DUFRESNY

Numéro

265

Prénom

Charles

Naissance

1657

Décès

1724

1. État-civil

Charles Dufresny est né à Paris en avril ou mai 1657 (D.A.D., p. 19), et non en 1648 ou en 1654, comme on l'a souvent affirmé. D'une famille de petits officiers de Cour, qui s'honorait que le galant Henri IV eût distingué une Jardinière d'Anet, dont Charles son aïeul, aurait été le fruit illégitime, Dufresny est le fils de Paul Dufresny et de Catherine Ilharrart. Il fut élevé dans la maison familiale du Marais, rue Bourgti-bourg, essentiellement par sa grand-mère maternelle. Marié le 9 février 1682 à Catherine Perdreau, petite-cousine par alliance de Molière, dont il eut deux enfants, Louis (1682), chanoine régulier de Saint-Augustin, et Sophie Angélique (1685), morte sans descendance. Veuf en mars 1688, Dufresny se serait remarié avec sa blanchisseuse, selon une légende que rien ne confirme (D.A.D., p. 30-31). Mort le 6 octobre 1724, rue Vieille du Temple, et enterré au cimetière vert de Saint-Jean-en-Grève, au pied de la maison familiale. On le trouve souvent (par exemple, au titre de l'édition de ses Œuvres en 1731) sous le nom composé de «Rivière Dufresny» : «La Rivière» était le surnom professionnel de son grand-père, garçon de la chambre du Roi, qui le transforma en « sieur de la Rivière » par une amplification rhétorique, qui allait de pair avec l'accession de sa famille à la bourgeoisie parisienne. Dufresny signe toujours de son simple nom de famille, bien qu'on l'appelle parfois «M. de Rivière» (ex. : 1er éd. collective de ses Œuvres chez Ribou).

2. Formation

Etudes inconnues mais sans doute un peu rapides pour un enfant qu'on destinait au service de la Cour. Il semble avoir une teinture de culture classique (D.A.D., p. 24), comme l'indique son Parallèle d'Homère et de Rabelais (R.M.). D. s'est toujours abstenu d'exprimer par écrit des opinions religieuses, mais des divertissements un peu sacrilèges et son genre de vie suggèrent quelque libertinage (D.A.D., p. 46).

3. Carrière

D. succéda à son père, de 1677 à 1681, dans la charge de garçon de la Chambre ; il devint, vers 1682, huissier du Chambellan (D.A.D., p. 29), fonction qu'il occupa jusqu'en 1688. D. participa, vers 1688, à la création de la Manufacture royale des Grandes-Glaces (D.A.D., p. 39-41) et fut nommé, le 21 septembre 1700, dessinateur des Jardins du Roi ; il conserva cette sinécure jusqu'à sa mort (D.A.D., p. 42-43).

4. Situation de fortune

Héritier de biens qui le classaient dans la bourgeoisie aisée de la capitale, D. était joueur et systématiquement dissipateur. Disposant de plusieurs logements dans Paris, il tentait ainsi d'échapper à ses créanciers. Ses charges de garçon de la Chambre ou d'huissier du Chambellan étaient de peu de rapport, mais sa pension de 1500 £ sur la Compagnie des Glaces et celle de 1200 £ comme dessinateur des Jardins, preuves de l'intérêt porté par Louis XIV à ce petit-cousin de la main gauche, lui furent versées sa vie durant. Le roi lui accorda aussi de bien utiles rémissions de dettes (D.A.D., p. 80). Les revenus de ses œuvres dramatiques jouées à la Comédie-Française et ceux du Mercure ne durent pas toujours être négligeables pour un homme très dépensier qui mourut dans la misère. La légende des largesses du Régent à son égard n'est pas confirmée par les documents, bien que le Prince ait, sans doute, vu du meilleur œil l'un des représentants les plus originaux de la coterie moderne. Peu avant sa mort, il semble avoir fait amitié avec le banquier genevois, Isaac Thelusson (D.A.D., p. 112).

