GENET

Numéro

340

Prénom

Edme

Naissance

1726

Décès

1781

1. État-civil

Edme Jacques Genêt ou Genest est né le 13 décembre 1726 à Paris. Il était le fils de Jean, dit Edme Genêt, premier huissier audiencier au Châtelet de Paris, et de Jeanne Du Roch de Béarn (qui semble être fille naturelle d'un Galard de Béarn, et probablement d'origine protestante), mariés le 19 juillet 1721. Edme Jacques épouse le 10 janvier 1752 Marie Anne Louise Cardon, née en 1721, marchande lingère (voir Arch. de la Seine, Insinuations, Donations, vol. 168, F. 233). Ils ont neuf enfants ; à la mort de G., cinq sont encore en vie : Edmond Charles, né le 8 janvier 1763, qui succède à son père au ministère des Affaires étrangères, avant d'être envoyé en mission aux Etats-Unis, où il s'établit et meurt en 1834, et Mesdames Campan (Henriette, 1752-1822), Rousseau (Julie, née en 1753), Auguié (Adélaïde née en 1758, mère de la maréchale Ney), Pannelier (Anne Glaphire, née en 1761), toutes quatre au service de la Maison Royale.

Il meurt le 11 septembre 1781a Versailles (Notices de Mme Campan ; Harlé ; A.M. Versailles, Saint Symphorien, 12 sept. 1781 ; Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise, 1923, p. 19-31, 170-183, 244-264).

2. Formation

G. est élevé au collège de Navarre puis au collège des Jésuites. Son père est un dévot, austère et autoritaire, dont il supporte mal les exigences. Le différend éclate entre père et fils à propos d'essais poétiques de G. jugés frivoles, et parce que G. refuse d'être magistrat (il a le goût des langues et de la littérature, dit Mme Campan). Il refuse aussi l'épouse riche et pieuse que lui destine son père, car il aime Lise Cardon, une lingère sans fortune. Il quitte la maison et reste quatre ans en Allemagne (1746-1750) où il étudie le droit public et apprend à parler «comme le saxon le mieux élevé». Puis il passe en Angleterre et prend pension chez le gouverneur du château de Douvres.

Il fut membre de la Société littéraire d'Upsal (D.L.F.).

3. Carrière

En 1750, il revient clandestinement en France voir sa mère et sa fiancée. Mais comme son père est toujours intraitable, il retourne en Angleterre et y reste jusqu'à sa majorité (13 déc. 1751). Il rentre en France et se marie dès janvier 1752. Le maréchal de Belle-Isle crée pour lui la place de secrétaire interprète aux Affaires étrangères, avec 6000 £ de traitement. Il s'installe à Versailles au printemps 1753. En 1756, son activité de traducteur se manifeste par la publication de plusieurs textes traduits de l'anglais. Pendant la guerre de Sept Ans, il accomplit de nombreuses besognes pour Choiseul et Belle-Isle. Il travaille aussi pour le ministère de la Guerre et de la Marine (Archives de la Guerre, Ya 194, p. 19).

Il se consacre particulièrement à l'Angleterre et rassemble, à partir de la lecture et de la traduction des gazettes anglaises, une masse d'informations, en particulier sur la marine (un dossier par bateau, dit Samoyault). «Il a un énorme cabinet divisé et sous-divisé en une infinité de tiroirs et dossiers classés et étiquetés [...]. Il était en position de corriger tous les rapports des espions employés par son propre gouvernement» (cité par Minnigerode comme le témoignage d'un espion publié en Angleterre en 1779 et envoyé à G. par Villoison). Le même Minnigerode cite une lettre de G. à Vergennes où il dit : «Je n'ai jamais rien appris des agents secrets : en fait je les ai souvent corrigés et leur unique mérite quand ils faisaient un rapport était de corroborer mon propre système». C'est dans cette documentation que G. va puiser la matière pour les périodiques dont il a la charge, commandités par les Affaires étrangères. En 1762, il est conseiller d'ambassade à Londres ; en 1763, premier secrétaire d'ambassade pour le traité de paix.

Conjointement, il mène une autre activité, à partir de 1759 : la formation d'interprètes qualifiés, «plusieurs élèves de langues pour les ministres du roi en pays étranger», ainsi qu'il le dit lui-même dans les mémoires de 1761 et 1772 conservés dans son dossier aux A.A.E. A l'anglais, l'allemand, l'italien qu'il parlait lui-même, se sont ajoutés l'espagnol, le polonais, le suédois, le danois (pièce 330 du dossier).

«En 1762», dit Mme Campan, «on enleva d'une autre division du ministère des Affaires étrangères une branche de travail qui augmentait l'importance de sa place». Il semble que l'autorité de G. ne cesse de croître, depuis le moment où, entre 1755 et 1759, Moreau l'avait connu : «ce Genêt, le plus laborieux des instituteurs, d'une famille originairement très chrétienne et fidèlement royaliste, lorsque je travaillais à l'Observateur hollandais avait ordre de traduire pour moi les papiers anglais dont j'avais besoin» (Souvenirs, t. II, p. 320).

