GRACE

Auteurs

Numéro

355

Prénom

Thomas

Naissance

1714

Décès

1799

Thomas François de Grâce, est né à Paris en 1713 (D. B. F.) ou en 1714 ; il y est mort le 28 novembre 1798 (D.B.F.). Il était fils d'un capitaine au régiment irlandais de Clare. Son nom est aussi orthographié «Grasse» ou «Gratz» (Bibliographie parisienne).

2. Formation

Il servit quelque temps dans le même corps que son père, mais sans goût pour l'état militaire, il donna sa démission.

3. Carrière

Il revint alors à Paris et y fonda une école privée où il enseigna presque toute sa vie. A part cela, il devint plus tard sous-secrétaire de l'Académie des Inscriptions et censeur royal. Il était en plus auteur et journaliste. «Après avoir rempli ses devoirs, il partageait ses loisirs entre l'étude et la culture des fleurs, qu'il aimait avec passion» (B.Un.), ceci explique son intérêt pour l'agriculture.

4. Situation de fortune

Quand la Révolution éclata, il perdit sa place au moment où il allait obtenir une pension de retraite, prix de quarante-quatre années de service. D'abord les membres de l'Académie vinrent à son secours. Mais à l'époque de leur dispersion, il tomba dans l'indigence. Il perdit aussi la vue. Le ministre de l'Intérieur lui fit alors payer une gratification annuelle à titre d'ancien censeur.

5. Opinions

G. fut toute sa vie enseignant et se piquait d'être un pédagogue exemplaire. Dans son manuel d'histoire il cherchait une méthode qui pût graver facilement dans la mémoire des jeunes gens l'ordre des temps historiques. Il leur fit faire des extraits des morceaux les plus intéressants : « ce genre de travail leur apprend à écrire d'une manière concise, à bien tourner une phrase, à se servir des expressions propres à la chose, enfin à se fortifier dans l'orthographe» (Tableaux historiques, p. X).

6. Activités journalistiques

De 1766 à 1770 il fut directeur du Journal de l'agriculture, du commerce et des finances, qui devint en janvier 1769 Journal de l'agriculture, du commerce, des arts et des finances (D.P.1 650). Cette institution fut favorisée par le contrôleur général Laverdy. Le journal devrait être consacré «aux vues générales et aux principes» et ainsi servir de supplément à la Gazette de commerce. Les noms d'auteurs n'y figurent pas, sauf pour les comptes rendus des livres nouveaux. G. est mentionné uniquement comme rédacteur. Le journal devient d'abord l'organe de l'école de Quesnay, mais à partir de décembre 1766, se montre hostile aux économistes. Il est alors livré aux partisans du système mercantile. Après 1770, il redevient libéral et favorable aux économistes. Ce serait donc G. qui aurait favorisé les mercantilistes ? G. fournissait également des articles au Journal économique ou Mémoires, notes et avis sur les arts, l'agriculture, le commerce : on y mentionne son nom comme «auteur dans notre genre déjà connu et agriculteur par goût» (Avis des éditeurs, 1772, p. 2). Ce journal fut publié de 1751 à 1772 (D.P.1 729).

Gazette du commerce, de l'agriculture et des finances, cahiers de huit pages in-40, plus deux pages de supplément de juin 1766 à juin 1770, deux fois par semaine. G. en fut le directeur du 21 septembre 1765 à la fin mai 1770. «La Gazette est surtout consacrée aux nouvelles qui intéressent l'agriculture et le commerce : les informations sur les échanges, les prix, les techniques agricoles et aussi les affaires coloniales y sont abondantes» (D.P.1 555).

D'après F.L., reprise par B.Un., G. aurait aussi travaillé au Journal de Verdun pendant trois ans, mais sans qu'on sache à quelle époque. D'après la même source, il est «Auteur du Journal de médecine, auquel il a travaillé pendant dix-huit mois» ; le Journal de médecine, chirurgie, pharmacie, etc. a succédé au Recueil périodique d'observations de médecine en 1758 (D.P.1 1178) ; la participation de G. pourrait se situer vers 1767-1769, si l'on considère qu'il en est encore «auteur» en 1769 d'après F.L, mais selon la Bibliographie parisienne de 1769 (Paris. 1774), «M. de Gratz» était déjà en 1754 rédacteur du Recueil périodique d'observations de médecine (renseignement communiqué par F. Moureau).

