MARCHAND
Numéro
Prénom
Naissance
Décès
Prosper Marchand est né à Saint-Germain-en-Laye le 11 mars 1678 de Joannes Marchand, musicien du roi et d'Anne Bâillon, originaire de Guise en Picardie. Après le décès de sa mère, survenu en 1683, il vécut à Guise en Picardie, d'où l'erreur des biographes qui l'ont fait naître dans cette ville et les fréquentes allusions moqueuses à une origine picarde. Prosper Marchand aurait eu pour femme Catherine Cottin : le catalogue de l'œuvre de Bernard Picart mentionne un portrait d'elle (Van Eeghen, t. III, p. 233-236). Mais nulle part ailleurs il n'est fait mention d'une épouse. M.
2. Formation
Il reçut une éducation classique à Versailles. Un certificat du recteur de l'Université de Paris en date du 14 septembre 1693 atteste «qu'il est congru en langue latine et qu'il sait lire le grec» (B.N., f.fr. 21856, f° 1652). Il opte pour la librairie et fait son apprentissage de 1693 à 1698 chez quatre libraires parisiens successifs : Robert Pépie, Jean Guignard, Edme Couterot et Nicolas Pépie. Il est reçu libraire le 1er août 1698, ayant produit les attestations et «faisant profession de foi catholique», comme l'exige la loi (ibid., f° 1652 ; Etat 1701, 201).
3. Carrière
Il «ouvrit lui-même dans la rue Saint-Jacques une boutique portant l'enseigne du Phénix» (Allamand). Cette boutique, située en face de la fontaine Saint-Séverin, devient rapidement «le rendez-vous des bibliophiles de la capitale» (Haag). De 1702 à 1709, M. publie plusieurs ouvrages ainsi que des catalogues de vente, souvent en collaboration avec Gabriel Martin (BS3, p. 13-27). De 1704 à 1709, il acquitte régulièrement, quatre fois par an, les droits de visite, après quoi il disparaît des registres (f.fr. 218 71). Passé à la Réforme, M. est obligé de se réfugier en Hollande. Il y arrive dans les derniers mois de 1709 et est admis dans la corporation des libraires de cette ville comme «personne non qualifiée», puis, le 8 mars 1710, comme membre à part entière (A.M. La Haye, Boek O.G.I., 161, 1709. 1710). Quelques semaines plus tard, il est admis, en compagnie de ses amis les graveurs Etienne et Bernard Picart, comme membre de l'Eglise wallonne de La Haye (A.M. La Haye, Waalse gemeente, 101, 14 avril 1710). Il loue une officine dans la Hoogstraat. En étroite collaboration avec les Picart, il y publie ou vend des brochures, livres et estampes (ibid., Notarieel. Nots. Favon, I, 759), «à des prix exhorbitants» (Z.C. von Uffenbach, Merkwürdige Reisen durch Niedersachsen, Holland und Engeland, Ulm, Memmingen, 1753-1754, t. III, p. 363-364). Le 14 avril 1711, M. est reçu citoyen d'Amsterdam et six jours plus tard membre de la corporation des libraires (A.M. Amsterdam, Poorterboek 1711,14 avril ; Gildeboek Gh A 65, 20 avril 1711). Deux éditions voient le jour à Amsterdam, sous le nom de M., à l'enseigne de l'Etoile dans le Nés. L'année suivante, les Picart le rejoignent à Amsterdam. En avril et en juin de cette année, les Picart et M. sont successivement admis dans l'Eglise wallonne d'Amsterdam. La présence de M. dans cette ville est attestée jusqu'à la fin d'août 1712 (BS3, p. 4). La mention «naar Rotterdam», placée sans date en regard de son nom dans le livre de la guilde, doit remonter à cette période (ibid.). De 1712 à 1720, M. travaille à La Haye, au service des libraires Fritsch et Böhm pour lesquels il publie, entre autres, les principales œuvres de Pierre Bayle, et principalement le Dictionnaire historique qui voit le jour sous la marque de Michel Böhm en 1720. Après quoi, M. opte pour La Haye où il se consacre à des travaux personnels et loue ses services à plusieurs libraires. Insatisfait, il décide cependant de s'expatrier en Angleterre en compagnie de son ami Isaac Vaillant. Il s'embarque pour Londres avec sa bibliothèque personnelle en 1726 mais en revient dès l'année suivante pour s'installer, définitivement cette fois, à La Haye. Jusqu'en 1756, date de son décès, il séjourne à diverses adresses : chez la Veuve Vincent, sur le Nieuwe Häven in de Tuynlaan, puis chez le libraire Paupie sur le Spuy, de 1739 à 1754 chez M. Micke et enfin, après l'attaque qui le frappa fin 1754, chez l'imprimeur Monnier, in 't Nagtegaalpad agter de Cloosterkerk. C'est là qu'il mourra, le 14 juin 1756.
