COLBERT DE MAULÉVRIER

Numéro

185

Prénom

Edouard

Naissance

1758

Décès

1820

1. État-civil

Né à Paris le 24 février 1758, Edouard Charles Victurnien Colbert, chevalier puis comte de Maulévrier (parfois écrit Maulevrier), est le fils de René Henri, comte de Maulévrier et de Jacqueline Françoise de Manneville. Il descend d'un frère cadet du «Grand Colbert», François Edouard, comte de Vandières et de Maulévrier (1633-1693). De son mariage avec Charlotte de Montbois-Canullac (10 juin 1803), il eut trois filles: Charlotte (1804-1833), par mariage, comtesse de Brancas; Léontine (1808-1877), marquise de Rochebus-seau; et Pauline (1811-1863), comtesse de Leusse. Mort à Paris, le 2 février 1820, C. est inhumé au Père-Lachaise (D.B.G. ; Chinard, p. XIX-XX).

2. Formation

Après avoir étudié comme élève-officier à l'Ecole royale de marine du Havre, où il avait été admis le 7 avril 1774, C. est intégré dans le «Grand Corps», et en gravit les différents échelons jusqu'à son émigration en 1792 : garde de la marine (Ier juil. 1775); enseigne (Ier août 1777); lieutenant (4 avril 1782); capitaine de vaisseau (Ier janv. 1792). Réintégré dans la Marine à la Restauration, il est nommé capitaine des Gardes du Pavillon amiral, puis contre-amiral, en 1816. La même année, il est élevé au rang de commandeur de l'ordre de Saint-Louis, dont il avait été fait chevalier en 1790. C. était membre de l'ordre de Malte (1777), et de la Société de Cincinnati (7 août 1790) (M.U., 11 juin 1814; D.B.G. ; Contenson, p. 161-162; Chinard, p. VI, XIX).

3. Carrière

Le 20 septembre 1779, C. reçoit son premier commandement, L’Epervier, un cotre attaché à l'escadre de la Manche du comte d'Orvilliers. L'année suivante, il est affecté à «l'escadre d'Amérique» qui quitte Brest le 2 mai 1780 avec un premier contingent du corps expéditionnaire de Rochambeau. C. participe aux différentes opérations de la campagne d'Amérique, commandant la Guêpe au combat de Rhode Island, puis le Conquérant à la prise de Yorktown (1781) et à la bataille des Saintes (1782). Après la guerre d'indépendance, il est de nouveau affecté à l'escadre de la Manche (1785), puis à l'escadre d'évolution qui croise dans la Méditerranée. En 1789, il commande le Vanneau (Contenson, p. 161 ; Chinard, p. VI). Au début de 1792, C. émigré, et rejoint l'armée des Princes. Il prend part, notamment, en 1795, au débarquement de Quiberon, puis, en septembre de la même année, à la prise de l'île d'Yeu par les Anglais et un groupe d'émigrés commandé par le comte d'Artois. Après l'insurrection royaliste du 13 vendémiaire, dans laquelle il joue un rôle prépondérant, à la tête d'une des colonnes qui marchent sur la Convention et qui seront arrêtées par les troupes de Barras et Bonaparte (M.U., 10 oct. 1795), C. rejoint «l'armée royale» en Vendée. Assurant la liaison entre les insurgés vendéens et le comte d'Artois, le «chevalier de Colbert», comme on l'appelle alors, va notamment réussir à persuader le général Stofflet, qui s'était soumis, à reprendre le combat – Stofflet était un ancien garde-chasse de son frère aîné, le marquis de Maulévrier (Gabory, p. 493; Chiappe, t. III, p. 223, 228, 238). Après la capture de Stofflet, en février 1796, et la pacification de la Vendée, C. se réfugie en Amérique. De Philadelphie, où il réside, il fera plusieurs voyages à l'intérieur des Etats-Unis et au Canada (D.B.G. : Chinard, p. VI-VII). Ses carnets de voyage, illustrés de nombreux croquis et aquarelles, ont été publiés en 1935 par Gilbert Chinard. Ayant obtenu sa radiation de la liste des émigrés, C. rentre en France en 1799, mais se tient à l'écart de la vie publique. Après son mariage, en 1803, il réside au château de Montboissier que sa femme lui a apporté en dot. En juillet 1816, il y accueille Chateaubriand après la mise en vente de la Vallée au Loup (D.B.G. ; Mémoires, p. 116). C'est là que ce dernier décidera de reprendre la rédaction de ses Mémoires d'Outre-Tombe, à la suite d'une promenade solitaire, à la tombée du jour, dans les bois de Montboissier, promenade au cours de laquelle la vue de la tour d'Alluye, lieu des amours d'Henri IV et de Gabrielle d'Estrées, et le chant d'une grive, le «transport[ent] subitement dans le passé» et dans ces bois de Combourg où il entendait «si souvent siffler la grive» quand il était enfant, et lui font prendre conscience de l'urgence de «peindre [sa jeunesse] tant qu'[il] y touche encore » {Mémoires, p. 116-117). Avec le retour des Bourbons et la restauration de la monarchie, C. était revenu à la vie publique, réintégrant le corps de la Marine et entamant une brève carrière politique qu'interrompra la maladie. Elu le 22 août 1815 député de l'Eure-et-Loir à la Chambre dite «introuvable», il ne se représente pas à la suite de la dissolution de celle-ci, en septembre 1816. En octobre de l'année suivante, il fera admettre ses droits à la retraite et sera placé dans le cadre de réserve de la Marine.