7. Introduction à l'Histoire moderne, générale et politique de l'univers, commencée par le baron de Pufendorf, augmentée par M. Bruzen de la Martinière. Revue, considérablement augmentée, corrigée par les meilleurs auteurs et continuée jusqu'en 1750 par M. de Grâce, Paris, 1753-1759, 8 vol. in-40. Aux suppléments de Bruzen de La Martinière, il en a ajouté d'autres tirés des Mémoires de l'Académie des Inscriptions et de quelques écrits de Fréret et du président Hénault. Il avait tout remanié et amélioré la forme. Dans cet abrégé de l'histoire universelle, beaucoup plus étendu, il explique les motifs des grands événements. C'est donc un ouvrage plutôt de G. que de ses prédécesseurs, avec lesquels il n'a en commun que le nom et d'avoir suivi le plan (donner séparément l'histoire de chaque pays). En effet, son abrégé sur l'histoire ancienne constitue plutôt une critique de Pufendorf, dont il relève les erreurs et éclaire certains sujets et discute quelques points difficiles. Sa mythologie se base également sur un nouveau système de recherche. Or, cette édition serait déparée par un grand nombre de fautes typographiques. – « Lettre de M. de Grâce à Mlle ... sur l'Origine de la Monarchie française», Mercure de France, mai 1765, p. 16-38. Ce traité en forme d'une lettre à une jeune fille est divisé en cinq parties : 1) origine des Francs ; 2) étymologie de leur nom ; 3) leurs différentes expéditions jusqu'à Clodion ; 4) leurs établissements dans les Gaules ; 5) discussion sur Pharamond. – Principes de la langue française, Paris, 1789, in-12. – Tableaux historiques, chronologiques de l'Histoire ancienne ; ouvrage élémentaire à l'usage des jeunes personnes des deux sexes, Paris, 1789, in-8°. C'est un récit de toutes les révolutions générales depuis l'Assyrie jusqu'à la chute de Rome. Le volume est composé de cahiers qui font une analyse de son édition de Pufendorf. – Le Jardinier portatif, Liège, 1783, in-8°.

8. Bibliographie

F.L. 1769 ; B.Un. ; N.B.G. ; Feller-Weiss. – Mercure de France, mai 1765.

BONNEVILLE

Auteurs

Numéro

090

Prénom

Nicolas de

Naissance

1760

Décès

1828

Nicolas de Bonneville, fils de Pierre Jean de Bonneville, procureur à Evreux, naquit dans cette ville le 12 mars 1760. Sa famille y habitait depuis des siècles. Il fut confirmé à la cathédrale d'Evreux le 17 avril 1775. Marguerite Brasier devint sa compagne (ils n'auraient pas été légalement mariés) et ils eurent deux fils, Benjamin et Thomas. Celui-ci devint général américain. Mme de Bonneville était allée en Amérique en 1802. Son mari l'y rejoignit après 1814 et y resta jusqu'en 1819. Rentré à Paris en cette année, il y devint bouquiniste, rue des Prés Saint-Jacques.

2. Formation

Il commença ses études à Evreux et les poursuivit à Paris, où il s'enfuit précipitamment, ayant contesté un maître qui critiquait J. J. Rousseau. Il y devint probablement le protégé de d'Alembert. Il étudia notamment la grammaire et les langues vivantes, l'anglais et l'allemand ; il recevait chez lui des Anglais, des Américains et des Allemands. En guise de passe temps il faisait aussi des vers gracieux qui furent la prédilection de la reine Marie Antoinette (Nodier, p. 246). Il lui dédicaça également un volume de contes, imités ou traduits de l'allemand, qui contient ses meilleures pièces dans le genre lyrique, y compris une traduction du monologue de Hamlet que Mallet du Pan jugea supérieure à celle de Voltaire, plus exacte sans être moins littéraire (Mallet du Pan, p. 162). Il publia aussi des imitations de la Bible. Il s'associa à Adam Chrétien Friedel, Allemand d'origine, pour la publication d'un ouvrage de traduction. Le Tourneur se l'adjoignit pour sa traduction de Shakespeare et il travailla longtemps avec Berquin à sa collection étrangère et à l'Ami des Enfants (B.U.C., t. I, p. 535). Il fut aussi l'ami de Thomas Paine, de Kosciusko, d'A. Chénier, de Fontanes, de Roucher, de Rétif de La Bretonne (cf. B.Un.).