4. Situation de fortune
M. était un homme sobre qui dépensa pratiquement toute sa fortune et tous les revenus de ses travaux à l'achat de livres et d'estampes. De son père, il aurait dû hériter une rente de 135 £ sur les « aydes et gabelles », avec les arrérages. Sur ordre du roi, cette rente fut convertie en une rente au denier 25. Pierre Nicolas Marchand est chargé de recevoir cette rente au nom de son frère mais on ignore s'il s'est acquitté de cette obligation (A.M. Rotterdam, Not. arch. Prot. 1508, 15 juin 1714). A son arrivée en Hollande, M. n'était point démuni de ressources puisqu'il paie les droits d'inscription dans la guilde des libraires et loue sans difficultés apparentes une boutique bien située (BS3, p. 7-8). Plus tard, M. se montre en mesure d'effectuer des placements en Angleterre, Pologne et Saxe (A.M. Rotterdam, Not. arch. 2942/102, 14 juin 1756, f° 4 ; Not. arch. Prot. 2009, 23 janv. 1720 ; B.R. La Haye, 71 K 46, f° 1 v°). Il n'est pas impossible que les revenus de l'officine de La Haye et d'Amsterdam n'aient pas été suffisants pour assurer à M. une certaine sécurité matérielle, vu sa propension à acheter livres, manuscrits et estampes. Le contrat passé avec Michel Böhm et certaines lettres de Fritsch vont dans ce sens (A.M. Rotterdam, Nots Obreen, 2005/12, 27 janv. 1726 ; March. 2, Fritsch à M.). De plus, M. n'hésite pas à payer de sa poche, d'avance, des livres que ses correspondants lui demandent ou à venir en aide à quelque coreligionnaire en difficulté. Les mauvais payeurs et les profiteurs le ruinent tout autant que les livres. Il s'en plaint ; certains de ses correspondants insistent pour le rembourser de ses frais ou lui envoyer de l'argent : rien n'y fait. Le manque d'argent comptant est chronique. Les délais mis par les libraires à le payer de ses efforts n'y sont pas pour rien. Si bien qu'on peut parler d'une vie sobre, voire ascétique, au milieu d'un cabinet d'une richesse incontestée. Ce cabinet, M. en lègue à sa mort, «toutes les estampes en cadre et verre » au comte de Bentinck, seigneur de Rhoon ; toute l'œuvre de Van der Schley qu'il possédait à Charles de Bentinck ; les livres et manuscrits à l'Université de Leyde. Il lègue ensuite les revenus de 100 £ sterling à l'imprimeur Monnier qui l'avait soigné durant les derniers mois de sa vie, les titres correspondants et ses biens mobiliers à son « facteur et copiste» Jean Baptiste Buisson. L'inventaire après décès fait en outre mention de quelques autres titres et d'une somme de quelque 1500 florins (A.M. La Haye, Not. Arch. 78, f° 6, 2942, 12 déc. 1755 ; ibid., codicille : 2 juil. 1756 ; ibid., Inventaire après décès : 2942, 102, 14 sept. 1756.). L'ami et exécuteur testamentaire de M., le professeur de Leyde Jean Nicolas Sébastien Allamand, avait dû, pour préserver son ami du dénuement, solliciter pour lui une rente viagère. «Je ne serai pas à mon aise jusqu'à ce que je vous voie un peu plus au large ; vous avez besoin de secours présent» (March. 2, J.N.S. Allamand à M., 5 févr. 1755). Le comte de Bentinck se fait fort d'obtenir une rente de 200 florins par mois. Le 7 mars 1754, une rente de 120 florins par mois est allouée à M. Elle ne sera acquittée que durant sept mois. Après quoi les paiements cessent si bien que la Société charitable de La Haye devait au défunt près de 500 florins d'arrérages (A.M. La Haye, Not. arch. 2942, 102, f° 5 r°). Le défunt laissait quelques dettes : 396 florins au sieur Monnier «pour nourriture, logement, etc.», 123 florins à Jean Baptiste Buisson «pour avoir soigné et servi le défunt depuis le 18 septembre 1754 jusqu'au jour de son décès», 66 florins au médecin «pour 135 visites faites au défunt», à quoi viennent s'ajouter 200 florins environ dûs à divers libraires. Démuni, M. ne l'est point et pourtant il meurt dans la misère.