5. Opinions

«Il fut fidèle [...] à son Roi». Cette inscription sur son mausolée au Père-Lachaise, pourrait résumer la vie et les prises de position de C. Au début de 1792, alors qu'il vient d'être promu capitaine de vaisseau, il émigré, et ne se décidera à revenir en France qu'en mai 1799. Il certifie alors, auprès du consul de France à New York, de son «plus vif désir de rentrer dans sa patrie et [de] lui offrir ses services maintenant qu'elle a un gouvernement stable et fondé sur la justice» (Chinard, p. XIX). Il ne pourra cependant se résoudre à servir le nouveau régime, et se tiendra éloigné de la vie publique jusqu'au retour des Bourbons, reprenant du service dès juin 1814 (M.U., 21 juin 1814). Elu député en 1815, il fait partie de la majorité «ultra-royaliste» de la Chambre, et est notamment chargé de l'organisation des légions départementales. Il est aussi à l'origine de l'entreprise de révision des différents codes promulgés sous l'Empire, afin de les mettre «en harmonie avec le gouvernement existant», la monarchie restaurée (A.P., XV, 180, 189, 203, 359).

6. Activités journalistiques

C'est très probablement à l'initiative de C, et sous sa direction, qu'est publiée, à partir du 17 novembre 1780, à Newport, la Gazette française, hebdomadaire dont le but essentiel était d'informer «les Officiers» du corps expéditionnaire de Rochambeau, « et autres Particuliers », de l'évolution des « événemens politiques » en Amérique. La Gazette française était imprimée sur la presse de 1'« Imprimerie royale de l'escadre», une presse qui avait été embarquée à bord du Neptune, l'un des vaisseaux de l'escadre d'Amérique, et qui fut descendue à terre et installée au 641 rue de la Pointe à Newport (Pages, p. 119-121). D'après une liste des quartiers d'hiver des officiers français cantonnés à Newport, C. était l'officier en charge de cette imprimerie (Barthold, p. 65-66 ; Godechot, p. 81; D.P.1 563).

7. Publications diverses

Voyage dans l'intérieur des Etats-Unis et au Canada, éd. G. Chinard, Baltimore, 1935.

8. Bibliographie

D.B.F. Gazette française. – (M.U.) Moniteur universel. (A.P.) Archives parlementaires. – Robert A., Dictionnaire des parlementaires français, Paris, 1890. – Chateaubriand A. de, Mémoires d'Outre-Tombe, éd. P. Clarac, Paris, 1973.– Pages A.J., «Imprimeries d'escadre», Bulletin de la Section de géographie de l'Académie du Var, 1927, p. 113-142.– Gabory E., Les Guerres de Vendée, Paris, 1925-1928, rééd., 1989. – Contenson L. de, La Société de Cincinnati, Paris, 1934. – Barthold A.J., «Gazette françoise: Newport, R.I., 1780-1781 », Papers of the Bibliographical Society of America, t. XXVIII, n° I, 1934, p. 64-79. – Godechot J., «La Gazette françoise : the first French newspaper published in the United States», Two hundred years of Franco-American relations, Newport, R.I., 1978, p. 78-92. – Chiappe J.F., La Vendée en armes, Paris, 1982.

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