POUCHARD

Numéro

655

Prénom

Julien

Naissance

1656

Décès

1705

1. État-civil

Julien Pouchard naquit en 1656, près de Domfront en Basse-Normandie. Il mourut à Paris le 12 décembre 1705 d'une fluxion de poitrine dans son domicile de la paroisse Saint-Nicolas du Chardonnet, laissant selon le P. Léonard, une femme et un enfant.

2. Formation

La famille de P. le dirigea très tôt vers l'état ecclésiastique et il commença ses études au collège des Oratoriens du Mans. A douze ans il vint à Paris, au collège de Lisieux, communauté établie par M. Gillot pour les jeunes gens destinés aux emplois ecclésiastiques, où il étudia les langues anciennes (latin, grec, hébreu), la philosophie et la théologie. Au bout de trois ans, ses progrès étaient tels que le directeur l'exempta de sa pension et lui confia « le soin et la conduite de toute la jeunesse» (Eloge, Journal des savants), formule qui semble désigner des fonctions de préfet ou de répétiteur.

L'abbé de Caumartin, son ancien élève qui se déclarait publiquement son ami, le recommanda à son cousin l'abbé Jean Paul Bignon qui le nomma au huitième siège de l'Académie royale des Inscriptions lors de sa réorganisation en 1701. Le registre-journal de cette compagnie montre à partir de sa réception le 19 juillet 1701, un académicien assidu et actif : proposition de sujets et devises de médailles, traduction de Pausanias à livre ouvert (parfois pour remplir les temps morts des séances), présentation de mémoires consacrés aux monuments, inscriptions ou lois de l'Antiquité. Mais ce registre témoigne aussi de l'irritation de ses collègues devant son esprit de chicane qui l'engagea souvent dans des disputes de pédant.

3. Carrière

Sa connaissance des langues anciennes lui valut de seconder Melchisedec Thévenot pour son édition des anciens mathématiciens grecs (Veterum mathematicorum [...] opera, Paris, 1693) et pendant quelques années pour classer les manuscrits de la Bibliothèque du Roi. La modicité des appointements le détourna de cette activité au profit du préceptorat qu'il exerça d'abord auprès du marquis de La Marselière «jusqu'à ce qu'il fut en âge d'aller à la guerre».

Après la mort de ce premier élève, P. enseigna l'hébreu à l'abbé de Caumartin, puis l'aida dans ses travaux avant de passer au service de son frère, l'élève de Fléchier, Louis Urbain Lefèvre de Caumartin, intendant des finances, en peine d'un précepteur pour son fils. Commençant ses fonctions vers 1690, P. resta attaché à M. de Saint-Ange jusqu'à sa mort en 1699, qui suivit de peu son entrée dans le monde. Il abandonna alors le préceptorat et vécut de la libéralité de M. de Caumartin.

Si Bignon le fit entrer aux Inscriptions, il l'employa aussi au Bureau de la Librairie où il retira son premier livre en août 1701 ; il fut jusqu'à sa mort un des piliers de la censure, ainsi en 1704 il examina en moyenne trois ouvrages par mois, touchant, à l'exclusion du droit et de la religion, tous les domaines et spécialement les manuels scolaires, la géographie et les belles-lettres. Travaillant très rapidement il achevait plus de la moitié de ses examens en moins de cinq jours. L'abbé Bignon ayant mesuré sa puissance de travail l'appela en 1702 au Journal des savants (J.S.).

En novembre 1703 il succéda à Jacques Piénud dans la chaire de langue grecque du Collège royal où il donna sa harangue d'entrée le 12 janvier 1704 ; mais faute d'affiche de cours pour cette période, nous ignorons le sujet de ceux qu'il professa jusqu'à sa mort.

4. Situation de fortune

Après ses rétributions de précepteur, P. vécut de la libéralité des Caumartin. S'y ajoutèrent, grâce à Bignon, une pension de 600 £ assignée par Pontchartrain sur le sceau en 1703, des gages de journaliste et une pension de professeur au Collège royal.

