PETIT DE BACHAUMONT

Numéro

631

Prénom

Louis

Naissance

1690

Décès

1771

1. État-civil

Louis Petit de Bachaumont est né à Paris, le 2 juin 1690 (Lock, p. 335). Enfant unique, il perdit très tôt son père, Charles Antoine Petit de Bachaumont, un libertin consommé, devenu malgré lui auditeur à la Chambre des Comptes, mort à l'âge de quarante-quatre ans, le 11 mars 1691 (Lock, p. 164, 336) et fut séparé de sa mère, Charlotte de Billy, née vers 1672 (Lock, p. 164) pour être élevé par son grand-père paternel, Guillaume Petit, premier médecin du dauphin. B. a été baptisé à Versailles, le 5 juin 1695, en présence de son parrain et marraine, le dauphin et la princesse de Conti (Concourt, p. 53-54). Il mourut vieux garçon, à Paris, le 29 avril 1771 (Lock, p. 335 ; testament aux A.D. de la Seine, DC6 2 53, f° 132-134). II ne doit pas être confondu avec François de Coigneux de Bachaumont.

2. Formation

Elevé à Versailles où résidait son grand-père, B. a eu le bonheur d'être adopté par André Lenôtre, ami et voisin du vieux médecin. Fasciné à un âge tendre par la dextérité du vieil architecte et guidé par lui, B. fit ainsi ses premiers pas dans le monde de l'art. A la mort de Lenôtre, en 1700, l'éducation de B. a d'abord été confiée à un valet qui «dessinait un peu» (Lock, p. 322), pour être ensuite complétée par un précepteur, un jeune ecclésiastique qui «avait bien de l'esprit [et] beaucoup de sçavoir» (Van Bever, p. 286).

3. Carrière

B. a quitté Versailles, sûrement à la mort de son grand-père, pour aller s'installer au château de Breuillepont (ou Breuilpont), acquis avant sa naissance (Van Bever, p. 234-240). L'actuel château de Breuilpont a appartenu aux Doublet, comme le prouvent les titres (archives privées) : le «joly petit château» décrit par B. (Van Bever, p. 234) pourrait désigner une autre résidence dans le même village. Vers 1730 il alla rejoindre son amie Mme Doublet à Paris, au Couvent des Filles-Saint-Thomas, où il vécut jusqu'à sa mort. B. y a présidé, 40 ans durant, le salon de son amie : «La Paroisse».

4. Situation de fortune

B. a hérité de son grand-père une fortune considérable qui lui a permis de vivre sans emploi et même de refuser celui de premier président (Concourt, p. 62-63). La fortune de B. a cependant été ébranlée, en 1768, par des spéculations malheureuses.

5. Opinions

De son enfance passée à la cour de Versailles, B. rapporta un sentiment aigu des qualités dues à la naissance (Essai sur la peinture), mais aussi une certaine hostilité à l'égard des abus du despotisme et une défiance envers l'Eglise, dispositions qui seront de ton dans la société de Mme Doublet de Persan. Mme Doublet, au moment où B. alla la rejoindre, tenait un salon, où l'indolente bonhomie de B., son scepticisme sur les choses religieuses et son enthousiasme pour l'art furent chaleureusement accueillis. On lui décerna d'emblée le titre de maître des cérémonies. Auprès de la maîtresse de séans siégeait aussi son frère cadet, l'abbé Legendre, méchant poète et amateur, comme B., de bonne chère et de vins fins. A eux trois, ils formèrent la « Sainte trinité » qu'entouraient une trentaine de «paroissiens» ; une assemblée appelée à devenir la manufacture la plus prestigieuse de nouvelles à la main du XVIIIe siècle.

A leur arrivée au Couvent des Filles-Saint-Thomas, chacun des convives se dirigeait vers un bureau sur lequel étaient posés deux registres et inscrivait dans l'un les faits sûrs, et dans l'autre les informations douteuses du jour. De la paroisse, un indicateur de la police, le chevalier de Mouhy dira : « ce sont presque tous des frondeurs » (Funck-Brentano, p. 274) ; et Grimmde son côté (CL., t. IX, mai 1771, p. 317) : «On y était janséniste, ou du moins très-parlementaire, mais on n'y était pas chrétien».

