est titulaire des revenus attachés au canonicat de l'Eglise Saint-Louis du Louvre. En mai 1779, G. reçoit 100 louis (2400 £) pour la rédaction du Journal de Littérature, des Sciences et des Beaux-Arts (M.S., 16 mai 1779, XIV, 62). Il réussit à réunir 86 000 £ de souscriptions pour son Histoire générale de la Chine mais «les nombreux agents qu'il fut forcé d'employer lui laissèrent à peine un faible bénéfice» (Barbier, 741). La Révolution lui fit perdre son canonicat de Saint-Louis du Louvre et «une modique rente lui fournissait de faibles moyens d'existence» (ibid., 742). Les emplois successifs qu'il obtint à la Bibliothèque de l'Arsenal le tirèrent d'embarras.

5. Opinions

L'abbé G. peut être classé parmi les écrivains anti-encyclopédistes. Les Philosophes, écrit-il en effet, «forment [...] une secte que distingue le zèle du prosélytisme et qui se croit seule chargée du dépôt de l'enseignement : usurpant le titre et les fonctions de réformateurs des préjugés de leur siècle, ils osent appeler à leur école les peuples et les rois. Toutes nos anciennes institutions, politiques ou religieuses, sont combattues : une morale, des dogmes, des préceptes nouveaux sont annoncés par ces nouveaux maîtres...» (J.L.S.A., 1779, t. I, p. 13).

Voltaire appartient «à la classe de ces écrivains corrupteurs» (ibid., t. I, p. 15). Les drames sont considérés comme des «homélies morales», dont «l'éloquence»» est boursouflée et «gigantesque" (ibid., t. I, p. 16). Voir aussi le compte rendu très critique que fait G. de l'Essai sur la vie et les ouvrages de Senèque de Diderot (ibid., t. I, p. 177-206). A signaler enfin que G. a été «fort maltraité» dans le Journal des Dames par «M. Mercier le dramaturge, auteur de ce journal très précieux» (L'Année littéraire, 1776, t. IV, p. 287-288).

G. a conseillé le poète Gilbert, «dont il dirigeait le talent par sa critique judicieuse et éclairée» (Barbier, 740). Il aida de ses conseils Geoffroy et l'abbé Royou lors de leurs débuts dans le journalisme (Journal de Paris, 10 avril 1817, p. 2). Enfin, G. fut l'ami de Fréron, «le critique judicieux, l'élégant écrivain». «Il n'est point d'homme de lettres dont les talents aient été plus déprimés, plus indécemment contestés : quelle douce vengeance pour son ombre, si elle apprend que ses superbes ennemis, que toute la Philosophie en corps n'a pu produire un bon journal» (Journal encyclopédique d'après J.L.S.A., 1779, t. I, p. 23-24). De sensibilité royaliste, G. était «un homme de la vieille école» (Dibdin, t. II, p. 353).

6. Activités journalistiques

L'abbé G. avait des idées précises sur le journalisme. C'est «un genre que je regarde, écrit-il, comme l'un des plus difficiles et qui suppose une série de qualités précieuses [...] : un jugement sûr et réfléchi ; un esprit juste pour démêler le vrai d'avec le faux ; un tact sûr et délicat pour saisir avec facilité les défauts ou les beautés d'un ouvrage ; l'esprit d'analyse qui, en développant toutes les parties du plan, sache en rapprocher les détails sans rompre le fil méthodique qui les unit ; un goût éclairé, formé par l'étude des grands modèles ; une littérature vaste, approfondie [...] ; des connaisances acquises dans tous les genres» (J.L.S.A., 1779, t. I, p. 16-17). G., véritable professionnel du journalisme, a collaboré aux périodiques suivants :

1) Mercure de France, juillet 1760, 1er vol., p. 14 et suiv. : «Imitation de l'Ode IV du premier livre des Odes d'Horace Solvitur acris hyems».