3. Carrière

En 1786, il se rendit en Angleterre et y passa quelques mois. Il y fut initié à la franc-maçonnerie et devint membre d'une loge. Ceci devait exercer une grande influence sur sa pensée pendant la Révolution. En 1789 il devint électeur de Paris ce qui entraîna sa participation à la politique municipale. Il proposa la formation d'une garde bourgeoise, qu'approuva Mirabeau (Michelet, t. I, p. 122-123), dont il était devenu l'ami. L'Assemblée nationale accepta cette idée le 13 juillet 1789. Dès la première assemblée des électeurs (devenue ensuite la Commune), il avait crié : «Aux armes». On lui conseilla : «Jeune homme remettez votre motion à quinze jours» (ibid., p. 135). Par une mission en Normandie il assura l'approvisionnement de Paris en blé, ce qui lui valut d'être décoré par le comte de Provence (futur Louis XVIII). Il écrivit une extravagante lettre au roi, en le tutoyant. En octobre 1789, il forma le projet de créer une association destinée à assurer le bonheur de l'humanité, le Cercle social, à tendance maçonnique, dont il resta un des chefs jusqu'à la fin de son existence en 1793. L'activité du Cercle social pourrait être divisée en trois époques : 1) 1798-1790 : un petit groupe discret de quinze ou vingt personnes qui publièrent un journal. 2) 1790-1791 : la confédération des Amis de la Vérité, de 3000 à 6000 membres ; un des plus grands clubs révolutionnaires. 3) 1791-1793 : une compagnie d'édition et d'imprimerie qui publia des journaux et des livres.

La Confédération tâchait de combiner les idées politiques et sociales des philosophes avec les revendications du Tiers Etat. B. et l'abbé Claude Fauchet en étaient les chefs. C. Fauchet s'en alla en 1791 après une querelle avec B. L'orientation se radicalisa après Varennes et devint plus politique, anti monarchique. La confédération fut dissoute après juillet 1791 (massacre du Champ de Mars). En avril 1791, fusion avec les Jacobins. Le Cercle social restait comme maison d'édition et d'impression (Kates, p. 75-175). Mais B. échoua aux élections à la Législative et à la Convention et ne cacha pas son amertume dans ses écrits. Devenu républicain après Varennes, il participa aux manifestations avec les Girondins. En 1793, il attaqua vigoureusement Robespierre et Danton et fut accusé de royalisme par Marat. Il était horrifié par les excès de septembre 1792 et devança A. Chenier dans d'admirables vers contre les assassins (Nodier, p. 245). Il fut arrêté en mai 1793, relâché, puis de nouveau arrêté après l'expulsion des Girondins de la Convention en juin 1793, car il avait publié une protestation contre cette élimination par la force brutale. La section du Théâtre Français voulait le renvoyer aux autres sections, mais cette décision n'eut pas de suite. Thermidor le sauva. B. reprit la plume. Il publiait alors le Bien Informé, auquel Bernardin de Saint-Pierre et L.S. Mercier fournissaient des articles. De son imprimerie sortirent des ouvrages de Laplace et Lagrange (voir B.C.U., t. I, p. 535).

Le Cercle social possédait une imprimerie, rue du Théâtre Français, que B. dirigeait avec L. Reymer. Aucun autre club n'en avait, ce qui lui fournissait les moyens de diffusion dans le pays entier. Fondée en janvier 1791, elle appartenait à des actionnaires. Entre autres, on publia des traductions anglaises et italiennes de la Constitution, on faisait de la publicité et on vendait les ouvrages des plus recherchés du temps : cent quatre-vingts livres, des journaux, pamphlets et pièces de circonstance, entre 1791 et 1793, dont quarante au dépôt légal. C'était, en effet, le premier déposant de cette nouvelle institution de la Bibliothèque nationale. Le Cercle social publia de 1790 à 1793 tous les journaux mentionnés par la suite ci-dessous. J.M. Roland avança 26 000 £ pour fonder l'imprimerie. Comme ministre de l'intérieur, en 1791-1792, il fournit d'autres subsides généreux. Mais avec la chute du parti Girondin, ces fonds se tarirent et l'entreprise fit faillite. Après Thermidor il n'y eut que quatre dépôts légaux en cinq ans (v. Hess, p. 177-178).