5. Opinions
Ses activités d'historien, de conseiller littéraire, de correcteur, de libraire, d'éditeur et de journaliste l'ont mis en rapport avec la plupart des écrivains français en résidence ou de passage en Hollande et avec de nombreux huguenots, réfugiés dans toute l'Europe. Dès 1724, il correspond avec Voltaire, qui l'appelle «Monsieur Prosper à La Haye» (Voltaire à d'Argens, 10 déc. 1736). Plus tard M. se montrera d'un anti-voltairianisme acide : il est l'auteur, avec La Beaumelle, des Observations occasionnelles sur le Siècle de Louis XIV du sieur de Voltaire (1753 ; original : Leyde, March. 52, f° 210, 11 v°) et de plusieurs articles anti-voltairiens publiés dans le journal de Jean Rousset de Missy L'Epilogueur moderne, galant et critique, Amsterdam, puis Liège, 1741-1754, 6 vol. Sa correspondance avec Jean Rousset de Missy et Lambert Ignace Douxfils foisonne de violentes attaques contre Voltaire (C. Berkvens-Stevelinck et J. Vercruysse, Le Métier de journaliste). Ses relations avec le marquis d'Argens sont d'abord très amicales : M. participe activement à la publication des Lettres juives et d'autres œuvres du marquis. Le passage de d'Argens au service de Frédéric II de Prusse et sa mésalliance mènent à une rupture qui sera définitive (Larkin). Son passage du catholicisme (professé en 1698) au protestantisme (officiellement attesté en 1709, avec mention d'une longue profession secrète avant cette date) dut se faire graduellement. Caustique à l'égard de tous les fanatismes, il critique avec tout autant d'acidité les jésuites et les jansénistes que les calvinistes responsables de la mort de Servet. Huguenot exilé, il se rend parfaitement compte de la constance du danger de l'intolérance dans quelque confession que ce soit. L'année même de son exil, il écrit, avec un accent involontairement voltairien : «Aussi en fait d'autonomie, Rome et Genève se ressemblent-elles comme deux gouttes d'eau» (March. 2, M. à B. Picart, 14 déc. 1709). Mais ce calviniste convaincu et relativement tolérant est aussi et peut-être surtout un libertin érudit. Membre des Chevaliers de la Jubilation, il se prête volontiers à des parodies bouffonnes qui n'auraient pas déplu à Rabelais, compose des discours fort osés, des poèmes salaces, des chansons satiriques hostiles à la Cour de France tout en discutant dans les mêmes cénacles, d'idées et de conceptions philosophiques plus sérieuses, dont on trouve ensuite la trace dans les journaux tel le Journal littéraire. Du fait de l'amitié qui le lie avec Jean Rousset de Missy et Justinus de Beyer, mais aussi à cause de son intérêt personnel, M. est bien au courant de la franc-maçonnerie, tout en n'en ayant jamais fait partie (voir bibliographie Berkvens et Jacob, Quaerendo, t. XIII et XIV).
