SALAUN

Auteurs

Numéro

734

Prénom

Nicolas

Naissance

1744

Décès

?

Charles Nicolas Salaun est né le 15 juillet 1744 à Guingamp (Côtes du Nord) de Maître Salaun et de Guillemette Hamon (acte de baptême, mairie de Guingamp). Et non pas en 1747 comme l'indiquent Sabatier, Miorcec de Kerdanet, Levot et F.L.

3. Carrière

Un bulletin de la police secrète du Premier Empire signale, en décembre 1807, l'existence à Rochefort d'un Salaun, «officier des ouvriers de la marine» (d'Hauterive). II se peut qu'il s'agisse de notre journaliste.

5. Opinions

S. fut fort apprécié par Sabatier de Castres : celui-ci loue «la vivacité, l'esprit, l'imagination et le goût» des «petits pamphlets» que S. écrit et qui «donnent une idée avantageuse du talent de ce jeune auteur» (t. IV, p. 230). Opposé aux Lumières, on ne sera donc pas étonné que S. dénonce «la Secte des Philosophes», leur «charlatanisme» (Imitation 27 et VIII). Leurs livres seraient «des productions mesquines, sèches, pleines de morgue», et leur «principal mérite [consisterait] souvent en un vernis d'irréligion» (ibid., IX).

Mais hardi polémiste, S. s'en prend aussi à des individualités. Ainsi Diderot, « inintelligible à force de vouloir métaphysiquer», est un romancier «à la portée de tous nos jeunes cyniques» par «les détails orduriers qui pullulent dans les Bijoux indiscrets» (ibid., 35, n° 31). Voltaire n'est pas plus ménagé : il se serait imposé «la loi de déclarer la guerre ouverte aux talents» et n'aurait aimé que les poètes «qui fléchissent le genou devant sa statue» (ibid., 38, n° 42).

6. Activités journalistiques

S. a collaboré à L'Année littéraire jusqu'en octobre 1781 (M.S., 24 oct. 1781). Il a participé aussi à la fondation du journal militaire, dédié à Monsieur (1789, voir Martin), journal qui ne semble pas avoir paru (D.P.1 774).

7. Publications diverses

Quérard fournit une liste d'oeuvres de S., pour la plupart non datées : Critique raisonnée de Roméo et Juliette. Epître à un ami, en lui envoyant pour étrennes les différents poèmes adressés au Roi, 1775, in-8°, 19 p. – Etrennes à un Ami. Imitation de la neuvième satire de Boileau adressée à M. l'abbé Sabatier de Castres, 1774, in-8°, 39 p. – Lettre sur Roméo et Juliette. Lettre sur les Spectacles. Observation sur le Spectacle de Rouen. Poésies fugitives. – Enfin, les M.S. indiquent (13 août 1773) que S. avait composé «un petit ouvrage contre les Comédiens», ouvrage sans doute perdu lors de leur querelle avec Antoine Renou, auteur de Térée et Philomèle : «Il citait diverses anecdotes qui mettaient au jour les prétentions de ces Messieurs sur les auteurs, et le despotisme qu'ils voudraient exercer sur eux».

8. Bibliographie

8. Cior 18, n° 59346-59347 ; F.L. 1769, t. III, p. 195 et t. IV, 1er part., p. 357 ; Ersch, t. III, p. 238 ; Q., t. VIII, p. 397 ; Desessarts, t. VI, p. 50. – Archives communales de Guingamp, acte de baptême de S. – M.S., 13 août 1773 (t. XXIV, p. 325-326), 24 oct. 1781 (t. XVIII). – Hauterive E. d', La Police secrète du Premier Empire, 1922, t. II, p. 469. – Levot P.J., Biographie bretonne, Vannes, 1852-1857, t. II, p. 821. – Martin M., Les Origines de la presse militaire en France à la fin de l'Ancien Régime et sous la Révolution (1770­I799)- Château de Vincennes, 1975, multigr., p. 52-53. – Miorcec de Kerdanet D.L., Notices chronologiques sur les théologiens, jurisconsultes, philosophes, artistes, littérateurs [...] de la Bretagne, Brest, 1818, p. 337. – Sabatier de Castres, Les Trois siècles de la littérature, La Haye, Paris, 1781, t. IV, p. 229-230.

SABATIER de CASTRES

Auteurs

Numéro

723

Prénom

Antoine

Naissance

1742

Décès

1817

Antoine Sabatier dit de Castres a été baptisé à Castres le 14 avril 1742 (acte de baptême : A.D. Tarn, E 5233) ; il serait né le 13 avril (N.B.G. ; N, p. 369). Son père, Antoine Sabatier, était perruquier (acte de baptême) et avait épousé Marie Caszals. S. avait deux frères qui sont morts sans laisser de postérité et une sœur identifiée, Rose Sabatier, assassinée chez elle le 16 octobre 1825. En 1833, il ne restait plus qu'une de ses sœurs religieuse dans la Communauté de Saint-Maur (N, p. 418). S.

2. Formation

S. a suivi les cours du séminaire de Castres « où ses progrès furent si rapides qu'à l'âge de quinze ans il étonnait ses professeurs» (N, p. 369). II renonce finalement à être prêtre, mais il « ne quitte pas cependant le petit collet qui était alors une espèce de passeport honorable et un titre pour être admis dans les sociétés» (L'Ami de la Religion, t. XLIX, p. 33). S. n'était donc que clerc tonsuré, ce qui lui a permis de conserver le titre d'«abbé» sans être prêtre (N, p. 370). Malgré un très long exil en Allemagne, S. ne savait pas l'allemand (P., p. 190).

3. Carrière

Au cours de ses études au séminaire, S. avait écrit une comédie où ses professeurs étaient ridiculisés. Sa famille lui ordonna de porter tous ses livres et les fit brûler en sa présence «en l'accablant des plus vifs reproches» (N, t. II, p. 370). «Révolté d'un pareil traitement, S. se procura quelque argent et quitta Castres où il n'est plus rentré depuis » (ibid.). A l'âge de dix-huit ou dix-neuf ans, il se rend à Toulouse (ibid.) où il fait représenter en 1763 sur le théâtre de cette ville une comédie en prose, Les Eaux de Bagnières (Brenner, n° 10792) : «La pièce fut vivement applaudie» (N, p. 370). En arrivant à Paris, S. entra au service du comte de Lautrec, «en qualité de décroteur bel-esprit». Lautrec était continuellement en procès et composait lui-même ses mémoires ; il demandait à S. de les mettre en forme. Peu à peu. Lautrec s'aperçut que la partie adverse connaissait à l'avance les arguments de ses mémoires. S. jouait double jeu et informait les ennemis du comte qui «lui donna cent coups de bâton» et «le chassa de chez lui» (d'Alembert à Voltaire, 26 déc. 1772, D18104). Selon Nayral, S. serait venu à Paris au début de 1766, attiré par Helvétius qui lui fit une pension annuelle de 12 000 £ (voir la Correspondance d'Helvétius, éd. D. Smith, t. III, Oxford, 1991, p. 263, n. 15). En juillet 1766, Helvétius lui proposa une place de professeur au collège de La Flèche. S. refusa par une lettre du 15 juillet 1766 : «La place que vous m'offrez me paraît avoir beaucoup d'inconvénients, qui découragent mes projets et détruisent mes espérances. [...] Je sens d'ailleurs que les sujétions que la place de professeur m'imposeraient, emporteraient la plus grande partie de mon temps et décourageraient des études qui m'attachent bien plus vivement» (A.S., p. 225). Voltaire raconte que S. fut extrêmement ingrat avec Helvétius, car «la première chose qu'il fit après la mort de son bienfaiteur et de son maître fut de le déchirer, non pas à belles dents, mais à très vilaines dents» (M, t. XXIX, p. 39 et 280-281). Voltaire fait allusion à un passage des Trois siècles où S. écrit notamment à l'article Helvétius : «La candeur, la bienfaisance et les autres vertus de son âme faisaient pardonner, par ceux dont il était connu, les illusions de sa philosophie. Nous pouvons assurer, d'après nos propres observations, qu'elle était dans lui une espèce de manie involontaire, fruit de ses premières liaisons, plutôt qu'une morgue arrogante et systématique» (éd. de 1781, t. II, p. 489). Les Trois siècles de la littérature française (1772, 3 vol., au moins 5 éd. jusqu'en 1788) le rendirent célèbre, mais lui firent beaucoup d'ennemis. On contesta à S. la paternité des Trois siècles. L'abbé Martin, vicaire de la paroisse Saint-André-des-Arts, chez qui S. «allait tous les matins se styler et s'instruire» (M.S., 7 août 1774, t. VII, p. 225), était présenté par J. Lenoir-Duparc dans ses Observations sur les Trois siècles de la littérature française (1774) comme le véritable auteur. L'abbé Beaudoin, grand maître du collège du cardinal Lemoine, soutenait cette interprétation. L'affaire traîna en longueur et commença à se plaider au Châtelet en mai 1780, alors même que l'abbé Martin était mort entre temps (ibid., t. XV, p. 162). Finalement, une sentence du 4 juillet 1780 trancha l'affaire : S. devra reconnaître par écrit que l'abbé Beaudoin est «un homme de probité et d'honneur» ; chaque partie devra renoncer à ses prétentions quant aux dommages et intérêts ; enfin, les frais de la sentence incomberont à S. (ibid., 5 juil. 1780, t. XV, p. 235-236). Palissot se plaint, dans les Mémoires sur la littérature, d'avoir été plagié par S. Les Mémoires, dit-il, ont été «presque toujours pillés et déshonorés dans ce qu'il [S.] a dit d'un peu raisonnable» (Palissot, t. V, p. 309). S. s'en défend dans ses Articles inédits de la 7e édition des Trois siècles, (p. 14-16). D'après les M.S., c'est grâce à la «réputation» que lui ont faite ses Trois siècles dans « le parti adverse » que S. dut en janvier 1776 sa nomination de précepteur des enfants de Vergennes, ministre des Affaires étrangères (t. IX, p. 28-29). Il exerçait encore cette fonction en 1784 lorsqu'il fit paraître Les Siècles païens, ouvrage qui entrait dans «le plan de l'instruction» des deux fils du ministre (t. I, Epître dédicatoire, p. I-II). Selon Voltaire, S. aurait été emprisonné à Strasbourg (lettre à Condorcet, 20 août 1774, Di9ogo)et aurait composé pendant sa détention des « vers aussi libertins que mauvais» (M, t. XXIX, p. 281). Il s'agit sans doute des Quarts d'heures d'un joyeux solitaire, 1766 (B.N., Enfer 1382). S. aurait été aussi conseiller au Parlement de Paris (F.L.). Dès la fin de juillet 1789, S. émigré «pour éviter la fatale lanterne» (A.I., p. 24 ; L.J., p. 17). II semble qu'il se réfugie en Allemagne (N, p. 396), on le trouve à Aix-la-Chapelle (Arvengas, p. 192). Auparavant, S. avait assisté à Péronne fin juillet 1789,S. l'arrestation de l'abbé Maury. En septembre 1789, il se trouve probablement à Bruxelles (Journal politique national, n° 16, p. 1-7). A la suite de la publication du Tocsin des politiques (1791), l'empereur Léopold II l'invite à Vienne où il reste quatre ans (B.U.C., t. IV, p. 1195). Le successeur de Léopold lui donna « des marques généreuses de sa bienveillance» (P., p. 189). Tout allait bien pour S., lorsqu'un professeur de l'Université de Vienne, Joseph de Sonnenfels, l'accusa d'être un agent de la Convention (P., p. 191). Ces soupçons devaient être suffisamment fondés pour qu'on l'emprisonne pendant quinze mois à Vienne vers 1796 (Magasin encyclopédique, 1798, t. VI, p. 537). En mai 1797, on trouve sa trace à Leipzig où il loge chez le libraire Fleischer (lettre de S. à Bonaparte, dans Bourrienne, t. I, p. 150). En 1798, il fait savoir au Magasin encyclopédique qu'il réside à Erfurt où il s'occupe «de différents ouvrages de littérature». Il s'y trouve encore en 1802 (C.P.G.E., n° 13). S. s'installe en 1803 à Altona près de Hambourg (Arvengas, p. 192). En août 1804, il propose au gouvernement français, «qui lui envoie parfois des secours», sa plume «quelquefois excentrique et toujours impossible à diriger» (H, t. I, p. 63). Mais en 1811, une altercation avec le prince d'Eckmuhl (Davout) le force d'en partir non sans déchirement : «Qu'il est dur pour un septuagénaire, qui n'a commis aucun délit, de se voir inopinément chassé d'un logement agréable qu'il occupait depuis dix ans, arraché de toutes ses habitudes, séparé de ses livres, privé de ses meubles les plus commodes, forcé de voyager malgré lui et transporté dans un pays où il ne connaît personne, dont 11 n'entend pas la langue» (lettre citée par N, p. 408). S. se réfugie alors à Ludwigslust (oct.-nov. 1811) où il pratique l'ébéniste Signol qui l'aide et lui permet d'oublier «son infortune» (N, p. 399, 409). Arvengas note qu'en cette même année 1811, S. eut une autre querelle avec le maréchal Davout, ce qui l'obligea d'aller en Mecklembourg (p. 192). En septembre 1814, il est à Francfort (L.J.). S. rentre en France après la seconde Restauration (N, p. 415). Il avait tenté de négocier son retour pendant l'Empire en exigeant le tiers des arrérages de ses pensions depuis 1791. Le gouvernement impérial refusa (B.U.C., t. IV, p. 1195).

4. Situation de fortune

S. avait touché 25 louis (6000 £) pour la composition en 1766 des Quarts d'heure d'un joyeux solitaire (A.S., p. 130). Helvétius lui avait fait une pension annuelle de 12 000 £ que S. toucha jusqu'à la mort du philosophe (ibid., p. 135 n.). Vergennes lui offrit, en 1771, une gratification de 12 000 £ pour avoir rédigé le Tableau philosophique de l'esprit de M. de Voltaire (B.U.C., t. IV, p. 1194)- En janvier 1777, Vergennes lui obtint un appartement au château de Versailles. Avant la Révolution, S. était titulaire de quatre pensions : une du roi (ibid.) ; une de 1500 £ sur le Mercure de France (N, p. 415) ; une de 1000 £ sur la Caisse des Journaux (id.) ; enfin une de 1000 écus (3000 £) sur l'Economat, c'est-à-dire les biens du clergé (L.J., p. 17). Lorsqu'il résidait à Vienne le prince Alexandre Mourousi, alors hospodar de Moldavie, proposa à S. un traitement de 60 ducats pour une correspondance littéraire hebdomadaire. Ce traitement fut augmenté de 50 ducats au bout de six mois (B.U.C., t. IV, p. 1195). Mais, pendant son exil, S. dut éprouver quelques difficultés d'argent. En effet, Napoléon lui fit envoyer en deux paiements, 55 louis (1804 - févr. 1805) parce que, à cette époque, il éprouvait «une profonde détresse» (H, 1.1, p. 284). En 1806, à Altona, il dédia un ouvrage, De la souveraineté, à Napoléon et indiqua dans sa dédicace qu'il lui manquait «une cinquantaine» de ducats pour achever l'impression du 2e volume de cet ouvrage. S. fit plusieurs démarches infructueuses auprès de l'administration impériale pour essayer de retrouver deux de ses pensions (1500 £ sur le Mercure ; 1000 £ sur la Caisse des Journaux) qui n'avaient pas été supprimées. Il écrivit même dans ce sens au comte de Lacépède le 26 mai 1810 (N, p. 415). En septembre 1814, il intervient auprès du gouvernement de la Restauration pour réclamer la plus petite des quatre pensions dont il était jadis titulaire. S. dit y avoir droit pour être «le seul demeuré fidèle à [ses] Maîtres» et n'avoir fait «nulle part [sa] soumission au pouvoir du Corse usurpateur » qu'il avait, on l'a vu, courtisé par ailleurs (L.J., p. 17). Finalement, il reçut de la Restauration un «secours annuel» de 2000 ou de 3500 francs. « Ce secours était peu de chose pour un vieillard qui avait beaucoup de besoins et qui ne paraît pas avoir jamais connu l'ordre et l'économie» (L'Ami de la Religion, t. XLIX, p. 38). S. ne rentra en France que lorsque, aidé par sa famille, il eut acquitté les dettes qu'il avait contractées en Allemagne (AL, p. 25 ; N, p. 415).

5. Opinions

S. a souvent attaqué durement Voltaire dans son Tableau philosophique de l'esprit de Voltaire et dans Les Trois siècles. Voltaire, bien entendu, a vivement réagi. Il l'appelait l'abbé Sabotier (M, t. X, p. 197 ; t. XXIX, p. 39). Dans sa correspondance, il n'a pas de mots assez durs contre «le plus vil des scélérats» (D19090). Dans l'Epître dédicatoire aux Lois de Minos, S. est considéré comme «l'écrivain le plus misérable et le plus bas» qu'on puisse imaginer (M, t. VII, p. 172). S. n'était pas seulement opposé à Voltaire, mais à tout le mouvement des Lumières. Il s'agit d'une «Philosophie tyrannique et inconséquente [...] [qui] suffoque ou corrompt le germe du talent» (T.S., t. I, p. 1-2). Bref, la littérature nouvelle se caractérise par « un ton imposant, un style dogmatique, un jargon maniéré, des phrases sententieuses, des sentiments enthousiastes, la répétition de ces mots parasites humanité, vertu, raison, tolérance, bonheur, esprit philosophique, amour du genre humain et mille autres termes qui sont devenus la sauvegarde des inepties» (Corr. litt., p. 241). Dans Les Trois siècles, Condorcet, Diderot, Duclos, Marmontel sont traités sans ménagement ; seuls Condillac et Rousseau trouvent grâce aux yeux de S., Rousseau surtout : «on ne peut lui disputer la gloire de l'éloquence et du génie et d'être l'écrivain le plus mâle, le plus profond, le plus sublime de ce siècle» (t. IV, p. 139). En 1810, S. publia une Apologie de Spinoza. Mais il semble qu'une première version de cet ouvrage ait été composée bien avant la Révolution. Dans une lettre à Marmontel du 24 juillet 1773, Voltaire dit avoir « entre les mains le système de Spinoza éclairci et commenté par M. l'abbé Sabatier» (D 18484). Dans sa réponse à M. de Morza, Voltaire fait la description du manuscrit : «C'est un in-40 de cinquante-sept pages, intitulé Analyse de Spinoza, où l'on expose les causes et les motifs de l'incrédulité de ce philosophe. Le manuscrit commence par ces mots : < Spinoza était fils d'un juif marchand > » (M, t. XXIX, p. 5). Dans son Apologie de 1810, S. indique que ce philosophe «a été mal jugé» et que les théologiens sont «inexcusables d'avoir taxé si légèrement d'impiété et d'athéisme un homme aussi recommandable par ses vertus que par son profond savoir» (p. 9, 12-13). Sur le plan politique, S. est persuadé que le Contrat social est le livre qui a produit la Révolution (P., p. 384). Il affirme que les «Lumières sont funestes aux peuples», se déclare contre la liberté de la presse, rappelle les peuples aux « principes éternels de la sujétion et de l'obéissance » et croit enfin que «celui qui s'intéresse véritablement [...] au bonheur des peuples doit parler de l'autorité absolue des Princes» (S., La Vérité vengée, 1789, p. 57, 61, 69, 70). En 1804, S. se dit «royaliste», «resté fidèle aux vieux principes, auxquels on revient tous les jours ; à ces anciens maîtres auxquels on reviendra tôt ou tard» (C.P.G.E., p. 97-98 n.). En mai 1797, par une lettre à Bonaparte, S. lui exprime sa «profonde estime » et son « vif attachement ». En même temps, il dénonce un espion qui se trouve dans l'entourage du futur empereur (Bourrienne, t. I, p. 145. 147)- S. alla jusqu'à lui dédicacer son ouvrage De la souveraineté ( 1806) et envoya ses Considérations politiques sur les gens d'esprit (1804) à Mme Bonaparte avec la note manuscrite suivante : « A la bien-aimée Madame Bonaparte, de la part de l'auteur, digne par ses sentiments et son infortune de devenir son protégé» (B.N., Z 59485). Cela ne l'empêcha pas, en septembre 1814, de traiter Napoléon, alors vaincu il est vrai, de «Corse usurpateur». S. avait été très tôt, «n'ayant encore que du duvet au menton» en correspondance avec Helvétius (A.I., p. 40). Il avait été aussi en contact avec le comte de La Marmora, ambassadeur du royaume de Sardaigne (Corr. litt, p. 44). Dans ses Pensées, en 1794, il se livre à un éloge de Manzon, le rédacteur du Courrier du Bas-Rhin, « un des meilleurs et des plus honnêtes esprits qui existent parmi les écrivains du siècle» (p. 388 n.), nouveau contempteur de la Révolution.

