THIERIOT

Numéro

769

Prénom

Nicolas

Naissance

1697

Décès

1772

1. État-civil

Nicolas Claude Thiériot (quant à l'orthographe exacte de son nom, une lettre autographe signée très lisiblement Thiériot des Archives d'Etat de Wiesbaden, 130, II, 3327 nous semble décisive contre Delattre, Correspondance avec les Tronchin, p. 160) est né à Paris le 1er janvier 1697 (D15467) et mort à Paris le 23 novembre 1772 (Jacobs, p. 10). Il ne fut pas marié, mais eut une fille naturelle (D13135).

2. Formation

Il travaille en 1714 dans l'étude du procureur Alain où il connaît Voltaire, par qui il est orienté vers les lettres.

3. Carrière

Il séjourne en Angleterre en 1732 et 1733, visite Voltaire à Cirey en septembre 1738 (D1595) et de mai à octobre 1762 aux Délices. A part son activité de correspondant littéraire, T. ne semble avoir eu ni occupations régulières, ni fonctions ni titres. Son caractère «ambulant et dormant» (D11267) est critiqué par ses amis même. D'après Grimm, il « était bon diable, mais n'ayant jamais été utile à personne, étant au surplus d'un naturel très paresseux, il a vécu assez pauvre et dans l'abandon pendant les dernières années de sa vie» (CL., t. X, p. 124).

4. Situation de fortune

De la correspondance de Voltaire, il ressort bien que T., pendant toute sa vie, est resté peu fortuné. En 1764-1765, il se trouve dans une situation particulièrement difficile ; il écrit le 5 juillet 1765à Voltaire qu'il est «sauvé entièrement des griffes de son banqueroutier » (D12787). A maintes reprises, il prie Voltaire de le soutenir matériellement (D13135, 13345)- Comme correspondant littéraire de Frédéric II, il était convenu qu'il serait payé 1200 £ par an. Mais pour la première période de cette activité, il ne reçoit ses appointements pour douze ans qu'avec son congé en 1748 (Jacobs, p. 8-9). Aussi lorsque Frédéric l'engage de nouveau en 1766, T. demande-t-il à être payé tous les trois mois (D13309). En 1769, il écrit à Voltaire : «Voici mes revenus : 1200 du Roi de Prusse dont il ne me reste que Mil. Liv., les Deux Cent Liv. payant tous les papiers littéraires dont je lève mes extraits, payant aussi les Copies des pièces et autres ouvrages qu'il y faut joindre. Ces Mil livres du Roi de Prusse avec deux Mil six Cent Liv. viagères sur l'hôtel de ville et 400 £ par an sur M. le Comte de Lauraguais me donnaient l'espérance de me tirer d'affaire» (D15429).

5. Opinions

T. n'est connu aujourd'hui que par son amitié avec Voltaire. En effet, tout ce qu'il a fait, écrit et dit semble porter la marque de son illustre ami qui le lance auprès de Frédéric II et d'autres personnalités mondaines et littéraires. Il soutient Voltaire comme il le peut : en 1739-1740, seulement, lors de l'affaire de la Voltairomanie, leur amitié passe par une crise de confiance. T. a entretenu des correspondances avec Voltaire, Frédéric II, la marquise du Châtelet-Lomont, Dami-laville, etc.

