FABRE D'EGLANTINE

Numéro

292

Prénom

Philippe

Naissance

1750

Décès

1794

1. État-civil

Philippe François Nazaire Fabre d'Eglantine est né à Carcassonne le 21 juillet 1750 (Cior 18), de François Fabre et d'Anne Catherine Jeanne Marie Fons (ou Fonds). Il a pour frère Joseph Vincent Dominique Fabre-Fonds (1752-1826). Fabre d'Eglantine épouse à Strasbourg l'actrice Marie Nicole Godin-Lesage le 9 novembre 1778. Le 12 octobre 1779, il a un fils, Louis Théodore Jules Vincent. Il est guillotiné le 6 avril 1794 (ibid.). L'origine de son surnom est obscure : en 1771 il obtient un lis d'argent aux Jeux Floraux de Toulouse pour un Sonnet à la Vierge. L'églantine d'or d'où il avait tiré son pseudo-patronyme est une légende : ce prix était réservé à l'éloquence, donc aux textes en prose, et n'a pas été attribué cette année-là. En 1772, il commence sa carrière sous le nom d'Eglantine : c'est tout ce que nous savons de certain.

2. Formation

Il fit de brillantes études chez les Doctrinaires de Limoux qui souhaitèrent l'admettre comme laïc dans leur congrégation. Ils l'envoyèrent poursuivre sa formation dans leur collège de Toulouse, où il enseigna dans les petites classes et eut quelques succès dans des représentations théâtrales.

3. Carrière

Il commença sa carrière d'acteur en 1772, peut-être à Bordeaux ; il passa à Grenoble, à Versailles au théâtre Montansier, à Chalon-sur-Saône, à Troyes et de nouveau à Chalon. Il arriva à Namur le 26 novembre 1776, entra dans la troupe d'Hébert. Il séduisit et enleva la toute jeune Catiche Desremond le 16 février 1777 ; il fut pris, passa en jugement mais fut gracié par le gouverneur des Pays-Bas. Il reprit sa vie errante et ses aventures galantes : il était à Paris le 23 août 1777, à Sedan en octobre, à Troyes en février 1778. Il passe par Strasbourg, va jouer à Maestricht où il chante comme ténor à l'Opéra. C'est là qu'il donne sa première romance, Les Amants de Beauvais, et «Il pleut, il pleut bergère». Il peint des miniatures à Sedan, est acteur à Liège. A partir de 1780, il fait du journalisme avec Gerlache et Henkart, deux Liégeois. Il joue à Spa devant le roi de Suède, à Sedan, à Liège. En 1782, il prend la direction d'une troupe qui joue à Arras, Douai, Besançon, Genève, Lyon, où il se lie avec Collot d'Herbois. Le 11 mars 1785, il prend la direction du théâtre de Nîmes, mais doit s'enfuir en Avignon poursuivi par les créanciers, se réfugie au collège des Doctrinaires où il donne des cours de diction. En 1787, il arrive à Paris comme secrétaire du marquis de Ximénès et poursuit sa carrière d'auteur : il fait jouer au Théâtre-Italien, le 21 septembre 1787, Les Gens de lettres ou le poète de province à Paris, puis au Théâtre-Français Augusta. Le 7 janvier 1789, il donne au Théâtre-Français Le Présomptueux ou l'heureux imaginaire. Mais ses pièces sont mal accueillies et il est criblé de dettes. Habitant le district des Cordeliers, il fit partie du club local, dont il fut secrétaire. Au début de janvier 1790, il fut l'un des cinq conservateurs de la liberté, sans le contreseing desquels aucun mandat d'arrêt n'était valable contre les habitants du district. Il devint ensuite vice-président du district, sous la présidence de Danton. Il entra au club des Jacobins, mais continua d'écrire pour le théâtre plusieurs pièces, dont Le Philinte de Molière, pièce à tendance révolutionnaire qui eut un grand succès. Le 11 août 1792, il devient secrétaire du ministre de la Justice, Danton. Il commença à trafiquer sur les fournitures militaires. Le 5 septembre de la même année, il fut élu député de Paris à la Convention. Il entra ensuite au Comité de sûreté générale, participa à la commission chargée d'élaborer un projet de liquidation de la Compagnie des Indes. Mais le décret, publié dans le Bulletin des lois le 27 octobre, fut falsifié, au profit des actionnaires de la Compagnie : il est difficile de savoir la part exacte qu'il a jouée dans cette falsification, mais elle ne pouvait lui échapper. Le 25 octobre, il fut chargé de préparer le calendrier républicain : l'essentiel en revient à Romme, mais la poésie des noms est son ouvrage. Après de multiples intrigues, il fut décrété d'accusation le 12 mars 1794, enfermé au Luxembourg le 18, interrogé le 26, condamné à mort le 30 et guillotiné le 6 avril 1794.