6. Activités journalistiques

S. avait des idées très précises sur le journalisme. Il dit avoir «toujours eu du penchant pour ce genre de travail» et « le zèle et le courage nécessaires » pour cela (Corr. litt., p. 46). S. avait, en 1779, déposé le projet d'un périodique dont il n'indique pas le titre. On lui refusa le privilège (ibid., p. 47). Dans ce journal, «en rendant compte des nouveautés, [il] se serait attaché aux vrais principes, qui caractérisent chaque genre littéraire ; [il] aurait relevé avec soin l'oubli des règles, des bienséances, les fautes contre la langue, [il] aurait fait connaître les beaux morceaux et dit en quoi réside leur beauté, ce qui aurait pu rendre [son] travail utile aux jeunes gens» (ibid.). S. a écrit ou a fait paraître des articles dans de nombreux périodiques.

I) L'Année littéraire : «Lettre à E.C. Fréron», 1773, t. III. p. 238-241. – «Lettre à E.C. Fréron : A propos d'une accusation d'être ennemi du Christianisme», 1774, t. III, p. 238-247.

II) Mercure de France : un art. en février 1773.

III) Journal des beaux-arts et des sciences : «Lettre à l'abbé Aubert», févr. 1773.

IV) Annonces et affiches pour la province : «Lettre à l'abbé de Fontenay [...] sur feu M. de Voltaire», 20 mars 1779. Cet article a été tiré à part : B.N., 8° Ln2 7 20778.

V) Journal de Paris : «Lettre aux auteurs», Versailles 8 juin 1779. Voir T.S., t. IV, p. 579 et suiv.

VI) Journal encyclopédique : «Notice sur Mably», juin 1785, t. IV, p. 504-509. Cette notice avait déjà été publiée par les Affiches du Dauphiné du 3 mai 1785. – «Lettre sur l'action de Joseph Chrétien», juil. 1786, t. V, p. 156-160. Cette lettre est datée de Versailles, 18 avril 1786.

VII) Journal politique national ; 1789, 23 numéros. Dans L’Avant-Propos du premier numéro, S. et Rivarol veulent faire de leur journal «le vrai champ de bataille de la cause publique». S. signale dans les C.P.G.E. que «c'est à [lui] qu'on doit l'entreprise et les premiers numéros du Journal politique national» ; «Je l'abandonnai ensuite à la plume élégante, mais peu sévère de Rivarol que je m'étais associé et que j'avais presque converti aux bons principes, comme malgré lui» (p. 112). Les A.I. précisent que S. n'a collaboré au Journal politique national que jusqu'au 19e numéro (p. 22). Les collaborations signées de S. sont les suivantes (collation faite sur l'exemplaire de la B.N. : Rés. 8°Le2 167) : n° 5, 21 juil. 1789 : «Première lettre de M. l'abbé S. à M. Necker, ministre d'Etat», 27 août 1788, p. 2-3. – «Seconde lettre de M. l'abbé S. à M. Necker, ministre d'Etat», 7 sept. 1788, p. 4-8. – n° 16, p. 1-7. : «Réponse de M. l'abbé S. de Castres à la lettre du prétendu M. D...al, natif de Castres», insérée dans le n° 109 du Journal général de l'Europe, Bruxelles, 12 sept. 1789. Le Journal politique national a eu plusieurs réimpressions. Sur ce point, voir Lebreton, p. 362-363 et A. Monglond, La France révolutionnaire et impériale, Grenoble, 1930,1.1, p. 726-727.

VIII) Le Pour et le contre, hebd., janv. 1805. Une note de la police secrète de Napoléon du 22 janv. 1805 indique que S. annonce ce nouveau journal (H, 1.1, p. 260). En mars, le comte de Chagny remplace S. à la rédaction (ibid., p. 332). En novembre 1805, Chagny reprit Le Pour et le contre sous le titre de Annales politiques du XIXe siècle. Ce périodique paraissait à Ratzebourg, mais il s'imprimait à Hambourg. S. est considéré comme un futur collaborateur de Chagny (ibid., t. II, p. 170).

IX) Le Spectateur du Nord, journal politique, littéraire et moral, janv. 1797 - déc. 1802, Hambourg, Fauché, 24 vol. in-8°. Hoffmann, p. 417 ; B.H.C., p. 278-279 ; J. Kirchner, Die Grundlagen des deutschen Zeitschriftenwesens, Leipzig, 1928-1931, n° 4617 ; Arvengas, p. 192.

7. Publications diverses

On trouvera la liste des ouvrages de S. dans la F.L., Cior 18, n° 57957-57998 et dans Beuchot. Selon la Biographie moderne (1806), il aurait collaboré à un ouvrage intitulé Sur la Révolution française (1792). Nayral cite certains de ses ouvrages restés manuscrits (p. 111, 412) : Dictionnaire classique portatif de la langue française par l'ancienne Académie, corr. et aug. par M. Rivarol, enrichi d'observations et d'exemples par M. l'abbé Sabatier. – Histoire des dieux et des héros du paganisme, 4 part. – De la Souveraineté ou connaissance des vrais principes du gouvernement des peuples, nouv. éd., revue, corr. et aug. de plusieurs chapitres. – Testament moral, politique et littéraire ou Choix de pensées et observations à l'usage des Princes, des hommes d'Etat et des hommes de lettres. Vocabulaire étymologique et portatif de la langue latine.

8. Bibliographie

F.L. 1769 ; B.U.C. ; B.Un. ; D.L.F. ; B.H.C. ; N.B.G. ; H.P.L.P. ; CL. ; M.S. Magasin encyclopédique, 1798, t. VI, p. 537. – (A.S.) S., Apologie de Spinoza, 1810. – (A.I.) Id., Articles inédits de la 7e édition des Trois siècles littéraires (s.l.n.d.) (B.N. Ln9 182). – (C.P.G.E.) Id., Considérations politiques sur les gens d'esprit et de talent, 1804. – (L.J.) Id., Lettre à un journaliste, Francfort-sur-le-Main, sept. 1814, dans Citations curieuses, dignes de l'attention des penseurs et des riches propriétaires, 1815. – (P.) Id., Pensées et observations morales et politiques pour servir à la connaissance des vrais principes du gouvernement, Vienne, 1794. – (T.S.) Id., Les Trois siècles de la littérature française, 5e éd., La Haye, Paris, 1781, 4 vol. – A.D. Tarn, E 5233 (acte de baptême), fonds Soulié, Sabatier. – A.N., D XXIXbis5, 78, 23 et 24. Interdiction du Journal politique national à Villeneuve de Berg (Ardèche, 4-10 mai 1790). M.C., XI, 732, 30 juin 1785 et XI, 738, 5 juil. 1786 (Quittances). – (A.V.P.) Archives de la Ville de Paris : V 2E 11204 (acte de décès). – B.N., n.a.fr. 24340, f° 143-144 : lettre de Palissot à Du ChozaI, avocat au Parlement, 24 sept. 1784. Du ChozaI voulait réconcilier S. et Palissot. Celui-ci écrit que « cette médiation sera très inutile. Je sais que pour mon compte, il m'est plus qu'indifférent qu'on cherche à me réconcilier avec cet abbé». – L'Ami de la Religion et du Roi, n° 1255, 19 août 1826, t. XLIX, p. 33-39. – Arvengas, A., «L'Abbé Sabatier à Altona (1803­1811)», Revue du Tarn, 1936, p. 191-192. – Beauchamp A. de, Biographie moderne, Breslau, 1806, t. IV, p. 240. – Beuchot A.J., Bibliographie de la France, Paris, 1817, p. 426-432, 535-536. – Boggio-Quallio E., «Oportet cognosci malos : Voltaire e la sua polemica con Palissot e Sabatier», dans Ragioni dell Anti-Illuminismo, éd. L. Sozzi, Alessandria, Ed. dell'Orso, 1992. –Bourrienne, LA. Fauve-let de, Mémoire [...] sur Napoléon, le Directoire, le Consulat, l'Empire et la Restauration, Paris, 1829, t. I, p. 145-150. – Canet E., «Mémoire sur un livre de l'abbé Sabatier intitulé Apologie de Spinoza et du spinozisme», Société littéraire de Castres, séance du 12 juin 1857, p. 111-115. – Guglia E., « Le Journal politique national de Rivarol, notice bibliographique», La Révolution française, juil.-déc. 1890, p. 330-338. – (H) Hauterive E. d', La Police secrète du Premier Empire, 1908-1922, t. I-III. – Hoffmann F.L., «La presse périodique française à Hambourg de 1686 jusqu'en 1848», Le Bibliophile belge, 2e série, 1.1, 1854, p. 409-438. – Jolibois E., Annuaire du Tarn, 1899. – Lebreton A., Rivarol, sa vie, ses idées, 1895, p. 360-363. – (N) Nayral M., Biographie castraise ou Tableau historique, analytique et critique des personnages qui se sont rendus célèbres à Castres, Castres, 1833-1837, t. III, p. 367-419. – Palissot de Montenoy C, Œuvres, 1809. – Rivarol A. de, Esprit de Rivarol, Paris, 1808, p. 156-157. – Vaissete J.J., Histoire de la Province de Languedoc, Paris, 1730-1745. – Voltaire, Correspondence, éd. Besterman. – (M) Id., Œuvres complètes, éd. Moland, Paris, 1877-1885.

RÉGLEY

Auteurs

Numéro

669

Prénom

Charles

Naissance

vivant en1787

Charles Régley, qui fut aumônier du prieuré de Marsan et prieur d'Estréchy, n'est connu que par les pages de titres et dédicaces de ses œuvres, publiées entre 1755 et 1787.

2. Formation

Charles Régley devait bien connaître l'italien, puisqu'en 1769 il a traduit les Nouvelles recherches sur les découvertes microscopiques de Spallanzani. R. s'est intéressé aux sciences et notamment à la biologie. Dans la dédicace au prince de Marsan de ses Nouvelles recherches, il écrit qu'il a fait devant lui «les expériences du microscope de MM. de Needham et Spallanzani» (p. I).

3. Carrière

En 1769, R. est aumônier du prince de Marsan (p. de titre des Nouvelles recherches). Dix ans plus tard, il est prieur d'Estréchy (p. de titre de l'Eloge du brave Crillon). Enfin en 1787, il est prieur de l'abbaye de Baigne (p. de titre des Odes françaises). Les ouvrages de R. ont été assez bien accueillis par la critique de l'époque. L'Eloge historique du brave Crillon, 1779) est rédigé, selon le Journal de littérature, des sciences et des arts, «avec la précision, la rapidité, la chaleur qui conviennent à un pareil sujet» (1779, t. VI, p. 321 et 337). Le Journal encyclopédique fait l'éloge de la traduction du livre de Spallanzani (1769, t. IV, p. 361, 351-352).

5. Opinions

R. a quelquefois donné dans l'hagiographie royaliste. Ainsi, le Dialogue entre Henri IV, le maréchal de Biron et le brave Grillon (1775), est un éloge de Louis XVI et de Marie-Antoinette. R. avait envoyé à Voltaire sa traduction de l'ouvrage de Spallanzani. Voltaire lui répondit le 11 avril 1769 en le remerciant de lui avoir fait parvenir ce «livre dans lequel il y a beaucoup à s'instruire et qui [lui] paraît un monument précieux d'un esprit philosophique» (D15582).

6. Activités journalistiques

R. a collaboré, en compagnie de Caux de Cappeval et de Portelance, au Journal des journaux ou Précis de plusieurs ouvrages périodiques de l'Europe par une société de gens de lettres, Mannheim, 1760, 2 vol., in-8° (D.P.1 703).

7. Publications diverses

Voir Cior 18, n° 52486-52492.

8. Bibliographie

Lelong, t. I, p. 2243 ; F.L. 1769 ; Cior 18. – Ambri-Berselli, «Le Journal des journaux», Rivista di litteratura moderna, 1955, t. VIII, p. 30-42. – L'Année littéraire, 1768, t. VII, p. 233, 244 ; 1780, t. I, p. 145, 166. – Voltaire, Correspondence, éd. Besterman, D15413, 15582.

POTIN

Auteurs

Numéro

653

Prénom

Jean François

Naissance

?

Décès

1773

Le prénom de Potin était, jusqu'à présent, inconnu. Son contrat de mariage nous l'indique : Jean François (M.C.). P. est mort à Rotterdam le I e r octobre 1773 (A.M.R. ; A.N., C7 257, n° 62, 1773) ; il fut inhumé dans l'Eglise wallonne le 6 (A.M.R.). P. est probablement né à Paris. On ignore la date exacte de sa naissance, mais le document des A.N. affirme qu'il est mort «dans un âge très avancé» : nous proposons donc les années 1690.

2. Formation

On ne sait rien de la formation intellectuelle de P. Ayant vécu la plus grande partie de sa vie à Rotterdam, P. connaissait assez bien la langue néerlandaise pour faire une « imitation» d'une pièce de vers d'un «poète hollandais excellent»,

H.C. Poot (Le Je ne sais quoi, t. II, p. 356). P. était, selon une note du Je ne sais quoi (t. II, p. 33), paré d'une infinité de qualités morales : « ceux qui le connaissent particulièrement, savent jusqu'où il porte la modestie, la douceur, le désintéressement, la sensibilité pour le Malheureux et la Haine pour tout ce qui s'appelle vice».

3. Carrière

Dès le mois de mai 1718, P. est en Hollande (seconde Bagatelle) ; le 1er décembre 1718, il est à La Haye (A.M.R.).

P. a été nommé en 1721, agent de la marine de France à Rotterdam, avec rang de consul, profession qu'il a exercée jusqu'en 1773 (A.R., 1721, p. 333 ; 1773, p. 431). La Condamine, dans une lettre à Voltaire (25 févr. 1746), le gratifie du titre de «Commissaire de la Marine à Rotterdam». Il subsiste un certain nombre de documents relatifs à ses activités d'agent de la marine (A.N., B 3 308, f° 165, et B 3 384, f° 85, sur la désertion de neuf matelots). P. avait commencé sa carrière de diplomate en étant «Agent de France à Amsterdam» (A.N., B 3 262, f° 172, lettre du 14 sept. 1720) ; il a repris ces fonctions dans cette ville, concurremment avec celles de Rotterdam, de novembre 1756 au mois de septembre 1757 (A.N., C7 257, lettres de P., 10 avril et 30 nov. 1758). Cette double profession a sans doute été pour P. une source d'embarras et de surmenage. Il demande qu'on approuve «les efforts» qu'il fait pour donner « des marques de [son] zèle », et bien que ces deux emplois aient été «au-dessus de [ses] forces», rien n'a été, selon lui, négligé (A.N., C7 257, copie d'une lettre de P., 30 juin 1757).

Une quittance du 3 janvier 1755 révèle qu'il a servi « avec zèle et approbation», tandis que l'on alloue une pension à sa veuve en raison des « bons et longs services » de son époux.

4. Situation de fortune

La situation financière de P., dès sa jeunesse, n'est pas mauvaise : son contrat de mariage précise que sa femme doit toucher 20 000 £ (dont 7000 seront en communauté avec son mari) de la succession de son père qui, «pour l'amitié qu'il porte à ladite damoiselle future épouse », lui cède, d'autre part, 5000 £, versement qui sera réitéré à sa majorité. P., de son côté, apporte 30 000 £, «tant en biens meubles qu'immeubles », dont il laisse 7000 £ en communauté (M.C). L'emploi d'agent de la marine rapportait à P., sur la période 1747-1752, 900 £ tous les six mois, ce qui est peu (C7 257, bulletins de paye). En novembre 1754, on lui fait une gratification extraordinaire de 1000 £ (C7 257, quittance du 3 janv. 1755). P. semble avoir été très irrégulièrement payé par l'administration royale ; par une lettre du 10 avril 1758, il réclame son dû qui s'élève à 2222 £, et il fait la même requête en novembre (A.N., C7 257). Rien d'étonnant que

P. ait été dans «un continuel besoin d'argent et obligé de recourir à bien des expédients pour soutenir le Service», contraint «d'emprunter à différentes reprises», et même de vendre le «peu d'effets» qui lui restaient (A.N., C7 257, lettres de P., 30 juin 1757, 30 nov. 1758). Les «appointements» de P., comme il le note lui-même dans une lettre, et comme le reconnaît l'administration royale, sont «modiques» (A.N., C7 257, 25 sept. 1758 et quittance du 3 janv. 1755), ce qui ne l'a pas empêché de laisser après sa mort l'importante somme de 24 000 florins (A.M.R.).

5. Opinions

Ce qu'il faut d'abord noter, c'est que P. est protestant : il fut, avec sa femme, « admis » dans l'Eglise réformée wallonne à Rotterdam sur témoignage de l'Eglise de La Haye le 1er décembre 1718 (A.M.R.) et sa sœur avait épousé Jacques Chabot, issu d'une famille protestante bien connue. Dans les différentes pièces de poésies qu'il a fait paraître dans Le Je ne sais quoi, P. fait confiance à la raison «digne présent des Cieux» (t. II, p. 23), mais il critique vigoureusement le matérialisme et condamne l'athée (t. H, p. 29, 30). En revanche, estimant «moins le beau génie que la solide piété», P. se fait le défenseur de la religion (t. II, p. 31-32). P., dans ses poésies réprouve le jeu - qu'il convient de remplacer par la conversation (t. II, p. 65) - et décrit un certain idéal de pauvreté : défense du «Poète crotté» contre le Riche (t. II, p. 102), refus de tout signe social de richesse (t. II, p. 102104). Parmi les journalistes et écrivains que P. a pu connaître, il faut citer Du Sauzet, l'éditeur de La Bibliothèque française (L.P., post-scriptum). Et dans une lettre à Voltaire (25 févr. 1746), La Condamine l'appelle «notre ami» et rafraîchit la mémoire du Patriarche qui devait envoyer un exemplaire du Poème de Fontenoy à P. La Motte est également qualifié « d'ancien ami » de P. et de Van Effen (L.P.). D'ailleurs, dans Le Nouveau Spectateur français, périodique auquel collabora P., La Motte est présenté comme l'«un des Auteurs François qui fait le plus d'honneur à son Siècle» (Van Effen, t. V, p. 293). Enfin P. fut l'ami intime de Van Effen (L.P., n.p., début, «ce digne ami») ; il le proposa comme précepteur du fils «d'une de [ses] Parentes de Paris» (ibid.). Il l'avait connu en mai 1718 à l'occasion de la publication de la seconde Bagatelle (ibid.).

6. Activités journalistiques

P. a collaboré au Nouveau Spectateur français (1725-1726, 2 vol. in-8°) de Van Effen, comme il l'indique lui-même (L.P.).

