HARDOUIN

Numéro

388

Prénom

Jean

Naissance

1646

Décès

1729

1. État-civil

Jean Hardouin est né à Quimper le 23 décembre 1646 (S) ; selon Goujet (Supplément de 1735 au Dictionnaire de Moreri), il serait né à Quimpercorentin et serait fils d'un libraire normand «qui s'occupait à Quimper d'une espèce de librairie, surtout de catéchisme & de papier». Il est mort à Paris le 3 septembre 1729 (S).

2. Formation

Remarqué par les Jésuites de Quimper, il entre au noviciat à l'âge de «quinze ans», le 25 septembre 1660 (S) ; il prononce ses voeux le 27 septembre 1666 et poursuit pendant cinq ans ses humanités et sa rhétorique à Arras, puis à Evreux (VM). Appelé à Paris en 1674 pour sa formation en théologie, il est déchargé d'emplois ordinaires et adjoint au bibliothécaire du collège Louis-le-Grand, le R.P. Garnier, qui l'initie à la bibliographie ; après avoir accompli à Rouen sa 3e année de probation, il est nommé bibliothécaire à Louis-le-Grand, puis professeur de théologie positive, fonction qu'il exerce de 1683 à 1718 (VM).

3. Carrière

Malgré le caractère peu orthodoxe de ses publications et les scandales qu'elles ont suscités, le P. Hardouin poursuit dans la Compagnie de Jésus une carrière très régulière. Ses supérieurs font supprimer à plusieurs reprises des éditions de ses oeuvres et l'obligent à se rétracter publiquement en 1708, mais il reste chargé de la partie numismatique et histoire ancienne dans les Mémoires de Trévoux ; il travaille de 1695 à 1722 à l'édition officielle des conciles, qui paraît en 1715 ; lorsque les censeurs le condamnent le 7 septembre 1722, les Jésuites font casser l'arrêt en Conseil d'Etat le 25 avril 1725 (VM). C'est encore à lui qu'on a recours en 1724 pour réfuter la dissertation du P. Le Courayer sur la validité des ordinations anglicanes en 1724. Considéré comme un érudit hors pair, il reste jusqu'à la fin de sa vie professeur de théologie et réside à la maison professe. C'est seulement après sa mort que les Jésuites prendront des distances avec le «monstrueux système» (Mémoires de Trévoux, janv. 1734, p. 76-111 ; fév. 1734, p. 306-336).

4. Situation de fortune

Bibliothécaire et professeur de théologie à Louis-le-Grand, le P. Hardouin a passé sa vie au service de la Compagnie de Jésus. En 1695, il reçut une pension pour se consacrer à l'édition des conciles.

5. Opinions

Les controverses soulevées par le «système» du P. Hardouin ont duré plus de cinquante ans ; elles ont été résumées par l'abbé Irailh dans ses Querelles littéraires (Paris, Durand, 1761, 4 vol., t. III, p. 19-40). Dès avant ses études de théologie, il avait mis en chantier son commentaire de Pline, Caii Plinii Secundi Naturalis Historiæ Libri XXXVII, qui suscite, lors de sa publication en 1685, de vives controverses. L'édition de S. Joannis epistola ad Cæsarium monachum (1689) lui vaut une querelle avec Jean Leclerc (Bibliothèque universelle, t. XV et XIX). C'est dans la Défense de la lettre de Saint Chrysostome à Césaire (1690) qu'il met en doute pour la première fois l'authenticité des oeuvres de Liberatus, Cassiodore et des docteurs «prétendus Africains, Italiens, Espagnols» (p. 79). Dans ses Chronologiæ restitutae [...] de nummis Herodiadum (1693), il va plus loin et formule l'hypothèse d'une «assemblée de gens», sans doute des moines bénédictins du XIIIe siècle, qui auraient reconstitué de toutes pièces le corpus des historiens anciens pour donner autorité au dogme de la prédestination. La Chronologia Veteris Testamenti (1697), qui prétend se fonder uniquement sur des faits avérés (datations astronomiques, inscriptions) à l'exclusion de la plupart des écrivains grecs et latins, suscite de nombreuses réfutations, dont celles de La Croze (Dissertations historiques, Vindicia veterum scriptorum), de Leclerc (Bibliothèque choisie, t. XVI, p. 412 et suiv.), de Tournemine (Douze impossibilités du système du P. Hardouin, 1701). Quand en 1708, Hardouin entreprend, avec l'aide de son ami Ballonfeaux, de rééditer ses Chronologiae ex antiquis nummis restitutae, la Société de Jésus prend les devants et condamne officiellement la thèse de la «supposition» des écrivains anciens ; le P. Hardouin contresigne la Déclaration le 27 septembre 1708 et désavoue l'hypothèse d'«une faction impie, laquelle aurait fabriqué depuis quelques siècles, la plupart des Ouvrages Ecclésiastiques ou Profanes» (C). Un texte publié par Saint-Hyacinthe dans ses Mémoires littéraires en 1716, «L'athéisme découvert par le P. Hardouin jésuite» montre qu'à cette époque il avait pourtant complété son «système» : tous les textes anciens qui développent le thème de la fatalité des passions, de la soumission à la Nature ou à un Etre impersonnel soumis aux lois, sont pour lui des faux. Les oeuvres de Saint Augustin ont été fabriquées par des moines augustiniens ou des bénédictins jansénistes, complices des philosophes qui nient le libre-arbitre, entre autres Pascal, Nicole, Descartes et Malebranche. Cet athéisme caché, Hardouin ne s'est pas lassé de le pourfendre. En septembre 1697, on le voit dénoncer en Cour de Rome les oeuvres de Fénelon, suspectes d'un même consentement à la fatalité et vouées à un Dieu impersonnel. «Ens abstractum, metaphysicum et illimitatum» (cf. H. Hillenaar, Fénelon et les Jésuites, La Haye, Nijhoff, 1967, p. 121-122 et 357-358). Il a toutefois gardé secrets ses Athei detecti, qui ne parurent qu'après sa mort, dans les Opera varia (Amst., Du Sauzet et La Haye, De Hondt, 1733), publiées par les soins de l'abbé d'Olivet. En 1716, il participe à la querelle des Anciens et des Modernes par une Apologie d'Homère, Homère étant le seul écrivain grec qu'il présume authentique. Mme Dacier lui a répondu par un Homère défendu contre l'Apologie du P. Hardouin (cf. N. Hepp, Homère en France au XVIIe siècle, Klincksieck, 1968, p. 696-697).