4. Situation de fortune

Toute sa jeunesse se passe dans le besoin ; plus tard, en 1785, lorsqu'il est directeur du théâtre de Nîmes, il s'endette, porte ses hardes au mont-de-piété et doit fuir ses créanciers. Sa situation ne s'est pas améliorée en 1789 puisque c'est à une lettre de Louis XVI qu'il devra de ne pas être enfermé au For l'Evêque pour dettes. En dépit de ses quelques succès de théâtre, il était toujours dans la gêne, sinon dans la misère. Au début de 1791, il propose à Du Bouchage, ministre de la Marine, de susciter aux Jacobins une réaction favorable à la monarchie contre trois millions. A partir du 11 août 1792, la situation s'inverse : il est appointé à 1500 £ par mois, il dispose de fonds secrets et il va se livrer à la prévarication. Dès septembre, il s'installe dans un hôtel particulier rue de La Ville-l'Evêque. Robespierre l'accusera d'avoir vendu avec un bénéfice de 40 000 £ des souliers destinés à l'armée. A propos du décret falsifié de la liquidation de la Compagnie des Indes, on sait que 100 000 £ lui ont été proposées en pot-de-vin par Chambot.

5. Opinions

Ses opinions politiques auront plus à voir avec l'opportunisme qu'avec la conviction. Indifférent à l'agitation de 1789, il voit cependant dans la Révolution l'occasion de se faire une place. Débouté en 1791 par Du Bouchage car il est sans influence réelle, il suivra le sillage de Danton. Il «dépassait Marat en fureur » dans son Compte rendu au peuple souverain et appela aux massacres de septembre, après avoir cependant pris la précaution, disent les mauvaises langues, de faire sortir de prison sa cuisinière, détenue pour dettes. Il préféra les intrigues de l'ombre, votant au gré de ses intérêts : d'abord en faveur de Brissot et de la faction des « indulgents », puis en faveur de Robespierre contre les hébertistes, les «exagérés», contre les «pourris», contre ses anciennes relations d'affaires lorsqu'ils sont découverts. Mais lorsque Robespierre apprit son rôle dans l'affaire de la Compagnie des Indes, il l'attaqua et le fit exclure des Jacobins sous l'accusation de faux et de concussion. Se défendant lors de son procès en accusant les autres, il sera guillotiné avec les dantonistes.

6. Activités journalistiques

Le 22 décembre 1780, il signe à Liège un contrat avec un certain Gerlache et le révolutionnaire Henkart pour la fondation d'un journal intitulé Spectateur des pais d'entre l'Escaut, la Meuse et le Rhin : «Nous convenons de ce qui suit, que nous sommes résolus d'entreprendre un journal intitulé Spectateur [...] le Sr De Glentinne [sic] composant [...] ; le produit des soucriptions sera divisé en deux lots [pour] former une Bibliothèque commune. Les trois Coopérants se promettent fidélité et le plus scrupuleux respect envers la Religion et le Gouvernement». Ce journal n'a pu être retrouvé, ni sous ce titre, ni sous celui de Spectateur cosmopolite cité par G. de Froidcourt, qui n'aurait eu que cinq numéros, en janvier et février 1781, ni sous le titre de Journal entre la Meuse et l'Escaut, cité par Roussel (dans la préface de Correspondance amoureuse). Il faudra ensuite attendre la Révolution pour voir sa carrière de journaliste s'affirmer. Le 19 septembre 1790, il remplace Loustallot comme premier rédacteur des Révolutions de Paris ; sa collaboration y restera anonyme. Après le 11 août 1792, avec les fonds du ministère de la Justice, il fonda un journal par affiche, Compte rendu au peuple souverain. Il y appela aux massacres de septembre et excusa les assassinats. Il dirigea enfin la Gazette de France qui lui servit d'instrument de lutte contre les Girondins.

7. Publications diverses

Principales œuvres : Les Amants de Beauvais, 1776. – Augusta, 1787. – Les Gens de lettres ou le Poète de province à Paris, 1787. – Le Présomptueux ou l'Heureux imaginaire, Paris, 1790. – Le Collatéral ou l'Amour et l'intérêt, Paris, 1791. – Le Convalescent de qualité ou l'Aristocrate moderne, Paris, 1791. – L'Héritière, 1791. – Isabelle de Salisbury, Paris, 1791. – Le Philinte de Molière ou la Suite du Misanthrope, Paris, 1791. – Réponse du pape à F.G.l.S. Andrieux, 1791. – Le Sot orgueilleux, 1791. – L'Intrigue épistolaire, Paris, 1792. – Les Précepteurs, 1799. – Correspondance amoureuse, précédée d'un Précis historique de son existence morale, physique et dramatique, et d'un fragment de sa vie, écrite par lui-même, Paris, 1796, réimprimé en 1799 sous le titre de Lettres familières galantes de Fabre d'Eglantine. Pour la liste complète se reporter à Cior 18, n° 27957 à 27983.

8. Bibliographie

B.Un. ; N.B.G. ; D.B.F. ; D.L.F. – B.N., f.fr. 24347-24348. – Saint-Marc Girardin, « Collin d'Harleville et Fabre d'Eglantine», dans Essais de littérature et de morale, Paris, 1863. – Tulard J., Fayard J.F. et Fierro A., Histoire et dictionnaire de la Révolution française, Laffond, Paris, 1987. – Froidcourt G. de, Le Procès de Fabre d'Eglantine devant le magistrat de Namur en 1777, Liège, 1941. – Hanquet P. et Nagelmackers A., « Les Henkart dans la principauté de Liège », Le Parchemin, mars-avril 1972, n° 158.

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