P. rédigea aussi une lettre en vers dans la seconde Bagatelle (9 mai 1718), où il soumettait à Van Effen, auteur principal de ce périodique (3 vol., 1719), le projet d'une collaboration régulière (Van Effen, t. III, p. 11). Van Effen accepta cette collaboration « avec plaisir » (réponse dans la troisième Bagatelle, 12 mai 1718, ibid., t. III, p. 18). Van Effen a d'autre part publié, en 1719-1721, Le Courrier politique et galant (D.P.1 316), lequel nous promet des «Sonnets, Quatrains, Contes et Madrigaux» (cité par Du Sauzet, Nouvelles littéraires, t. IX, p. 24 ; voir aussi LXXXe Bagatelle, Van Effen, t. IV, p. 175-177). C'est un ouvrage à la rédaction duquel P. a pu participer. P. a également rédigé avec Van Effen Le Courrier (Amsterdam, petit in-8°) qui est passé par la suite sous la direction de Rousset de Missy (La Barre de Beaumarchais, Lettres sérieuses et badines, La Haye, 1729, t. I, p. 97). Des huit volumes qui existaient à l'origine, on ne connaît que dix-huit numéros pour l'année 1724. S'il n'est pas sûr que le sonnet intitulé Le Bonheur du Philosophe soit de P. (n° XXI, 17 avril 1724), il est probable, en revanche, que la Lettre sur l'Amitié à M. P*** lui est effectivement dédiée (n° XI, 18 mai 1724). Les Mémoires de la Calotte (éd. 1735, 2e part., p. 149) attribuent à P. et à Rousset de Missy, «deux beaux esprits», la paternité du Courrier galant et nouvelliste. Il s'agit sans doute d'une double confusion avec Le Courrier et avec Le Courrier politique, mais il faut noter que Les Mémoires identifient parfaitement Le Courrier de Van Effen qu'ils qualifient de «demi-feuille volante» (4e part., p. 34 et 148).

7. Publications diverses

P. n'a pas écrit, à proprement parler, de livres ; il est l'auteur de multiples pièces de poésie. – Cartier de Saint-Philip, Le Je ne sais quoi, nouv. éd., revue et augmentée considérablement, Utrecht, Jean Broedelet, 1730, 2 vol. in-12 : les Lettres sérieuses et badines (t. II, p. 282-283) signalent que P. et Van Effen ont collaboré à ce recueil de poésies diverses. P. a fourni de nombreux textes : t. I, p. XIII, 126, 211, 312 ; t. II, p. 23, 28, 65, 94, 101, 103, 163, 183, 226, 322, 356. – Lettre de M. P[otin] à l'auteur de l'Eloge de M. Van Effen, dans Van Effen, t. I, n.p. – Van Effen J., Œuvres diverses, Amsterdam, Herman Uytwerf, 1742, 5 vol. éd. «revue» par P. (voir L.P.), qui, en outre, est l'auteur de trois quatrains en l'honneur de Van Effen (t. I, p. 3).

8. Bibliographie

(L.P.) Lettre de M. P., 1742. – Cartier de Saint-Philip, Le Je ne sais quoi, 1730. – Van Effen J., Œuvres diverses, 1742. – (A.M.R.) A.M. Rotterdam, Inventaire n° 2440/269, testament de P., 28 oct. 1760. – A.M. La Haye, Not. arch. inv. n° 4609, p. 501 : P. est débiteur, pour une petite somme (3 florins 50), de Maria Julia Viel, tenant un magasin d'articles de luxe. – A.N., B^ 262, f° 172 ; B^ 308, f° 165 ; B^ 368, f° 103 ; B3 384, f° 84-85 ; C7 257 ; M.C., LXX, 241, 1er févr. 1714 : contrat de mariage de P. – Voltaire, Correspondence, éd. Besterman, D3330 (lettre de La Condamine, 25 févr. 1746).

PORTELANCE

Auteurs

Numéro

652

Prénom

François de

Naissance

1731

Décès

1818

François de Portelance naquit en 1731 (et non pas en 1732, F.L ; B.Un. ; N.B.G.) et est mort le 29 novembre 1818, «à 4 h. du matin» (A.D. Dordogne, acte de décès de P.). Seul Mouhy (t. II, p. 281), donne la date correcte pour sa naissance. La date de 1821 souvent avancée pour son décès (F.L. ; B.Un. ; N.B.G. ; A. Mahul, Annuaire nécrologique, 1824, p. 248-249) est évidemment à rejeter et a fortiori celle de 1779. P. est mort «aveugle» (B.Un.) au château de Montazeau (Dordogne).

2. Formation

On ne sait exactement quelle fut la formation de P. Une note du Temple de Mémoire (p. 4) indique qu'il connaissait sans doute assez bien l'antiquité gréco-latine. P. séjourna souvent à Mannheim, et il n'est pas impossible qu'il ait su l'allemand. De même, il fit une adaptation des Commères de Windsor de Shakespeare sous le titre de A trompeur trompeuse et demi (1759), ce qui laisse supposer qu'il connaissait aussi l'anglais. Toutefois rien n'est sûr. A l'occasion de la représentation d'Antipater (1751), Collé note que la personnalité de P., «jeune étourdi», était faite d'«une suffisance aussi grande que s'il avait eu du mérite» (Collé, t. I, p. 377).

3. Carrière

P. fit un séjour assez prolongé à Mannheim pour la publication du Journal des journaux en 1760, mais plusieurs indices tendent à prouver qu'il s'y trouvait dès 1759 : une édition des Adieux du Goût y est publiée à cette même date (Ars., ms. Rf 12601), tandis que sa comédie A trompeur trompeuse et demi sort de l'Imprimerie Palatine, également en 1759. On peut même supposer que P. se trouvait à Mannheim en 1757 pour la représentation probable de cette dernière pièce (Brenner, n° 10231). P. a exercé une fonction militaire : un acte de mars 1779, par lequel il a fait une donation à ses sœurs, le présente comme étant «lieutenant de nos Seigneurs les Maréchaux de France» (A.N., Y 61, f° 212).

4. Situation de fortune

La situation de fortune de P. a été, au cours de sa jeunesse, des plus précaires : la CL., en décembre 1751, évoque un «jeune auteur fort pauvre» (t. II, p. 119). Et les M.S. rapportent qu'«un état rempli d'amertume et de disgrâces» constituait, à cette époque, toute sa position sociale (1er mai 1780). Malgré l'échec de la représentation d’Antipater, une «riche veuve», Marie Anne Silvecanne, sa première femme, fut «séduite» et le «fit son héritier» (B.Un.). Et, en effet, le contrat de mariage entre P. et M.A. Silvecanne (12 janv. I757)< certifie bien que «la Dame future épouse a fait donation entre vif et irrévocable audit au futur époux, ce acceptant de tous les biens meubles et immeubles qui lui appartiendront au jour de son décès» (A.N., Y 405, f° 273). Cette fortune consiste essentiellement en une propriété coloniale à Saint-Domingue, évaluée à 360 000 £, dont les revenus sont «considérables» (M.C, LXXXVI, 713). La guerre avec l'Angleterre gênait le commerce international, et les M.S. attribuent à P. des vers satiriques sur les négociations de paix et les commentent ainsi : «On dit qu'un peu d'humeur aussi contre les Anglais qui lui ont pris beaucoup de denrées venant d'Amérique où il a de riches habitations, n'a pas peu contribué à [les] inspirer» (13 janv. 1783). Cette fortune peut paraître considérable, mais P. et sa femme avaient beaucoup de dettes : en octobre 1768, les créanciers s'unissent «pour ne former qu'un seul et même corps» (A.V.P., DC6 16, f° 294 v°). Un an et demi plus tôt, les diverses créances, tant à Paris qu'à Saint-Domingue, s'élevaient à la somme immense de 503 048 £ (M.C., LXXXVI, 713). Bien que les dettes constituent l'essentiel de la succession de la première femme de P., elle fut âprement disputée : Jean Paul Tranel, ancien marchand à Amiens, fut accusé par P. «d'avoir enlevé par séduction, captation, obsession, hypocrisie, la succession de son beau-frère» (M.S., 29 juil. 1773). L'affaire fut jugée en juillet 1773, Linguet défendait Tranel (ce plaidoyer ne figure pas dans l'édition de 1776, 10 vol., in-8°, de ses Mémoires et plaidoyers), mais P. plaida lui-même sa cause et eut «l'avantage». En mai 1780, il rédigea lui-même un Mémoire qui eut «beaucoup de succès» (B.Un.) ; ainsi, P. aurait-il «tiré tout le parti possible du fond du sujet [...], il en a formé un roman intéressant [...], il l'a enrichi de faits piquans, arrangés avec un goût infini, l'a orné des charmes d'un style doux et séduisant» (M.S., I e r mai 1780). Sur cette affaire, on consultera aussi les documents des A.N. (X1B 8616, 18-30 déc. 1780).

5. Opinions

Dans le Temple de Mémoire (1753), P. condamne la Renommée, «aussi fausse que folle» (p. 4), et critique une certaine noblesse (p. 8). Il engage aussi au respect de la Religion (p. 9). P. professe enfin une admiration pour les Anciens qu'il exprime non seulement dans la Préface d'Antipater où il se dit 1'« admirateur des anciens et de leurs dignes successeurs» (n.p.), mais aussi dans le Temple de Mémoire (p. 9).

6. Activités journalistiques

P. a collaboré au Journal des journaux ou Précis des principaux ouvrages périodiques de l'Europe, janvier-avril 1760 (2 vol., in-8°), paru à Mannheim, et dédié à l'électeur Palatin (Q., t. VII, p. 287 ; B.H.C., p. 50). Pour mener à bien l'entreprise du Journal des journaux, P. était aidé par l'abbé Régley, cartographe, poète, traducteur (Q., t. III, p. 494) et par le chevalier Caux de Cappeval (voir ce nom). Il est très difficile de dire quelle a été la part exacte de P. à la rédaction du Journal des journaux. Il est possible cependant qu'il ait été chargé des articles de littérature française et notamment de ceux de poésie et de théâtre (Journal des journaux, t. I, p. 52, 87, 292). Si l'on admet qu'il ait pu connaître l'anglais, il n'est pas exclu, dès lors, que certains articles de littérature anglaise soient de lui (t. I, p. 417). On sait aussi qu'il était très intéressé au trafic colonial, et il a pu s'occuper de l'article consacré à 1'« Histoire et Commerce des Antilles Angloises» (t. I, p. 573). Ensuite, les deux comptes rendus ayant pour objet «la Société de Dublin» (t. I, p. 608) et 1'«Histoire de l'Irlande» (t. II, p. 198) sont, vu ses origines, probablement de lui. Enfin, il semble qu'il soit l'auteur des deux poèmes intitulés : «La Société nécessaire à l'Homme de lettres» et «Reproches adressés à Pindare à l'occasion de l'ode qu'il a faite en faveur de l'Eau. Imité de l'Anglais» (t. II, p. 506 et 509)

7. Publications diverses

Œuvres de P. : Les Adieux du Goût, comédie en un acte et en vers (en collaboration avec C.P. Patu), Paris, 1754.

– Antipater, tragédie, Paris, 1752, Mannheim, 1759. – A trompeur trompeuses et demi, comédie en 3 actes, en vers libres. – Le Temple de Mémoire à M. ***, s.l., 1752. – Totinet, parodie de Titon et l'Aurore, Paris, 1753. – La CL. (17 juil. 1750, t. I, p. 453-454) donne le texte d'une «chanson nouvelle» de P. (6 couplets de 7 vers chacun) dont le premier vers est «Du jour je préviens le réveil». Signalons encore que les M.S. (23 juil. 1754) donnent P. comme auteur possible de la tragédie en 5 actes de Mme Guibert, Les Triumvirs. Enfin, Mouhy mentionne Antipater, Les Adieux, A Trompeur, mais écrit que P. «est encore l'Auteur de plusieurs autres Pièces jouées à l'Opéra-Comique et en Province qui y ont été fort accueillies» (sic).

8. Bibliographie

8. F.L. 1769 ; B.Un. ; N.B.G. ; D.L.F. ; Cior 18 ; CL. – A.D. Dordogne, Périgueux : Actes de décès de P. – A.V.P. : DC6 16, f° 294 v° (25 oct. 1768) : contrat d'union des créanciers de P. ; DC6 20, f° 7 v° (15 mars 1776) : sentence du Châtelet de Paris portant séparation de biens entre P. et C. Dauré de Salency ; DC6 268, f° 28 v° (28 avril 1776) : même objet que pour le document précédent ; 6 AZ 1237 : «Inventaire des Titres de la Communauté des Prêtres du Calvaire du Mont Valérien sous [...] la supériorité de Messire A.G.C. Portelance, Chanoine de St-Honoré», 1758. – A.N., M.C., LXXXVI, 713 (13 janv. 1767) : dettes de P. et de MA. Silvecanne ; XC, 391 (12 janv. 1757) : contrat de mariage entre P. et M.A. Silvecanne. – M.S., notamment : 13 juil. 1764, t. II, p. 79 ; 29 juil. 1773, t. VII, p. 37-38 ; 8 avril 1777, t. X, p. 103 ; 19 juin 1778, t. XII, p. 21 ; 1er mai, 30 juin 1780, t. XV, p. 156-157, 230 ; 13janv. 1783, t. XII, p. 34-35 – Collé C, Journal et mémoires de Charles Collé, Paris, 1868. – Mouhy, Charles de Fieux, chevalier de, Abrégé de l'histoire du théâtre français, Paris, 1780. – Saint-Saud, comte de, Famille de Ségur en Bordelais et en Périgord, Bergerac, J. Castenet, 1924. – Voltaire, Correspondence, éd. Besterman, D4995 (à P.R. Le Cornier de Cideville, 28 janv. 1754), et D17408 (au duc de Richelieu, 7 août 1773).

POINSINET DE SIVRY

Auteurs

Numéro

647

Prénom

Louis

Naissance

1733

Décès

1804

Louis Poinsinet de Sivry est né à Versailles le 20 février 1733 (Daniel, p. 353). Sa famille était attachée à la maison d'Orléans et son père avait été huissier au Cabinet du Régent (Petitot ; Daniel, p. 353). P. ne doit pas être confondu, comme souvent, avec Antoine Alexandre Henri Poinsinet, son cousin (voir Nécrologe, 1770, p. 3 75 n.), lui aussi dramaturge, qu'on appelle également Poinsinet le jeune ou Poinsinet le mystifié, car souvent victime des plaisanteries de Palissot et de Préville (P., Anacréon, p. 206). Pour lever toute ambiguïté, P.

2. Formation

P. a été élève du collège de la Marche. Il eut pour professeurs Lambert, Varin ou Valin fils, l'abbé Gaston, l'abbé J.N. Lallemand, l'abbé A.P. Jacquin, auteur des Préjugés (1760) (Caton, p. 118-119 n.). Il ne parlait «qu'avec culte des Professeurs et Instituteurs d'élite sous lesquels il s'est formé» (ibid.). P. avait de vastes connaissances. Il était spécialiste de l'antiquité gréco-latine : annotateur d'Horace, auteur de traductions d'Anacréon, d'Aristophane, de l'Histoire naturelle de Pline, d'un ouvrage de numismatique. Mais il avait aussi une bonne culture scientifique, notamment en physique : deux lettres au chimiste Macquer sur « les couleurs du phlogistique de l'air» et sur la décomposition de la lumière, le montrent (B.N., f.fr. 12306, f° 196-199). Enfin, son éloge de Condillac indique que P. s'était familiarisé avec les systèmes philosophiques de son époque : Locke, Malebranche, Leibniz, Spinoza (Nécrologe, 1781, p. 1-44). P. est devenu membre de l'Académie de Nancy en janvier 1759 (Discours de réception à l'Académie de Nancy consacré à un parallèle entre les Anciens et les Modernes, O., p. 367-373). De plus, il appartenait à l'Académie de Dijon et à l'Académie de Rome (F.L.).

3. Carrière

P. a commencé sa carrière littéraire sous les auspices des Montmorency : «Je leur dois l'essor qu'ont pu prendre mes talents» (Briséis, éd. 1787, p. V). En 1754, ayant obtenu un succès certain lors de la parution d'un recueil de poésies, Les Egléides, il décida de se consacrer entièrement à la littérature. En juin 1759, P. fit représenter Briséis ou la Colère d'Achille sur la scène de la Comédie-Française. Le sujet est tiré d'Homère : « Cette tragédie comprend soit en récit, soit en action, le plan complet de l'Iliade ; depuis la retraite de son fils» (Briséis, éd. 1763, p. 3). La pièce eut un grand succès à la première. Mais ce succès fut de courte durée : le Journal de Collé rapporte que la pièce a été « désertée à la seconde » et que sur les cinq représentations «il n'y avait personne aux trois dernières» (t. II, p. 186). Mais il semble que l'échec ait été dû à un incident mineur en apparence : à la seconde, Lekain «se démit le pied au 4e acte» (M.S., 16 mai 1787 ; Chamfort, t. I, p. 188). Briséis fut remontée en mai 1787. Briséis connut un regain d'intérêt sous le Directoire : la pièce fut rejouée le 16 thermidor an VII, à l'Odéon (A.N., M 66, 707). Elle est restée au répertoire jusqu'en 1805. Seconde tentative de P. au théâtre : Ajax, représentée en août 1762, dont le thème est tiré de l'Iliade et des Métamorphoses d'Ovide. Ce fut un échec complet. Mais Ajax n'a pas été le seul échec de P. au théâtre : en décembre 1760, la Comédie-Française avait monté Pygmalion, comédie en un acte. L'auteur fut «hué au point que la pièce n'a point été finie, et qu'elle n'a été donnée qu'une seule fois» (Collé, t. II, p. 270). Après ces deux tentatives infructueuses, P., désespéré, tenta de trouver un réconfort en recherchant « les faveurs de Bacchus » : « sans crédit, sans considération », « il est tombé dans la crapule, il s'enivre», disent les M.S. (16 mai 1787). Cependant les débuts de la Révolution vinrent tirer P. de son désespoir. En 1789, il fit paraître Caton d'Utique, «tragédie républicaine» non représentée (Petitot) qu'il fit précéder d'une épître à la Patrie, dans laquelle il exalte des sentiments patriotiques et reconnaît que le roi est le seul «restaurateur de la liberté». Mais en 1790, il est plus passionné : «un Peuple, s'il n'est libre, ne saurait se qualifier de Peuple et ces assemblages de Serfs qui tremblent sous un Despote, ne diffèrent pas sensiblement de vils troupeaux que conduit un Porcher » (Le Feston civique, p. 7). En 1790, P. glorifie Bailly («Par lui le nom de liberté sera à jamais en honneur»), et La Fayette, auquel «la Patrie doit mêmes hommages» (ibid., p. 4 et 12). Après avoir publié encore un ouvrage en 1792, Manuel poétique de l'adolescence républicaine, P. se tait pendant la Terreur et Thermidor. Proche du conventionnel J.A. Boudin (B.H.V.P. ; A.N., Fid11 P9), qui combattit avec «beaucoup d'acharnement» les Montagnards (Robinet), il est probable que P. partageait ses idées politiques. Quoi qu'il en soit, pendant le Directoire, en 1799, il était «tellement oublié qu'on le croyait mort» (B.U.C.). P. a toujours habité Paris : en 1773, c'est «rue Meslée, allée du dégraisseur, au troisième carré de la Porte St-Martin » (annotation ms. sur la garde de l'exemp. du Théâtre, éd. 1773, Ars., ms. Rf 12828), puis rue Saint-Martin en 1784 (f.fr. 12410, f° 2), enfin au Carrefour Benoît, maison du Tapissier en l'an III et en l'an VII (A.N., Fid11 P9 et AA 66, 707).