B. apporta-t-il aussi sa contribution aux registres de la paroisse ? Cela est peu sûr, et même s'il l'eût fait, cela aurait été principalement dans le domaine de l'art, car les beaux-arts constituaient sans contredit l'occupation favorite de B. et la seule qui soit attestée. «J'ai beaucoup dessiné», écrit-il à Pierre, «j'ai voulu peindre, j'ai même peint ; mais une maladie dangereuse (la petite vérole) et une vue très-faible m'ont obligé de tout abandonner, il ne m'est resté que beaucoup d'amour pour les beaux-arts» (Goncourt, p. 69-70). B. a en effet gravé ; il nous reste deux gravures de lui conservées à la B.N. (02, p. 221), mais c'est avant tout en tant que critique d'art, urbaniste et connaisseur qu'il a marqué son époque. B. ne nous a laissé qu'un ouvrage attesté, son Essai sur la peinture, la sculpture et l'architecture, un précis didactique sur la manière de juger des qualités d'une œuvre d'art. Le livre obtint un accueil enthousiaste (O2, p. 235-236 ; T1, p. 66-68). Ce même Essai que l'auteur a augmenté en 1752 du Premier et du Second Mémoire sur le Louvre révèle en B. un urbaniste fervent et un défenseur du patrimoine. «Il s'était fait l'édile honoraire de la ville de Paris», disaient de lui les Goncourt (p. 63). En plus de se dépenser pour l'achèvement du Louvre et de payer de ses deniers l'observatoire de l'Hôtel de Soissons menacé de destruction, B. exerçait une fonction non moins importante mais moins connue : il était le connaisseur et le conseiller d'art attitré auquel faisaient appel aussi bien les artistes que les amateurs, soit pour solliciter un avis, un motif de tableau ou bien pour lui demander de rajuster un château (O2, p. 219-233).

B. a entretenu des relations épistolaires avec Berthier, Boucher, le marquis d'Eguilles (frère du marquis d'Argens). Gresset, Pierre, Prévost, Lacurne de Sainte-Palaye, etc. (T2, p. 234-273). Il était l'ami de l'abbé Prévost et de l'abbé Gédoyn et le protecteur du marquis d'Eguilles, qui le surnommait «mon cher papa» (T1, p. 41-58).

6. Activités journalistiques

Sa principale attention, on l'a vu, B. l'a accordée aux beaux-arts. Les larges efforts qu'il a déployés pour la défense et le développement de l'art en France, et les écrits par lesquels il a soutenu ses idées ne sont pourtant relevés que par quelques rares érudits alors que son nom restera peut-être à jamais associé aux Mémoires secrets pour servir à l'histoire de la République des Lettres en France depuis MDCCLXII jusqu'à nos jours [...] par Feu M. de Bachaumont, Londres, John Adamson, 1777-1789, 36 vol., une des sources les plus abondantes et les plus précieuses pour l'étude de la seconde moitié du XVIIIe siècle, désignés aussi sous le titre de Mémoires de Bachaumont, mais auxquels B. n'a pas pris part. Le nom de B. porté sur la page de titre des huit premiers volumes de la première édition des M. S. et revendiqué par les rédacteurs des Mémoires comme étant l'auteur du journal de 1762 à 1770 (t. I, p. III-VI) a porté bien des chercheurs et jusqu'aux plus modernes à asseoir cette opinion. Disons, tout simplement, qu'aucun des arguments avancés en faveur d'une attribution des M.S. à B. ne soutient l'examen. Le prospectus du Gazetin distribué en 1740, trouvé parmi les papiers de B. et considéré par Goncourt (p. 60-61) comme l'ébauche des M.S., est de l'abbé Prévost (T1, p. 141-144 ; Weil, p. 474486). Le fameux journal de B. tiré des registres de la paroisse et qui aux dires des mêmes rédacteurs des M.S. (t. I, p. IVVI) aurait servi de base aux huit premiers volumes de la chronique n'a jamais été retrouvé. Or nous savons qu'un autre habitué du salon de Mme Doublet, Pidansat de Mairobert, « conservait le journal qui se composait chez cette Dame et le continuait» (M.S., t. XIV, 3 avril 1779, p. 12). Nous savons aussi que le manuscrit de Mairobert alimentait, non seulement des nouvelles à la main répandues à Paris, en province et même à l'étranger, mais aussi les M.S. (t. XIV, p. 12 ; Funck-Brentano, p. 281, 290-295 ; Linguet, t. V, p. 316-317 ; O1, p. 176). Ajoutons enfin qu'une collaboration de B., même limitée aux seules notices consacrées à l'art, et en particulier aux Salons de 1767 et 1769, demeure fort improbable, en raison des discordances existant entre les points de vue exposés dans les M.S. et les idées préconisées par B. dans ses écrits attestés. Citons à titre d'exemple ce passage de l'Essai sur la peinture où B. dénie aux seuls artistes le droit d'écrire sur les arts (p. IV et V) que l'on comparera avec la notice des M.S. en date du 11 novembre 1765 (t. II, p. 285-286), où le rédacteur dit, à propos de la Lettre à M*** sur les Peintures, les Sculptures par Mathon de La Cour : «L'ouvrage est bien écrit [...] mais des assertions aussi hardies ne conviennent point à un homme qui n'a aucun rang dans la Littérature ni dans les Arts ». Citons aussi le cas de Boucher, dont B., en plus des sentiments d'amitié qu'il lui portait, admirait les talents, au point de lui suggérer les motifs de dix tableaux sur la Psyché de La Fontaine (Van Bever, t. II, p. 315-317) et qui eut droit à une critique d'éreintement dans le Salon de 1769 (M.S., t. XIII, 20 sept. 1769, p. 39-40).