6. Activités journalistiques
Dans le premier tiers du siècle, M. fut un journaliste extrêmement actif. «Il fut le correspondant de Mr. Bernard qui, dans ce temps-là, travailloit aux Nouvelles de la République des Lettres [N.R.L.] : ce fut lui qui fournit toutes les Anecdotes littéraires de France qu'on trouve dans ce Journal» (Allamand). Bien que cette attribution soit, sans doute aucun, exagérée, la participation de M. aux N.R.L. est indubitable. En juin 1707, le correspondant parisien des N.R.L. relate l'interdiction de la thèse de doctorat en Sorbonne d'un certain Brisson (N.R.L., août 1707, p. 231-234). Le frontispice de cette thèse, intitulé « La Religion recherchée par les Philosophes » et dû au burin de Bernard Picart, avait été considéré à ce point séditieux que l'édition en fut interdite en un premier temps, puis autorisée mais sans vignette explicative. Or, cette explication est de la main de M. : l'original se trouve à Leyde (March. 28, f. 250). Un an plus tard, le même correspondant parisien des N.R.L. cite textuellement l'explication d'un second frontispice de thèse intitulé «L'accord de la Religion avec la Philosophie» (N.R.L., août 1708, p. 224230). Le texte est de M. : l'original en est conservé (March. 28, f° 251). Quelques mois plus tard, Bernard publie une courte biographie du jésuite Claude Bernard (N.R.L., déc. 1708, p. 630-646). L'auteur n'est autre que M. qui ne pardonnera jamais à Bernard d'avoir tronqué son texte en ne publiant ni les sources ni les commentaires qui en faisaient originalement partie (Allamand, t. I, p. 91, col. A et n. 1). Sur son propre exemplaire des N.R.L., M. apporte des corrections marginales qui ont l'allure de corrections d'auteur. Entre 1699 et 1709, il est donc hors de doute que M. fut un des correspondants les plus prolixes des N.R.L. II en est de même pour les Mémoires de Trévoux,dirigés entre 1701 et 1718 par le P. Tournemine. Ce dernier remercie M. «des nouvelles qu'[il veut bien lui] écrire tous les mois» et lui donne quelques conseils pour faire un bon extrait de livres (March. 2, Tourne-mine à M., deux lettres s.d.). Il est vraisemblable que le soudain exil de M. a mis fin à ses activités journalistiques en France. C'est hors de France, désormais, que M. va exercer le journalisme.
«Il fut un des principaux auteurs du Journal littéraire, le meilleur, peut-être, qui ait jamais été fait ; il a fourni d'excellents extraits dans la plupart des autres journaux qui ont paru depuis» (art. «'s Gravesande», Allamand, t. II, p. 215, n. h et p. 216). La Société de gens de lettres qui fonda ce journal en 1713 se composait de Guillaume Jacob 's Gravesande, Justus Van Effen, Albert Henri de Sallengre, Thémiseul de Saint-Hyacinthe et un mystérieux « Alexandre » (voir ces noms). Contrairement à ce qu'avance Allamand dans sa notice du Dictionnaire historique, M. ne rejoint la rédaction que plusieurs mois après la sortie de presse du premier tome, sur la demande pressante de Saint-Hyacinthe (March. 2, Saint-Hyacinthe à M., 6 août 1713). De 1713 à 1722 (du t. II aux premières parties des t. XI et XII), M. collabore étroitement au Journal littéraire (J.L.). En 1727, la rédaction se disperse mais en 1729, 's Gravesande et M. tentent de former une nouvelle équipe. Entre-temps, Gosse et Néaulme, qui avaient acheté le droit de copie de l'éditeur Johnson, chargent «des Auteurs qui n'étoient ni de la première Société ni de la seconde» de compléter les t. XI et XII (Allamand, «'s Gravesande», p. 216, n. h). Ces suppléments paraissent, après quoi les membres de la nouvelle Société : 's Gravesande, M., Superville, Joncourt, Sacrelaire, Pèlerin, Catuffe et de Naes, donnent les t. XIII-XIX (1729-1733). De 1733 à 1736 paraissent encore les t. XX-XXIII, chez les libraires Swart et Van Duren, puis chez le seul Van Duren. La Barre de Beaumarchais en assure seul la rédaction. Le J.L. disparaît définitivement en 1736.