Mme Campan, confirmée par Minnigerode, dit qu'il tenait salon. Minnigerode relève, dans une correspondance dont il dut avoir connaissance aux Etats-Unis mais dont il ne donne pas la source, la liste de ses correspondants illustres : «Ducs, ministres, maréchaux, cardinaux : Bernis, Soubise, Luynes, Broglie, Noailles, Chevreuse».

En 1781, il tombe malade d'une fièvre maligne qui l'emporte à cinquante-quatre ans, le 11 septembre. Mme Campan dit que les journaux «retentirent de ses louanges et que son convoi fut suivi d'un immense cortège et par tous les corps militaires de la maison du Roi». Il fut enterré à Montreuil où il avait une campagne.

On trouve dans L’Almanach de Versailles la mention : «Bureau des interprètes du Roi pour le Département des Affaires Etrangères, de la Marine, de la guerre et des finances : M. Genest, premier commis, à l'Hôtel des Affaires Etrangères, rue de la Surintendance». Les Notices de Mme Campan, qui datent de 1819, ne font pas allusion à une fonction de secrétaire-interprète de Monsieur, que l'on trouve chez D.O.A. et dans toutes les biographies.

4. Situation de fortune

Ses premiers appointements, en 1753, sont de 6000 £. «Il resta six ou sept ans avec ces appointements», dit Mme Campan. Mais elle explique qu'il avait la charge des parents et des frères de sa femme et qu'il dépensa plus de 100 000 £ sur le futur héritage de son père. En 1759, il est augmenté et payé par les trois ministères : Affaires étrangères, Guerre, Marine. Son dossier aux A.A.E. comporte plusieurs rapports d'activité avec demande de remboursement de ses frais pour l'achat des gazettes, la formation des interprètes, l'achat des dictionnaires, les frais de bureau, pour lesquels il a fait avance depuis que la vente du périodique Etat de l'Angleterre ne peut plus alimenter ces dépenses. Le dossier comporte aussi une lettre par laquelle, à sa mort, sa femme demande une pension.

5. Opinions

G. est royaliste et catholique, d'après sa fille et d'après son collègue Moreau. C'est un grand commis, un fonctionnaire. Aux Affaires étrangères (voir Samoyault) il innove, il organise, sur des bases très modernes, un centre de documentation et une école d'interprètes. Son activité de publiciste est aussi nouvelle. Dans les premiers périodiques, ceux de 1757 à 1761, il fait œuvre de traducteur et de compilateur. Mais dans les Affaires, vingt ans après, il s'exprime par les «Lettres du banquier», rubrique régulière qui commente et rectifie les textes et documents publiés. Il ne parle pas en son nom, mais exprime le point de vue de son ministre, et sert une politique. Seule la découverte de documents nouveaux sur sa relation avec Vergennes permettrait de définir la part de liberté, de conseil et d'invention qu'il eut dans son activité de commis et de journaliste. Ses œuvres littéraires ne sont que des traductions ou des compilations, avec quelquefois des introductions comme celle que signale avec satisfaction la CL., t. VII, p. 475, nov. 1767, pour un Mémoire sur l'administration des finances de l'Angleterre.

6. Activités journalistiques

Ce sont les circonstances politiques extérieures qui amènent G. à devenir journaliste. Comme il est spécialiste de l'Angleterre, il est tout désigné pour se voir confier, quand le ministère l'estime utile, en temps de conflit, par exemple, un périodique d'opinion. La guerre de Sept Ans impose le premier : Etat politique actuel de l'Angleterre, bimensuel, en 1757, qui paraît jusqu'en 1759, chez les frères Estienne. Le sous-titre donne une idée du contenu : « Lettres sur les Ecrits publics de la Nation anglaise, relativement aux circonstances» (D.P.1. 409). La matière est tirée des gazettes et écrits en provenance d'Angleterre, et chaque livraison donne un tableau des «prises faites à la mer», car les nouvelles maritimes sont l'obsession du périodique. Le choix des textes est toujours fait d'une façon défavorable à l'Angleterre.

En 1759 un autre projet vient doubler celui de G. : David qui a le privilège de la distribution des gazettes étrangères s'entend avec Palissot pour donner une feuille hebdomadaire de traductions des gazettes anglaises. Choiseul demande à G. de cesser son périodique et de contrôler cette publication qui s'appelle d'abord : Papiers anglais (1-22 janv. 1760, D.P.1 1102), puis Etat actuel et politique de l'Angleterre (janvier à novembre 1760, D.P. 1 403), enfin : Gazettes et papiers anglais jusqu'en 1762 (D.P.1 561).