Suspect sous le Consulat à cause d'une comparaison de Bonaparte avec Cromwell (dit-on), B. fut remis en prison et y connut Ch. Nodier. Libéré enfin, il fut surveillé sévèrement par la police et privé de moyens de subsistance par la fermeture de son imprimerie. Pendant son séjour à New-York, il fit la connaissance de Washington Irving, qui parle de lui dans son ouvrage sur son fils, le général américain, explorateur des Montagnes Rocheuses. Selon Nodier, B. était «un des hommes les plus élevés d'esprit que la période révolutionnaire ait produit» (ibid., p. 245).

4. Situation de fortune

B. ne semble pas avoir connu de moments de véritable fortune, sauf pendant une brève période à la fin de la Révolution, quand des entreprises industrielles l'eurent enrichi (ibid.). Le plus souvent, il dut vivre de sa plume. Les abonnements des journaux et les droits d'auteur ne lui valurent pas grand'chose, ni l'imprimerie non plus. T. Paine lui légua trente actions de la New York Phoenix Insurance Company, d'une valeur de 1500 dollars, ainsi que la moitié de la rente de la partie sud de sa ferme de New Jersey. Il lui légua également la moitié du produit de la rente d'une autre partie de la propriété (Le Harivel, p. 13). Ceci ne l'empêcha pas de tomber dans l'extrême misère à la fin de sa vie. Une demande collective de A. de Vigny et de Ch. Nodier au ministre Martignac, trop tardive, n'aboutit qu'à payer les frais d'enterrement.

5. Opinions

B. était disciple d'Helvétius, de Mably et surtout de Rousseau, dont il voulait appliquer les principes jusqu'à l'extrême. Fervent lecteur du Contrat social, il en avait accepté le dogme de la souveraineté du peuple. La voix de celui-ci lui sert de juge absolu. Il entrevoit un gouvernement direct par référendum. Le souverain, consistant d'individus, ne peut avoir d'intérêt contraire au leur. A l'instar de Jean Jacques, il revendique aussi une religion civile et laïque, une espèce de panthéisme. L'éducation doit être obligatoire et gratuite. Mais à ces éléments rousseauistes se mêlent des idées illuministes. Michelet le classe avec Fauchet parmi «les mystiques des Girondins» (t. I, p. 1196). Il se lia avec Saint Martin, qu'il édita. Tout en ayant attaqué les théosophes, B. leur doit plus d'une idée. Il en résulta de grandes contradictions dans sa pensée. Même chez ce révolutionnaire on retrouve des vestiges de théocratie. Comme les martinistes, il admet l'enchaînement des êtres ; il croit à la métempsychose (Viatte, p. 264). Avec L.S. Mercier, il admet des migrations interstellaires. Comme Saint Martin, il exige le partage des terres. En outre, il revendique la communauté des femmes. Il rêve d'une société régénérée d'où serait bannie l'injustice et où chacun pourrait développer ses aptitudes physiques et morales.

6. Activités journalistiques

Le Tribun du Peuple, mi mai-mi juin 1789, d'une périodicité irrégulière et d'une datation très difficile à établir : cahiers de 16 p. in 8°, en forme de «lettres» qui sont adressées à la Nation, aux Etats-Généraux, à Necker, au tribun du peuple, etc. (signées différemment : Joshua S***, électeur de Paris, etc.) ; engagement fervent des «Communes» contre la noblesse et le clergé. Les Etats ne devraient pas se contenter de réformer le système d'impôts, mais transformer entièrement les institutions politiques. «Bonneville fait passer toute sa pensée dans ce texte lyrique et prophétique» (D.P.1 1254). Son importance consiste dans la propagation d'idées radicales trois à quatre mois avant la chute de la Bastille. B. envisageait une interprétation démocratique radicale des idées de souveraineté populaire. Il y eut plusieurs rééditions en 1789, 1790 et 1795.

Le Cercle Social, janvier-mai 1790, 14 numéros, in 8°. Publié avec l'abbé Claude Fauchet. C'était l'organe de la société du même nom. Politiquement il était du côté des Cordeliers. Il fut dénigré farouchement par La Harpe dans le Mercure. C'était «l'un des cercles politiques les plus audacieux des premières années de la Révolution» (v. art. Brissot).

