LA BARRE DE BEAUMARCHAIS

Numéro

429

Prénom

Antoine

Naissance

1698

Décès

1750?

1. État-civil

Antoine Emmanuel La Barre de Beaumarchais est, selon Rousset de Missy, le frère utérin de Louis François Joseph de La Barre (voir ce nom) ; né à Cambrai, il aurait été élevé secrètement par une tante (lettre de Rousset à d'Artigny, 19 mai 1750, Nouveaux Mémoires, t. IV, 1751, p. 444-445). On trouve toutefois le nom d'un «Antoine Emmanuel de La Barre» sur les tables des registres de baptêmes de Tournai (Archives de l'Etat, Tournai) ; baptisé le 22 décembre 1698, Antoine Emmanuel aurait été, par la suite, élevé en France, du fait de sa naissance illégitime. Le même prénom se retrouve en 1725 sur les registres de mariage et de baptême des Archives municipales de La Haye : «Emmanuel Bonmarche » et Johanna La Fontaine publient des bans le 1er juillet 1725 (Emmanuel Bonmarche est dit «jeune homme de Tournai») ; de leur mariage naît une fille, Eugenia de La Barre de Beaumarchais, baptisée dans l'église catholique le 25 juin 1726 (Emmanuel Beaumarchais. est ici prénommé «Antonius»). Antoine, ou Antoine Emmanuel, peut-être même Marc Antoine Emmanuel (voir Sepp, p.121-122) de La Barre semble avoir pris le nom de Beaumarchais à son arrivé en Hollande. Il est mort vers 1750 ; Rousset écrit le 19 mai : «[il] est allé rentrer dans le sein de l'Eglise à Bamberg ou Wittsbourg : on me l'a dit mort, c'est ce que je ne puis assurer» (Nouveaux Mémoires, t. IV, p. 446).

2. Formation

Après avoir fait ses humanités (il «possède bien les poètes grecs et latins» selon B., p. 159-160), il entre à Saint-Victor où il fait profession et devient chanoine régulier (Rousset). En Hollande, il apprend l'anglais, l'espagnol, l'italien (B., p. 159-160) ; le 24 avril 1731, il se fait inscrire à l'Université de Leyde comme étudiant en médecine (Sepp, p. 121-122 ; Van Rooyen, p. 58 ; Glaneur historique, 2 août 1731).

3. Carrière

Selon Bruys, il s'enfuit de Saint-Victor en 1723, se rend à La Haye et défroque. Il entre comme professeur dans le pensionnat de Jean Rousset ; il le quitte en janvier 1724, à l'époque du congrès de Cambrai, et part pour Hambourg à la recherche d'un poste de précepteur ; il échoue, revient chez Rousset en qualité de traducteur et de secrétaire. Il travaille également pour Scheurleer, libraire de la Haye. En 1729, il semble brouillé avec l'un et l'autre et entre au service de Jean Van Duren. Il s'est installé à La Haye, au dessous du marché (adresse signalée fin janvier 1731, Kleerkooper, p. 973) ; Charles Etienne Jordan lui rend visite, en 1733, dans la maison où il loge en compagnie de La Martinière et de Des Roches ; La Martinière informe Desmaizeaux de l'existence d'une «petite communauté littéraire» dont fait partie L. (lettre du 1er avr. 1731, B.L., add. mss. 4285, f° 193-194).

En 1735, L. quitte les Pays-Bas et s'établit à Francfort-sur-le-Main où il se met au service du libraire François Varrentrapp (B., p. 165), associé à de Hondt (p. 222).

4. Situation de fortune

Maître d'école chez Rousset, il gagne cent florins par an (B., p. 160) ; tour à tour traducteur et secrétaire de Rousset et de Scheurleer, puis rédacteur pour le compte de Van Duren qui l'abandonne peu à peu, il est «toujours à la veille de mourir de faim» (lettre de La Martinière à Desmaizeaux, 23 janv. 1733, add. mss. 4285, f° 191). Son séjour en Allemagne ne le sauve pas de la misère : «Beaumarchais est toujours en Allemagne et demande à revenir. Il y est encore plus mal qu'il n'était ici» (lettre de La Martinière à Desmaizeaux, 6 mai 1739, add. mss. 4285, f° 204).

