BROUILHET

Numéro

119

Prénom

Jean Baptiste

Naissance

1756

Décès

?

1. État-civil

Très probablement fils naturel, Jean Baptiste Brouilhet est né, selon toute vraisemblance en 1756, puisqu'il est déclaré âgé de 37 ans en 1793, au moment de son arrestation pour opinions girondines. On serait tenté de lui trouver des ascendants dans les lettres de légitimation de 1742, accordées à «Jean-Baptiste Brouilhet», fils d'un autre Jean Baptiste Brouilhet né le 20 juin 1714, et de Marie Bories, non mariés. Il ne peut s'agir là de notre journaliste, mais peut-être de son père, dont le texte indique qu'il était chirurgien-barbier, mais rien ne le prouve. Il restera longtemps célibataire, adoptera en 1782 un fils naturel, et, plus tard, une orpheline. Il se mariera vers 1795 avec «une jeune personne bien pourvue et cultivée» dont nous apprenons l'existence par les poursuites dont elle fut l'objet pour avoir exécuté au piano «Le réveil du peuple» du compositeur Gaveaux sur les paroles, jugées alors très subversives, du littérateur Souriguières, et, en tout cas, tout à fait anti-jacobines. Il ne figure plus sur les Etats de l'imprimerie toulousaine à partir de 1815, et on le perd ainsi de vue.

2. Formation

Apprentissage d'imprimeur et libraire chez Bernard Moulas entre le 12 avril 1772 et le 17 mai 1773 (Livre de la Communauté de MM. les Imprimeurs et Libraires de Toulouse), date à laquelle il est admis en tant que libraire, par un arrêt du Conseil d'Etat du roi de la même année. Conformément au règlement, il donne 1000 £ au syndic en paiement de ses droits d'entrée. On le dit «de caractère vif» et il le prouvera.

3. Carrière

Toute la carrière de B. se déroulera rue Saint-Rome à Toulouse. Il se fait connaître, le plus souvent à travers le «Livre de la Communauté» par un certain nombre d'infractions aux règlements : 29 novembre 1781, il est astreint à payer deux amendes successives pour avoir vendu sans estampillage des exemplaires de l'«Histoire universelle» (probablement l'oeuvre du calviniste Agrippa d'Aubigné) ; 1er décembre 1781, on trouve chez son relieur, Larive, rue du Peyrou, un «Code de l'humanité» en treize volumes, dont il n'avait pas obtenu – l'avait-il sollicitée? – l'autorisation d'imprimer ; 25 octobre 1783, il est condamné sur saisie de soixante treize exemplaires du «Petit paroissien de Paris» qu'il destinait simultanément aux diocèses de Rieux et de Comminges sans avoir le privilège d'aucun d'eux. D'abord interdit, il fut réhabilité par arrêt du 9 juillet 1786 après avoir été entendu par ses confrères qui ont conclu : «Une plus longue interdiction nuirait au commerce de la librairie en mettant Brouilhet dans le cas de manquer à ses engagements». Or, il assumait depuis le 31 août 1785 à titre de «directeur associé» la responsabilité des Affiches et Annonces de Toulouse et du Haut Languedoc créées par Jean Florent Baour en 1775. Le nom de celui-ci n'apparaîtra plus désormais sur le journal dont B. va assurer l'avenir. En 1781, il avait créé le premier cabinet de lecture toulousain ; le 7 mai 1789, il est condamné à payer 6000 £ d'amende pour avoir publié sans estampillage une partie des Délassements de l'homme sensible de Baculard d'Arnaud ; il ouvrira enfin la Révolution en 1790 avec le «Premier procès de presse» toulousain, brièvement évoqué plus loin.

4. Situation de fortune

La fortune de B. peut être évaluée à travers une série, disparate, de renseignements : habitant sur la paroisse de la Dalbade, 19e moulon, il y est soumis à la capitation pour 43 £ ; il devra également la contribution foncière, et sera plus tard parmi les acquéreurs de biens nationaux, avant de défendre la cause du clergé et des émigrés. Indications intéressantes, les Affiches du 1er décembre 1781 annoncent : «Le sieur Brouilhet, libraire, vient de faire construire dans sa maison sise rue Saint-Rome un très beau sallon [sic] vaste, commode et agréable dans les différentes saisons de l'année où il se propose d'établir un Cabinet littéraire. Tous les curieux, les nouvellistes ou amateurs auront la faculté d'aller y lire toutes sortes de Gazettes, journaux politiques, de littérature, de Papiers publics. Le prix de l'abonnement pour l'année est de 24 livres et de 3 livres pour l'abonnement de un mois, et sera d'un prix différent pour les personnes qui voudront lire chez eux ou à leur campagne. Les abonnements commenceront le 1er janvier prochain». N'est-ce pas là non seulement un prolongement, mais une extension considérable du Bureau des Adresses qui, chez Boude, accompagna la publication de la Gazette selon Renaudot? Plus parlant, l'inventaire et la description de l'atelier de B. lors de sa première arrestation en 1793 : la boutique était naturellement située au rez-de-chaussée, le premier et le second étages réservés à l'appartement. Au troisième, l'imprimerie. Au-dessus, un galetas. L'ouvrier le plus qualifié, Meilhac, qui deviendra son associé, était également logé sur place. Une précision sur la situation de la cuisine qui «donnait sur la rue Dumay» actuellement : du May, situe avec exactitude l'emplacement de l'immeuble assez vaste pour faire l'angle de deux rues. L'atelier occupa des ouvriers de qualité dont l'un au moins devint libraire à son tour : Antoine Caunes. A cela il conviendrait d'ajouter l'apport de son épouse «Bien pourvue», mais dont nous n'avons jusqu'ici rien pu connaître.