La Bouche de Fer, 2 séries : janvier juin 1790, 17 numéros ; oct. 1790 - juillet 1791, 104 numéros in 8°. Aussi en collaboration avec l'abbé Fauchet, mais les articles sont surtout de B., sous différents noms de plume. Il emprunte des phrases entières à d'autres de ses ouvrages. Il avait établi une espèce de boîte à lettres où on pouvait déposer des écrits, projets, annonces, accusations, etc. Le journal ne publiait pas tous les écrits déposés. Le Cercle se proposait de «déchiffrer» la volonté générale! C'était donc une conception élitiste. En tête un fleuron bizarre. Devise : «Nous avons attaché les ailes de la foudre à la voix la plus faible, aux soupirs innocents.»

La Chronique du mois ou les Cahiers patriotiques, novembre 1791 - juillet 1793, 21 numéros in 8°. B. recruta treize autres rédacteurs : Condorcet, Brissot, T. Paine, Clavière, Collot d'Herbois (pour un temps limité), etc. Aucun autre journal révolutionnaire n'employait autant de leaders politiques comme auteurs réguliers. Ils écrivaient pour la nouvelle bourgeoisie sur des thèmes différents : le droit à la propriété, la circulation libre des grains, laissez-faire, protectionnisme dans le commerce étranger ; ils étaient abolitionnistes (mais modérés) au sujet de l'esclavage. En automne 1791 quelques membres du Cercle social furent élus à l'Assemblée législative ; ils y formèrent une minorité radicale et collaborèrent avec les Jacobins modérés (Girondins). Ce groupe eut un grand rayonnement en France et à l'étranger. Chaque numéro s'orne d'un grand portrait d'un des leaders, fait par François Bonneville, cousin de Nicolas. Il y eut aussi des articles sur le «courage national», sur César, Choiseul, la Ligue.

Le Bulletin des Amis de la Vérité par les directeurs de l'imprimerie du Cercle social, 1793, 4 grandes pages in folio à un prix modique ; parution quotidienne. Il s'adressait à un public plus large. Trente journalistes dont S. Mercier, Condorcet, Gensonné et des auteurs mineurs. Il rendait compte des travaux de la Convention, de la diplomatie étrangère. Ce fut le centre de propagande girondin le plus important. Attaques féroces contre les Montagnards qui ne sont pas toujours exactes. Ton très polémique. Sans commentaire sur le procès et la condamnation du roi. Après l'exécution de celui-ci, le Bulletin abandonne les attaques et se tourne vers d'autres domaines : éducation, religion civique (articles de S. Maréchal et Saint Martin). Des raisons financières contraignirent B. à cesser la publication.

Le Vieux Tribun du Peuple, 1789-1795, in 8°, au total 199 p. Il s'agit d'une réimpression partielle du Tribun du Peuple de 1789-1790 avec d'autres pièces ajoutées, en particulier une autre lettre au roi –plus violente– de juillet 1792. D'autres lettres à la Bouche de Fer, au Cercle Social, à l'Assemblée nationale ; nombreuses citations anglaises, références à l'histoire romaine, etc.

Le Vieux Tribun et sa Bouche de Fer, 1797, in 8°. Il consiste en «envois», reliés en 2 volumes, d'un total de 519 p., avec un appendice de 12 p. Bien des citations en anglais, allemand, italien et latin, avec traduction française par la suite. Des poèmes, des essais de littérature (Rousseau), des écrits politiques, historiques, continués sur plusieurs numéros ; de longues effusions, des récits de prisonniers de guerre français en Hongrie, des extraits d'autres ouvrages de l'auteur, des contes philosophiques. Le plus souvent le ton est très exalté. Deux articles de L.S. Mercier : «Les Parisiens au premier floréal» et «Les bals d'hyver». Des listes de livres à vendre auprès de la rédaction. Dans l'appendice une «Hymne au Combat» et une lettre à T. Paine.

Le Bien informé, 17 fructidor an V - 15 germinal an VIII, in 4°, nombre de numéros inconnu. Avec la collaboration de S. Mercier et Bernardin de Saint Pierre. En 1800 ce fut un des treize journaux (sur soixante) non supprimés par les autorités du Consulat.