5. Opinions

L. se brouille avec Rousset en 1729 ; il prend la défense de l'Etat présent de la République des Provinces Unies de Janiçon (Liège, 1729), critiqué par Rousset (B., p. 167). Rousset attaque vivement Van Duren dans sa Gazette des savants (1729-1730) ; Van Duren engage L. qui réplique, trait pour trait, dans les Lettres sérieuses et badines (L.S.B.) (B., p. 156-157 et 160) ; L. devient le porte-parole de la «cabale» catholique.

Dans l'affaire Saurin, L. prend parti pour Saurin et publie dans les L.S.B. un extrait de la Dissertation sur le mensonge officieux (t. II, 1re partie, p. 21). A la suite de cet article, Van Duren est condamné à une amende de 200 £ et aux frais de procédure ; les exemplaires du t. II des L.S.B. sont supprimés (Kleerkoper, p. 985-986). F. Bruys, malgré une certaine estime pour les qualités de L., ne lui pardonne pas d'avoir critiqué l'Histoire des papes et se venge en réfutant les Lettres sur la Hollande. Dans la Critique désintéressée, il attaque violemment les L.S.B., et accuse L. de s'être vendu à Van Duren (t. III, p. 67).

6. Activités journalistiques

Lettres sérieuses et badines «sur un livre intitulé Etat présent de la République des Provinces Unies par M.F.M. Janiçon et sur d'autres ouvrages», à La Haye, chez Jean Van Duren, 1729-1733, 8 vol. in-12 (D.P.1 834). Réimprimé en 1740 sous le titre : Lettres sérieuses et badines sur les ouvrages des savants, «seconde édition revue et corrigée par Monsieur de Camuzat» (t. I et II, datés de 1740). L. est le principal auteur du journal pour les tomes I-IV et VI (2e part.)-VIII ; la signature «E.l.R.O.N.», qu'il a adoptée et qui paraît à la fin des nouvelles littéraires, disparaît des tomes IV (2e part.), V et VI ; le changement d'auteur en cours du tome IV est commenté un peu plus tard par un lecteur (t V., 2e part., nouv. litt., p. 469 et suiv.) ; une lettre publiée dans le t. V est signée «M.A.E. De L.B. de B.» et adressée au rédacteur (ibid., p. 304). L'éclipse de L. paraît imputable au procès Saurin, à la fin de 1730. Il abandonne une nouvelle fois le journal en 1733 ; la 2e partie ne paraît qu'en 1740. Les tomes IX-XI, publiés souvent sous la même couverture, sont consacrés aux Amusements littéraires et le tome XII aux Lettres sur la Hollande (voir D.P.1 834).

Journal littéraire, La Haye, J. Swart et J. Van Duren, 1733-1735,t. XX-XXII (D.P.1 759). Selon La Martinière, les Lettres sérieuses et badines ont été «égorgées» par le Journal littéraire, acheté par Van Duren : «Voyant qu'il pouvait débiter deux journaux, il a chargé M. de B de tous les deux et le petit homme, écrasé d'ailleurs par d'autres travaux, ne pouvant fournir à cette besogne, s'en est débarrassé peu à peu» (lettre à Desmaizeaux, 13 juil. 1734, B.L.,add. mss. 4285). La Martinière signale la fin de l'entreprise le 28 décembre 1734 : «Le Journal littéraire, est depuis quelque temps sur le côté. Mr. de Beaumarchais qui par accablement de travail ne pouvait suffire à tout en a laissé la plus grande partie à un homme de lettres nommé Mr. de La Hode» (à Desmaizeaux, add. mss. 4285, f° 202). Le tome XXIII paraît en effet avec retard (1734-1735). Dans le tome XX, 1re partie, on trouve une lettre de L. en réponse à la Bibliothèque française au sujet de sa traduction d'Ovide (15 fév. 1733, p. 56).