4. Situation de fortune

Dès son jeune âge, P. est pensionnaire de la Maison d'Orléans (voir par ex., Théâtre d'Aristophane, 1784, t. I, p. de titre). Cette pension lui fut retirée au moment de la Révolution à cause de ses prises de positions politiques jugées trop extrémistes (B. U.C.). Mais cette pension était insuffisante et P., «tourmenté par le besoin», «pressé de travailler» (Babault, t. VII, p. 417), se mit «aux gages des libraires» (N.B.G. ; B.Un.) : il fit des traductions, des manuels, des romans, se lança dans le journalisme. P. avait reçu 486 £ en 1759 pour les cinq représentations de Briséis (Lancaster, t. II, p. 402). Un contrat signé en août 1783 entre P. et Lamy, libraire, prévoyait 240 £ d'honoraires pour la traduction du premier livre d'Athénée (f.fr. 12410, f° 8-9). Fin 1785 - début 1786, il avait reçu 600 £ de gratification des services royaux (Tourneux, n° 10, p. 284). De toute façon, sa situation financière paraît très difficile : en mai 1787, P. est «sans argent», «il a été mis en prison pour dettes, et il est dans une telle pénurie qu'il n'a pas pu payer depuis plusieurs années la pension de son fils» (M.S., 16 mai 1787). En juillet 1794, P. avait demandé «un secours provisoire et pension de retraite » à la Convention. Le Comité d'instruction publique, sous l'impulsion de Grégoire, opta pour 1500 £ de pension (Guillaume, t. IV, p. 840). On ignore s'il a touché effectivement cette pension. Il avait sollicité, en prairial an III, par l'intermédiaire du député J.A. Boudin, l'emploi de conservateur-professeur des médailles ou de conservateur-bibliothécaire à la Bibliothèque Nationale (A.N., Fid11 P9). Cette démarche semble-t-il n'aboutit pas. Mais dès vendémiaire an III, P. était nommé commis expéditionnaire par arrêté du Comité d'agriculture et des arts de la Convention, aux appointements annuels de 2400 £ (Gerbaux, t. III, p. 301). Parallèlement, en compagnie de Delille, La Harpe, Palissot, Saint-Lambert, il reçut une somme de 3000 £ par décret du 27 vendémiaire an III (Le Moniteur, 6 janv. 1795, t. XXIII, p. 130 ; Guillaume, t. LI, p. 237-238). Bien accepté, semble-t-il, par le régime du Directoire, ou aidé par J.A. Boudin, P. toucha enfin, en janvier 1796, 200 francs « à titre de secours extraordinaires et de bienfaisance nationale» (A.N., AF111 427, dossier 2423, f° 6-7).

5. Opinions

P., dans un ouvrage satirique, La Berlue, s'élève contre ce que l'on pourrait appeler une certaine «corruption» du siècle et y oppose l'authenticité du premier XVIIe siècle. On trouve même des accents rousseauistes dans sa Lettre à Palissot où il est question des «idées champêtres, si avilies parmi nous par celles du luxe» de «la naïveté à peine aujourd'hui distinguée de la bassesse» (O., p. 352). Mais cette nostalgie du « naturel » se comprend mieux si l'on considère que P., spécialiste de l'Antiquité, est porté à préférer les Anciens. Homme de tradition, P. critique le théâtre de Marivaux : « abus d'esprit », « images intolérables », « grâces minaudières », « style alambiqué» (Nécrologe, 1764, p. 8). Il se dit aussi «accablé sous le poids de mille dissertations plus assommantes les unes que les autres» de l'Encyclopédie (B., p. 63) et prend part à la querelle qui suivit la représentation des Philosophes de Palis-sot (1760) en publiant Les Philosophes de bois, pièce-libelle dans laquelle il fait dire à Gilles : « Nous déclarons la guerre à la Philosophie» (se. 7). Voltaire, lui non plus, n'est pas épargné. Seul Condillac a droit à quelques égards : il «passait pour Philosophe, et méritait ce titre dans l'acception la plus avantageuse» (Nécrologe, 1781, p. 34). P. a été l'ami du chevalier de Bruix, collaborateur du Discoureur et du Conservateur (Nécrologe, 1781) et de P.N. Coste d'Arnobat, rédacteur au Journal étranger (Briséis, éd. 1763, p. 6). Proche, et, de plus, beau-frère de Palissot (O., p. 347-366), P. a fréquenté l'acteur Lekain qui a créé les rôles principaux de ses tragédies, et qui l'a «exhorté à rentrer dans la carrière du Théâtre» après qu'il eut renoncé à faire représenter ses pièces (Ajax, éd. 1789, p. VI). Il semble enfin qu'il ait été l'intime du poète Lebrun, auquel le liait un «tribut mutuel d'estime» (Appel, p. 24).

6. Activités journalistiques

Il faut d'abord signaler que P. est d'une grande sévérité pour le monde journalistique du XVIIIe siècle, dont il fit partie peu ou prou. Corruption et versatilité de cette presse : «Forli disparaît avec un million qu'il vole aux armées. Les Gazettes annoncent la friponnerie, et sa tête est mise à prix. Il donne quinze mille ducats, les Gazettes se rétractent, Forli devient tout-à-coup un galant homme» (B., p. 72-73). En second lieu, cette presse serait caractérisée par une grande médiocrité : «Les Mercures ne sont point les messagers des Dieux ; ils ne nous apportent ordinairement que des sottises et misérables pièces, dont les Dieux se moquent » (ibid., p. 94). Il semble que P. ne voyait dans le journalisme qu'une activité alimentaire : c'est en cela qu'il aurait été «aux gages des Libraires» et cela expliquerait par ailleurs le mépris qu'il nourrit à l'égard de la presse. P. a collaboré à au moins quatre périodiques :

Journal étranger (F.L. ; Petitot ; Caton, p. 122) : «un grand nombre d'articles». II est probable que P. a commencé sa coopération en août 1762, lorsque l'abbé Arnaud a pris la direction du Journal étranger (voir Avertissement, n.p.).

Bibliothèque universelle des romans (1772-1789), 112 vol. in-12 (F.L. ; D.O.A. ; Petitot ; Caton, p. 122) : «une multitude d'articles». Dans une lettre à l'abbé Desaunais du 22 mars 1784, P. cite ses ouvrages et notamment sa collaboration à « plus de quarante volumes qui sont dans la Bibliothèque des Romans» (B.N., f.fr. 12410, f° 4 r°).

Nécrologe des hommes célèbres de France (1767-1782), 17 vol. in-12 (F.L. ; H.P.L.P., t. III, p. 91 ; Caton p. 122) : «un grand nombre d'articles ». Voici ceux dont nous sommes sûrs qu'ils sont de P. : Année 1764, Eloge de Marivaux (avec Palissot), p. 3-17.– Année 1769, Eloge de Tercier, p. 2947 (très probablement de P.). – Année 1781, Eloges de Condillac, p. 1-44, de l'abbé Batteux, p. 47-84, du chevalier de Bruix, p. 119-128, de Gilbert, p. 281-298.

Mercure de France (Caton, p. 122) : P. aurait rédigé «un grand nombre de pièces fugitives et de recherches d'érudition dans le Mercure». Voici la liste des articles dont nous sommes sûrs qu'ils sont de P. : « Lettre à M. Lacombe sur la vraie cause de l'exil d'Ovide», avril 1773, t. I, p. 181-185. – «Lettre à M. Lacombe», juin 1773, p. 142-144. – «Lettre (sur la cause de l'exil d'Ovide)», nov. 1773, p. 125-134. – «Remarques sur les inventions du VIP Livre, chap. 56 de Pline, oct. 1779, p. 37-43. – «Les deux Paladins, ou l'amitié à l'épreuve, comte de Chevalerie», sept. 1782, p. 54-67.

Il est à noter que, selon Caton (p. 122), P. aurait composé plusieurs «pièces fugitives» et des «recherches d'érudition» dans «d'autres journaux», mais nous ignorons lesquels.

7. Publications diverses

P. est l'auteur de nombreux travaux : pièces de théâtre (Brenner, n° 10109-10129), poésies, traductions du latin et du grec, romans, livres d'histoire et de numismatique (F.L. ; Cior 18). Mais il a composé beaucoup d'autres ouvrages restés manuscrits (voir Caton, «Catalogue des principaux ouvrages de l'Auteur de Caton d'Utique», p. 120-124). Voici quelques titres : Catalogue raisonné du Cabinet de Médailles du Baron de Beauvais, 1776. – Commentaire sur Racine, «livre à M. Luneau de Boisjermain pour lui servir de matériau pour son édition de Racine». – La Hire où le Couronnement de Charles VII, «ballet héroïque». – Lettre sur l'Ecossaise de M. de Voltaire, 1760. – Physiologie universelle de Macquer, 1778 : «refont totale». – Le Protée littéraire ou Mélanges de vers et de prose sur diverses matières instructives ou amusantes : «cet ouvrage est susceptible de volumes».

P. a laissé également de nombreuses traductions manuscrites : L'Iliade «en vers français», le Théâtre de Plaute (10 vol.), Médée de Sénèque, L'Art d'aimer d'Ovide, Œdipe de Sophocle.

8. Bibliographie

Liste des ouvrages cités de P. : (Appel) L'Appel au petit nombre, ou le Procès de la multitude, 1762. – (Caton) Caton d'Utique, 1789. – (B.) La Berlue, éd. de 1773. – (O.) Œuvres, éd. de 1764.

F.L. 1769 ; Desessarts ; Q. ; B.U.C. ; B.Un. ; Feller-Weiss ; N.B.G. ; H.P.L.P. ; C.L., t. IV, p. 125, 157, 158, 305 ; Cior 18, n° 50754-50805 (le n° 50803 est relatif à son cousin) ; D.L.F. – A.N., AA 66 (707), 15 thermidor an VII (2 août 1799) ; AF111 427, dossier 2423, f° 6-7, 26 nivôse an IV (16 janv. 1796) ; Fid11 P9, 22 prairial an III (10 juin 1795). – A.V.P., Etat civil. – B.H.V.P. ms. n° 774, f° 284, 20 ventôse an IV. – B.M. Besançon, ms. n° 1442, f° 281. – B.N. : f.fr. 12306, f° 196-199 ; f.fr. 12410, f° 2-10, f° 12, f° 17-86. – M.S., 28 août 1762, t. XVI, p. 174-175 ; 30 août 1762, t. XVI, p. 175 ; 8 janv. 1764, t. II, p. 7 ; 16 févr. 1764, t. XVI, p. 213 ; 16 mai 1787, t. XXXV, p. 131. – L'Année littéraire, 1759, t. IV, p. 187-189. – Journal de Trévoux, juin 1768, p. 562, 563 ; mai 1770, p. 325 ; nov. 1770, p. 296 ; sept. 1771, p. 434 ; sept. 1772, p. 395 ; sept. 1773, p. 566 ; janv. 1775, p. 63. – Journal encyclopédique, sept. 1759, t. VI, 2e part, p. 133 ; 15 déc. 1760, t. VIII, 3e part., p. 43 ; 15 juil. 1764, t. V, 1er part., p. 102 ; 1770, 3e part., p. 16 ; 15 sept. 1772, t. VI, 3e part., p. 442 ; oct. 1773, 1re part., p. 67, 134 ; 1774, t. I, p. 300. – Journal littéraire, 1773, t. V, p. 204. – Mercure de France, sept. 1773, p. 101 ; juin 1784, p. 104. – Babault, Annales dramatiques ou Dictionnaire général des théâtres, Paris, 1808-1812, t.I, p. 134 ; t. II, p. 115-116 ; t. VII, p. 415-417. – Chamfort, Dictionnaire dramatique, Paris, 1776, t. I, p. 187-188. – Clément J.M.B. et Laporte J. de. Anecdotes dramatiques, Paris, 1775, t. I, p. 27, 159. – Collé C, Journal historique, éd. H. Bonhomme, Paris, 1868, t. II, p. 186, 270 ; t. III, p. 7-8, 167. – Daniel H., Biographie des hommes célèbres du département de Seine et Oise, Rambouillet, 1832, p. 353-354. – David J.B.F.C., Anacréon vengé, Paris, 1755. – Delafarge D., La Vie et l'œuvre de Palissot, Paris, 1912, p. 233-235. – Dumesnil Mlle, Mémoires, Paris, 1823, p. 112. – Gerbaux E. et Schmidt C, Procès verbaux des comités d'agriculture et de commerce de la Constituante, de la Législative et de la Convention, Paris, 1908, t. III, p. 301, 361. – Guillaume M.J., Procès verbaux du Comité d'instruction publique de la Convention nationale, Paris, 1891-1907, t. IV, p. 840 ; t. V, p. 360, 384 ; t. VI, p. 863, 864. – Lancaster H.C., French tragedy in the time of Louis XV, Paris, 1950, t. II, p. 399-405. – Lebrun P.D. Ecouchard, Œuvres, Paris, 1811, t. IV, p. 404. – Mercier L.S., Tableau de Paris, 1783, t. IV, p. 15. – Palissot C., Mémoires pour servir à l'histoire de notre littérature, Paris, 1775, p. 261262. – Petitot C.B., «Notice sur P. de S.», dans «Briséis», Répertoire du théâtre français, 1817, t. VI. – Procès verbaux de la Convention nationale, t. LI, p. 222 et 237-238. – Robinet J.F.E., Dictionnaire historique et biographique de la Révolution et de l'Empire, 1789-1815, Paris, 1898, t.1, p. 243. – Sabatier de Castres A., Les Trois siècles de la littérature française, La Haye, Paris, 1781, t. IV, p. 291-292. – Tourneux M., « Encouragement aux lettres et aux sciences sous Louis XVI », R.H.L.F., 1910, t. VIII, p. 281-311. – Voltaire, Correspondence, éd. Besterman, D7661, 10013, 11144, 11150.

PIERQUIN

Auteurs

Numéro

640

Prénom

Jean

Naissance

1676

Décès

1742

Jean Pierquin est né à Charleville le 3 octobre 1676 (A.D. Ardennes, reg. par. Charleville), et non pas le 15 février 1672, comme l'indiquent Boulliot (t. II, p. 303 ; cf. N.B.G., B.Un.). Son père, Gérard Philippe, avocat au Parlement et à la Cour souveraine de Charleville, s'était marié avec Idelette Marie Bordois en 1666 (A.D. Ardennes, reg. par. Charleville et E 950).

2. Formation

P. fit ses études à l'Université de Reims : il y prit le degré de bachelier en théologie et se prépara au sacerdoce (Préface, p. IV ; Boulliot, p. 303). P. fut ordonné prêtre le 24 septembre 1701 (Répertoire des curés et vicaires de l'ancien diocèse de Reims).

P. savait le grec et sans doute l'hébreu (Dissertation physicothéologique, 1742, p. 143, 144, 178, 224, 254), mais sa passion dominante était pour les sciences. Il avait non seulement de bonnes connaissances de médecine (Préface, p. V), mais aussi de géologie, de biologie, de physique et d'astronomie. En 1697, P. s'intéressait déjà aux sciences : à cette date, il avait présenté « le canevas de [son] système sur la formation des pierres précieuses» au P. Bordois (Suite, sept. 1724, t. XXIV, p. 164).

3. Carrière

D'abord nommé vicaire à Rocroy et à Rethel (Ardennes), P. fut appelé ensuite par Le Tellier, archevêque de Reims, à la cure de Châtel-Chehery et à celle d'Exermont, son annexe (Ardennes), le 14 mars 1703 (Répertoire des curés et vicaires de l'ancien diocèse de Reims ; Préface, p. IV). «C'était plutôt une marque d'estime qu'une récompense : car ce bénéfice était d'un modique produit et pénible à desservir. Malgré ces inconvénients, il resta toute sa vie dans cette cure» (Boulliot, p. 303). P. exerça son sacerdoce d'une façon pieuse et charitable : il avait «une attention particulière pour l'instruction des enfants» et visitait les malades «qui recevaient de lui des secours de toute espèce» : «consolations», diagnostics, médications ; enfin il leur faisait présent « fort généreusement et obligeamment des revenus qu'il tirait de sa Cure » (Préface, p. V). Ses moments de loisir étaient consacrés uniquement au travail intellectuel. P. fréquentait assidûment les bibliothèques des Communautés religieuses du voisinage, ce qui lui a permis de mener à bien son œuvre scientifique (Boulliot, p. 304). En somme, «M. P. se montra toujours zélé, attentif, charitable et désintéressé» (Moreri, t. VIII, p. 332). P. était sans doute une figure marquante de la communauté villageoise et ses démêlés «assez vifs» avec le seigneur du lieu montrent bien qu'il jouissait d'un statut social particulier : il n'était pas qu'un simple curé de campagne (Préface, p. XXXIV-XL).

4. Situation de fortune

Les revenus de la cure de Châtel étaient très modestes (Préface, p. IV-V), mais un héritage arrivé fort à propos le sauva du dénuement (ibid., p. VI). L'un de ses héritiers, Antoine Carbon, maître-boutonnier, renonça à la succession de P. que celui-ci avait réglée par son testament du 17 août 1739 (A.D. Ardennes, E 920). On trouve dans ce testament des «preuves du goût qu'il avait pour la décoration du Temple du Seigneur, de son attachement pour les Pauvres, et de sa parfaite réconciliation avec le Seigneur de sa Paroisse qu'il institua son légataire universel», malgré les querelles mentionnées plus haut (Préface, p. XXXIV, XXXV).

5. Opinions

P. se montre résolument rationaliste : dans la Suite, il s'efforce de lutter contre les «croyances populaires», de « détromper le vulgaire d'une foule de préjugés » (juillet 1729, t. XXVI, p. 6). Il n'y aurait ni «lutins», ni «farfadets», ce sont des «contes d'ogre et de fée» (nov. 1728, t. XXIV, p. 323), le «retour des Ames», «c'est crédulité imbécile» (janv. 1729, t. XXV, p. 21), enfin, «le Sabat des Sorciers n'est qu'un songe vif et trompeur» (mai 1729, t. XXV. p. 317). P. subit diverses influences : ainsi saint Augustin serait « le guide des plus excellents Philosophes et l'oracle des plus célèbres Théologiens » (Suite, avril 1729, t. XXV, p. 246). Par ailleurs, la physique et la métaphysique cartésiennes ont joué un grand rôle dans la formation des idées de P. Descartes aurait produit « un système excellent et on ne peut philosopher avec plus de délicatesse» (ibid., juil. 1727, t. XXII, 4-5 et mars 1728, t. XXIII, p. 161). Cependant, il n'admet pas toute la physique cartésienne : le tourbillon cartésien serait composé d'une «matière trop fine et trop subtile» ; il n'en conserve que « les tourbillons fluides » pour les planètes (Journal des savants, juil. 1745, p. 414 : Suite, juil. 1727, t. XXII, p. 5 et avril 1728, t. XXIII, p. 239-240). P. tient Malebranche et Fontenelle pour d'«excellents maîtres» (Suite, sept. 1728, t. XXIV, p. 165) et l'on trouve sous sa plume une métaphore à connotation mécaniste qui rappelle les Entretiens sur la pluralité des mondes, mais où l'existence de Dieu est formellement rappelée : «Une horloge étant une fois achevée subsiste, ses ressorts mis en mouvement jouent quelque temps sans avoir besoin de leur auteur ; mais le Monde ne peut se conserver un seul moment sans le secours continuel et immédiat de son Créateur» (ibid, juil. 1728, t. XXIV, p. 10). En biologie, P. est partisan de la théorie des germes préexistants : il croit que les pierres précieuses, et même les métaux «viennent tous originairement de germes qui sont le raccourci essentiel de leurs belles qualités» (ibid., avril 1729, t. XXV, p. 29). On trouve une critique de ses idées biologiques dans l'ouvrage de Procope-Couteaux (L'Art de faire des garçons, 1748, chap. VI, p. 192-197). En astronomie, P. eut l'idée de réhabiliter le système de Thaïes : si on le « développait heureusement», écrit-il, «peut-être qu'il se remettrait en crédit, et qu'il attirerait quelque réputation à son réparateur» (Suite, juil. 1727, t. XXII, p. 4). Cette initiative fut mal accueillie du Journal des savants, dont l'un des rédacteurs fait valoir que, à s'en tenir à cela, «nous n'aurions pas une idée avantageuse du savoir [de P.] en physique. Il y a apparence que l'Auteur a voulu imiter quelques-uns de ces Systèmes qui sont plutôt des jeux d'esprit que des discours sur la Physique» (juil. 1745, p. 413). Dans la Suite, P. a polémiqué avec plusieurs savants. D'abord avec le P. E. de Viviers (juil. 1730, mars, juil. 1731, févr., juin 1732) à propos de sa Dissertation sur l'aurore boréale de 1726. Ensuite, concernant son article sur la formation des pierres précieuses, P. entra en controverse avec Capperon, ancien doyen de Saint-Maixent (août, sept. 1728, mars, avril 1729, et «Lettre à M.C. » dans Préface, p. XI-XXII) et avec Ancelot (mai, juin 1729). P. était l'ami personnel de L.F.J. de La Barre, membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-lettres, directeur du Journal de Verdun à partir de 1727. Celui-ci a rappelé l'estime qu'il lui portait (Epître à M.P. dans Préface, p. XXXVI).

