GUEUDEVILLE

Numéro

375

Prénom

Nicolas

Naissance

1652

Décès

1719

1. État-civil

Nicolas Gueudeville, fils d'un médecin de Rouen, est né en 1652 (Lebreton, Biographie rouennaise, 1865, p. 173) ; il a dix-neuf ans lorsqu'il fait profession de foi à Jumièges le 8 juillet 1671 (Dom Chaussy, éd. des Matricula monachorum, n° 2801). Réfugié en Hollande, il se marie le 10 juin 1691 à l'église wallonne de La Haye avec Marie Blèche, protestante réfugiée, originaire d'Issoudun qui, de 1692 à 1697, donne naissance à quatre enfants (fiches de l'Eglise Wallonne, Archives municipales de Rotterdam, R, p. 222). Il serait mort de misère, peut-être à La Haye (Bibliothèque ancienne et moderne, t. 22, 1724, p. 221-222), «peu de mois» avant Mme Dunoyer, au début de 1719 (E.O. ; renseignement fourni par F. Moureau).

2. Formation

Moine de Saint-Benoît pendant dix-sept ans, il s'enfuit du monastère de Saint-Martin de Sées, près d'Alençon, le 25 août 1688 et s'établit à Rotterdam où il fait profession de calvinisme le 18 juillet 1689 (Les Motifs de la conversion).

3. Carrière

Il enseigne le latin à Rotterdam où il tient une pension (Bayle à Marais, le 6 mars 1702). En mai 1699 il s'installe à La Haye où il publie le journal intitulé L'Esprit des cours de l'Europe (1699-1710) et se fait connaître par ses critiques anonymes de Télémaque (voir C. Delval, «Autour du Télémaque de Fénelon», Mémoires de la Société d'émulation de Cambrai, t. 84, 1936, p. 133-214 ; t. 85, 1973, p. 135-201, 211-212 ; et R, p. 35-62). Le bruit court, en janvier 1700, que cette critique serait de Bayle que G. fréquente à cette époque (v. A. Adam, Histoire de la littérature française, t. 5, Domat, 1956, p. 174). On perd la trace de G. après 1720.

4. Situation de fortune

Comme la plupart des écrivains réfugiés, G. ne gagne guère assez pour vivre. En 1706, étant dans une «situation misérable», il demande aux Etats-généraux une pension de 200 florins, qui lui est refusée (Archives des Etats-généraux, Inv. n° 3761, le 25 mars 1706 ; R, p. 223).

5. Opinions

«Libertin déclaré» selon Le Clerc (R, p. 9), G. partage les opinions de Bayle et de Jurieu. Tout en prônant la tolérance, il consacre une grande partie de sa vie d'écrivain à une critique intempérante du catholicisme et de la monarchie absolue.

6. Activités journalistiques

Le premier numéro de L'Esprit des cours de l'Europe «où l'on voit tout ce qui s'y passe de plus important touchant la politique, et en général ce qu'il y a de plus remarquable dans les nouvelles», paraît à La Haye en juin 1699 chez Etienne Foulque et François et Jonas L'Honoré. D'abord mensuel, ce journal ne paraît que tous les quatre mois à partir de janvier 1707 (v. D.P.1 393). G. y donne la synthèse des nouvelles de chaque mois. En début d'année, il fait des «réflexions générales sur l'état présent de l'Europe». En avril 1701, à cause du caractère belliqueux du journal, le comte d'Avaux, ambassadeur de France aux Pays-Bas, demande à Heinsius, Grand Pensionnaire, de le supprimer (Archives diplomatiques, Hollande), mais G. le continue sous un nouveau titre, Nouvelles des cours de l'Europe. De mai à juillet 1701, Lamberty (voir ce nom) rédige le périodique que G. prend à nouveau en charge en août. En novembre/décembre il reprend le titre original qu'il conserve jusqu'à la publication du dernier numéro de septembre-décembre 1710 (R, chap. 3). La collection complète comporte 19 volumes. Du 29 décembre 1710 au 30 mars 1711, G. reprend la direction de la Quintessence des nouvelles (S. van Dijk, Traces de femmes, 1988, p. 124-125) ; il est attaqué à ce titre par un rédacteur du Misanthrope de Van Effen, qui l'accuse par ailleurs d'intempérance et de libertinage (Le Misanthrope, 3e éd., Amsterdam, Uytwerf, 1742, t. I, p. 66, note).