Avec la conclusion du traité de paix, la nécessité d'un organe public ne semble plus ressentie aux Affaires étrangères. Jusqu'au moment où éclatent les hostilités en Amérique. En 1776, il est l'homme de confiance de Vergennes. C'est lui qui suggère (voir A.A.E.) le lancement d'un périodique dont l'origine devrait être soigneusement cachée, pour s'opposer au Courrier de l'Europe et soutenir habilement la politique du roi, appuyant les Confédérés américains et en même temps discutant et corrigeant leur républicanisme. Ses relations d'amitié avec les commissaires de Passy, Franklin et Adams, qui fréquentent familièrement chez lui, lui fournissent une importante matière et l'exclusivité de textes documentaires ou critiques. Ce périodique, qui commence à paraître en mai 1776, s'appelle : Affaires de l'Angleterre et de l'Amérique. Ce périodique paraît jusqu'en novembre 1779 (D.P.1 4). Le Journal politique de Genève et le Journal politique de Bruxelles annoncent que l'auteur des Affaires de l'Angleterre et de l'Amérique cesse son journal et leur fournira des nouvelles traduites des gazettes anglaises. Cette «petite feuille» sera aussi diffusée par le Mercure. C'est toujours G. le rédacteur, ainsi qu'en témoigne sa correspondance avec Franklin et Adams, qui continue à fournir des textes. Et cela continue après sa mort, quand son fils prend sa place. Dans son Diary, John Adams parle de G. comme du rédacteur du Mercure. Lié à Panckoucke, il fait parvenir au Mercure de France les nouvelles destinées au Courrier de l'Europe (G. et M. von Proschwitz, Beaumarchais et le Courier de l'Europe, S.V.E.C. 273- 1990, p. 105-106). La correspondance de Franklin (voir Franklin Papers, en cours d'édition à l'Université de Yale) comporte un texte émanant de G. qui développe le projet d'une feuille périodique en anglais destinée à renseigner les Américains sur les affaires commerciales françaises. Il semble donc qu'à la fin de sa vie les journaux politiques (y compris la Gazette, prise en charge par les Affaires étrangères depuis 1761) aient pris l'habitude de s'adresser à G. pour toutes les nouvelles d'Angleterre et d'Amérique, et qu'il agisse comme le tenant officiel d'un bureau de presse spécialisé. Nous en avons la preuve pour l'Angleterre, mais il est possible qu'il ait étendu sa méthode à d'autres pays.

7. Publications diverses

On trouve la liste des œuvres de G. dans Cior 18, n° 30584-30599. Mais les Affaires n'y figurent pas. Le secret n'avait pas été percé en France. C'est d'Amérique qu'est venue l'identification de G., par Minnigerode. Gilbert Chinard trouva aux A.A.E. confirmation des renseignements donnés par les correspondants américains de G.

8. Bibliographie

Les Notices de Mme Campan sur sa famille ne figurent pas dans ses œuvres. Elles avaient été rédigées en 1819 à l'intention de ses neveux d'Amérique, les enfants d'Edmond Charles Genêt, marié à la fille du général Clinton. C'est Edouard Harlé, descendant de G., qui les publia en 1915 dans : Livre de famille, recueil de documents sur ma famille, 2e part., t.  I, Bordeaux, 1915.En 1925, Gabriel Vauthier reprit ces notices et les publia à part avec des notes, des explications et des pièces d'archives en complément sous le titre : Notices de Mme Campan sur sa famille, Versailles, 1924. – A.A.E., Personnel, Première Série, XXXIV. – Minnigerode M., Jefferson, friend of France : the career of Edmond-Charles Genêt, New York, 1928. Ce livre qui utilise une documentation inédite sans préciser ses sources indique que la Library of Congress possède des «Private papers» de G. – Jusserand J.J., En Amérique, jadis et maintenant, 1918. L'auteur cite à propos de G. une collection privée d'un vicomte Dejean où figureraient des lettres de G. à son fils. – Chinard G., « Adventures in a library», The Newberry Library Bulletin, 2e série, n° 8, mars 1952. Il dit avoir trouvé des renseignements sur G., auteur des Affaires, à Aix-en-Provence. – Samoyault J.P., Les Bureaux du Secrétariat d'Etat des Affaires étrangères sous Louis XV, Paris, 19 71 (l'auteur cite le fonds Chabrillon aux A.D. Drôme qui comporte des lettres de G.). – Franklin B., Calendar of the Papers of Benjamin Franklin, Philadelphia, U. of Pennsylvania, 1908. – List of the Benjamin Franklin Papers, Library of Congress, 1905. – The Papers of Benjamin Franklin, ed. W.B. Wilcox, New Haven, Yale U.P. L'édition chronologique est en cours. A partir du t. XXV on trouve des allusions aux Affaires de l'Angleterre et de l'Amérique et des lettres de G. ou à G., particulièrement dans les t. XXVI, XXVII et XXVIII, qui portent sur les années 1778 et 177. – Adams J., Diary and autobiography, Harvard U.P., 1961.