7. Publications diverses

De 1782 à 1785 il publia avec Friedel le Nouveau Théâtre Allemand, en 12 volumes in 8°, qui contenait des traductions de Lessing, Goethe, Schiller, etc., dont il fit la plus grande partie. C'était d'abord des traductions littéraires, ensuite des versions plus libres, sinon adaptées au goût français, mais qui eurent le grand mérite de faire connaître une littérature peu ou mal connue au public français. B. «introduisait dès lors cette manière de crier haut famine et de se poser en mendiant glorieux» (Sainte-Beuve, p. 466-467). – A Londres, en 1788, il publia Les Jésuites chassés de la Franc-Maçonnerie, 2 vol. in 8°, traduit ensuite en allemand. – Dans l'Histoire de l'Europe Moderne, Genève, 1789-1792, 3 vol. in 8, trad de l’anglais de W. Russel – Dans l'Esprit des Religions, 1791, in 8°, oeuvre d'interprétation, il cherche à résoudre le problème du bonheur social. C'est l'ouvrage le plus singulier de B. – Le Choix de Petits Romans imités de l'Allemand, suivis de quelques essais de poésie lyrique, Paris, 1786, in 8°, contient des morceaux de Storz, Wieland, Wall, Meisner, etc. Il a publié d'autres ouvrages mineurs, lettres et traductions, notamment de T. Paine.

8. Bibliographie

B.U.C. ; B.Un. ; Cior 18. – Mallet du Pan J., «Essais», Mercure de France, Paris, juin 1786. – Nodier C., Souvenirs de la Révolution française, Paris, 1857. – Sainte Beuve, Portraits Contemporains, Paris, 1889. – Michelet J., Histoire de la Révolution française, 2 vol., Paris, 1952. – Viatte A., Les Sources occultes du Romantisme, Illuminisme, Théosophie, Paris, 1865. – Monglond A., «Nicolas de Bonneville», R.H.L.F., XXXII, Paris, 1926. – Le Harivel P., Nicolas de Bonneville, Strasbourg, 1923. – Kates G., The Cercle Social, the Girondins, and the French Revolution, UC Press, Berkeley 1985.– Hesse C., Publishing and Cultural Politics in Revolutionary France, 1789-1810, Berkeley, 1992.

BOISTEL D'WELLES

Auteurs

Numéro

087

Prénom

Jean Baptiste

Naissance

1717

Décès

1777

Jean Baptiste Robert Boistel d'Welles naquit le 23 novembre 1717 à Amiens, d'Antoine, seigneur d'Welles, Magny, Gamaches, etc. et de Marie Madeleine Jourdan, l'un et l'autre de familles anciennes dans le commerce. En avril 1750, il épousa Marie Jeanne Bernardine Cossart, qui le rendit père de plusieurs enfants. Il mourut à Amiens le 19 janvier 1777 d'une hydropisie de poitrine.

2. Formation

Il commença ses études à Arras, les continua à Senlis et vint à Paris en 1735. En 1747 il retourna à Amiens. Il devint membre de l'Académie locale, mais il cessa d'y paraître lorsque la présidence perpétuelle en fut accordée à Gresset. Les Jésuites firent en vain des tentatives pour le gagner à leur société. Il préféra se marier.

3. Carrière

Il devint président-trésorier de France au bureau des finances. En 1768, il fut nommé commissaire des ponts et chaussées de la généralité. En 1776, il fut pourvu d'une charge de secrétaire du Roi, maison et couronne de France et des finances.

4. Situation de fortune

Actif, pénétrant dans les affaires, il mit les siennes dans le meilleur état possible. Ses fonctions lui permirent une vie aisée, mais sans fastes ou extravagances. Il bornait ses plaisirs aux livres, au cabinet de tableaux et estampes, dont il avait fait la collection.

5. Opinions

A Paris, son goût pour le théâtre lui procura la connaissance de Fontenelle, Voltaire, Piron, Racine le fils. D'un tempérament assez vif et un peu satirique, la répartie vive et quelquefois piquante ne lui manquait pas, mais il se dominait assez pour ne témoigner que de la douceur. Il était très attaché à ses enfants.