2) G. a commencé de collaborer à L'Année littéraire dès 1771 (lettre de G. au Journal de Paris, 10 avril 1817 ; voir aussi Sommervogel et la Biographie des hommes vivants, III, 327). A la mort de Fréron en mars 1776, sa famille s'adressa à G. et «employa les plus pressantes instances» pour lui faire accepter la rédaction de L'Année littéraire. G. était plongé dans l'édition de l'Histoire générale de la Chine. Il refusa dans un premier temps puis il céda enfin «au juste et tendre attachement qu'[il] conservai[t] pour cette famille». On lui proposa Geoffroy comme «coopérateur», puis l'abbé Royou s'ajouta à l'équipe. «Tous deux à cette époque (1776), raconte G., étaient peu exercés dans l'art d'écrire, peu façonnés aux formes du genre polémique et à la tactique des journaux» (lettre citée du Journal de Paris). Il est à noter que Stanislas Fréron fait lui aussi figure de disciple de l'abbé G. Dans le Journal français, Palissot, en évoquant S. Fréron, parle de «l'ignorant élève de M. l'abbé Grosier» (1777, t. I, p. 186). Le nom de l'abbé G. apparaît sur les pages de titre de L'Année littéraire en 1776 et en 1777 : il en est le principal rédacteur. Il a quitté la rédaction de L'Année littéraire pendant l'été de 1779 «uniquement parce qu'il a trouvé qu'il serait plus avantageux et surtout plus honorable d'être à la tête d'un journal [le J.L.S.A.] que simple coopérateur à l'Année littéraire» (A.L., «Post-scriptum», 1779, t. V, p. 181).

Voici la liste des articles de L'Année littéraire dont nous sommes sûrs qu'ils sont bien de l'abbé G. : 1771, t. I, p. 3-39 : «Les douze Césars, traduits du latin de Suétone, avec des notes et des réflexions par M. de La Harpe» (voir Somm. et Barbier).- t. I, p. 246-268 : «Examen de la réponse de M. de La Harpe à un article de l'A.L. concernant la traduction de Suétone».- 1773, t. VII, p. 240-257 : «Dénonciation d'un plagiat» (article signé).- 1774, t. I, p. 66-71 : «Lettre à Jacques Lacombe».- 1776, t. II, p. 73-114 : «Lettres intéressantes du Pape Clément XIV (Ganganelli)» (voir Somm. et Barbier).- 1776, t. V, p. 353-355 : «Histoire de la Chine».

En 1800-1801, Geoffroy et l'abbé G. sont tentés de ressusciter L'Année littéraire (B.H.C., p. 46) ; il n'en est paru que 45 numéros groupés en 7 volumes. A.A. Barbier (D.O.A.) dit que le périodique était «composé» à l'époque par Geoffroy et G. et «rédigé» par Serieys.

3) Journal de littérature, des sciences et des arts, 1779, 6 vol. Ce périodique était la continuation du Journal des sciences et des beaux-arts, qui lui-même avait succédé aux Mémoires de Trévoux. G. n'est véritablement l'auteur que des six volumes de 1779 : son non apparaît à la page de titre. Dès le premier volume de 1780 son nom disparaît et les nouveaux rédacteurs font paraître un Avertissement au t. III.

La particularité du J.L.S.A. est d'être mis en vente «au profit de la Maison d'institution des jeunes orphelins militaires», sous les auspices du Roi et de la Reine : «J'ai cru, écrit G., qu'un pareil motif ennoblirait mon travail et pourrait suppléer au talent même, en disposant mes lecteurs à l'indulgence» (t. I,p. 4). Pour rénover la publication, G. modifie la périodicité de son journal : comme le Mercure, un cahier paraît tous les dix jours. Enfin, G. tenta d'y insérer des nouvelles politiques, mais Panckoucke s'en plaignit au Garde des Sceaux et G. aurait été contraint de payer une lourde indemnité à Panckoucke s'il avait voulu parler de politique. Le chevalier Paulet, qui est à la tête de cette entreprise, lui alloue 100 louis d'indemnités annuelles (M.S., 19 mai 1779, XIV, 62). On compta plus de 1200 abonnés -dont Barbier père- «mais des raisons d'honneur et de prudence ne lui permirent pas de continuer cet ouvrage» (Barbier, 740).

4) G. collabora au Magasin encyclopédique de Millin (v. L'Ami de la Religion, 183 ; De Backer, n° 2302 ; Somm.).

5) G. fournit des articles à la Gazette de France (Somm. ; Rabbe et Vieilh, Il, 1968).

6) Lettre de G. au Journal de Paris, politique, commercial et littéraire, jeudi 10 avril 1817, n° 100, p. 2.