6. Activités journalistiques

L'oeuvre du P. Hardouin est considérable ; elle ne compte pas moins de 107 articles dans la Bibliothèque de la Compagnie de Jésus de Sommervogel, à laquelle nous renvoyons. Dans cette liste, on compte une vingtaine d'ouvrages imprimés ; le reste de l'oeuvre consiste en lettres et dissertations savantes adressées à toutes les «bibliothèques» érudites, mais surtout au Journal des savants et aux Mémoires de Trévoux. Expert reconnu en numismatique, en histoire ancienne et en théologie positive, Hardouin fut utilisé par les Jésuites comme savant, mais aussi comme polémiste chargé de répliquer aux jansénistes et aux protestants. Son oeuvre journalistique, qui commence avec l'extrait d'une «Lettre touchant les monnaies d'or des Romains» (Journal des savants, 10 mars 1681) se clôt sur un dernier article publié en 1729 dans les Mémoires de Trévoux : «Le fondement de la chronologie de M. Newton [] sappé par le P.H.J.». Souvent suspect à ses supérieurs en raison de ses imprudences et de sa fougue de chercheur, le P. Hardouin fut certainement reconnu par eux comme un journaliste remarquable.

7. Publications diverses

On trouvera dans la Bibliothèque de la Compagnie de Jésus de Sommervogel une bibliographie très complète des oeuvres du P. Hardouin (t. IV). L'article «Hardouin» du Nouveau Dictionnaire historique de Chauffepié donne en outre une liste des articles suscités par les oeuvres du R.P., notamment Caii Plinii Secundi Historiæ Libri XXXVII (1685), S. Joannis epistola ad Cæsarium monachum (1689), Chronologiæ ex nummis antiquis restitutæ (1693) et Chronologia Veteris Testament (1697).

8. Bibliographie

Moreri (Supplément de Goujet, 1735). – (C) Chauffepié. – N.B.G. – B.Un. – (S) Sommervogel. – D.J., notice de K. Hardesty. – (VM) Vacant et Mangenot, Dictionnaire de théologie catholique. – «L'athéisme découvert par le R. Père Hardouin Jésuite, dans les Ecrits de tous les Pères de l'Eglise, & des Philosophes modernes», dans les Mémoires littéraires de Saint-Hyacinthe, La Haye, 1716, p. 71-88. – Dupin, Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, t. XIV, p. 109 et suiv. – Irailh, Querelles littéraires, Paris, Durand, 1761, 4 vol., t. III, p. 19-40. – Chadwick O., From Bossuet to Newman, the idea of doctrinal development, Cambridge, 1957, p. 49-58. – Sgard J., «Et si les Anciens étaient modernes le système du P. Hardouin», dans D'un siècle à l'autre. Anciens et Modernes, Marseille CMR 17, 1987, p. 209-220.