6. Activités journalistiques

P. a collaboré au Journal historique sur les matières du temps (D.P.1 214) et à la Suite de la Clef (D.P.1 1230), noms successifs du même périodique, plus connu sous le nom de Journal de Verdun. Voici le détail de cette collaboration.

Journal historique 1712, t. XVI, p. 151-155 : «Réponses aux questions touchant les causes qui ont produit les marques que les enfans apportent en naissant».

Suite de la Clef : 1727 : «Dissertation sur les Météores ou Phénomène du 19 octobre 1726», janv., t. XXI, p. 27-32.

«L'Astronomie de Thaïes réduite en Système», juil., août, XXII, p. 3-8, 81-86. – «Réflexions sur le Système astronomique de M. Pierquin», sept., t. XXII, p. 173-176. – «Dissertation sur la formation des pierres précieuses, des camaïeux et des coquillages», nov., déc, t. XXII, p. 315-320, 393-3971728 : «Réponse de M. P. aux objections sur l'Astronomie de Thaïes», mars, avril, t. XXIII, p. 161-164, 237-242. – « Eclaircissement de M. P. sur la formation des Camaïeux », juil., t. XXIV, p. 3. – «Dissertation de M. P. sur la couleur des Nègres», août, t. XXIV, p. 83-88. – «Réponse de M. P. aux réflexions de M. Capperon», sept., t. XXIV, p. 162-166. – «Réflexions philosophiques sur l'évocation des Morts», oct., t. XXIV, p. 241-245. – «Dissertation sur les Fantômes et les Farfadets», nov., t. XXIV, p. 318-323. – «Dissertation sur les batailles et les flottes aériennes», déc, t. XXIV, p. 403-408. 1729 : «Dissertation sur le retour des Ames», janv., t. XXV, p. 21-26. – «Conjectures sur les possessions», févr., t. XXV, p. 83-87. – «Réponse au sujet du système du Monde», mars, t. XXV, p. 162-167. – «Réplique à M. Capperon», avril, t. XXV, p. 241-246. – «Eclaircissement sur le sabat des Sorciers», mai, t. XXV, p. 317-321. – «Remarques sur les germes des Plantes», juin, t. XXV, 398-404. – «Réflexions sur les transformations magiques», juil., t. XXVI, p. 6-9.– «Réponse de M. P.», sept.,t. XXVI, p. 161-167. 1730 : «Dissertation sur le chant des coqs», févr., t. XXVII, p. 94-99. – «Conjectures sur la pesanteur de la flamme, de la lumière, de la terre et du Soleil», août, t. XXVIII, p. 85-90. – «Réflexions sur les causes et les effets de l'Incube», sept., t. XXVIII, p. 164-168. 1731 : «Dissertation historique et physique touchant la preuve d'innocence ou de crime par l'immersion», févr., t. XXIX, p. 88-94. – «Dissertation sur le nager des noyés», mars, t. XXIX, p. 184-187. – «Dissertation sur les hommes Amphibies», avril, t. XXIX, p. 243-247. – «Défense de la cause sublunaire des Lumières septentrionales», juil., t. XXX, p. 6-13. 1732 : « Réponse à la lettre du Révérend Père Emmanuel de Viviers», juin, t. XXXI, p. 391-399. – «Vie de St-Juvin», extrait du livre de P. », juil., t. XXXII, p. 9-14. 1733 : «Lettre au Père Emmanuel», mars, t. XXXIII, p. 167-169. 1735 «Conjecture sur la vue meurtrière de l'œil humain», nov., t. XXXVIII, p. 346-352.

7. Publications diverses

Dissertation physico-théologique touchant la conception de Jésus-Christ dans le sein de la Vierge Marie, Amsterdam, 1742. – Œuvres physiques et géographiques, Paris, 1744 (recueil de ses articles parus dans le Journal de Verdun). – Vie de Saint-Juvin, ermite et confesseur, Nancy, 1732. – Les dissertations qu'il avait données au Journal de Verdun étaient des fragments d'un ouvrage «soustrait des papiers de l'Auteur», intitulé Traité des créatures invisibles et aériennes (voir une lettre de P. où il trace le plan de son livre, Préface, p. XXIV-XXX). – Autre ms. de P. subtilisé à sa mort : Recherches sur la nécromancie (ibid., p. XXX-XXXI).

8. Bibliographie

Moreri ; Lelong, n° 11353 ; Desessarts, t. V, p. 173 ; Q. ; B.Un. ; Feller-Weiss ; D.L.F. ; Cior 18. – (Suite) Suite de la Clef ou Journal historique sur les matières du temps. – (Préface) Préface de l'éditeur, dans P., Œuvres, 1744, p. III-XL. – A.D. Ardennes, acte de naissance, acte de décès de P., reg. par. Charleville et Châtel-Chéhery. Série E : 16, 920, 950, 971, 1026, 1057, 1299, 1377, 1378, 1382, 1656. Série H supplément : 57, 171. Guelliot, Biographie vouzinoise (ms.), art. «Pierquin», 7 J 11. – B.M. Reims, Chaligny de Plaine M.A., Eloge de Pierquin, ms. 1293, p. 209. – B.M. Troyes, ms. 2788, t. III. – Boulliot J.B.J., Biographie ardennaise, Paris, 1830, t. II, p. 303-308. – Capperon, «Réponse de M. Capperon [...] aux objections de M. Pierquin sur son sentiment touchant l'origine des pierres précieuses, des Camaïeux et des Coquillages fossiles», Mercure de France, mai 1729, p. 927-928. – Chaudon L.M., Nouveau dictionnaire historique, 1789, t. VII, p. 262. – Dreux Du Radier J.F., Table générale et raisonnée du Journal historique de Verdun (1697-1756), I759"I76o, t. VII, p. 255-257. – Journal de Trévoux, juin 1745, p. 1009-1031. – Journal des savants, juil. 1745, p. 412-422. – Lalande J. de, Bibliographie astronomique, an XI [1803], p. 425. – Le Long N.. Histoire ecclésiastique et civile du diocèse de Laon, Châlons, 1783, p. 470. – Procope-Couteaux M., L'Art de faire des garçons, Montpellier, s.d. [1748], p. 192-197.

PALISSOT de MONTENOY

Auteurs

Numéro

613

Prénom

Charles

Naissance

1730

Décès

1814

Charles Palissot de Montenoy est né à Nancy, paroisse Saint-Sébastien, le 3 janvier 1730 de Hubert Palissot et de Marguerite Charlotte Remion (Lepage, t. III, p. 279). Hubert Palissot, avocat, substitut du procureur général de la Cour souveraine de Lorraine, conseiller d'Etat du Duc de Lorraine Léopold, s'était marié le 26 novembre 1715 (ibid., t. III, p. 305 et O. 1809, t. III, p. 254). Il mourut en novembre 1751 (La Chesnaye). Son grand-père, Sébastien Simon Palissot, (1655-1731) architecte, intendant des bâtiments de Léopold (Lepage, t. III, p.

2. Formation

P. se distingua, dans ses études, par une précocité très grande. D'abord il fut élève du collège des Jésuites de Nancy (Calmet, p. 708). Puis il prit ses «degrés en philosophie à onze ans», soutint «une thèse de théologie à douze» et fut reçu bachelier à quatorze ans par l'université de Pont à Mousson (O. 1777, t. I, p. XI-XII). D'après Dom Calmet il fut reçu «Prince des Philosophes» et maître ès arts (p. 708). A la fin de son cours de philosophie, le père de P. voulut lui faire embrasser l'état ecclésiastique (O. 1777, t. I, p. XII). Malgré ses réticences, P. entra à l'Oratoire de Paris où il resta «environ deux mois». Il en sortit en 1746 (ibid, p. XIII). Dès cette époque, «ayant déjà lu la plupart de nos bons auteurs», il était «passionné pour les ouvrages dramatiques» (ibid.). A Paris, P. fit des études de droit (Calmet, p. 409). Le 8 mai 1753, en même temps que Fréron, il devint membre associé de la Société royale des sciences et belles-lettres de Nancy, dont le directeur était Choiseul (D, p. 22-23). Après la Révolution, lors de la reconstitution des Académies, il fut nommé associé-correspondant de cette même académie de 1802 à 1809 (Favier). Un manuscrit de la Bibliothèque de l'Arsenal indique qu'il est aussi après 1755 membre de l'Académie des belles lettres de Marseille (ms. 2759). Dans une lettre du 3 février 1767, Voltaire lui écrit que s'il ne s'était pas fait «des ennemis irréconciliables de gens d'un extrême mérite» (les Encyclopédistes) par ses écrits satiriques, s'il avait «tourné [ses] talents d'un autre côté», il aurait eu «le plaisir» de l'avoir avant sa mort «pour confrère à l'Académie française» (D 13951). Pendant la Révolution, P. fit paraître dans La Chronique de Paris une adresse à l'Assemblée nationale pour demander la suppression de l'Académie française «sous prétexte que c'est un reste d'aristocratie» (La Harpe, t. VI, p. 42). P. devint associé à la section de poésie de l'Institut en février 1796, «sans en avoir fait jamais la moindre démarche pour le devenir» (lettre de Le Brun à P., 25 pluv. an IV dans O. 1809, t. III, p. 522-523). En l'an VI, P. demanda à être membre de l'Institut à part entière (Méaume, p. 21-22). Sa candidature fut défendue par M.J. Chénier, François de Neufchâteau et Collin d'Harleville. Par trois fois, il se présenta : en vain. C'est que Naigeon et Lalande veillaient. Une première fois, ce fut Cailhava qui fut élu, la seconde l'abbé Leblanc -malgré Bonaparte qui avait voté pour lui- (Meneval, t. I, p. 5), la troisième enfin, Legouvé (Delafarge, p. 493-495). P. avait appris l'italien avec Patu (voir une lettre de 1752, O., 1809, t. III, p. 234).

3. Carrière

En 1747, P. présenta aux Comédiens-Français une tragédie à sujet biblique, qui rappelait Andromaque. L'année suivante, il publia une sorte de roman, Apollon Mentor ou le Télémaque moderne, où admirateur de Voltaire, il se déclare un partisan de la tradition et fait déjà sa cour aux Grands (D, p. 6). Encouragé par Choiseul (O., 1777, t. I, p. XV), il fait représenter à la Comédie française une tragédie, Zarès, en juin 1751, mais la retire au bout de trois représentations (D, p. 12-13). Dans l'édition de 1788 de ses Oeuvres, il remania cette pièce sous le titre de Ninus second. En 1752, P. lut à Choiseul Les Tuteurs : le futur ministre «exhorta fort» le jeune écrivain à suivre la «carrière» du théâtre (O., 1777, t. I, p. XVI). La pièce fut représentée aux Italiens en septembre 1754 : elle se soutint pendant sept représentations (D, p. 26 et suiv.). Auparavant, en novembre 1753, Choiseul, pendant son ambassade à Rome, avait chargé P. d'être son agent littéraire à Paris (Balcou, p. 122). C'est à cette même époque, en 1755, que P. grâce encore à Choiseul, obtint la recette générale du tabac en Avignon (O., 1777, t. I, p. XVII). Il garda cet emploi jusqu'en 1757 : sa carrière de financier se termina par une banqueroute (ibid., t. I, p. XX). Le premier ouvrage qui fit connaître P. fut Le Cercle ou les Originaux, divertissement représenté en novembre 1755 à Nancy pour l'inauguration de la statue de Louis XV. A la huitième scène, J.J. Rousseau était ridiculisé ; P. le reconnaît lui-même dans une lettre à Voltaire (D 6103). Mais le comte de Tressan, soutenu par d'Alembert, intervint auprès de Stanislas pour sanctionner P. qui risqua d'être exclu de l'académie de Nancy. L'affaire se calma grâce à Rousseau lui-même (Guénot, t. I, p. 17-20). En 1757 parurent les Petites Lettres sur de grands Philosophes où il se moquait du Fils naturel de Diderot. Mais la carrière de P. en tant que critique des encyclopédistes atteignit son apogée par la représentation le 2 mai 1760 à la Comédie française d'une pièce en trois actes et en prose, Les Philosophes qui eut un immense succès. C'est une satire très vive de Diderot, de Duclos et des idées d'Helvétius. A la fin de la pièce (III, 9), un valet, Crispin, s'avance sur scène à quatre pattes, broutant une feuille de salade : c'était une métaphore de la doctrine de J.J. Rousseau (ibid., t. I, p. 37-51). Les Philosophes ont donné lieu à des parodies (ibid., p. 31, 33, 51, 54) et à une foule de libelles (voir D, p. XV-XVI et Cior 18 n° 48864-48883). Les Philosophes procurèrent à P. de nombreux ennemis et lui firent une réputation déplorable : vers 1760, Malesherbes écrit que «ce M. Palissot [...] n'a jamais passé pour ce qu'on appelle un homme de bien», biffé : «Je peux même assurer que c'est un assez mauvais sujet» (f.fr. 22191, f° 228 r°). Cela ne l'empêcha pas en 1764 de publier La Dunciade d'après Pope (nombreuses rééd.). Dans cette satire, P. n'attaquait pas seulement les encyclopédistes, mais aussi les ennemis de Voltaire : Fréron, Trublet, Crevier, Bergier, Chaumeix, Le Franc de Pompignan (D, p. 278 et suiv.). En 1763, lassé de «l'agitation», P. se retira à la campagne, à Argenteuil, «n'ayant à faire à Paris que des voyages très rares, très courts, et n'ayant même gardé aucun établissement dans la capitale» (O., 1777, t. I, p. XXXI).

Le Satirique, inspiré du Méchant de Gresset est encore une attaque contre ses ennemis de toujours, les Encyclopédistes. P. voulut faire croire que cette pièce était une satire dirigée contre lui-même par les philosophes. Mais la supercherie fut découverte. La première de la pièce fut annoncée pour le 16 juin 1770, mais les encyclopédistes furent suffisamment puissants pour faire interdire la représentation. P. montra la pièce sur le théâtre privé de sa maison d'Argenteuil et y joua lui-même le rôle de l'homme dangereux (Guénot, t. I, p. 92-95). En 1787, il semble que P. ait traversé une longue période de découragement : «Les lettres depuis longtemps me sont demeurées indifférentes ; je ne les ai même jamais regardées comme devant faire l'unique état d'un citoyen» (lettre à Castilhon, 11 mai 1787, Douais, p. 232). P. demande à Castilhon d'agir pour lui trouver un emploi, de préférence en province, par exemple une direction de poste ou une place de receveur des tailles qu'il pourrait résigner à son futur gendre, car il songe à l'établissement de sa seconde fille (lettre à Castilhon, 31 mai 1787, ibid., p. 233). Sa demande n'aboutit pas. En 1788, il dédie l'édition de ses Oeuvres au duc d'Orléans dont il était lecteur (Lettre à Castilhon, 14 nov. 1788, ibid., p. 237). Au début de la Révolution, P. offrit à l'Assemblée nationale la dédicace des Oeuvres de Voltaire qu'il s'était chargé d'éditer. Pendant la Terreur, il demanda l'autorisation d'entrer à Paris, car il était concerné par la loi du 27 germinal an II frappant les anciens nobles. Il souhaitait revenir à Paris pour surveiller l'impression des volumes de son édition des Oeuvres de Voltaire (Guillaume, t. IV, p. 938). Sous le Directoire, P. fut élu par le département de Seine-et-Oise au Conseil des Anciens le 14 floréal an VI (T.M.P.V.D.C., t. II, p. 268). L'activité parlementaire de P. fut réduite. En ventôse an VII, il lut un rapport sur les vingt-cinq élections municipales de son département cassées pour vice de forme et en germinal une résolution relative à des travaux pour la prison des Madelonnettes à Paris. Il fit de plus un discours à la louange du pédagogue Maismieux et un autre pour présenter cinq nouveaux volumes de son édition de Voltaire (D, p. 493-494 et T.M.P.V.D.C., t. II, p. 268). C'est à partir de 1797 que l'on trouve trace de P. en tant que conservateur de la bibliothèque Mazarine (S2, B.B., 383 n° l). Puis il fut nommé administrateur et enfin administrateur perpétuel en oct. nov. 1805 (A.N., f° 17 3491). En l'an IX, le gouvernement l'avait nommé membre du jury de l'Opéra. A la même époque, on lui avait proposé de faire partie du Comité de lecture du théâtre Feydeau, mais il refusa, en partie à cause de son grand âge (D, p. 505-506). A la fin de sa vie, il fit partie de l'entourage de Napoléon où il était fort considéré, et fit un séjour à Mortefontaine chez Joseph Bonaparte (Meneval, t. I, p. 64). P. a fait le voyage de Genève en 1771 chez le diplomate Pierre Michel Hennin (lettre du 27 avril 1771, Inst.., ms. 1271). Il était allé voir Voltaire aux Délices en 1755 (D, p. 41). Durant sa longue carrière, P. a eu de nombreuses demeures à Paris. En août 1749, il habitait rue des Fossés-Saint-Jacques «sur la place de l'Estrapade, vis-à-vis la muraille, la 1ère porte cochère, au second» (S1, p. 339). En 1763, il s'installa à Argenteuil dans une maison construite près de la Seine (D, p. 277). Il y habita jusqu'en 1786 (Douais, p. 229). En novembre 1788, P. demeurait «rue de Corneille, arcade du Théâtre français» (n.a.fr., 1393, f° II), puis en octobre 1790 rue de Faubourg Saint-Jacques, près du Val de Grâce, n° 230 (Chronique de Paris, 13 oct. 1790). Pendant le Directoire, en ventôse an VI, P. a élu domicile au 21, rue Guénégaud (Ars., ms. n° 6490, f° 277). Enfin, il réussit à obtenir un appartement au Palais des arts. Il partait à la belle saison dans une maison qu'il possédait au Pré Saint-Gervais (D, p. 536).