5. Opinions

Les débuts quelque peu tapageurs de B. laissaient présager des opinions libérales qui seront largement confirmées par la suite mais qui n'apparaissent guère à travers les Affiches, jusqu'au début de la Révolution. Il est, toutefois, comme ses principaux confrères, inscrits à une loge maçonnique, celle des Elus de Chartres, «la plus aristocratique des loges bourgeoises» si l'on en croit Michel Taillefer, où il rencontrera Baour et Pijon. Dès 1790, B. sera pris à partie par le Parlement de Toulouse malgré la suppression théorique de cette institution, pour avoir introduit dans sa feuille «des écrits incendiaires et des expressions contraires à la majesté du Roi» en réalité la copie d'un article de Camille Desmoulins, puis des propos «plus sédicieux [sic] encore». Dès lors, et bien qu'amnistié par l'Assemblée Constituante, la vie du journaliste va devenir une suite ininterrompue de poursuites, et de séjours dans les prisons toulousaines d'autant plus qu'il a désormais opté pour les Girondins. Mais cela ne l'arrêta pas. Après Thermidor et la disparition des Affiches dans une ville demeurée longuement jacobine, il lancera L'Antiterroriste ou Journal des Principes supprimé à son tour par le Directoire.

6. Activités journalistiques

B. n'a guère publié, avant 1789, que les seules Affiches et Annonces de Toulouse et du Haut-Languedoc créées par J.F. Baour, imprimées chez Robert, rue Sainte-Ursule, le 29 novembre 1785. Elles deviennent les Affiches et Annonces de Toulouse, puis simplement, à partir de 1786, Affiches de Toulouse, titre que les événements révolutionnaires changeront au cours des mois, avant de devenir le Journal de Toulouse et d'entamer sous le Premier Empire une carrière qui le mènera jusqu'au milieu du XXe siècle. Le prix de l'abonnement est passé, avec la direction Brouilhet, de 7 £ 10 à 8 £, mais la présentation ne change pas ni les trente-cinq rubriques différentes (D.P.1 67).

7. Publications diverses

En dehors de son oeuvre de journaliste, B. publia notamment des pièces de théâtre, succédant en cela encore à J.F. Baour ; sa librairie s'intitula à cette occasion «Seul magasin des pièces de théâtre». On y rencontre les oeuvres de Voltaire qu'il fait orner d'un portrait de l'auteur par Leblond, de Laharpe, dont Le comte de Warwick, qu'il vend 24 sous, Le Joueur de Régnard, agréablement orné d'un cul de lampe très style rocaille, et, plus tard, avant les pièces à caractère à la fois didactique et révolutionnaire selon l'air du temps, le Calas de Loya. On peut encore citer Lefranc de Pompignan et Florian parmi les auteurs connus qu'il imprima.

8. Bibliographie

B.M. Toulouse, Livre de la Communauté de Messieurs les imprimeurs et libraires de Toulouse, t. I et II, ms., Rés. 1010 et 1011.– A.D. Haute-Garonne, t. III, sér. E, 1315, B. 217, f° 97 : lettres de légitimation ; états de l'imprimerie à Toulouse en 1743 à 1814, C 146-147.– B.N., Affiches 1759. Périodiques Fonds anciens.– Blanc-Rouquette M.Th., La Presse et l'information à Toulouse des origines à 1789, Publications de la Faculté des lettres et sciences humaines de Toulouse, sér. A.T. 6, 1967.– Bouglon R., Les Reclus de Toulouse sous la Terreur, Registres officiels... Toulouse, 1893 et suiv.– Taillefer M., La Franc-maçonnerie toulousaine, 1741-1799, Paris, 1984.– Pour L'Anti-Terroriste ou Journal des Principes, voir H.G.P., t. I des origines à 1814, Paris, 1969.– Caster G., L'Antiterroriste, journal toulousain, (1795-1797), Toulouse, dact., 1948.– Beyssi J., «Le Parti jacobin sous le Directoire», Annales historiques de la Révolution française, p. 28-54 et 109-133.– Schlumberger M., La Réaction thermidorienne à Toulouse, D.E.S. dact., Toulouse, 1964.