7. Publications diverses

Les Motifs de la conversion de M. Gueudeville, Rotterdam, 1689.– Critique générale des Avantures de Télémaque, Cologne, 1700.– Critique du premier tome des Avantures de Télémaque, Cologne, 1700.– Critique du second tome des Avantures de Télémaque, Cologne, 1700.– Critique de la suite du second tome des Avantures de Télémaque, Cologne, 1700.– Critique de la première et seconde suite des Avantures de Télémaque, Cologne, 1700.– Le Critique ressuscité ou Fin de la critique des Avantures de Télémaque, Cologne, 1702.– Dialogues des morts d'un tour nouveau, La Haye, 1709.– G. publie, en outre, diverses traductions d'Erasme (Eloge de la folie, Leyde, 1713, Colloques, Leyde, 1720), de T. More (L'Utopie, Leyde, 1715), de Plaute (Comédies, Leyde, 1719), de Corneille Agripa (Sur la noblesse et excellence du sexe féminin, Leyde, 1726), d'Insulanus Menapius (L'Eloge de la fièvre quarte, Leyde, 1728).– Il fait paraître une importante édition des Nouveaux Voyages et des Dialogues de Lahontan (La Haye, 1705) avec des additions et commentaires. Ce dernier ouvrage le fait prendre, à l'époque, pour Lahontan (voir G. Chinard, L'Amérique et le rêve exotique, Droz, 1934, p. 170 et suiv. ainsi que son éd. crit. des Dialogues, 1931, et celle de M. Roelens, Editions sociales, 1973. Voir aussi l'édition des Oeuvres complètes de Lahontan, de R. Ouellet).– Il collabore à l'Atlas historique, 7 volumes, 1705-1720 (voir R, p. 79, 164, 253), Le Nouveau Théâtre du monde, Leyde, 1713, Maximes politiques du Pape Paul III, La Haye, 1716.

Parmi d'autres ouvrages, d'une attribution fort douteuse, on compte, Le Grand Théâtre historique, Leyde, 1703, Le Censeur ou Caractères des moeurs de La Haye, La Haye, 1715, L'Eloge de la goutte, Leyde, 1728, Histoire abrégée et très mémorable du chevalier de la plume noire, Amsterdam, 1744 (voir R, p. 130-137).

8. Bibliographie

Feller, B.Un., Lebreton.– Archives de l'Eglise Wallonne (Centraal bureau voor genealogie).– Archives de La Haye (Archief Staten Generaal, Inv. n° 3761).– Archives diplomatiques, Hollande, C.P. 194, f° 48, lettre du comte d'Avaux à Torcy, 12 mai 1701).– Bayle P., Lettres, Amsterdam, 1729, t. III, p. 830, 867 (lettres du 12 sept. 1701 et du 6 mars 1702).– Bruzen de La Martinière A., Entretiens des ombres aux Champs Elysées, avr. 1722, 4e entretien, Amsterdam, Uytwerf, p. 461-462.– Yardeni M., «Gueudeville et Louis XIV. Un précurseur du socialisme, critique des structures sociales louis-quatorziennes», Revue d'histoire moderne et contemporaine, 19 (1972), p. 598-620.– Id., «Journalisme et histoire contemporaine à l'époque de Bayle», History and theory, 12 (1973), p. 208-229.– (R) Rosenberg A., Nicolas Gueudeville and his Work , La Haye, Martinus Nijhoff, 1982.