DELAROCHE

Numéro

216

Prénom

Aimé

Naissance

1720

Décès

1801

1. État-civil

Aimé Delaroche (ou de La Roche) est né à Lyon en 1720 et mort à Lyon en 1801. Même si son père et sa mère étaient déjà imprimeurs et libraires, il est au vrai point de départ d'une longue et glorieuse lignée de patrons de presse. Ses descendants, les familles Delaroche, Brémond et Ligniel, ont incarné la presse lyonnaise pendant tout le XIXe siècle et une bonne partie du XXe, le plus beau fleuron de l'empire, le Progrès de Lyon n'ayant été cédé au groupe Hersant par Jean-Charles Ligniel, dernier représentant de la dynastie, que dans les années 80 du siècle dernier.

3. Carrière

Dans le contexte déprimé du commerce du livre à Lyon au XVIIIe siècle, dont les difficultés sont bien connues, et qui souffre en particulier de la concurrence parisienne, D. a moins cherché le risque ou le prestige que la voie sûre des charges officielles qu'il s'est employé à cumuler méthodiquement, ce qui semble l'avoir dispensé de recourir aux pratiques douteuses (contrefaçons notamment, accords avec les pirates de Genève ou d'Avignon) auxquelles ses confrères étaient souvent condamnés pour survivre. Il fait partie des douze imprimeurs et vingt-quatre libraires autorisés à Lyon depuis un arrêt du Conseil daté de 1739. Reçu maître-imprimeur en 1736, il commence très tôt à acheter toutes les charges disponibles d'imprimeur attitré des autorités administratives, ecclésiastiques et académiques. Il devient ainsi imprimeur de la ville (1739), de Monseigneur le duc de Villeroy (1742), de l'Académie des beaux-arts et de l'Hôpital général de la Charité (1746), des Hôpitaux généraux (1748), des Arts et Métiers (1757), de l'archevêché et du clergé (1754), des collèges (1768), de la Société d'agriculture (1768), etc. En 1790 encore, il sera imprimeur officiel du département de Rhône-et-Loire. En revanche, il ne parvint pas, malgré ses efforts, à être officiellement imprimeur du Roi, charge qu'il avait pourtant acquise auprès de deux titulaires successifs, ses confrères Valfray et Bruyset. Entré à la chambre des syndics en 1738, dont il fut adjoint de 1743 à 1748 et de 1766 à 1768, officier de l'Hôpital général, associé à l'Académie des beaux-arts, il fut un notable en vue.

4. Situation de fortune

Il a racheté le fonds de la veuve Laurens, comprenant le monopole de la publication de l'Almanach de Lyon (1739). En 1749, il reprend la librairie de sa mère, moyennant 12 000 £. En 1749, il acquiert le fonds de Valfray pour la somme de 125 000 £, avec promesse du titre d'imprimeur du Roi, ce qui ne sera pas, le pouvoir lui ayant préféré Bruyset. A la suite de tractations complexes, il ne pourra qu'exercer la charge sans en avoir le titre. Actionnaire, puis seul propriétaire de l'imprimerie de Trévoux et de sa «Société typographique» (1768). Mais cette dernière opération ne sera qu'un demi-succès. En 1763, il apparaît déjà comme étant de loin le plus important des douze imprimeurs lyonnais recensés. Avec onze presses, dont sept ou huit réellement utilisées, il devance de beaucoup son suivant immédiat, J.M. Barret, qui n'en emploie que quatre (cf. Bourgelat, Rapport sur le commerce de la librairie et de l'imprimerie à Lyon en 1763). En 1778, il a fait association avec son gendre Charles François Millanois. Au total, il a joui dans le contexte lyonnais d'une «primauté écrasante» selon N. Dumont (p. 6) qui juge qu'au faîte de sa réussite, D. avait fait de son entreprise la deuxième en France. Lui-même estimait à 200 000 £ son fonds de commerce en 1784, et se targuait dans son Almanach de Lyon de posséder l'imprimerie «après celle du Louvre, la plus belle du royaume». Dans la logique de son activité d'imprimeur-libraire, il a été amené à pratiquer une politique avisée de patron de presse, jusqu'à la Révolution qui dans un premier temps stimule son activité, puis l'arrête. En 1792, il fut obligé par prudence d'abandonner son imprimerie. Il manquera même être guillotiné l'année suivante. Ainsi contraint au silence, il laisse la place à des successeurs familiaux qui n'auront pas son entregent. On perd ensuite toute trace de lui jusqu'à sa mort en 1801.