6. Activités journalistiques

Réflexions sur les ouvrages de littérature, 1736-1740, in 8. B. fut le directeur du premier volume. P. Benhamou croit l'avoir identifié comme tel (cf. D.P.1 1186) d'après une notice de la F.L. de 1769 et d'après la table des matières des Réflexions et le nom, mal épelé ailleurs (Bointel, au lieu de Boistel). Contenu du journal : belles lettres, histoire, philosophie, critique littéraire, périodiques, querelles des médecins et des chirurgiens, vers, oraisons, nouvelles littéraires.

7. Publications diverses

Epître à Racine le fils, 1736. – Ode à M. Turgot, prévôt des marchands, 1737. – Dans l'Epître à M. Le Franc, il l'encourage à travailler plus que jamais pour le théâtre. Il composa d'autres odes et une Epître à M. Trudaine, 1776. – Antoine et Cléopâtre, tragédie, jouée à la Comédie Française en 1741, retirée par l'auteur après la sixième représentation. – Irène, tragédie, représentée à Paris en 1762 et à Choisy devant le Roi avec Mlle Clairon dans le rôle principal. L'auteur la retira après la septième représentation. Six ans après, il la fit représenter, remaniée, à Amiens et y fut applaudi. «Les beautés y fourmillent ; son pinceau mâle y frappe le coeur sans éblouir les yeux» (Daire, p. 365). Il laissa plusieurs pièces de vers en manuscrit.– Oeuvres de Jean Baptiste-Robert Boistel d'Welles, contenant Antoine & Cléopâtre, Irène ; oeuvres diverses, Paris, 1782, in 8°, 212 p.

8. Bibliographie

NBG ; Cior 18.– Daire L.F., Histoire littéraire de la ville d'Amiens, Paris, 1782, p. 364-366.

AUBER DE LA CHESNAYE DESBOIS

Auteurs

Numéro

021

Prénom

François

Naissance

1699

Décès

1784

François Alexandre Auber (ou Aubert) de La Chesnaye des Bois , est né à Ernée (Mayenne) le 17 juin 1699 de Pierre de La Chesnaye-Auber, receveur des traites et d'Anne Richer. «Il était ondoyé le même jour et reçut les cérémonies du baptême quelque temps après, nommé par François Gasselinais, receveur des tailles, et Dlle Anne Moussi, dame de la Robinère» (Angot, p. 95). Les parents étaient étrangers au pays où les avait appelés une fonction fiscale. Il ne semble pas avoir été d'ascendance noble. Il &pousa la demoiselle Piquenot de La Croix.

2. Formation

Il vint à Caen pour y perfectionner ses études. Réduit à la pauvreté par la mort du père et la situation précaire de sa famille, il se laissa entraîner par «les séductions d'un enchanteur» (d'Estrée, p. 469) à prononcer des voeux dans l'Ordre des Capucins.

3. Carrière

On le déplaça plusieurs fois. D'abord la vie monacale lui plut, car il pouvait s'y adonner aux travaux littéraires. Il se fit des amis au cloître aussi bien que dans la société des gens du monde. Mais son esprit d'indifférence passa pour révolte contre la religion. On voulut l'enfermer et il s'évada du couvent d'Evreux. Dix ans se passèrent. Il se maria et eut des enfants. Dénoncé, il fut arrêté sur ordre de Boyer, archevêque de Paris et mis à Saint-Lazare, où il passa une année. Il s'efforçait d'apitoyer les autorités sur son sort et celui de sa femme. Celle-ci le secondait. Il continua ses travaux d'écrivain à Saint-Lazare. Boyer voulait le renvoyer à Evreux, mais on obtint du ministre Maurepas son exil à l'étranger, sous condition de séparation d'avec sa femme, qu'il devait désormais appeler «ma soeur» et qui devait rester à Paris. Il s'installa donc à Amsterdam et y continua la vie difficile d'homme de lettres sans ressources. La séparation des deux époux ne fut probablement pas définitive. Ils durent se rejoindre (ibid., p. 523) «car l'administration commençait à fermer les yeux sur des unions réprouvées par l'Eglise comme illégitimes et criminelles» (ibid.). Il mourut dans la misère à l'hôpital à Paris, âgé de 85 ans.