Identifier les auteurs responsables des textes publiés dans le Journal littéraire est extrêmement difficile, puisque les membres de la Société avaient solennellement juré de conserver l'anonymat des auteurs. A part les attributions rendues possibles par ce qu'il reste de la correspondance rédactionnelle du J.L. (March. 1), par certains passages de la correspondance personnelle de M., et par quelques autres sources encore, la moisson est bien mince. D'autre part, la Société des rédacteurs se réunissait pour discuter des extraits et articles et, le cas échéant, pour les modifier : certains textes deviennent collectifs, sans compter l'habileté soigneusement entretenue à copier le style d'un autre rédacteur afin d'induire en erreur les lecteurs trop curieux. Le mystère avec lequel M. entoure sa propre participation est même si bien gardé que son ami Baulacre, qui le connaît pourtant bien, lui demande de lui faire savoir à quels tomes du J.L. il avait travaillé (March. 2, Baulacre à M., s.d., f° 27). Néanmoins, il est possible d'attribuer à M. certains textes, tels par exemple les articles relatifs à la publication des oeuvres de Bayle dont il était l'éditeur : dans le Journal littéraire, t. II ( 1713), p. 154172, un extrait du Commentaire philosophique de Bayle, éd. 1713 ; t. IV (1714), p. 359-362, extrait des Lettres choisies de Bayle, éd. 1714 ; t. IV (1714), p. 363-389, projet d'une nouvelle édition du Dictionnaire de Bayle ; t. VIII (1716), p. 90-115, défense de la nouvelle édition du Dictionnaire de Bayle ; t. VIII (1716), p. 134-137, lettre aux auteurs de ce journal, signée P.M. ; t. VIII (1716), p. 137-153, déclaration authentique ; t. XII (1723-1728), p. 432-461, réponse de M. à Desmaizeaux (cf. March. 52, f° 504-515) ; t. XVII (1731). p. 185-192, réponse de M. (cf. March. 52, f. 352-355). Dans son propre Dictionnaire historique paru en 1756-1757, M. déclare avoir écrit certains extraits : le Tableau des papes de Rome par D. Desmarets (D.H., t. II, p. 280, col. a, art. «Taxae», remarque C), l'Explication nouvelle de l'Apothéose d'Homère de ].C. Schott (J.L., t. V, 1715, p. 347-372 ; original : March. 52, f° 577-584), l'Histoire du peuple de Dieu depuis son origine jusqu'à la naissance du Messie par I.J. Berruyer (J.L., t. XIII, 1729, p. 333 et suiv. ; original : March. 52, p. 468-488), l'Explication des Œuvres de Fontenelle (J.L., t. XVI, 1730, p. 251-266 ; original : March. 28, f° 42-49). D'une façon générale, on peut dire que les sujets traités par M. dans le J.L. sont de la même veine que les sujets sur lesquels il travailla toute sa vie et qui se reflètent, finalement, dans son Dictionnaire historique : l'histoire antique et moderne, religieuse et morale (BS3, p. 112). M. fut, à n'en point douter, un des rédacteurs les plus actifs du J.L.
Alors que le libraire catholique Van Duren continue à publier un Journal littéraire jusqu'en 1736, la partie protestante de la rédaction fonde le Journal historique de la République des Lettres (Leyde, Haak et Luchtmans, 1732-1733, 3 vol.). Dans les deux avertissements au premier tome, le journaliste explique le choix du titre : allégeance à Bayle et à ses Nouvelles de la République des Lettres d'une part et conception du pyrrhonisme historique de l'autre. La copie originale de nombreux articles parus dans le Journal historique, de la main de M., prouve l'ampleur de sa contribution au nouveau journal (March. 52, passim). Le deuxième tome est même pratiquement entièrement de lui. Les traits principaux de ce journal sont son cosmopolitisme et «l'éclairage protestant de l'analyse religieuse» (D.P.i 746). 1733 marque la fin de ce journal.
Au cours des sept années qui suivent, M. renonce entièrement au journalisme. L'idéal du Journal littéraire et de son successeur le Journal historique - une critique libre et objective - semble désormais anachronique. L'amusement et le lucre l'emportent sur l'érudition. M. ne le supporte pas et se concentre sur d'autres travaux. De 1741 à 1746, la situation se modifie totalement. On le supplie de relever des journaux en perdition, de fournir de la copie, de recommander un éditeur, etc. La correspondance de M. montre qu'il participa de près à la rédaction de la Bibliothèque britannique, la Bibliothèque germanique, le Journal littéraire d'Allemagne de la Suisse et du Nord, la Nouvelle bibliothèque et la Bibliothèque française. La Bibliothèque britannique « est en de bonnes mains puisque vous en êtes le directeur» (March. 2, Baulacre à M., 21 juin sans année, f° 26). Le sens précis de cette phrase nous est inconnu mais ce qui est certain, c'est que M. corrige attentivement les épreuves du dernier trimestre 1741 de la Bibliothèque britannique, fournit cinq articles importants entre 1742 et 1746 et rédige en 1746 une Proposition du libraire touchant sa Bibliothèque britannique annonçant la parution d'une Table générale de tous les volumes qui paraît en 1747.
