DU SAUZET

Numéro

286

Prénom

Henri

Naissance

1686?

Décès

1754

1. État-civil

Henri Du Sauzet est né à Toulouse en 1686 ou 1687, selon une attestation fournie à l'église wallonne de La Haye le 25 septembre 1718 (V, p. 105). Il a épousé, le 14 avril 1718, Elisabeth Salinieres, fille de Jean Salinieres et de Anna Oyens, née le 13 mars 1689, enterrée le 23 décembre 1744 en l'église wallonne (V). En secondes noces, il a épousé, le 14 septembre 1747, Renée Paturle (1705-1779). Il a été enterré dans l'église wallonne le 8 mai 1754. L'inventaire après décès est dressé le 22 mai (V). Il laissait au moins une fille, Louise Marianne, qui fut son exécutrice testamentaire (voir art. «Beyer»).

2. Formation

P. Marchand, d'Argens et Voltaire l'ont considéré comme un disciple des Jésuites. Voltaire l'a qualifié de «fripon de jésuite apostat» (à Moussinot, 27 déc. 1738, D1715) ; il est, selon Marchand, «toujours disciple de la Société» et «Fourbe de Jésuite» (Larkin, p. 70, n. f). Goujet lui-même, qui a collaboré avec D., le qualifie de «libraire ex-jésuite» (voir art. «Goujet»). La Société n'a cependant gardé aucune trace de lui ; et l'accusation de jésuitisme étonne un peu, s'agissant de l'éditeur de la Bibliothèque française, journal notoirement janséniste à l'origine. D., lui, a recherché tout aussi bien la faveur des protestants à son arrivée aux Pays-Bas (voir lettre de recommandation de J. Le Clerc du 31 déc. 1714, envoyée par D. à Desmaizeaux, A, n° 414 et 418) ; plus tard, et pour des raisons d'affaires, il n'a songé qu'à se concilier les bonnes grâces de Voltaire (Voltaire à D., déc. 1738).

3. Carrière

Sa biographie se confond avec sa carrière de libraire. Il s'établit aux Pays-Bas en 1714, s'acquitte de ses droits en 1715, en qualité d'apprenti (V). Il n'a, semble-t-il, aucun capital au départ. Vers 1720, il écrit à Desmaizeaux : «Pour moi, content de ma pauvreté, je ne cherche point de fortune, me bornant à mon petit commerce, je n'aime point courir des hazards fâcheux» (A, p. 121). Il se spécialise assez vite dans l'importation de livres étrangers, surtout anglais et français. Jean Le Clerc le recommande à Desmaizeaux dès 1714(n° 414 et p. 79). Par lui, D. se tiendra au courant de la production anglaise la plus récente. Il lance dès janvier 1715 les Nouvelles littéraires, qui seront largement tributaires des informations fournies par Desmaizeaux (A, p. 115, 118-119). Dès cette époque, D. l'emporte sur ses concurrents par la rapidité de l'information et la régularité de la périodicité (D.P.1 1039). Il se fixe définitivement à Amsterdam à partir du 7 mai 1718 (V, p. 107), à Prinsengracht d'abord (1718), puis à Kalverstraat (14 oct. 1725), à Rokin (1742), Singen over de Munt (1744), le Singel (1747) puis à Boomsloot (1754).

4. Situation de fortune

Sans avoir atteint la fortune, D. semble avoir connu une solide aisance, dont témoignent en particulier les prêts qu'il consent à divers collègues : ces prêts s'élèvent en 1747 à 10 644 florins (V, p. 106).

5. Opinions

Connu pour sa modération et sa prudence, il a évité tout conflit avec ses concurrents. C'est, semble-t-il, en toute bonne foi qu'il a publié dans les Nouvelles littéraires la Vie de Spinoza de Lucas, qui suscita un tollé (A, p. 111-112). Il s'est laissé aller une fois à reprocher à P. Marchand d'avoir falsifié le texte des Lettres cabalistiques du marquis d'Argens (Bibliothèque française, t. XX, 1735, art. VI), d'où une brouille définitive entre les deux hommes (voir lettre de Marchand à d'Argens, 8 août 1739, dans Larkin, n° 63, et p. 192, n.c). Indigné par la malhonnêteté de Wettstein, à l'époque de la rupture entre Wettstein et Smith (1741), il refuse d'attaquer la Bibliothèque raisonnée et expose simplement les faits dans le t. XXXVI de la Bibliothèque française (Lagarrigue, p. 256-258).