7) L'abbé G. avait voulu redonner vie au Journal français qui se mourait dans les mains de Palissot et de Clément. La Correspondance secrète annonce que G. «sera seul chargé de sa rédaction et le public espère que tout ce qui regarde l'histoire y sera bien traité : mais est-il [G.] bien propre à rendre compte des ouvrages de littérature et de poésie?» (Mettra, Vl, 198). Ce projet n'aboutit pas en raison de l'hostilité des encyclopédistes (Sabatier, Il, 452 et Feller, Journal, juil. 1778, p. 478).

7. Publications diverses

Liste des ouvrages de l'abbé Grosier : Description générale de la Chine, 1785, in-4°, 1786, 1787, 2 vol. in-8° ; 3e éd. de cet ouvrage sous le titre De la Chine ou Description de cet Empire, 1818-1820, 7 vol. in-8°.– Du Rétablissement des autels, 1801 (Derheims).– Histoire générale de la Chine ou Annales de cet Empire, 1777-1785, 12 vol. in-4°. «G. laissa en manuscrit une nouvelle édition de cet ouvrage refondu quant au style, au choix et à la disposition des faits» (Somm.).– Mémoires d'une société célèbre [...] ou Mémoires des Jésuites sur les sciences les belles lettres et les arts, 1790, 3 vol. (tirés des Mémoires de Trévoux).– Ueber Literatur und Kritik aus dem Franz. des Abbé Grosier, Frankfurt, 1779, in-8°.– G. a collaboré à la Biographie universelle (Confucius) et composa quatre articles pour les Mémoires pour servir à l'Histoire ancienne du globe terrestre de Fortia d'Urban, 1808, 3 vol.– La Biographie des hommes vivants (III, 327) et Derheims lui attribuent une Antidote de l'athéisme ou Examen critique du Dictionnaire des Athées de Sylvain Maréchal (1802), mais ce livre est de Léonard Aléa.

8. Bibliographie

B.Un., F.L. 1769, N.B.G., D.L.F., B.H.C. ; C.L., XI, 431, XIV, 425.– Backer A. de, et al., Bibliothèque des écrivains de la Compagnie de Jésus, Liège, 1869-1876, I, 2300-2302 et III, 2233.– Somm., III, 1857-1860.– Biographie universelle et portative des contemporains, 1830, II, 1967-1968.– Sabatier de Castres A., Les Trois Siècles de la littérature française, 1781, II, 452-457.– La Porte J. de, Bibliothèque d'un homme de goût, 1777, III, 393.– Palissot C., Oeuvres, éd. de 1777, VII, 311 (1779).– (A.V.P.) Archives de la ville de Paris : acte de décès de Grosier, V E2 11401.– Ars., ms. 4090.– B.N., f.fr. 9385, f° 185, 194, 209, 210, 213, 214, 218.– (J.L.S.A.) : Journal de littérature, des sciences et des arts.– L'Ami de la Religion et du Roi, 20 décembre 1823, XXXVIII, 182-183.– L'Année littéraire : 1776, I, 212, II, 342, IV, 287 ; 1777, III, 349, Vl, 136 ; 1779, V, 145, 180 ; 1786, II, 241, 111, 193.– M.S., 16 mai 1779, XIV, 62.– Correspondance secrète, politique et littéraire, 1787, VI, 198.– Le Journal francais, 1777, I, 169-186.– L'Esprit des journaux, sept. 1786, p. 117-138 et oct. 1786, p. 150-175.– Journal des savants. sept. 1820, p. 553-568.– Journal encyclopédique, 1786, III, 436-450.– Voltaire, Correspondence, D 20553.– Barbier, Revue encyclopédique, 1824, XXI, 740-742.– Biographie des hommes vivants, 1817-1818, III, 327.– Daire L.Fr., Histoire littéraire de la ville d'Amiens, 1782, p. 403-404. – Derheims J., Histoire civile, politique, militaire, religieuse, morale, physique de la ville de Saint-Omer, Saint-Omer, 1843, p. 712-713.– Carrayon A., Bibliographie historique de la Compagnie de Jésus, 1864, n° 130 et n° 1082. (réimpr. 1970).– Cordier H., Bibliotheca sinica, 1904, I, 60-61-62.– Des Essarts N.L., Les Siècles littéraires de la France, III, 344.– Dibdin Th. Fr., Voyage bibliographique, archéologique et pittoresque en France, 1825, III, 352-354.– Lalanne L., Correspondance littéraire, IV, 373.– Martin H., Histoire de la bibliothèque de l'Arsenal, 1899.