5. Opinions

D. appartint, un peu en marge, au mouvement littéraire des Modernes. Longtemps intime de Regnard, avec qui il collabora à la Comédie-Italienne, il rompit avec lui à l'occasion de la querelle du Joueur (1696). D. fréquenta le monde des cafés et, vraisemblablement, le salon de Mme de Tencin (D.A.D., p. 101-102) : La Motte, l'abbé de Pons, Hénault, tous héros du parti moderne, et leur patriarche, Fontenelle, considéraient D. comme un esprit novateur et singulier ; si Marivaux voyait en lui un maître, rien ne prouve qu'il l'ait beaucoup pratiqué. En revanche, il fut accueilli dans le cercle de Mlle L'Héritier, où la nièce des Perrault perpétuait le culte de Mlle de Scudéry et de la première préciosité (D.A.D., p. 97-102). D. alliait le goût de la recherche verbale et du décorum venu de la préciosité au plaisir de la dérision qu'il tirait du burlesque. Intellectuellement, il était très proche du scepticisme fontenellien. Son «modernisme» fut moins abstrait que celui de Fontenelle, et plus ouvert que celui de La Motte et de ses amis. Ennemi de la règle, il ne s'en fit pas une de la refuser. Sa direction du Mercure fut surtout marquée, en 1711, par la publication non-autorisée des œuvres de Jean Baptiste Rousseau, l'exilé de Soleure, qui considéra cette édition pré-originale comme une manœuvre de ses ennemis modernes (D.A.D., p. 85-88), et par les premières escarmouches de la seconde Querelle des Anciens et des Modernes, auxquelles participa D. par divers textes dont le Parallèle d'Homère et de Rabelais (mai-août 1711). Hors une lettre de 1717 (B.N., n.a.fr. 31), aucune correspondance manuscrite de D. n'est connue.

6. Activités journalistiques

Mercure galant par le Sieur Du F***, juin-juillet-août 1710 a avril 1714 (Paris, Jollet, Ribou, Lamesle), mensuel. Privilège pour trois ans à D. du 28 ou 31 août 1710, renouvelé pour quatre ans le 21 décembre 1712 (voir D.P.1 920, 921 et D.A.D., p. 78 et suiv.). Successeur de De Visé à la direction du Mercure, D. en fut le rédacteur principal jusqu'en 1712 ; à partir de l'année suivante, il s'adjoignit un « associé » chargé de la compilation mensuelle. Son nom disparaît de la page de titre avec le numéro de mai 1714. Il existe une contrefaçon hollandaise avec additions du Mercure galant de D. (La Haye, T. Johnson, jusqu'en juin 1713). D. fut ensuite privilégié, en titre seulement, du Mercure (voir nos notices du D.P.1) :

Nouveau Mercure galant, mai 1714 à octobre 1717 ; privilège révoqué en novembre 1716 (D.P.1 921).

Le Mercure, juin-juillet 1721 à octobre 1724 (périodique devenu Mercure de France en janv. 1724). Brevet de don à D. du Ier juin 1721 ; privilège partagé le 3 juillet 1721 avec Antoine de La Roque et Louis Fuzelier (D.P.1 923).

De 1714 à 1724, D. se contenta de toucher les revenus du Mercure, sans participer à sa rédaction.

7. Publications diverses

Bibliographie intégrale : D.A.D., Bibliographie, Section III-Aet B.

8. D.A.D., Bibliographie IV-A et B. Spécialement sur D. et le Mercure : (D.A.D.) Moureau F., Dufresny, auteur dramatique (1637-1724), Paris, Klincksieck, 1979. – Id., Un singulier Moderne : Dufresny, auteur dramatique et essayiste (1657-1724), Lille, Paris, Service de reproduction des thèses, 1979 (en annexe : Listing de dépouillement et classement informatique fait pour le Mercure de D.). – (R.M.) Id., «En prologue à la seconde Querelle : Rabelais et Montaigne, < modernes > et < libertins > en 1711», Bulletin de la Société des Amis de Montaigne, 1972, 5e série, n° 1, p. 11-23. – W.. «Fiction narrative, nouvelles et faits divers au début du XVIIIe siècle : l'exemple du Mercure galant de Dufresny», Cahiers de l'U.E.R. Froissard, n° 3, Valenciennes, 1978, p. 126-134. – ld., notices : Mercure galant (1710-1714), Nouveau Mercure galant (1714-1716), Mercure (1721-1723) : dans D.P.1. – Wallon S., «Une chanson à siffler au temps de Louis XIV», Revue de musicologie, t. LIV, 1968, p. 102-105.