Son ami et correspondant le plus fidèle fut certainement Desmaizeaux : J. Almagor a répertorié 108 lettres de D.S. à Desmaizeaux, conservées à Londres, datées de 1715 à 1722 de façon très régulière, puis de façon plus espacée jusqu'en 1739 (B.L., add. mss 4287). D. se lia également d'amitié en 1735 avec J- von Beyer, magistrat de Nimègue : le Rijksar-chieven d'Arnhem garde 181 lettres de D. à Beyer, datées de 1738 à 1742 et léguées à Beyer par Louise Marianne Du Sauzet (voir art. «Beyer»). Beyer relève au passage qu'il a dû à D. la connaissance d'un certain nombre d'écrivains français, notamment d'Olivet et Le Cat (ibid.).

6. Activités journalistiques

Dès le 5 janvier 1715, peu après son arrivée aux Pays-Bas, il lance à La Haye et à Amsterdam les Nouvelles littéraires, contenant ce qui se passe de plus considérable dans la République des Lettres, avec une périodicité hebdomadaire d'abord, puis trimestrielle à partir de juillet 1719 (D.P.1 1039). Avec ce premier périodique, D. adopte une formule très nouvelle d'information rapide, régulière et brève, largement européenne ; il abandonne les longs extraits des bibliothèques savantes pour de brefs bulletins portant sur tous les aspects de la vie littéraire, tandis que les «nouvelles littéraires» sont rassemblées en fin de numéro. Cette formule neuve mais difficile à gérer l'oblige à revenir en mai 1719 aux extraits traditionnels, et à confier la rédaction à J. Van Effen.

Il entreprend en 1715 la publication des Mémoires de littérature, dont quatre parties paraissent à La Haye d'août 1715 à la fin de 1717 sous la direction d'Albert de Sallengre (D.P.1 886). Il publie également, en collaboration avec Nicolas Viollet, La Bagatelle ou discours ironiques, de Van Effen, du 5 mai 1718 au 13 avril 1719 (D.P.1 140).

Il reprend en 1730 (t. XIV) la Bibliothèque française, précédemment publiée par J.F. Bernard à Amsterdam ; il en fera paraître 28 volumes de 1730 à 1746 (t. XLII). D. donnera à cette revue la régularité et la cohésion qui lui manquaient jusqu'alors ; il en assure la diffusion commerciale ; il y développe les nouvelles littéraires ; tout en recourant à de nombreux correspondants, il prend part à la rédaction des nouvelles littéraires et Goujet le considère comme « auteur de ce bon ouvrage périodique» (voir D.P.1 162). La main de D. se reconnaît en tout cas dans la Bibliothèque française à la rigueur et à l'étendue de l'information littéraire ; il fut certainement en son temps l'un des grands professionnels de la presse.

Il semble avoir pris part, à la fin de sa vie, à la correction de la Nouvelle Bibliothèque germanique ; Cartier de Saint-Philippe (voir ce nom) le remplace en juin 1750 (Nachlass Formey, 2 juin 1750, f° 1), après qu'il ait subi une attaque de paralysie.

7. Publications diverses

Ses éditions ont été appréciées pour leur exactitude, la qualité de la typographie, des illustrations et des index. On lui doit en particulier : D. Huetii commentarius de rébus ad eum pertinentibus (La Haye, 1718). – Recueil de diverses pièces sur la philosophie, la religion naturelle, l'histoire, les mathématiques, &c. (essais de Leibniz, Clarke, Locke, Collins, Amsterdam, 1720). – L'Histoire des Juifs de Prideaux, trad. française de La Rivière et Du Soul (Amsterdam, 1722, 5 vol.). – Psalterium Davidicum ad usum et ritum sacri ordinis Cisterciensis (Cologne, 1723, in-folio). – Mémoires du cardinal de Retz (en collaboration avec J.F. Bernard, Amsterdam, 1723). – Joannis Har-duini e Societate Jesu Opéra varia cum Indicibus & Tabulis aeneis (en collaboration avec de Hondt, Amsterdam et La Haye, 1733, in-folio).

8. Bibliographie

Kossmann E.F., De Boekhandel te 's Gravenhage tôt het eind van de i8de eeuw, La Haye, 1937. – (V) Van Eeghen I.H., De Amsterdamse boekhandel, 1680-1725, Amsterdam, 1965, t. III, p. 105-108. – Correspondance entre Prosper Marchand et le marquis d'Argens, éd. S. Larkin, S.V.E.C. 222, 1984. – (A) Almagor J., Pierre Des Maizeaux (1673-1745), journalist and English correspondent for Franco-Dutch periodicals, 1700-1720, Amsterdam, Maarssen, APA-Holland U.P., 1989. – Lagarrigue B., Un temple de la culture européenne (1728-1753), l'histoire externe de la «Bibliothèque raisonnée des ouvrages des savants de l'Europe», Nimègue, 1993.

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