GROIZARD

Auteurs

Numéro

365

Prénom

Louis

Naissance

?

Décès

?

Louis Jacques G. était marié avec Marie Marguerite Cheval, mais en 1783 une sentence du Châtelet porte séparation de biens entre les deux époux (A.V.P., DC626, f° 144 v.). En 1786, G. a trois enfants (A.N., C7132, f° 5).

3. Carrière

Dès 1774, G. est employé au Dépôt de la Marine (A.N., C7132, f° 9). A partir de mai 1775, il est «attaché extraordinairement» au Dépôt des Cartes, Plans et Journaux de la Marine. En avril 1780, G. est sur le point d'acquérir une charge d'Inspecteur de Police (ibid., f° 2). Mais pour entrer en fonction, il lui faut un titre militaire et, en septembre 1780, il acquiert un brevet de sous-lieutenant à la suite des Troupes du Sénégal (ibid., f° 2), avec l'appui du Chevalier de Fleurieu, sous l'autorité duquel il travaille au Dépôt de la Marine (ibid., f° 10). Il semble que G. n'ait jamais occupé cet emploi d'inspecteur de police.

Quelques années plus tard, il est Secrétaire du Dépôt de la Marine (ibid., f° 5). En 1784, il sollicite l'emploi de Commissaire des Classes ou de Commissaire aux Aides, ou bien encore l'augmentation de son traitement (ibid., f° 9 et f° 10 v.). Dans ses démarches, G. est chaudement recommandé au maréchal de Castries par la princesse de Piémont, par la comtesse Diane de Polignac, et surtout par Madame Elisabeth (ibid.). Malgré ces protections puissantes, G. n'obtient pas l'emploi convoité : le 17 septembre 1784, le maréchal de Castries écrit à la Comtesse de Polignac que «les fonds que le Roi a affectés au Bureau des Cartes et Plans de la Marine ne permettent absolument pas d'augmenter le traitement du S. Groizard» (ibid., f° 13). En juillet 1786, G. faisant valoir «l'augmentation de sa famille» (ibid., f° 5), sollicite de nouveau cet emploi de Commissaire aux Classes ou une augmentation de son traitement. Il est encore appuyé dans sa requête par Madame Elisabeth : «Cette nouvelle grâce de votre Grandeur, écrit-il, fera le bonheur de cinq infortunés qui.ne cesseront de la bénir» (ibid.). G. bénéficie d'un rapport favorable du marquis de Chabert qui «constate ses talens et son zèle pour le Service» (ibid., f° 9), ce qui a pour effet, écrit G., de «ranimer [son] courage qui depuis deux ans qu'[il] sollicite, étoit bien affoibli» (14 août 1784, ibid., f° 10 v). Après une entrevue avec le maréchal de Castries, il semble que cet emploi lui ait définitivement échappé (ibid.).

A l'époque du Directoire, G. est chargé de l'enregistrement des militaires (A.V.P., VD 2438). Sous l'Empire, en juillet 1807, il organise probablement certains réseaux secrets de la police de Fouché (d'Hauterive, t. III, p. 301, 307).

4. Situation de fortune

L'emploi d'attaché au Dépôt des Cartes et Plans rapportait à G. 1200 £ d'appointements annuels (A.N., C7132, f° 1) ; celui de Secrétaire du Dépôt de la Marine, 1500 £ (ibid., f° 5). A défaut de l'emploi de Commissaire aux Aides, les Services du Ministre de la Marine proposent de lui verser une «gratification» (ibid., f° 12).

5. Opinions

En juin 1789, G. est électeur de Paris, «député vers l'Assemblée Nationale» (Procès-verbaux de l'Assemblée nationale, 26 juin 1789).

6. Activités journalistiques

G. a obtenu pour dix ans, a partir du 25 mai 1784, un privilège pour un Journal des Insinuations laïques et ecclésiastiques ; ou Notice des Actes qui ont été revêtus de cette formalité dans toute l'étendue du Royaume, «Feuille périodique par M. Groizard (sic), Secrétaire du Dépôt de la Marine» (f.fr. 22002, f° 595, n° 3340). Si G. a bien obtenu un privilège pour ce périodique, il ne semble pas qu'il ait mené à son terme ce projet. En tout cas, on n'en trouve trace nulle part.