6. Activités journalistiques

T. fut l'un des premiers correspondants appointés qui, au XVIIIe siècle, fournissaient des informations sur la vie littéraire de Paris. Par l'intermédiaire de Voltaire, mais non sur sa recommandation directe, il devient, dès 1736, correspondant littéraire de Frédéric, prince de Prusse. Il le reste d'abord jusqu'en 1748 (Jacobs, p. 8-9). En 1744, il est au service du prince de Nassau-Usingen et essaie de l'être auprès du duc Christian IV des Deux-Ponts (Archives d'Etat de Wiesbaden, 130, 11, 3327). En effet, une lettre de Voltaire à T. du 24 mars 1755 confirme qu'il était « agent littéraire » de Christian IV, mais qu'il vient de perdre cet emploi : « Il est triste que le duc de Deux-Ponts ôte à son agent littéraire ce qu'il donne à ses maçons. Je vous conseillerai, pour vous replumer, de passer un an sur notre lac» (D6215). En avril 1766, il redevient correspondant littéraire de Frédéric II (D13309) et semble l'être resté sans interruption jusqu'à sa mort en 1772 (Jacobs, p. 9-10 ; CL., t. X, p. 124). Des feuilles littéraires de T., seul un très petit nombre semble avoir été conservé ; quelques-unes ont été publiées (voir Jacob, p. 33-35, 42-43 ; Krieger, p. 15 7). On voit bien par ces échantillons, comment le « genre » de la correspondance littéraire est né : moins de la presse périodique imprimée que de la lettre personnelle. T. mélange informations privées et littéraires ; il joint des mémoires, des déboursés pour livres, etc. Ses critiques littéraires ne sont généralement que très brèves. Exemple : «La Mélancholique Comédie de M. Gresset est regardée comme un dialogue où il y a beaucoup d'esprit avec des Vers fort élégants. Aussi s'attend-on à avoir plus de plaisir à la lire qu'à la voir représenter» (23 mai 1745, Jacobs, p. 43). En 1766, il semble avoir changé la forme de ses envois : «C'est une feuille littéraire etc., pour Sa Majesté à qui je m'adresse toujours, à la manière des Italiens, à la troisième personne» (D13309). Il les envoie alors tous les huit jours : «Je dresse une demi-douzaine de Notices aussi succinctes et aussi claires qu'il m'est possible de tous les ouvrages d'histoires et de Philosophie, de Belles-Lettres qui se font distinguer, et je finis par un article de Vers choisis». Et il donne un échantillon dans une lettre à Voltaire (D13361). Il est d'ailleurs peu sûr du succès de ses envois (D15467), et espère que les «petits morceaux » de Voltaire qu'il y insère « feront beaucoup valoir ses feuilles littéraires» (D13427).

7. Publications diverses

II projette en 1724 une édition des Poésies de Chaulieu, qui ne verra pas le jour ; il semble réaliser en 1728 une édition des Mémoires de la duchesse de Montpensier (D344, n. 5), une édition «pirate» des Lettres de Mme de Sévigné, Rouen, 1726 (D322, n. 1). Il traduit l'Essai sur le caractère des nations de D. Hume pour le Mercure de France, janvier 1756, t. II, p. 21-49 (D6695). On trouve dans l'édition Besterman de la correspondance de Voltaire les 58 lettres de T. à Voltaire et quelques autres à Frédéric (D2003, 2012), à la marquise du Châtelet-Lomon (D1728), à Damilaville (n° 1993, 10649), ainsi qu'un très grand nombre de lettres adressées à T., surtout celles, très nombreuses (461 numéros) de Voltaire, d'autres de Le Franc de Pompignan (D1344, 1595), de J.B.N. Formont (D1360, 1455, 1786), de Mme Denis (D1498), de Prévost d'Exilés (D933) et de Mme de Champbonin (D1788) (voir liste des lettres par correspondants, t. CXXXII). Voir aussi : Pièces inédites de Voltaire, éd. M. Jacobsen, Paris, 1820 ; S.G. Longchamp et H.L. Wagnière, Mémoires sur Voltaire, Paris, 1826 ; Voltairiana inedita, éd. W. Mangold, Berlin, 1901 ; F. Caussy, «Lettres inédites de Thiériot à Voltaire», R.H.L.F., t. XV, 1908, p. 131-161, 340­351, 705-721 ; t. XVI, 1909, p. 160-180.

8. Bibliographie

8. CL. – Voltaire, Correspondence, éd. Besterman. Cette édition est la source la plus riche pour la biographie de T. –Jacobs E., Mitteilungen aus der königlichen Bibliothek, Berlin, 1912,1.1. – Krieger B., «Die literarischen Korrespondenten Friedrichs des Grossen in Paris», Hohenzollern Jahrbuch, Berlin, 1912, t. XVI, p. 154-171. – Nisard C, Mémoires et correspondances historiques et littéraires inédits, Paris, 1858. Id., Les Ennemis de Voltaire, Paris, 1853, p. 111-112.