4. Situation de fortune

En 1755, la Recette des tabacs d'Avignon devait lui rapporter annuellement 2000 écus (6000 £). Mais s'étant absenté d'Avignon, P. avait confié à un négociant une partie de ses intérêts : celui-ci fit une banqueroute dans laquelle il était engagé personnellement pour plus de 50 000 £. Choiseul servit de caution et P. remboursa 20 000 £ à M. de la Mark. Les Fermiers généraux acceptèrent de faire une remise de 9000 £ (O., 1777, t. I, p. XX-XXIV). En 1760, P. a touché 2000 £ pour l'impression des Philosophes (Brûlé, p. 101). Lors de son second mariage en 1773, on estime qu'il possédait 12 000 £ de rente (S2, B.B., p. 383). Dans une lettre à Castilhon du 21 octobre 1786, il annonce qu'il vient de recevoir une pension annuelle du Roi qui s'élève à 2000 £. Dans une lettre du ministre qu'il cite, il est dit que P. «a attaqué avec autant de courage que d'esprit une secte dangereuse ; c'est un droit aux faveurs du gouvernement». P. ajoute que «quelques Académiciens» sont allés faire des «représentations» au Ministre concernant cette pension, mais que celui-ci, s'il en a été «ébranlé», a cependant maintenu sa décision (Douais, p. 230). En 1786, P. reçut une pension de 800 £ du nouveau duc d'Orléans, futur Philippe Egalité, grâce sans doute à Mme de Genlis (D, p. 435). En octobre de la même année, il avait vendu sa maison d'Argenteuil (Douais, p. 229). Au début de la Révolution, en novembre 1789, P. offrit à la Monnaie des bijoux d'or et de la vaisselle d'argent (D, p. 442). La pension annuelle sur le Journal de Paris de 800 £ qu'il devait toucher depuis 1782 est supprimée en 1790 : les privilèges n'existaient plus (voir P., Réclamation d'un homme de lettres contre MM. Romilly, Cadet, Corancez, p. 2). En octobre 1793, P. en est réduit à n'avoir plus qu'une seule pension (Le Moniteur, t. XVIII, p. 9) et il ajoute même que les événements révolutionnaires lui ont «enlevé les deux tiers de [sa] fortune» qu'il devait à ses «économies» (O., 1809, t. I, p. XVIII). Ainsi, l'on comprend pourquoi il évoque dans une lettre à Déherain, notaire «les pertes successives que la Révolution [lui] a fait éprouver» (B.N., Rothschild A XVIII, t. VIII, p. 439). Sa situation financière est si précaire qu'une place de correspondant de l'Institut ne l'intéresse même pas : «De quelle utilité serait pour moi une place sans honoraires?» Il poursuit : «J'aimerais beaucoup mieux, je vous l'avoue, une bibliothèque départementale, car c'est un secours dont j'ai besoin» (ibid.). Cependant, il faut dire qu'il avait reçu, de la Convention, sur proposition de M.J. Chénier, une gratification de 3000 £ en janvier 1795 (Le Moniteur, t. XVIII, p. 130 et Guillaume, t. V, p. 360 et 384). Son emploi de conservateur, puis d'administrateur de la bibliothèque Mazarine le tira d'affaire. Le traitement de conservateur s'élevait, à partir de novembre 1797, à 3300 francs par an (S2, p. 384). En septembre 1798, cette somme fut portée à 5000 francs (ibid.). Lorsque P. devint en octobre novembre 1805 «administrateur perpétuel» de la Mazarine, son traitement ne fut pas modifié (A.N., F 17 3491). Pendant l'Empire, le baron de Meneval demanda à Napoléon une pension pour son «vieil ami». On lui en octroya une de 3000 francs sur le Journal de l'Empire ; cette somme fut augmentée finalement de 1000 francs (Meneval, t. II, p. 408-409). On conserve plusieurs contrats entre P. et ses éditeurs. Dans une lettre à Castilhon du 14 novembre 1788, il explique qu'il est intéressé pour un tiers dans l'édition de 1788 de ses Oeuvres et que sa «mise de fond passe quatre mille livres». Sortie de l'Imprimerie de Monsieur, cette édition très soignée, dont les frais ont été très élevés, ne fut pas une bonne affaire pour P. : elle lui a «enlevé toute espérance de bénéfice» (Douais, p. 237-238).

Par un acte du 25 prairial des Oeuvres de Pierre Corneille avec commentaire de Voltaire et Observations critiques sur le documentaire par P., à Honoré Nicolas Duveyrier, membre du Tribunal (M.C., t. II, p. 778, f° 269). Un acte du 26 messidor an IX (1er juillet 1801) indique que Duveyrier remet à Didot le manuscrit pour l'impression (ibid., f° 307). Mais l'ouvrage ne vit pas le jour et il fallut attendre un document du 10 avril 1810 où Duveyrier s'engageait à avancer 3000 francs pour réaliser l'édition projetée (M.C., t. II, p. 824). Pour l'édition de 1809 de ses Oeuvres, P. abandonna à Léopold Collin, l'éditeur, la propriété de son manuscrit moyennant cinquante exemplaires en papier ordinaire et six exemplaires en papier velin (contrat du 7 mars 1809, S2, p. 383).

5. Opinions

C'est dans ses Mémoires sur la Littérature que l'on peut le mieux saisir ses opinions littéraires. D'abord, on ne s'en étonnera pas, les hommes de lettres anti-encyclopédistes ont sa faveur, surtout Moreau, «écrivain estimable», dont le Nouveau Mémoire pour servir à l'Histoire des Cacouacs (1757) est «un ouvrage d'une singularité piquante et d'un très bon sel» (O., 1809, t. V, p. 145 et 147). Bien entendu, Diderot, contre qui il avait une rancoeur spéciale, n'écrit que des livres où perce «une espèce de jargon apocalyptique qu'il affecte sans cesse» (t. IV, p. 243). Mais il convient de nuancer : P. fait l'éloge de Condillac dont le Traité des Sensations est «l'un de ses plus utiles ouvrages» (t. IV, p. 187), de Buffon (t. IV, p. 119), d 'Helvétius dont le livre De l'Esprit «est une des productions les plus distinguées du siècle» (t. IV, p. 373), de Jaucourt qui a su montrer «une ardeur infatigable pour le travail» (t. IV, p. 394), de Montesquieu dont «la philosophie a éclairé le monde» (t. V, p. 141) et de Rousseau enfin, «un des plus beaux génies de ce siècle», «l'un de ceux qui pensent avec le plus de profondeur» (t. V, p. 283-284). Mais P. est avant tout un traditionaliste attaché à la littérature du XVIIe siècle. Bouhours, dont les «principes sont très sûrs» (t. IV, p. 104-105), est à mettre sur le même plan que Boileau, dont «on doit regarder [les] satires comme l'époque du bon goût» (t. IV, p. 235). Les opinions traditionalistes de P. se retrouvent dans le domaine théâtral : «L'immortel Molière» est «ce peintre sublime parce qu'il est toujours vrai» (O., 1763, t. I, p. 67), c'est «le premier des poètes comiques anciens et modernes» (O., 1809, t. I, p. 108). Molière est un modèle et P. s'oppose vivement au drame bourgeois ; c'est pourquoi Diderot, théoricien du drame, est sa cible favorite (voir Petites Lettres sur de grands Philosophes, 1757, lettre II, sur le Fils Naturel). Beaumarchais est aussi malmené pour avoir écrit la Préface d'Eugénie où il explique, après Diderot, son projet de nouveau théâtre. «Cette préface, écrit P., est [...] un modèle rare de ridicule, de mauvais goût et de style barbare». D'ailleurs «le style bizarre relègue Beaumarchais dans la classe des écrivains médiocres» (O., 1809, t. IV, p. 60 n. et 63). Malgré tout, quelques dramaturges trouvent grâce à ses yeux, ainsi Collin d'Harleville (t. IV, p. 177) et Goldoni à qui il offre «un couvert à [sa] table» (ibid., t. III, p. 367). C'est dans ses Questions importantes sur quelques opinions religieuses (an VI) que P. expose ses idées théologiques. Un Dieu «rémunérateur et vengeur» existe et la religion est une nécessité absolue (p. 9). Cependant, influencé par le déisme voltairien, P. critique les prêtres qui doivent devenir des citoyens et à qui on permettra de se marier (p. 12-13). Le Pape est considéré comme un «souverain étranger» et P. s'en prend à «des cérémonies évidemment superstitieuses, impolitiques, immorales» (p. l5) et surtout à la confession (p. 18-19). Selon P., il faut essayer de «rapprocher le christianisme de son âge d'or, c'est-à-dire de la simplicité des temps apostoliques» (p. 51). Enfin, «ce n'est pas le dogme qui divise et qui a toujours divisé les hommes qu'il faut prêcher, c'est la morale qui les réunit et qui les console» (p. 52). P. avait dédié cet ouvrage aux Théophilantropes et en avait fait distribuer des exemplaires à l'Institut (Grégoire, t. II, p. 88). Sur le plan politique, on sait que P. fut constamment soutenu par Choiseul : on peut même dire que dans une certaine mesure, il fut une créature du Ministre. Si, au début de la Révolution, P. s'affilia au Club des Jacobins où il se spécialisa dans les questions religieuses (Méaume, p. 10), pendant la Terreur, il quitta Paris «sous peine de mort», «parce que, dit-il, je n'avais pris les livrées d'aucune faction» (O., 1809, t. I, p. XVIII). En septembre 1793, on lui avait d'ailleurs refusé un certificat de civisme ; Chaumette était à l'origine de ce refus : il avait rappelé la scène à quatre pattes des Philosophes et avait conclu que P. «était contre-révolutionnaire avant la Révolution» (Le Moniteur, t. XVII, p. 646). Après rétractation de P., le certificat est accordé (t. XVIII, p. 9). Il accueille avec faveur le 9 Thermidor qui a «fait justice de l'affreux triumvirat qui avait commandé tant de crimes» (O., 1809, t. IV, p. 163). Dès décembre 1797, P. insère des vers dans Le Moniteur en l'honneur de Bonaparte (t. XXIX, p. 96) et admire «l'apparition soudaine d'un de ces hommes rares que la nature ne sème que de loin en loin dans l'immensité des siècles» (O., 1809, t. I, p. XIX).

P. fut lié étroitement avec de nombreux hommes de lettres qui n'appartenaient pas toujours à sa génération. L'abbé de La Porte aurait été «son ami» (ibid., t. IV, p. 415, n.) ; on retrouve le pasteur Jacob Vernes chez lui (Balcou, p. 350) ; il fréquente Urbain Domergue le grammairien (Meneval, t. I, p. 8) et Barbier (n.a.fr. 1393, f° 12). P. entretint aussi avec Castilhon en 1786 1788 une correspondance où chaque lettre est émaillée des protestations de la plus vive amitié (Douais, p. 225, 231, etc.). P., enfin, s'était fait des amis dans le milieu du théâtre ; Préville, Talma, Mlle Contat (Meneval, t. I, p. 6-7), Mme Bellecour (Revue rétrospective, 1838). P. accueillait les jeunes écrivains avec générosité : «Nous nous sommes fait de tous les temps, écrit-il, dans notre longue carrière, un devoir d'encourager, dès leurs premiers essais, l'émulation des jeunes auteurs qui nous donnaient des espérances» (O., 1809, t. V, p. 134). Cela est vrai, notamment de M.J. Chénier dont il a «guidé les premiers pas dans sa brillante carrière» (Lettre adressée par le C. Palissot à la classe de littérature de l'Institut, an VI, p. 6). Meneval raconte que P. «aimait beaucoup» Chénier (t. II, p. 406). Il prit sa défense dans la préface de Jean Calas (1793) où il écrit notamment : «Je ne connais point d'ouvrage qui présentât plus de difficultés à vaincre et qui pût donner une idée plus haute du talent capable de le surmonter» (p. VI). Une mention particulière doit être faite des relations de P. avec Fréron et avec Voltaire. Les relations de P. et de Fréron sont, en 1757, très amicales (Balcou, p. 192 et suiv.). Mais Fréron figure dans La Dunciade (éd. de 1773, t. I, p. 106, 111). Après la mort du directeur de L'Année littéraire, P. reconnaît cependant dans le Journal français ses qualités professionnelles : «A l'égard de ses talents, nous aimons à redire qu'il en avait et que son plus grand tort était d'en avoir abusé» (O., 1777, t. I, p. 38). En réalité, P. reprochait surtout à Fréron d'avoir montré un «acharnement inexcusable [...] surtout contre Voltaire» (O., 1809, t. IV, p. 326). Dès son Apollon mentor (1748), P. avait loué Voltaire et cet attachement ne se démentit pas par la suite. Il lui rendit visite aux Délices en 1755 (D, p. 41). «On ne peut vous connaître [...] sans s'intéresser à vous», lui écrit Voltaire le 1er décembre 1755 (D 6608). Même après la représentation des Philosophes, Voltaire écrit (10 août 1760) que «ce drôle-là ne manque pas d'esprit et a même quelque talent» (D 9128). Cependant lors de la souscription pour la statue de Voltaire en 1770, les encyclopédistes refusèrent les deux louis de P. (D 16680). En 1792, il commença la publication des Oeuvres choisies de Voltaire (55 vol.). Dès février 1786, P. songeait à publier les Oeuvres de Voltaire, mais il fallait que Beaumarchais achevât de mettre au jour son édition de Kehl sur laquelle P. ne ménage pas ses critiques : «fatale édition», «injurieux éditeur», «Beaumarchais n'a songé qu'à l'argent» (lettre à Castilhon, 16 fév. 1786, Douais, p. 218). Dans le Prospectus, il prétend que l'édition de Kehl «ne présente qu'une masse indigeste de volumes rassemblés sans choix» (Voltaire, Oeuvres, t. I, p. 4 ; voir aussi n.a.fr. 1393, f° 12).

6. Activités journalistiques

Dans le premier volume du Journal français, P. se livre à une critique sans pitié du métier de journaliste : «[...] quelle confiance peut-on prendre dans des écrivains assez téméraires pour parler de tout, et pour se promettre d'avoir de l'esprit à volonté, quarante fois par an? A quelle estime surtout peuvent-ils prétendre, lorsqu'à l'exemple du rédacteur de L'Année littéraire, ils ne rougiront pas de se contredire ouvertement? [...] Enfin, lorsqu'à la recommandation d'une grande dame qui aura la faiblesse de protéger un écrivain médiocre, ils feront de cette idole l'objet de leurs panégyrique, tandis que pour complaire à un homme en place, qui aura le malheur d'être injuste, ou pour satisfaire leur animosité personnelle, ils déchireront un écrivain du premier mérite qui ne se sera point abaissé devant leur orgueil» (Journal français, 1777, t. I, p. 35-36). P. a collaboré à de nombreux périodiques :

I. Coup d’œil sur les ouvrages modernes ou Réponses aux Observations sur la littérature de M.L.D.L.P. [M. l’abbé de La Porte] par M.D.M. [M. de Montenoy], s.l.n.d. [Paris, 1751], t. I et unique, in-12°, 68 p. L’exemp. De la B.N. (Zz 4372) est incomplet ; voir B.H.C., p. 46, Calmet, p. 709, D.P.1 249. Selon un article du Journal encyclopédique, P. aurait travaillé à ce périodique avec Boulenger de Rivery (1760, t. V, 3e part., p. 116). Dans une lettre de P. à d’Hémery, du 11 mars 1750, l’écrivain demande une permission pour un « ouvrage périodique » de « deux feuilles » : Le coup d’œil. Il y explique ses intentions : « L’abbé de La Porte fait un journal dans le goût de celui de M. Fréron. Je voudrais répondre au journaliste, critiquer ses jugements quand je le trouverai faux, ajouter mes réflexions aux siennes, venger quelques auteurs qu’il pourrait blâmer injustement » (S1, p. 342-343). Dans un article du Coup d’oiel, P. prend déjà la défense de Voltaire : « On me reprochera peut-être de m’être trop étendu sur l’éloge de M. Voltaire ; mais je ne suis pas fâché d’avoir osé dire la vérité dans un temps où les critiques semblent se réunir contre lui » (p. 16).

II. L'Année Littéraire : «Lettre à E.C. Fréron au sujet des Mémoires pour servir à l'histoire des hommes illustres de la Lorraine de F.A. Chevrier», 1754, t. V, p. 334-339. – «Lettre à E.C. Fréron à l'occasion de ce que Fréron a dit de A. Houdar de la Motte», 1754, t. Vl, p. 277-288. – «Lettre à E.C. Fréron sur les Petites Lettres sur de grands Philosophes», 1757, t. VIII, p. 121 131. – «Nouvel avis des éditeurs des Gazettes et Papiers anglais», 1760, t. VII, p. 158-168. – «Lettre à E.C. Fréron sur Les Courtisanes», 1776, t. III, p. 332-346. – «Lettre à J.F. de La Harpe et à L.S. Fréron», 1778, t. V, p. 244-262. – «Lettre à L.S. Fréron. A propos des quelques hommes de lettres, 1787, t. Il, p. 241-268.

III. Gazette de papiers anglais (H.P.L.P., t. II, p. 87 ; D.P.1 561) au début de 1759, deux particuliers sollicitent de P ; son appui pour obtenir le privilège de vendre dans tout le royaume les gazettes étrangères et celui de faire traduire les gazettes anglaises ; P., qui entreprit des démarches en faveur de ces deux futurs associés, s’aperçut que le libraires David avait déjà obtenu des lettres patentes. Abandonnant ses premiers partenaires, il s’associa avec David ; et, pendant dix ans, la traduction des gazettes étrangères (surtout hollandaises) « lui permit d’amasser une fortune honnête » (D, p. 117). Son attitude lui fut vivement reprochée dans les pamphlets qui procédèrent à la représentation des Philosophes : « Quand entre autres, on a volé à ses associés leur part des gazettes étrangères, on ne doit pas faire dire à un valet qui vole son maître, je deviens Philosophe » (La Condamine, p. 16-17). En 1760, commence l'entreprise des Papiers anglais, ouvertement soutenue par Choiseul. Le Prospectus (dans L'Année littéraire, 1760, t. I, p. 59 66 et l'Observateur littéraire, l5 janv. 1760) était l'oeuvre de P. La traduction était assurée par J.B. Suard (voir ce nom). Au début du mois de mars 1760, le titre changea en Etat actuel et politique de l'Angleterre ou Journal britannique, pour se modifier en novembre : Gazettes et Papiers anglais. L'entreprise se termina par le numéro du 29 juin 1762 : le périodique n'avait vécu que ce qui avait été utile au ministre. La paix avec l'Angleterre devenait possible, le journal n'avait en effet plus d'objet (D, p. 117-119). P. n'a fait ce travail aux Papiers anglais qu'à contre-coeur : «On sait avec quelle répugnance il [P.] se chargea des soins que lui confiait l'administration et avec empressement il saisit l'occasion de se débarrasser d'un genre de travail qu'il n'a jamais estimé» (O., 1777, t. VII, p. 229-300).

IV. Le Nécrologe des Hommes célèbres de France, 1764-1782, 17 vol., in 12. (B.H.C., p. 17 et D.P.1 974). A l'origine de cette publication, il y a le Journal des Deuils (D.P.1 698) où P. annonçait au public les deuils de la Cour et l’Ordre chronologique des deuils (D.P.1 1099). P. imagina, en faveur de sa maîtresse, Melle Fauconnier, de joindre au Journal des Deuils, Le Nécrologe. Dans ce périodique, P. «fait l'éloge et donne les particularités de la vie de ceux qui sont morts dans l'année» (C.L., t. IX, p. l99-200). P., de son côté, affirme qu'«il y a travaillé lui-même sans aucun intérêt et avec le plus grand zèle pendant les cinq ou six premières années». Il explique les raisons qui l'ont fait renoncer à sa collaboration : «les difficultés d'obtenir des renseignements qui demanderaient, de la part des vivants, un peu de respect pour la mémoire des morts» (O., 1777, t. V). P. est l'auteur des articles suivants : Marivaux, 1764, t. I, p. 3-17 (avec L. Poinsinet de Sivry) ; abbé Prévost, 1765, t. I, p. 59-81 ; Louis Racine, 1765, t. I, p. 43-55 ; Rameau, 1765, t. I, p. 85-113 ; Bachelou, 1766, t. I, p. 229-232 ; Crevier, 1766, t. I, p. 305. A cela, il faut ajouter l'article Roy (F.L. 1769, t. I, p. 336-337) et les articles Hardion, abbé Mangenot, Lagarde, abbé Trublet, Hénault, La Bletterie, Toussaint, Duclos, Piron, La Beaumelle, Fréron (O., 1777, t. V, p. 223-305).

V. Journal encyclopédique : «Discours sur la satire contre Les Philosophes», 1760, t. VI, i, 114-148. – «Lettre au sujet de La Dunciade», 1764, t. III, i, p. 103-ll5. – «Lettre de P. aux auteurs du Journal encyclopédique au sujet de l'article <Parade> de l'Encyclopédie», 1769, t. II, i, p. 125-127 (article repris dans O., 1777, t. VI, p. 45). – «Lettre de P. au comte de Tressan sur le même sujet», 1769, t. II, p. 127-130. – «Lettre de P. au sujet d'une édition des Mémoires sur la littérature», 1776, t. IV, p. 152.