5. Opinions

A l'évidence, D. a voulu conjuguer efficacité commerciale et action publique. Intéresser le lecteur et faire oeuvre utile pour lui vont de pair. Pour cela il multiplie les appels à la participation de ses lecteurs ayant besoin «du secours de ceux qui sont en état de donner des lumières et des éclaircissements». La même ouverture aux lumières, le même souci de diffusion des connaissances s'expriment avec constance dans ses différents journaux. Faisant en 1764, un bilan des premières années des Affiches, D. le constatait: «le grand nombre d'articles qu'on nous envoie pour insérer dans nos feuilles nous fait sentir avec satisfaction qu'on s'aperçoit de jour en jour de l'utilité de cet établissement. Plus cela nous flatte, plus nous tâcherons de le soutenir pour nous rendre utiles au public» (Dumont, p. 46). Le Glaneur se proposait de même, selon son avant-propos, de former l'esprit et d'inciter à la vertu; il entendait aussi informer sur les découvertes en agriculture, médecine, sciences et arts. Ce sera encore le cas dans le Journal de Lyon qui tient une rubrique régulière consacrée aux institutions et actes de bienfaisance. Volontiers prosélyte, D. exprime à plusieurs reprises son désir d'être imité. Par exemple en 1760, dans son Almanach de Lyon, il souhaiterait que «dans tous les gouvernements on fît ce qu'on fait ici. On saurait tout de suite le nombre des habitants du royaume, on connaîtrait mieux l'industrie, le commerce de peuples et tous les avantages que chaque pays possède en particulier et, par conséquent, celui que peut en retirer le ministère».

6. Activités journalistiques

Il a commencé son activité par la publication de l'Almanach de Lyon à partir de 1740. Ce qui n'était avant lui qu'un simple calendrier augmenté d'une liste des personnalités locales, devient un vrai livre, plein d'informations administratives et pratiques, avec des rubriques historiques. Destiné à plaire au plus vaste public local, sa diffusion semble même attestée dans tout le royaume. Après un essai infructueux en 1742-1744, D. crée un bureau d'adresses (1750) qu'il prolonge logiquement en une feuille hebdomadaire destinée à diffuser les annonces enregistrées au bureau: Les Affiches de Lyon, annonces et avis divers (D.P.1. 34; G. Feyel, L'Annonce et la Nouvelle: la presse d'information et son évolution sous l'Ancien Régime (1630-1788), thèse, U. de Paris IV, 1994, p. 1136-1137). Composées de huit pages en général, dans une présentation immuable, elles paraissaient chaque semaine. On pouvait les acheter au bureau pour six sols ou s'abonner pour neuf livres, prix qui restèrent stables pendant toute la durée du journal. Elles ont connu un très beau succès, suscitant des imitations un peu partout en France. Survivant à quelques vicissitudes, les Affiches ont paru jusqu'en 1821.

Encouragé par ce coup d'essai, D. s'est risqué à lancer d'autres journaux, avec plus ou moins de réussite. Il paraissait légitime d'exploiter la réussite des Affiches. C'est à quoi s'employa le Journal de Lyon ou Annonces et Variétés littéraires pour servir de suite aux Petites Annonces de Lyon, lancé en 1784 et qui devait durer jusqu'en 1792 (D.P.1. 668). Ce nouveau périodique ambitionnait de reprendre les informations locales de son modèle, sur un plan plus général et plus littéraire. Il faut croire que le succès a répondu à l'attente de D., puisque, bimensuel à l'origine, le journal allait devenir hebdomadaire. Dirigé par Mathon de la Cour, avec des journalistes de talent comme Gaudin et Lemontey, ce premier vrai journal lyonnais eut une diffusion qui dépassait les limites de la région. Destiné à être «le délassement de l'homme sensible», il ne dédaignait pas non plus son utilité. On y trouve en abondance l'information attendue sur la vie mondaine et intellectuelle de la capitale régionale, mais aussi de la littérature, des rubriques historiques, des détails sur les récentes découvertes scientifiques ou utiles au public.