On peut évidemment se demander pourquoi les rédacteurs des M.S. ont tenu à se placer sous l'autorité de B. Une réponse possible serait qu'au nom de B. étaient attachés les attributs requis pour faire la réputation d'un journal. Il y avait d'abord la place prépondérante qu'il occupait dans la paroisse, foyer des nouvelles les plus accréditées de Paris. B. jouissait aussi, auprès de ses contemporains, d'une notoriété incontestée, pour ses connaissances, son bon goût et son engagement dans le domaine de l'art. De plus, il disposait d'une fortune considérable qui le mettait à l'abri du besoin et des protections, qualités précieuses pour un journal qui se voulait impartial et crédible. B. enfin était mort depuis quelques années quand parurent les premiers volumes des M.S., ce qui l'empêchait de protester de son innocence et sauvegardait, pour un temps, l'anonymat des rédacteurs réels. Pour plus de détails sur la participation de B. aux M.S., voir Olivier (O1) ainsi que D.P.1 904.

7. Publications diverses

7. Essai sur la peinture, la sculpture et l'architecture, Paris, 1751 (2e éd., 1752) ; voir Van Bever. – «Mémoire sur la vie de l'auteur», en tête des Œuvres diverses de N. Gédoyn, Paris, 1745. – Mémoire sur l'achèvement du Louvre. Avril 1749 (s.l.n.d.). – Mémoire sur le Louvre. Novembre 1749 (s.l.n.d.).

8. Bibliographie

CL. – Linguet S., Annales politiques, civiles et littéraires, Londres, t. V, 1779. – Lock F. (éd.), « La Jeunesse de Bachaumont», Le Magasin de la Librairie, Paris, Charpentier, 1859, t. III, p. 5-25, 161-186, 321-336. – Van Bever A., «La Jeunesse de Bachaumont», dans Mémoires secrets de Bachaumont, Paris, Michaud, 1912, t. II, p. 219-288. – Funck-Brentano F., Figaro et ses devanciers, Paris, Hachette, 1909. – Goncourt E. et J. de, Portraits intimes du dix-huitième siècle, Paris, Bibliothèque Charpentier, 1913. – (O1) Olivier L.A., «Bachaumont the chronicler : a questionable renown »,

S.V.E.C. 143, 1975, p. 161-179. – (02) Id., «The Other Bachaumont : connoisseur and citizen», S.V.E.C. 161, 1976,

p. 219-244. – (T1) Tate R.S., Petit de Bachaumont : his circle and the «Mémoires secrets», S.V.E.C. 65, 1968. – (T2) Id.,

« Bachaumont revisited : some unpublished papers and correspondence», S.V.E.C. 84, 1971, p. 233-273. – Weil F., «Prévost et le Gazetin de 1740», Studi francesi, n° 18, 1962, p. 474-486.