VI. Le Journal français, 15 janvier 1777 - 30 avril 1778, 24 numéros, in 8°. En collaboration avec J.M.B. Clément, de Dijon (B.H.C., p. 78-79 et D.P.1 734). En novembre 1776, la C.L. annonce que le Journal français paraîtra tous les quinze jours, à partir du 15 janvier 1777 et qu'il est destiné à remplacer le Journal de Verdun (C.L., t. XI, p. 383-384). C'est «le gouvernement» qui aurait chargé les deux écrivains du périodique. «Ils promettent de mettre la décence et l'impartialité au nombre de leurs devoirs les plus sacrés», dit Mettra, mais, ajoute-t-il, «c'est l'espérance de les voir manquer dans chaque feuille à cet engagement qui leur attirera le plus de souscripteurs» (27 déc. 1776, t. IV, p. 57 58). De plus, les auteurs promettent un supplément tous les deux mois qui contiendra les édits, les déclarations, les lettres patentes, les arrêts du Conseil qui auront paru (ibid.). Dès la parution du périodique, La Harpe critique le titre : Journal français, «comme si les autres étaient iroquois» (Correspondance littéraire, t. II, p. 50). Selon les M.S., le Journal français est dirigé contre les encyclopédistes (t. IX, p. 288, 12 déc. 1776). Mais, de son côté, Stanislas Fréron se plaint aussi : «on dirait, en vérité, [...] que MM. Clément et Palissot se sont moins proposés pour objet l'examen des livres nouveaux que la critique de L'Année littéraire» (A.L., 1776, t. VIII, p. 192). La collaboration de P. et de Clément n'a pas été sans heurt. Comme le remarque ironiquement S. Fréron, P. était un admirateur de Voltaire, alors que Clément n'appréciait guère le patriarche de Ferney, «sans doute une moitié du Journal français sera remplie d'un encens grossier brûlé en l'honneur de M. de Voltaire qui, dans l'autre moitié, sera inondé du fiel de la satire» (ibid., p. 216). Même observation chez La Harpe qui note toutefois que «ces deux messieurs traitent ensemble comme Octave et Antoine sur les victimes qu'ils s'abandonneront» (t. II, p. 41). L'équipe rédactionnelle était si peu soudée que le Journal français ne pouvait se soutenir longtemps. Dans les Mémoires sur la littérature, P. porte sur Clément une appréciation nuancée : «les critiques de M. Clément, quoique trop sévères, et souvent exprimées d'une manière trop dure, n'étaient pas sans utilité» (O., 1809, t. IV, p. 169). Cependant, le résultat ne se fit pas attendre : de 900 le nombre des souscripteurs passa en un an à 200 (Mettra, t. VI, p. 198). C'était la faillite : en juin 1778, les Mémoires secrets indiquent que le Journal français «vient de mourir d'inanition» (18 juin 1778, t. XII, p. l9). Dès le mois de février, Stanislas Fréron écrit : «le journal de P. tombe de plus en plus» ; à cette occasion, Fréron fit même une épigramme (Balcou, p. 388 et 389). Après la faillite du Journal français, Panckoucke réunit ce privilège à ceux de l'ancien Mercure, du Journal de littérature et de politique, du Journal des Dames pour créer le nouveau Mercure de France (La Harpe, t. II, p. 250-251). On peut avoir une idée de l'étendue de la collaboration de P. au Journal français en confrontant ce périodique avec le tome VIII de ses Oeuvres en 1777. Ce tome VIII a vu le jour en 1779. La plupart du temps, le texte de l'édition des Oeuvres est très différent de celui du Journal français.

Voici une liste de ses articles : n° 1, t. I, p. 1 : «Lettre aux auteurs du Journal français sur le livre De la législation ou Principes des lois de M. l'abbé de Mably» (O., 1777, t. VII, p. 299). – n° 1, t. I, p. 24 : «Sur le poème De la nature de Lebrun» (O., 1777, t. VII, p. 299). – n° 1, t. I, p. 29 : «Précis historique sur la vie et les ouvrages de M. Fréron». – n° 2, t. I, p. 70 : «Le Malheureux imaginaire, comédie en 5 actes par Dorat» (O., 1777, t. VII, p. 324). – n° 4, t. I, p. 169 : «Réponse de P. aux n° 34 et 35 de L'Année littéraire». – n° 5, t. I, p. 231 : «Nouveau fragment du poème De la Nature de Le Brun». – n° 7, t. I, p. 321 : «Les Prôneurs ou les Tartuffes littéraires», de Dorat (O., 1777, t. VII, p. 341). – n° 12, t. II, p. 185 : «Lettre aux auteurs de ce journal par un amateur de l'Académie royale de musique» (sur Céphale et Procris) (O., 1777, t. VII, p. 381). – n° 17, t. III, p. 1 : «Histoire du Cardinal de Polignac» (O., 1777, t. VII, p. 357). – n° 18, t. III, p. 13 : «Les Noces patriarcales, poème en prose» (O., 1777, t. VII, p. 377). – n° l9, t. III, p. 206 : «De la sensibilité par rapport aux drames, aux romans et à l'éducation par M. Mistelet» (O., 1777, t. VII, p. 374). – n° 20, t. III, p. 175 : «Nouvelle bibliothèque d'un homme de goût».

VII. Journal de Paris : nombreuses lettres à partir de 1782.

VIII. Divers : P. a également donné quelques articles dans : Journal de politique et de littérature, 5 juin 1778. Voir O., 1777, t. VII, p. 57-61 : «Lettre de P. à La Harpe». – Lettres sur quelques écrits de ce temps, 1753-1754. – Mercure de France : «Lettre à l'auteur de la notice historique et critique sur les ouvrages de Cl. J. Dorat», 30 sept. 1780, p. 234-237. Après 1789, il a collaboré à deux journaux : La Chronique de Paris : Lettre de P. (à propos des femmes qui ne se comportent pas en citoyennes, faute d'éducation), 16 avril 1791. – Lettre de P. (à propos du chahut lors de la représentation de Henri VIII de M.J. Chénier), 4 mai 1791. – À cela, il faut ajouter des lettres dans les numéros des 28 fév., 20 juil., 1er août, 9 août 1790 et des 9 fév., 10, 12 et 15 mai, 5 et 8 juil., 29 sept., 27 nov. 1791. – La Décade philosophique, littéraire et politique, l0 floréal an II, 30 fructidor an XII (29 avril 1794 - 17 sept. 1804) : Sur l'ouvrage de P. Patte, Les Véritables jouissances d'un être raisonnable sur son déclin, 30 ventôse an V, p. 552-553. (Régaldo, t. V, p. 799). – Lettre ouverte à l'Institut, 30 nivôse an VI, p. 139-144. Dans cette lettre, P. se défend d'être anti philosophe (ibid.). – Sur Le Réveil d'Adam, hiérodrame de F. Nogaret, 10 floréal an XIII, p. 236-237 (t. II, p. 546). «Les articles donnés à la revue par P. sont tous littéraires et peu compromettants» (t. V, p. 799).

7. Publications diverses

En dehors des ouvrages cités, on consultera la liste des oeuvres de P. dans F.L., dans Cior 18, n° 48761-48819 et dans Brenner, n° 9589-9605. Dom Calmet signale que P. en 1751 devait «donner incessamment au public» un opéra intitulé Oedipe (p. 709). L'édition de 1788 de ses Oeuvres fut particulièrement soignée par P. : non seulement on y trouve «environ 800 vers nouveaux», mais encore l'auteur l'a revue et corrigée avec tout le soin possible» (n.a.fr., 1391, f° 11). Concernant l'édition des Oeuvres des grands auteurs, P. avoue qu'il est «plus content de [son] travail pour le grand Corneille» (1801, 12 vol.) que pour l'édition de Voltaire (B.N., Rothschild, A XVIII, t. VIII, p. 439). Il dit avoir l'intention de faire une édition des Oeuvres de Molière, de Boileau et de Racine (ibid.).

8. Bibliographie

C.L., M.S. ; F.L. 1769, t. I, p. 336-337 ; H.P.L.P., t. III, p. 86-87 ; t. V, p. 138. – Mettra, Correspondance sexcrète, 1787-1790, t. IV, p. 53-54, 57-58, t. VI, p. 198, 236. – (A.V.P.) Archives de la Ville de Paris : V 2E 8118, 8129, 11237, 11130, V 5E. – A.D. Meurthe-et-Moselle : B 164, 215, 217, 233, 1600, 1613, 1633, 1718, C 726, 751, H 2783, 2799. – A.N., A.A. 48 (1380), AD IX 548, D XXXVIII, V, 69, F17 3198, 3491, Y 412, f° 244 v. ; 416, f° 195 v. ; M.C. des Notaires : t. II, p. 778, 824 ; t. VI, p. 889 ; t. VIII, p. 1347 ; t. X, p. 796, 797 ; t. XIX, p. 938. – Ars. ms. 2759, copie du Cercle ; 6490, an IX-1810, f° 277-285, lettre de P. – Inst. ms. 1271, f° 41-43, lettres à P.M. Hennin, résidant à Genève. – B.N. : f.fr. 22191, f° 228 r., n.a.fr., 1393, f° 11-18 (lettres à Barbier), n.a.fr. 14300, f° 197-200 ; 15552, f° 192-193 ; 24334, f° 427-428 ; 24335, f° 415-436 ; 24338, f° 41-46 ; 24340, f° 143-144 ; 25146, f° 160-163, Rothschild A XVIII, t. VIII, p. 435, 436, 438, 439. – (O., 1763) P., Oeuvres, 1763, 3 vol. – (O., 1777) P., Oeuvres, 1777-1779, 7 vol. – (O., 1809) P., Oeuvres, 1809, 6 vol. – Journal encyclopédique, 1760, t. V, iii, p. 116 ; 1768, t. III, iii, p. 76-88 ; 1769, t. III, iii, p. 400-417 ; 1770, t. IV, p. 239-252 ; 1781, t. VIII, p. 474-477. – (A.L.) L'Année littéraire, 1760, t. I, p. 59-66, t. VII, p. 158-168 ; 1771, t. II, p. 3-29 ; 1776, t. VII, p. 217-240 ; 1778, t. V, p. 244-268. (références concernant ses activités de journaliste). – Le Moniteur, passim. – Alocco-Bianco L., «Charles Palissot de Montenoy : una paura riflessa», dans Ragioni dell'Anti-illuminismo, éd.. L. Sozzi, Alessandria, Ed. dell'Orso, 1992. – Balcou J., Le Dossier Fréron, Genève, 1975. – Brûlé, A., La Vie au XVIIIe siècle. Les gens de lettres, 1929. – Calmet Dom A., Bibliothèque lorraine, Nancy, 1751, In olio. – Chevrier Fr. A., Mémoires pour servir à l'histoire des hommes illustres de Lorraine, Bruxelles, 1754, t. II, p. 282-286. – Conseils de lanternes ou la véritable vision de Charles Palissot, 1760, p. 9. – (D) Delafarge D., La Vie et l'oeuvre de Palissot, 1912. – Douais abbé C., «Palissot et Castilhon», Revue des Pyrénées, 1897, t. IX, p. 225-252. – Etat nominatif des pensions sur le trésor royal, imprimé par ordre de l'Assemblée Nationale, 1789-1790, 3 vol. – Favier J., Table alphabétique des publications de l'académie de Stanislas (1750-1900), Nancy, 1902. – Feletz C.M., «Palissot de Montenoy» dans Jugements historiques et littéraires», 1840, p. 138-148. – Franklin A., Histoire de la Bibliothèque Mazarine, 1860. – Grégoire H.B., Histoire des Sectes religieuses, 1814. – Guénot H., Le Personnage du Philosophe, au théâtre, entre 1750 et 1772, thèse, U. de Paris III, 1982. – Guillaume J., Procès-verbaux du Comité d'instruction publique de la Convention Nationale, 1894. – Journal royal, 19 octobre 1814. – La Chesnaye Desbois et Badier, Dictionnaire de la Noblesse, 1869, t. XV, p. 361-362. – La Condamine C.M. de, Les Quand, 1760. – La Harpe J.F. de, Correspondance littéraire, 1801-1807, t. II, p. 40-41, 50, 250-251 ; t. V, p. 134-135, 166, 356 ; t. VI, p. 42. – Lepage H., Les Archives de Nancy ou Documents inédits relatifs à l'histoire de cette ville, Nancy, 1865. – Manuel L.P., La Police de Paris dévoilée, an II, t. I, p. 87-88, 113-115. – Mathiez A., La Théophilanthropie et le culte décadaire, 1904, p. 170. – Meneval C.F., Mémoires pour servir à l'histoire de Napoléon Ier, 1894, 3 vol. – Morellet A., Mémoires, 2e éd., 1822, t. I, p. 89 et suiv. – Régaldo M., La Décade philosophique, 1976, 5 vol. – Revue rétrospective, 1838, p. 371-378, «Palissot et la Comédie française» (Arsenal Rf 12530). – Richard C.L., Avis très doux, très sages, très importants, très salutaires, très nécessaires et très chrétiens aux auteurs du Journal soi-disant français, 1777. – Sabatier de Castres, A., Les Trois siècles, 1781, t. III, p. 438-449. – (S1) Saintville G., «Lettres de jeunesse de Palissot» dans Mélange Huguet, 1940, p. 336-347. – (S2) Id., «Un chapitre des rapports entre écrivains et libraires au XVIIIe siècle. Palissot auteur», Bulletin du Bibliophile, 1947, p. 373-387. – (T.M.) Table des matières [...] contenues dans les P.V. des séances des deux conseils formant le Corps législatif depuis le 14 prairial an V jusqu'au 30 floréal an VI, an X, t. II, p. 268. – Voltaire, Correspondence, éd. Besterman, D 8894, D 9128, D 6608, D 21058, D 13951, D 20501, D 20553. – Zeek, C.F., «Palissot and Voltaire », Modern language Quartely, t. X, 1949, p. 429-437.

9. Additif

Opinions : Olivier Ferret a donné, dans la collection « Lire le XVIIIe siècle », dirigée par Henri Duranton, une édition critique des Philosophes « et autres textes » (Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2002), qui fournit un dossier très complet sur l’affaire : circonstances de la représentation donnée le 2 mai 1760 à la Comédie française, personnalités visées, échos immédiats et guerre des pamphlets. La querelle a donné lieu en effet à de nombreuses satires et parodies, qui se répondent pendant quelques mois de l’année 1760 et forment collection : critique de la pièce et de la cabale sous le titre Les Philosophes manqués ; Les Quand adressés au Sieur Palissot, qui touchent à la carrière et à la vie scandaleuse de Palissot ; La Vision de Charles Palissot de Morellet ; la Lettre du Sieur Palissot [...] au Public ; Les Qu’est-ce ?, qui reprennent les accusations portées contre les épisodes scandaleux de la vie de Palissot ; Le Petit Philosophe, comédie donnée aux Italiens le 14 juillet 1760 ; Les Originaux, ou les fourbes punis, parodie non représentée ; Les Philosophes de bois, parodie représentée au théâtre des marionnettes le 20 juillet, 1760, etc. O. Ferret donne une bibliographie très complète des textes polémiques publiés dans le cadre de la querelle.

Bibliographie : Ferret O., La comédie des Philosophes et autres textes, P.U. Saint-Etienne, 2002 (J.S).

PAHIN DE LA BLANCHERIE

Auteurs

Numéro

612

Prénom

Claude

Naissance

1751

Décès

1811

Claude Mammès Pahin de La Blancherie est né à Langres, non pas le 29 décembre 1752, (B.Un. ; F.L. ; N.B.G.)., mais bien le 29 décembre 1751 (reg. par. Saint-Pierre et Saint-Paul, Langres). Voir accessoirement La Porte (F.L., t. III, p. 112) et Des Essarts (t. I, p. 270). Le père de P., Jean Baptiste Pahin de Leuchey serait né à Saint Vallier (Drôme) en novembre 1711 (BH), «Conseiller d'épée au Bailliage et Présidial de Langres» (H., f° 907), puis «Commissaire aux Saisies réelles du Bailliage de Langres (BH).

2. Formation

Orphelin de père, P. a reçu les premiers éléments de son éducation, «le rudiment», de l'abbé Reffroignet (Ext., t. I, p. 273, note b), puis a suivi les cours du Collège de Langres où il eut notamment pour professeur, «en troisième», L.M. Chaudon, l'auteur d'un Anti-dictionnaire philosophique, 1775 (Ext., t. II, p. 2, n. b). Rien n'indique, comme le fait la N.B.G., que «le jeune homme n'acheva pas le cours de ses études». Vers 1771 1772, P. suivit, à Paris, «les cours des plus célèbres professeurs» (B.Un.), sans doute ceux de Capperonnier, professeur de grec au Collège royal, qu'il a bien connu (Ext., t. II, p. 227-228, n. a), au moins depuis 1774 (Montaigne, Voyages, éd. de 1774, t. I, p. CVII). Ensuite, entre l772 et 1776, P. est probablement allé étudier le droit à Orléans (L.R., t. III, p. XXX), en tout cas, il aurait «suivi le barreau» (R1., t. II, p. 161). P. est, en grande partie un autodidacte (Ext., t. I, p. 6 et L.R., t. III, p. 364) ; il a «beaucoup lu» (R2, t. II, p. 160). Enfin, différents voyages de jeunesse ont dû compléter utilement sa formation qui pèche cependant par une méconnaissance des langues modernes : l'anglais et l'allemand (N.R.L.A., 8 sept. 1787, p. 365, note n° 3, et 10 oct. 1787, p. 384). En 1785, P. aurait refusé d'être associé à l'académie de Lyon (BC, t. XIX, p. 251-252). Les contemporains de P. sont très partagés sur ses qualités intellectuelles : Brissot, dans ses Mémoires, évoque «la médiocrité de son esprit» (t. I, p. 191), tandis que Mme Roland remarque qu'il «paraît avoir [...] beaucoup d'amour pour les lettres et les sciences, de l'esprit et du savoir» (R1, t. III).

3. Carrière

P. fit d'abord un voyage à Saint-Domingue (Ext., t. I, p. 324, 351 353), dont il semble revenu en 1768 (ibid., t. I, p. 3, 5, et t. II, p. 5). Selon la N.B.G., il serait parti aux «Isles», croyant y «trouver des moyens infaillibles de fortune» et poussé par ses parents (Ext., t. I, p. 6). P. a échoué dans cette tentative, et «témoin de la traite des nègres, [il] avait conçu pour cet infame trafic une horreur dont il faut lui savoir gré» (M.B., t. I, p. 191 192). De retour d'Amérique, P. fait un séjour à Bordeaux (Ext., t. II, p. 16), passe à Rouen, revient à Bordeaux vers 1770 (lettres IX à XII de l'Ext.). De là, il fit un séjour à Toulouse, puis arrive à Montpellier (Ext., t. II, p. III-IV).