7. Publications diverses

G. est l'auteur du Livre de compte nécessaire à chaque ménage pour pouvoir compter, sans risque de perdre le linge, avec les personnes chargées de le blanchir, Quillau (1785), in-4°, n.p. (B.N., V 6884). «En évitant la peine d'écrire son Linge, [ce livre] indique les moyens sûrs pour n'en point égarer ; ce qui arrive souvent par la négligence des Domestiques, ou par leur peu d'aptitude à l'écrire» (Avertissement).

8. Bibliographie

A.N., C 132, 14 ff. : dossier professionnel de G., lettre autographe f° 10-11, datée du 14 août 1786.– (A.V.P.) Archives de la Ville de Paris. DC626, f° 144 v. : séparation de biens entre G. et sa femme (1783) ; VD 2438 (en déficit), G. est chargé de l'enregistrement des militaires.– B.N., f.fr. 22002, f° 595, n° 3340, 25 mai 1784 : obtention du privilège pour le Journal des Insinuations.– Hauterive E. d', La Police secrète du 1er Empire, 1922.– Procès verbaux de l'Assemblée Nationale, 26 juin 1789, p. 5.

GONDOT

Auteurs

Numéro

348

Prénom

René

Naissance

1717

Décès

1799?

Le nom de Gondot s'écrit quelquefois «Goudot» (lettre de Fréron à d'Hémery, 7 avril 1753, dans Balcou, p. 52) ou «Goudeau» (F.L. 1769,1.1, p. 280-281 ; f.fr. 22159, f° 124). Cependant son acte de baptême et sa signature donnent Gondot. René François Gondot est né à Paris le 16 août 1717 de François Gondot, marchand, et de Geneviève Le Normand. Le ménage habitait rue Saint-Honoré. Son parrain était René Cramail, chef de bouche du Roi et sa marraine Françoise Michelle Léger, femme de Charles Le Normand, marchand bourgeois (A.V.P., V2 E 58). Le Cat.B.N.

3. Carrière

G. n'a écrit que pour le théâtre. Il composa quelques parades pour le Théâtre-Italien et fit représenter quelques pièces sur des théâtres privés : dans Le Prix de la beauté (1760), «l'auteur [...] n'a cherché qu'à amuser quelques sociétés et s'amuser lui-même» (Avis de l'éditeur). Sa parodie de Castor et Pollux, Les Deux Gémeaux, imprimée depuis 1754, fut représentée en mai 1777, «avec un dégoût général de la part du public» : ainsi G. «après avoir été sifflé aux Italiens dans sa jeunesse veut l'être encore dans sa vieillesse» (M.S., 12 mai 1777, t. X, p. 72). Le Prix de la beauté, en revanche, fut bien accueilli par L'Année littéraire : «Le sujet est simple, galant, délicat, anacréontique [...]. Cet ouvrage fait honneur à M. Gondot» (1760, t. II, p. 85).

Toute la carrière professionnelle de G. s'est déroulée au sein d'une seule institution : l'armée. Il effectua 46 ans de service de 1745 au 25 septembre 1791 et fit trois campagnes (A.M.V.). Il participa notamment à la campagne du maréchal de Saxe (guerre de Succession d'Autriche, 1740-1748). Durant cette longue activité professionnelle, plus de quarante ans d'un «travail incroyable et sans relâche auquel les jours et les nuits suffisaient à peine » (lettre du prince de Montbarey, 20 mai 1778, ibid.), G. eut trois emplois bien distincts. Il fut d'abord commissaire des Guerres (F.L. ; A.M.V.). Puis il fut quinze ans secrétaire général du Régiment des Gardes françaises (ibid.). Il occupait cet emploi en juillet 1755. Seize ans secrétaire général du Tribunal des Maréchaux de France (A.M.V. ; M.S., 12 mai 1777), il était très apprécié de ses supérieurs : dans une lettre du 19 décembre 1777, le prince de Montbarey note que G. «n'a cessé d'obliger toute la noblesse du Royaume, de civiliser des milliers d'affaires et de profiter des occasions de sa place pour faire le bien de l'Etat et faire gagner au Roi des sommes considérables». Pour sa part Gaspard de Clermont, maréchal de France, remarque que G. a accompli sa tâche avec «toute l'intelligence et la distinction possible», qu'«il s'y est acquis l'estime et la considération générale du Tribunal de la Noblesse et des Militaires» (A.M.V.).