L'Avant-Coureur, Francfort, F. Varrentrapp, 1735 (B., p. 165 ; Haag, t. VI, p. 159-160 ; D.P.1 128).

Amusements littéraires ou Correspondance politique, historique, philosophique, critique et galante, publiée à Francfort chez Varrentrapp en 1738 et 1739, 3 vol. (dernier vol. le 25 juin 1739, repris par Van Duren en 1740 comme tomes IX-XI des L.S.B. ; D.P.1 100).

Il est possible que L. ait repris occasionnellement la direction du Journal littéraire en 1736 ; voir la lettre qu'il adresse à la Bibliothèque française, t. XXV, 1737, p. 132-138 (H. Mattauch, Die Litterarische Kritik der frühen französische Zeitschriften (1665-1775), U. Göttingen, 1968, p. 303).

7. Publications diverses

En collaboration avec Rousset : traduction de Suétone (B., p. 160), et notes sur les Métamorphoses d'Ovide, traduction de Du Ryer, La Haye, 1728, in-folio et 4 vol. in-12 (ibid. ; Haag, p. 150). – Aventures de Don Antonio Buffalis. Histoire italienne, La Haye, 1712, 1722, 1724 (Haag, Jones, A list of French prose fiction from 1700 to 1750, New York, 1939, p. 21). – La Monarchie des Hébreux, trad. de l'espagnol de Bacallar y Sanna, La Haye, 1727, 4 vol. in-12 (B). – Le Héros chrétien, trad. de Steele, La Haye, 1729, in-l2. – Traité des vertus payennes, La Haye, 1729. – Ed. de : Le Temple des Muses, de l'abbé de Marolles, Amsterdam, 1733, in-folio ; L. est l'auteur des explications historiques (Haag). – Ed. de l'Histoire des sept sages de la Grèce de M. de Larrey,«avec des remarques historiques et critiques par M. de la B. de B.» La Haye, 1734, 2 vol. in-8. – La Retraite de la marquise de Gozanne, contenant «diverses histoires galantes et véritables», Paris, Ganeau, 1734, 2 vol.in-12, 1735 (Jones, p. 52). – Le Hollandais «ou Lettres sur la Hollande ancienne et moderne», Francfort, Varrentrapp, 1737-1738, un vol. in-12, parfois publié comme tome IX ou XII des Lettres sérieuses et badines. – Ed. de l'Histoire abrégée de la maison palatine, de Schannat,«où on a joint l'éloge historique de l'auteur par M. de La B. de B.», Francfort, 1740, in-8°. – Ed. de l'Histoire de la fondation de Rome, «augmentée de remarques», Rouen (Amsterdam), 1740, 4 vol. in 12°. – L. a également travaillé à la continuation de l'Histoire d'Angleterre de Rapin-Thoiras, à l'Histoire de Louis XIV parue sous le nom de La Martinière, et aux Anecdotes historiques de La Hode (lettre de Rousset de Missy, Nouveaux Mémoires, p. 446 ; lettre de La Martinière à Desmaizeaux, 28 déc. 1734, add. mss. 4285, f° 203) : voir la notice de «La Motte, Yves-Joseph de».

8. Bibliographie

(B) Bruys F., Mémoires historiques, critiques et littéraires, Paris, Hérissant, 1751. – Sepp C., Het staatstoe zicht op de godsdienstige letterkunde in de noordelijke Nederlanden, Leiden, Brill, 1891. – Servaas Van Rooyen A.J., Verboden boeken, geschriften, couranten, enz., La Haye, Vereniging « Die Haghe », 1896, 2e part., p. 56-54. – Kleekooper M. et Van Stockum W.P., De Boekhandel te Amsterdam, La Haye, Nijhoff, 1914, 1916.