Ne s'en tenant pas à son rôle d'animateur régional, D. a eu l'ambition de rivaliser avec la presse nationale. Il lance Le Glaneur, feuille de quinzaine, dans laquelle on rassemble tout ce qui se trouve épars dans les journaux, les papiers littéraires et autres écrits du temps (1772-1774). Mais cette anthologie d'articles puisés aux sources les plus diverses n'a jamais eu une personnalité bien définie (D.P.1. 585). N'arrivant même pas à renouveler un lectorat initial de deux cents souscripteurs, D. finit assez vite par renoncer à son projet.

Ne s'avouant pas vaincu, il propose en 1784 le Journal de la langue française, soit exacte, soit ornée (D.P.1. 658), en en confiant la rédaction à un grammairien connu, Domergue. S'adressant à «toutes les personnes qui cultivent la langue française par état et par goût», le journal se devait évidemment de dépasser la diffusion locale des Affiches. Il visait un public international, puisqu'on pouvait même le trouver à Berlin ou à Vienne. Fort bien fait, il a survécu jusqu'en 1795, ce qui est un beau succès pour un journal aussi nettement ciblé.

D. va encore innover en proposant en 1789 le premier quotidien lyonnais. Ce sera le Courrier de Lyon, ou résumé général des révolutions, lancé le 1er septembre 1789. Rédigé par «une société de gens de lettres» sous la direction de Champagneux, le nouveau journal s'affichait ouvertement politique. A l'écoute des travaux de l'Assemblée nationale, le journal était d'inspiration modérée et monarchiste. Il devait rapidement souffrir de la concurrence du Journal de Lyon et de discordes à l'intérieur de la rédaction, ce qui provoqua sa fusion avec son rival sous le titre de Journal de Lyon et de Rhône-et-Loire. D'ailleurs tous ces titres sortaient des mêmes presses de D.

On citera enfin un Ami de la liberté et des moeurs, au sous-titre explicite : «ou journal des événements qui se passent sous nos yeux contenant de plus un résumé de tous les papiers, nouvelles qui ont paru la veille» qui n'a pas dépassé le stade du premier numéro (1er septembre 1790).

On a toutes raisons de croire que, pris par son activité de chef d'entreprise, D. ne s'occupait pas lui-même directement de la rédaction de ses différents journaux, même si on ignore le nom de ses rédacteurs, du moins pour ce qui est de la presse locale.

7. Publications diverses

Il a eu aussi une intense activité d'imprimeur pour son compte et pour celui de confrères lyonnais ou parisiens. Il a par exemple, ce qui ne surprendra pas, édité de beaux livres d'histoire locale. Ainsi: Entrées solennelles de la ville de Lyon (1752), Etat des baptêmes, des mariages et des mortuaires de la ville et des Faubourgs de Lyon (1768).

8. Bibliographie

Dumont N., Aimé Delaroche, imprimeur lyonnais du XVIIIe siècle et la presse locale, diplôme dact. E.N.S. des Bibliothèques de Villeurbanne, 1982, 82 p.

9. Additif

État civil : Aimé Delaroche est né à Lyon le 12 octobre 1715 et mort le 27 janvier 1801. Acte de baptême (paroisse Saint-Nizier, 13 octobre 1715) : fils de Léonard Delaroche, marchand libraire et de Marguerite Perrin ;   marraine Marie Millanois  [d'une famille de libraires]. Son acte de décès (Lyon, division du midi, 8 pluviôe an 9), sur déclaration de l’imprimeur Hugues Jean Ballanche, le dit veuf de Claudine Million, et résidant au n° 158 de la rue Saint-Joseph. Par ailleurs, Aimé Delaroche avait imprimé en 1755-1757 plusieurs livres sous le pseudonyme assez transparent de Beloved Rock-Island.  (Peter WEINMANN)