Les contacts de M. avec Jacques de Pérard et P.E. de Mauclerc, les deux rédacteurs huguenots de la Bibliothèque germanique, sont fort amicaux. De 1739 à 1746, il leur fait parvenir nombre d'articles, d'extraits et de nouvelles littéraires. «Je suppose que vous avez quelque inspection sur le Journal de Mr. de Mauclerc et j'ai de bonnes raisons de le croire», lui écrit le même correspondant (March. 2, Baulacre à M., s.d., f° 27).
Pour le Journal littéraire d'Allemagne, de la Suisse et du Nord, souvent cité comme la Nouvelle bibliothèque germanique et dû aux mêmes rédacteurs que le journal précédent, c'est le même scénario. Formey s'en félicite : «Je suis bien aise que vous ayez présentement part à la direction de la Nouvelle bibliothèque germanique» (March. 2, Formey à M., 2 oct. 1741). La courte résurgence de la Nouvelle bibliothèque réjouit Jean de Beyer, l'ami niméguois de M., «surtout si c'est à vous, Monsieur, que le public doit en être redevable» (March. 2, Beyer à M., 10 avril 1745. Sur l'avortement du projet : ibid., 4 et 29 mai 1745). Toutes ces allusions montrent que M. a tenté, mais en vain, d'empêcher la crise qui décima la presse périodique de langue française dans les années 1746-1747. «Adieu donc tous les journaux», s'exclame Jacques Pérard (March. 2, Pérard à M., 2 5 nov. 1746). Simon Pelloutier lui fait écho : «Il est fâcheux que les journaux de Hollande finissent les uns après les autres. Nous perdons par là tous les bons extraits qu'ils contenoient autrefois, les nouvelles littéraires de vos provinces et l'occasion de placer les petites pièces que nous souhaitons de faire passer en France» (March. 2, Pelloutier à M., 30 avril 1747). La crise de la librairie hollandaise (1740) et de la presse périodique hollandaise quelques années plus tard, était due, pour une bonne partie, à une manifeste détérioration de la qualité des publications. C'était pour ce motif que M. avait arrêté radicalement ses activités journalistiques en 1733. C'est ce même motif - restaurer cette qualité - qui le pousse à reprendre ses activités journalistiques en 1741. Il les poursuivra jusqu'à la fin de sa vie. L'Epilogueur moderne, historique, galant et moral, l'hebdomadaire de Jean Rousset de Missy publiera de nombreux textes de M., principalement entre 1752 et 1754. Les originaux des articles, nouvelles, lettres, poèmes et chansons satiriques de son crû sont conservés à Leyde (March. 52). Voir, pour les textes attribuables à M. : BS3, p. 121-128.
7. Publications diverses
Bibliotheca bigotiana (1706). – Bibliotheca D. Joannis Giraud (1707). – Catalogus librorum bibliothecae [...] Faultrier (1709). – Art de bien vivre ou le vrai chemin du salut : Supplément utile et nécessaire aux quatrains moraux du seigneur de Pibrac ( 1710). – Histoire de la Bible de Sixte-Quint, parue dans Amoenitates literariae de J.G. Schelhorn (1725). – Histoire de l'origine et des premiers progrès de l'imprimerie (1740). – Dictionnaire historique, publié après sa mort par J.N.S. Allamand (1758-1759).