6. Activités journalistiques

La nomination de P. à la rédaction du J.S. en 1702 résulte de la mise en place d'un système de contrôle de l'édition par l'abbé Bignon. Celui-ci profita de la retraite du président Cousin pour substituer à l'unique journaliste jusque-là chargé du périodique un comité de six rédacteurs tous choisis pour leurs fonctions officielles, académiciens, professeurs au Collège royal, censeurs. Secrétaire de cette rédaction et par là le plus occupé des six journalistes, P. coordonna la préparation et la publication des extraits des livres confiés à chacun selon sa spécialité, sous le contrôle de l'abbé Bignon qui en tenait registre. Cette fonction fit de lui l'interlocuteur de l'imprimeur, Jean Cusson détenteur du privilège depuis 1692, avec lequel outre les questions d'édition il traitait des gages des journalistes ; à sa mort, l'imprimeur leur devait 430 £ d'arriéré.

Pour nourrir le J.S., P. retint parfois des textes présentés par ses collègues de l'Académie des Inscriptions et Belles-lettres auxquels il lui arrivait de lire ses propres extraits de livres d'érudition et de philologie. On l'accusa d'avoir publié (peut-être avec l'assentiment de Bignon) un extrait dans lequel Richard Simon présentait de façon avantageuse sa traduction française du Nouveau Testament (premier art. du J.S., 14 août 1702, p. 551-556). Sa mise en ordre des articles de la revue pouvait aller jusqu'à des modifications de contenu : les ajouts ironiques qu'il imposa en 1703 au compte rendu du t. IX de l'Histoire ecclésiastique de l'abbé Fleury conduisirent son auteur, l'abbé Bigres, à quitter le comité de rédaction. Les extraits de P. dans lesquels « sa trop grande sincérité avoit un caractère de dureté» soulevèrent des protestations : en 1703, un protégé de Mme de Lambert, l'avocat et académicien Louis de Sacy se plaignit vivement de celui de son Traité de l'amitié et en 1705 ses collègues académiciens lui reprochèrent, au cours de leur séance du 10 mars, de critiquer trop fortement les auteurs d'ouvrages consacrés aux inscriptions et aux médailles. Après 40 ans de publication comme aux premiers jours du J.S., les auteurs considéraient la critique de leurs œuvres comme une attaque personnelle ; un extrait devait se cantonner au résumé, de préférence louangeur.

Ainsi P. appliqua-t-il ses talents de pédagogue et d'érudit dans le journalisme qui lui donna, à côté de revenus complémentaires, de passer à la postérité malgré l'inachèvement de ses ouvrages : il offre l'exemple d'un type de journaliste du XVIIIe siècle, le journaliste fonctionnaire.

7. Publications diverses

Si P. n'a rien publié, à part les extraits anonymes du J.S., il présenta plusieurs dissertations à l'Académie des Inscriptions et Belles-lettres et il laissa inachevés des ouvrages concernant l'Antiquité. A côté de mémoires sur les obélisques, la manière d'écrire des Anciens et les largesses des Romains, il exposa à ses collègues académiciens des fragments du travail qu'il avait entrepris selon les obligations de la compagnie : une Histoire universelle depuis la création du monde jusqu'à la mort de Cléopâtre qu'il laissa en manuscrit, avec une traduction partielle des fragments de la chronologie de Julius Africanus.

8. Bibliographie

Moreri, t. VIII, p. 524 ; B.Un. – A.N., M 760, n° notice du P. Léonard consacrée à P. – A.N., M.C., XLIX, 430, 29 oct. 1704 : inventaire après décès de Jean Cusson. – Archives de l'Académie des Inscriptions et Belles-lettres, A 11* à A 15* : Registre journal des délibérations des assemblées (13 nov. 1700-1705 inclus). – Archives du Collège de France, C XII, dossier individuel de P., 1re pièce : provisions de lecteur et professeur de langue grecque ; GII 1, Registre des délibérations. – Histoire de l'Académie royale des inscriptions et belles-lettres depuis son établissement, Paris, 1710-1793, t. I, p. 343-385, Eloge de P. par l'abbé Tallement. – Journal des savants, 26 avril 1706, Eloge de P. – Kerviler R., «Etude historique et biographique sur Jean-François Paul Lefebvre de Caumartin», Bulletin de la société polymathique du Morbihan, 1874, p. 142, et 1875, p. 17 et 230. – Tables du Journal des savants, Paris, 1753-1764, t. VIII, p. 179.