4. Situation de fortune

Après son évasion du couvent, il dut vivre de ses activités littéraires. Il devait produire sans relâche ; la qualité de sa production s'en ressentit. Il cultivait un genre fort à la mode alors, la «réponse», ou les «suppléments» à tel ouvrage d'auteur en vogue. Il devait aussi «louer, blâmer, réfuter, confirmer, argumenter et conclure avec la même solidité d'allures et... la même légèreté de main» (ibid., p. 466). De tous les compilateurs du XVIIIe siècle, il est celui qui publia le plus de dictionnaires. Comme journaliste il adressait d'Amsterdam tous les lundis des feuilles périodiques, Les Lettres hollandaises, d'abord à Feydeau de Merville, ensuite à Berryer, lieutenants de police à Paris. A ces imprimés il ajoutait des nouvelles écrites à la main. En retour le lieutenant devait verser une rémunération à la «soeur». Mais Berryer ne tenait nullement à les recevoir et marchandait sur le prix et par parcimonie ne payait qu'une somme minime à la dame. Aussi l'existence d’A. en Hollande fut-elle des plus précaires.

5. Opinions

A. avait rompu ses voeux de moine ; il garda la rancune d'un moine défroqué contre son couvent (ibid., p. 467), ce qui se manifeste dans ses écrits. Il ne s'attaqua jamais à la religion elle-même. Ses querelles avec les autorités ecclésiastiques s'expliquent par son désir de quitter les ordres. Ses lettres aux lieutenants de police témoignent de sa détresse à Amsterdam. Ce sont des suppliques, aussi bien que celles de sa femme. Les réponses avec le marchandage sur le prix, montrent la dureté de la police.

6. Activités journalistiques

Lettres hollandaises ou les Moeurs, les Usages et les Coutumes des Hollandais comparés avec ceux de leurs voisins, 2 janvier 1747 - 12 juin 1747. Hebdomadaire du lundi. Il est possible que ce journal ait continué jusqu'à la fin de l'année (D.P.1 827). Elles ne manquent pas d'une certaine originalité : loin de l'esprit de dénigrement de la presse française en Hollande, elles étaient favorables au parti français, versant même dans le chauvinisme et les effusions patriotiques, dont l'auteur espérait tirer profit auprès de la police. C'est un tableau de la Hollande : savants, sciences, arts, éducation, imprimerie, moeurs. Celles-ci sont comparées à celles d'autres peuples d'Europe. L'auteur possède le sentiment du pittoresque, la «vision assez nette de la rue, de ses mouvements tumultueux et de ses agitations contradictoires» (ibid., p. 516). Elles valent surtout par l'éloge de «la tolérance, les moeurs naturelles, l'urbanisme, le luxe» (D.P.1 827). Une ingénieuse fiction permettait en outre à l'auteur de correspondre librement avec sa femme sous des noms supposés.

7. Publications diverses

Lettres à Mme la comtesse de D*** pour servir de supplément à l'Amusement philosophique sur les bêtes [du père Bougeant], s.l., 1739, in 12. – Traduction de Pamela, Londres, 1742, in 12. – Lettres amusantes et critiques sur les romans en général, Paris, 1743, in 12. – Dictionnaire militaire, Lausanne, 1743, in 8°. – Supplément au Dictionnaire militaire, Paris, 1746, in 12. – Le Dictionnaire militaire portatif, Paris, 1758, in 12. – Lettres à M. le marquis de *** sur la Mérope de M. de Voltaire, s.l., 1743, in 8°. – Le Parfait Cocher, Paris, 1747, in 12. – Puis d'autres dictionnaires : des aliments, Paris, 1759, in 12 ; d'agriculture et de jardinage, Paris, 1751, in 4° ; des animaux, Paris, 1758-1759, in 4° ; domestique, Paris, 1762, in 8° ; historique, Paris, 1767, in 8° ; et surtout le Dictionnaire généalogique, chronologique et historique, Paris, 1757-1765, in 8°, et ses suites, le Dictionnaire de la Noblesse, Paris, 1770-1786, in 4°, ouvrages qui ont survécu à leur auteur et lui ont fait une certaine réputation. Ce dictionnaire connut plusieurs éditions dont la dernière date de 1863-1876, in 4°. Voir Cior 18, n° 8688-8714.

8. Bibliographie

D'Estrée P., «Un autre abbé Prévost» in Bulletin du Bibliophile, Paris, 1897. – Angot A., Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne, Mayenne, 1962.