G. a été également secrétaire du duc de Biron - il l'était en septembre 1753. Celui-ci lui trouve un appartement à l'Hôtel de Biron, rue de Varenne. Auparavant G. demeurait rue de Bourbon, chez d'Haricourt (Fréron à d'Hémery, 29 sept, et 26 nov. 1753, dans Balcou, p. 101 et 122).

Un rapport du ministre de la Guerre pour le Directoire (15 avril 1799) signale que G. est à Rouen «depuis longtemps».

4. Situation de fortune

En tant que secrétaire général du Tribunal des Maréchaux de France, G. avait un traitement annuel de 6000 £. Le 12 juin 1778, il obtient 2000 £ de «gratification extraordinaire». En avril 1779, le maréchal de Clermont-Tonnerre avait demandé au roi que cette gratification, «payée sur l'extraordinaire des Guerres», fût convertie en pension. Il semble que G. n'ait pas touché cette pension et qu'on se soit contenté, le 1er juin 1779, de lui donner 2000 £ «en considération de ses services» (A.M.V.). En juin 1792, G. était titulaire d'une pension viagère de 3525 £ par an. Mais cette pension ne lui était pas versée, si bien qu'il se trouve à Rouen, écrit le commissaire ordonnateur de la 15e division militaire, «dans la plus profonde misère». G. aurait accepté de renoncer à sa pension pour bénéficier du traitement accordé aux commissaires réformés.

Il semble qu'auparavant G. ait vécu dans une certaine aisance. En janvier 1761, il va même jusqu'à confier à des hommes d'affaires la somme de 15 000 £. Il eut d'ailleurs des intérêts dans l'impression d'un Boccace pour laquelle il avance 3600 £. Mais l'entreprise tourne court et il écrit à Malesherbes en lui demandant d'intervenir pour récupérer sa mise de fonds (f.fr. 22141, f° 63-64).

G. était bien répandu dans le monde littéraire. Il a même empêché, en avril 1753, un duel entre La Morlière et Mairobert (Fréron à d'Hémery, 7 avril 1753, dans Balcou, p. 52). Il est probable qu'il a été protégé par des gens bien placés, en dehors du monde militaire qu'il connaissait bien. Il dédie en effet Le Prix de la beauté à la princesse Galitzine pour, lui dit-il, «l'estime que vous faites des talents» et «les bontés dont vous voulez bien m'honorer» (Dédicace).

6. Activités journalistiques

En juillet 1755, on signale que Fréron, l'abbé Prévost et G. vont se partager le privilège du Journal étranger (f.fr. 22159, f° 124). Plus tard, le chevalier d'Arcq acheta pour 5000 £ la part de G. au privilège du Journal étranger : G. lui-même l'avait achetée à Douin de Courcelles (f.fr. 22133, f° 305).

7. Publications diverses

Cior 18, n° 31429-31434.

8. Bibliographie

F.L. 1769 ; Desessarts, t. III, p. 280 ; Brenner, n° 7027-7031 ; D.L.F. ; Cior 18, n° 31429-31434. – (A.V.P.) Archives de la Ville de Paris, V2 E 58, copie datée du 8 mars 1779 de l'acte de baptême. – (A.M.V.) Archives militaires de Vincennes, YA 43, Commissaires des Guerres, dossier professionnel contenant quelques lettres autographes (1777-1778). – B.N., f.fr. 22133, f° 305-306 ; f.fr. 22141, f° 62, f° 63-64, f° 65-66 ; f.fr. 22159, f° 124 ; n.a.fr. 3345, f° 359. L'Année littéraire, 1754, t. II, p. 236-238 ; 1760, t. II, p. 79-85. – M.S., 12 mai 1777. – Cohen H., Guide de l'amateur de livres à gravures du XVIIIe siècle, Paris, 1912, col. 747 et 826. – Balcou J., Le Dossier Fréron, Genève, 1975, p. 52, 101, 122.