M. a donné des éditions des ouvrages suivants : L'Art de connoistre les hommes, par Louis Des Bans (1702). – L'Antiquité des tems rétablie et défendue contre les Juifs et les nouveaux chronologistes, par P. Pezron ( 1702). – L'Antiquité de la nation et de la langue des Celtes, autrement appeliez Gaulois, par P. Pezron (1703). – La Sphère du monde, selon l'hypothèse de Copernic, décrite, démontrée et comparée avec les sphères et les systèmes de Ptolémée et de Tycho Brahé (1707). – Traité de la prière et principalement de la publique (1707). – Cymbalum mundi, ou Dialogues satyriques sur différents sujets de B. Des Périers. Avec une lettre critique dans laquelle on fait l'histoire, l'analyse et l'apologie de cet ouvrage, par P. Marchand (1711). – La Conférence de Monsieur Le Brun, premier peintre du Roi de France [...] Enrichie de figures gravées par B. Picart (1711). – de Pierre Bayle : Commentaire philosophique sur ces paroles de Jésus-Christ Contrain-les d'entrer (2e éd., 1713) ; Lettres choisies (1714) et Dictionnaire historique et critique (3e éd., 1720). – de Saint-Réal : Œuvres (1721, 1722 et 1726). – Les Voyages du chevalier de Chardin en Perse et autres lieux de l'Orient (1735). – Histoire de l'admirable Don Inigo de Guipuscoa de Rasiel de Selva (i.e. Charles Levier, 1736 et T738). – Œuvres du seigneur de Brantôme (1740). – Œuvres de Villon (1742). – Lettres, mémoires et négociations de Monsieur le comte d'Estrades (1743). – Mémoires du comte de Guiche concernant les Provinces-Unies des Pays-Bas (1744). – Directions pour la conscience d'un Roi (1747).
Nouvelle Histoire de Fénelon (1747).
8. Bibliographie
Haag ; B.Un. ; D.L.F. – (March.) B.U. Leyde, collection Marchand, cataloguée : Berkvens-Stevelinck C, Catalogue des manuscrits de la collection Marchand, avec la collaboration de Adèle Nieuweboer, Leiden, 1988 [Codices manuscripti XXVI]. – Allamand J.N.S., «Avertissement de l'éditeur, Leyde, 7 novembre 1757». en tête du Dictionnaire historique de M., La Haye, de Hondt, 1758-1759. Dans l'avertissement du t. II, Allamand se donne également comme l'auteur de l'art, «'s Gravesande». – Van Eeghen I.H., De Amsterdamse boekhandel (1680-1725), Amsterdam, 1960-1967. – (BSi) Berkvens-Stevelinck C, Prosper Marchand et l'histoire du livre : quelques aspects de l'érudition bibliographique dans la première moitié du XVIIIe siècle, particulièrement en Hollande, Bruges, 1978. – (BS2) Id., Prosper Marchand, la vie et l'œuvre (1688-1756), Leiden, 1987 (Studies over de geschiedenis van de Leidse universiteit 4). – Id., «Un supplément calviniste aux Quatrains du Sieur de Pibrac : L'Art de bien vivre ou le vrai chemin du salut par P. Marchand», Nederlands archief voor kerkgeschiedenis, t. LXIII, n° 2, 1983, p. 192-204. –Id., «Les Chevaliers de la Jubilation : maçonnerie ou libertinage? A propos de quelques publications de M.C. Jacob», Quaerendo, t. XIII, n° 1, 1983, p. 50-73 et t. XIII, n° 2 , 1984, p. 124-148. – Jacob M.C, «The Knights of jubilation - masonic and libertine», Quaerendo, t. XIV, 1984, p. 63-75. – W., The Radical Enlightenment : pantheists, freemasons and republicans, London, 1981. – Berkvens-Stevelinck C, «La satire des réfugiés : chansons et poèmes contre Louis XIV», Lias, t. XII, n° 2, 1985, p. 245-262. – (BS3) Id., «La réception des journaux dans la correspondance de Prosper Marchand», La Diffusion et la lecture des journaux de langue française sous l'Ancien Régime, Amsterdam 1987, p. 129-137. – Id., «Un cabinet de livres européen en Hollande : la bibliothèque de Prosper Marchand», dans Le Magazin de l'Univers : the Dutch Republic as the centre of the European book trade, Leiden, 1992, p. 11-22. – Berkvens-Stevelinck C. et Vercruysse J., Le Métier de journaliste au dix-huitième siècle : correspondance entre Prosper Marchand, Jean Rousset de Missy et Lambert Ignace Douxflls, S.V.E.C. 312, 1993.
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