Une lettre de Mme Roland signale que P. est à Paris en novembre 1773, mais il est probable qu'il s'y est installé dès 1772. Il fait ensuite, un voyage en Italie avec un «Seigneur», dont on ignore le nom, probablement en qualité de secrétaire, de l'automne de 1773 à la fin du mois de mai 1774 (R1, t. III. p. 169, 197). De nouveau à Bordeaux en 1773 ou 1774, P. collabore à l'édition des Voyages de Montaigne (éd. de 1774, in 12°, 2 vol., t. I, p. CVII CVIII), puis fait un assez long séjour à Orléans d'avril à la fin d'octobre 1775 (R2, t. II, p. 162, et surtout L.R., t. III, p. 286, 322, 334) ; ce séjour est lié à l'impression de l'Extrait et à un projet d'établissement dans cette ville (R2, t. III. p. 535). Les voyages qui suivent cette première période sont tous en rapport avec les activités de la Correspondance. Tout d'abord un voyage en Flandre et en Hollande de septembre au début de novembre 1782 (Journal de Paris, 23 août 1782, 961, et 30 juil. 1785, 872, voir aussi Mercure, nov. 1782, p. 133). En 1783, P. fait un séjour à Rouen (N.R.L.A., 1786, 3), puis, l'année suivante, il visita probablement Londres (BC, t. XIX, p. 220). Un voyage en Suisse, en Alsace, en Allemagne, de nouveau en Hollande, marque l'été et une grande partie de l'automne de 1785 (Journal de Paris, 30 juil. 1785, 872), tandis que Genève, le Pays de Vaud, Berne, Neufchâtel font l'objet d'un autre séjour de juillet à la fin de septembre 1786 (N.R.L.A., 30 avr. 1788, 144, 16 juil. 1788, 233, en outre lettre du Chevalier d'Eon à P. du 25 juil. 1788, et réponse de celui ci du 30 juil., Ars., ms. 9041, f° 21, v° et f° 29). P., voyant que l'Etablissement de la Correspondance ne pouvait survivre en France, est parti définitivement à Londres pour tenter de l'organiser dans cette capitale, mais en vain. Avant de partir, à la fin de 1788 ou au début de 1789, il avait présenté un mémoire sur son Etablissement aux Etats Généraux (C.L., nov. 1788, t. XV, p. 351).

4. Situation de fortune

P., comme nous l'avons noté, aurait suivi «le barreau» et aurait eu «le projet d'acheter quelque charge de magistrature», car les revenus de «sa légitime» lui paraissaient trop insuffisants pour s'installer (R2, t. II, p. 151 et R1, t. III, p. 169). Ces projets restèrent lettre morte. La situation de fortune de P. a toujours été médiocre. Après le décès de son père, il décrit «les affaires délabrées d'une famille désespérée», aidée par l'abbé Reffroignet qui s'est dévoué pour «aller chez le procureur, chez les créanciers [et] lire les paperasses» (Ext. t. I, p. 273, n. b). A son retour des Antilles, où il tenta vainement de faire fortune, . est à Bordeaux où, «manquant de ressource», il est aidé par plusieurs personnes «qui l'ont comblé d'amitié et de bienfaits dans [ses] malheurs» (Ext., t. II, p. 16, 33 35). Son manque de fortune a été, de plus, l'une des causes de l'échec de son projet de mariage avec Mme Roland (R1, t. III. p. 269, 197, 340, 535), tandis qu'on le soupçonnait de «courir les dots», d'où son surnom d'«amoureux des onze mille vierges» (R2, t. II, p. 234). L'Etablissement de la Correspondance n'a pas, non plus, enrichi P. Les M.S. donnent le local de la Société comme étant «un galetas» (13 juin 1778) et l'abbé Mulot note que, sans celle-ci, P. «mourrait de faim» et que même «on l'a vu dans ce cas» (Mulot, p. 63). D'ailleurs, dans une lettre à d'Angiviller du 29 novembre 1779, il écrit : «On ne met de pot au feu que tous les deux ou trois jours, et j'ai appris tout mon monde à vivre ainsi que moi, le soir de pain et de fromage» (A.N., O1 1915, f° 10, 2e feuillet). Mais au début de février 1786, tout semble s'arranger, car la Correspondance est maintenant installée dans «un superbe hôtel» ; P. écrit : «je fais entretenir un carrosse, des chevaux, des secrétaires, des valets de chambre» (M.S., 4 fév. 1786). En réalité dès 1780, «ses créanciers le poursuivent» (ibid., 8 mai 1780) et, en novembre 1786, P. «a été obligé de mettre la clef sous la porte et de s'enfuir, en laissant pour environ quarante mille livres de dettes (ibid., 21 nov. 1786). De 1789 à 1791, passé à Londres, il vit assez pauvrement dans «une maison de peu d'apparence et presque abandonnée», dont les «appartements» étaient «délabrés» (B.Un., N.B.G.). Un jour, il découvre que cette maison avait appartenu à Newton et annonce avec fracas sa trouvaille, ce qui lui vaut la protection du duc de Buccleugh qui lui obtient une pension du Gouvernement anglais (E. Jolibois, La Haute Marne ancienne et moderne 1858).

5. Opinions

En dehors de l'amitié de L.M. Chaudon et de J. Capperonnier, P. pouvait se prévaloir de celle de Greuze (R1, t. III, p. 332, et Ext., t. II, p. 143, note a), de celle du chevalier d'Eon, avec lequel il a été en contact à Londres en juillet 1788, et qui, dans une de ses lettres, l'appelle «Mon cher La Blancherie» et le complimente sur sa «charité», son «zèle» et son «intelligence» (25 juil. 1788, Ars., ms. n° 9041, f° 31). Enfin, P. s'intéressa de près à la future Mme Roland : à l'automne 1775, il vient faire ses visites (R2, t. II, p. 233) ; il est particulièrement bien apprécié (R1, t. III, p. 362). Cependant P. n'avait pas d'«état», d'où l'opposition du père, et s'en fut courtiser les filles du chirurgien Bordenave (R2, t. II, p. 324) : c'est la rupture (R1, t. IV, p. 123 et M.R., t. II, p. 233). P. s'est occupé des affaires publiques : il assista à l'Assemblée des notables (N.R.L.A., 28 fév. 1787, p. 105). Dans l'Extrait, il dresse le portrait d'un Roi vertueux, sensible, attentif aux joies de la famille, expression et témoin de la Nation, avec une référence spéciale à Louis XVI (t. I, p. 222, note a et p. 227). Dans le même livre, P. propose une critique de la Société d'inspiration rousseauiste (t. I, p. 100-102, 177, 133). P. fut le promoteur d'un établissement en avance sur son temps, «La Correspondance générale pour les Sciences et les Arts», qui, de 1777 à 1788, a tenté de mettre en contact les savants et les artistes de l'Europe entière. Ce projet fut approuvé par l'Académie des sciences, mais subit l'ironie facile du Petit Almananch de nos grands hommes de Rivarol (Œuvres Complètes, 1808, t. V, p. 38-40). A partir de 1782, la Correspondance s'est dotée de nouvelles fonctions : pédagogiques (pour les jeunes artistes), sociales (aider les artistes en difficulté et professionnelles (leur trouver un emploi). Au service de cet idéal, une organisation administrative fut créée en 1782, et remaniée en 1786. Les Nouvelles de la République des Lettres et des Arts, faisaient part des dernières nouveautés et, dans un Supplément, rendaient compte des discussions tenues à l'Assemblée, rappelaient les oeuvres d'art exposées, et diffusaient les questions particulières déposées au Bureau de correspondance. Malgré ses «Membres bienfaiteurs» (Monsieur, Maurepas, Talleyrand, Tressan), ses «Membres honoraires» (Condorcet) et les efforts de P. (A.N., 01 1915, f° 186 ; O1 1917, f° 220 et f° 263 ; O1 1920, f° 106), la Correspondance ne put obtenir de statut officiel, à cause de l'hostilité de d'Angiviller (A.N., 01 1917, f° 264 et f° 320 et O1 1935, f° 12). A Londres, en 1791, P. se chargea de la restauration de la maison de Newton «comme [d'] un monument de sa reconnaissance pour la noble hospitalité que les Anglais accordaient aux Français émigrés» (B.Un., N.B.G.). En 1796, il proposa la création d'une autre société littéraire, les Newtoniens, qui aurait eu pour objet de célébrer et d'animer le culte en l'honneur de Newton (BC, t. XIX, p. 249-250).

6. Activités journalistiques

Nouvelles de la République des Lettres et des Arts, Paris, 1777, 1779 1788, 9 vol. (D.P.1 1018). Ce périodique fait partie intégrante de la Correspondance génerale et constitue le troisième moyen de communication entre Savants et Artistes imaginé par P. Un passage des N.R.L.A. (25 juil. 1781, p. 17) et un article du Courier de l'Europe (19 juin 1781, p. 387) indiquent respectivement que ce sont «cinq» ou «six» «savants» qui se chargent de la composition du périodique. Brissot y a collaboré pour «quelques articles» en 1780 1781 (Brissot, t. I, p. 191). En 1786, pendant quelques semaines, ce sont, entre autres, Blin de Sainmore, Carra, Dulaure, Mallet du Pan, qui apportent leur concours aux N.R.L.A. (Réglement de la Correspondance, début de 1786). Quant à P. lui-même, il fait savoir qu'en 1781 «il n'est nullement chargé de la rédaction de [la] feuille» (N.R.L.A., 25 juill. 1781, p. 17). Ce n'est que plus tard, de novembre 1785 à mars 1786, qu'il est attesté qu'il est le principal et, en fait, le seul rédacteur des N.R.L.A. (12 mars 1786, p. 142). Il reprend ce travail en avril 1786 et le poursuit en octobre 1787 (N.R.L.A., 5 avr. 1786, p. 166, n. 1 et 10 oct. 1787, p. 384-388). A la fin de 1787, P. annonce qu'il «se propose de diriger la Feuille» : et, sans doute, en écrit-il la plus grande partie au début de 1788 (N.R.L.A., 21 nov. 1787, p. 436, n. 1).

7. Publications diverses

Liste des ouvrages de P. : Correspondance générale sur les Sciences et les Arts, Paris, 1779. – De par toutes les Nations, Londres, 1796. – Essai d'un tableau historique des Peintres de l'Ecole françoise, depuis Jean Cousin, en 1500, jusqu'en 1783 inclusivement, Paris, Bureau de la Correspondance et Knapen, 1783. – Extrait des registres du Conseil d'administration de la Correspondance générale et gratuite pour les Sciences et les Arts, Paris, 1785. – Extrait du Journal de mes voyages, ou Histoire d'un Jeune Homme, pour servir d'Ecole aux Pères et Mères, Paris, Frères Debure ; Orléans, Veuve Rouzeau Montaut, 1775.

P. eut aussi l'intention de rédiger plusieurs comédies, dont Arlequin Gouverneur d'un Enfant de qualité, Arlequin Père de famille (Ext. t. II, p. 104-105). Il s'est proposé également de composer une suite de l'Extrait intitulée l'Histoire d'une jeune demoiselle (ibid., p. 54, n. a) et un autre ouvrage intitulé De l'Homme ou Système général et complet d'Education, d'inspiration rousseauiste (Ext., t. I, p. 87-88, et t. II, p. 54, 227, n. a, p. 236). A partir de ses multiples déplacements en province : Voyages en France, «ouvrage pour servir à l'Histoire générale et particulière des Moeurs des Français». Enfin Bellier de La Chavignerie note que P. «mourut sans avoir pu faire imprimer ses recherches sur Newton» (t. XIX, p. 251).

8. Bibliographie

B.Un, D.L.F., F.L., B.H.C., N.B.G. – M.S. : 13 juin 1778, t. XII, p. 20 ; 8 mai 1780, t. XV, p. 154 ; 4 fév. 1786, t. XXXI, p. 78-79 ; 21 nov. 1786, t. XXXIII, p. 171. – B.V. Bordeaux : ms. 829, deux lettres de P. au Président du Musée de Bordeaux, 2 fév. et 12 avr. 1788. – A.D. Haute-Marne Chaumont, : reg. par. St Pierre et St Paul, Langres, 1751, f° 42-43 ; (BH) notices du Baron de l'Horme (1871-1946) consacrées aux familles les plus connues de la région de Langres, famille Pahin, cotées 22 J 8. – Ars., ms. 9041, f° 21-28, deux lettres de P. au chevalier d'Eon, 20 et 31 juil. 1788. – A.N., O1 1915, f° 9-12, p. 185 187, notamment f° 10, lettre signée P.L.B. du 29 nov. 1779, et f° 185, lettre du 6 juil. 1778 ; 01 1917, f° 220-221, 263-264, notamment f° 263, lettre de P.L.B. à d'Angiviller ; O1 1920, f° 106. – (Ext.) P., Extrait du Journal de mes voyages, 1775, 2 vol. – Journal de Paris ou Poste du Soir. – (N.R.L.A.) Nouvelles de la République des Lettres et des Arts. – (BC) Bellier de La Chavignerie E., «Les artistes français du XVlIIe siècle oubliés et dédaignés. Pahin de La Blancherie et le Salon de la Correspondance», Revue universelle des Arts, t. XIX, avril septembre 1864, t. XX, octobre 1864 mars 1865, t. XXI, avril septembre 1865. – (H) Hozier L.P. d', Armorial général ou Registre de la Noblesse de France, réédition, Ed. du Palais Royal, 1970. – Mulot J.M., abbé Valentin, Journal intime, éd. M. Tourneux, Mémoires de la Société de l'Histoire de Paris et de l'Ile de France, t. XXIX, 1902, p. 19 124. – (R1) Roland M.J., Lettres de Mme Roland, éd. C. Perroud, Paris, 1900 1915, 4 vol. – (R2) Id., Mémoires, éd. C. Perroud, Paris, 1905. – Brissot de Warville J.J., Mémoires (1754 1793), éd. C. Perroud, Paris, s.d. [1911]. – Guénot H., La Blancherie (1751 1811), la Correspondance générale et les Nouvelles de la République des Lettres et des Arts, mémoire de maîtrise, U. de Paris I, 1981.

MARS

Auteurs

Numéro

552

Prénom

Simon

Naissance

1724

Décès

1811

Simon Pierre Mars est né le 26 octobre 1724 à La Rochelle de Simon Mars, avocat au Parlement et Siège présidial de La Rochelle et de Jeanne Mazoûé (B.M. La Rochelle, reg. par.). II est mort à Paris le 5 janvier 1811 (A.V.P., V2E 11040); la date de 1787 fournie par Quérard (F.L., t. V, p. 560) est erronée. M. avait épousé Anne Fageon, puis, devenu veuf, Françoise Filon (ibid.) avec laquelle il eut un fils, Gabriel Simon, né le 21 septembre 1783 (ibid., V2E 564).

3. Carrière

M. était avocat au Parlement de Paris. Avant 1775, il avait été «avocat aux Conseils du Roi» et «Conseiller au Conseil Souverain» du duc de Bouillon (G.T., 1775,1.1, page de titre). En 1775, M. habite rue Pierre Sarrazin (G.T., 1775, 1.1, p. 2), puis, à partir du 15 mars 1779, rue Saint Jean de Beauvais, «vis à vis le Collège», où il occupe un appartement de la maison de Bertrand, procureur au Parlement (ibid., t. VII, p. 144). En 1782, il demeure «rue et Hôtel Serpente» (ibid., t. XIII, p. 416), l'année suivante, rue Mauconseil (A.V.P., V2E 564), en 1786 rue de La Harpe «vis à vis la rue Serpente» (G.T., t. XXII, p. 2), enfin en 1811, «petite rue d'Ivry» (A.V.P., V2E 11040).

4. Situation de fortune

Avant la Révolution, M. avait quelques revenus qui lui procuraient une «existence honnête». Il jouissait des bénéfices qu'il dégageait de l'exploitation de la Gazette des Tribunaux, d'un «traitement» sur le Moniteur. En outre, M. avait «quelques rentes sur particuliers» et 280 £ de rente sur l'Etat (A.N., F ldn M4). Mais vers 1795 sa situation financière s'est considérablement dégradée: la G.T. a cessé de paraître, sa pension sur le Moniteur a été «supprimée», «les particuliers l'ont remboursé en papier», et il y a «deux ans» qu'il ne touche plus sa pension sur le trésor. Aussi bien M. n'a-t-il plus «aucune ressource», et vers 1803, il en est même «réduit [...] à demander un emploi quelconque et sa position est telle qu'il ne repoussera aucuns moyens qui pourront le faire subsister lui et son fils âgé de vingt ans et demi» (ibid.).

5. Opinions

M., sur le plan idéologique et littéraire, est un homme de tradition. Commentant en 1785 Y Eloge de Louis XIV par Racine et Boileau, fidèle à un idéal classique, M. écrit que «le secret d'un pareil sceau est perdu» (G.T., t. XX, p. 111). De même, en 1781, lorsqu'il rend compte de la parution d'un volume du Journal de Monsieur de l'abbé Royou et de Geoffroy, il souhaite qu'ils ne contribuent « pas peu à arrêter, s'il est possible, l'entière décadence du goût» (ibid., t. XI, p. 172).

Attaché aux principes religieux, la Philosophie sociale de Rosoi lui paraît être un bon livre, dans la mesure où l'auteur, «bien différent de la plupart de nos auteurs modernes», défend des «préceptes» qui «sont toujours d'accord avec ceux de la Religion» (ibid., 1783, t. XVI, p. 366-367). Et de fait, quand M. évoque la brochure anti-philosophique de l'abbé P.J.M. Chasles, Timante ou Portrait fidèle de la plupart des écrivains du dix-huitième siècle (1785), il conclut que l'auteur a «conservé, malgré l'épidémie du siècle, des principes sûrs, des opinions saines, et une éloquence vive et facile» (ibid., t. XX, p. 253). Cela dit, on ne sera pas surpris que M. qualifie Fréron de « critique fameux que l'ignorance voudrait rayer des fastes de la littérature» (ibid., t. II, p. 373) et que L'Année littéraire soit « cet ouvrage que le discernement et le goût distinguent de beaucoup d'autres du même genre», où l'on défend «les bons principes en Morale comme en Littérature» (ibid., t. VIII, p. 400; t. XI, p. 141 ; t. XII, p. 381).

M. était protégé de l'avocat général A.L. Séguier, «sous les auspices duquel» il a publié la G.T. (M.S., 21 août 1775). Plus tard, en 1788, la G.T. paraît sous la protection de Hérault de Séchelles (t. XXV, p. 3-4 ; Dard, p. 64, 66).

6. Activités journalistiques

M. a été le créateur et le seul rédacteur, semble-t-il, de la Gazette des Tribunaux (G.T.), «contenant les nouvelles des Tribunaux, la Notice des Causes, Mémoires & Plaidoyers intéressans, des Livres de Langue, de Droit, de Jurisprudence, & de tout ce qui peut avoir quelque rapport à la Magistrature, à l'Eloquence & au Barreau, &c, &c. », Paris, Le Jay, 1775-1790, 30 vol. (voir Dupin, n° 1305; Camus, t. II, p. 266, n° 868; D.P.i 550). B.H.C. signale que la G.T. a paru dès novembre 1774; il doit s'agir du Prospectus que nous n'avons pu voir.

M. a collaboré à La Gazette Nationale ou le Moniteur Universel par deux fois, au moins. Le 4 avril 1790, il a rédigé un article sur une affaire d'usurpation de qualité de noble (t. IV, p. 28), et le 7 avril suivant, un autre article sur une affaire d'infanticide (t. IV, p. 51). Rappelons que M. était titulaire d'un « traitement » sur le Moniteur.

7. Publications diverses

M. ne paraît pas avoir écrit d'autres ouvrages.

8. Bibliographie

Q.; Ersch, t. II, p. 341; B.H.C; Desessarts, t. IV, p. 298. – A.N., Fid n M4 (s.d., vers 1803). – A.V.P., Etat civil, V2E 564, V2E 11040. – B.M. La Rochelle: Délayant L., Biographie rochelaise, t. III (ms. 355-358) ; Jourdan E., Recueil de notes biographiques, t. III (ms. 350-354); Id., Mémoires biographiques, «Mars» (ms. 319) ; reg. par. Saint-Barthélemy, acte de baptême. – B.N.: Dossiers bleus 672, f° 110-117, G.T. du 11 août 1777; fonds Joly de Fleury 479, f° 29, G.T. n° 12, févr. 1776, et 504, f° 336, G.T., janv. 1778, f° 1-64. – M.S., 21 août 1775, t. XXXI, p. 315; 28 janv. 1785, t. XXVIII, p. 77. – Camus A.G., Lettres sur la profession d'avocat, Paris, 1818. – Dard E., Hérault de Séchelles, Paris, 1907.– Dupin J.J., La Profession d'avocat, Paris, 1832.