BOUDIER DE VILLEMERT

Numéro

096

Prénom

Pierre

Naissance

1722

Décès

?

1. État-civil

D'après B.Un. et N.B.G., Boudier de Villemert serait né en 1716 ; mais d'après l'inspecteur d'Hémery, B. aurait eu 30 ans en mars 1752 : il serait né par conséquent en 1722. Il est dit «de Paris», ce qui suggère qu'il y est né. Son père était d'ailleurs avocat à Paris. B. était de «taille ordinaire, laid, assez mal fait, blond et les yeux gros» ; mais il avait «assez d'esprit» (n.a.fr. 10783, f° 148)

B. a laissé dans un de ses ouvrages une description de sa mère : «Sa douceur et sa gaieté étaient fondées sur une piété solide» (L'Ami des Femmes, éd. de 1774, p. 193, n.).

La France littéraire. mentionne un Boudier de La Cour, auteur de Tablettes historiques (1758) qui serait un frère de B.

B., qui était «écuyer» (p. de titre de L'Irréligion dévoilée), possédait les armes suivantes : «d'or, en pal d'azur, chargé d'un croissant d'argent, posé en coeur, et de deux molettes d'éperon d'or, une en chef et l'autre en pointe» (La Chesnaye-Desbois). Sa famille, anoblie en 1585, était originaire à la fois du Cotentin, de la région d'Alençon et de Mantes (Benoît, p. 226 et 227). L'un de ses ancêtres, René Boudier, capitaine au Régiment de Grancey, avait été tué en 1642 au siège d'Arras (p. 226). Il avait abjuré le protestantisme (ibid.) ; il semble d'ailleurs que la famille ait adhéré étroitement à la Réforme, puisque l'on relève dans cette généalogie un Jean Boudier qui était le ministre d'Alençon (Haag, t. II, p. 418).

Deux membres de la famille de B. sont connus dans l'histoire de la littérature et de l'érudition. D'une part, Dom Pierre François Boudier (1704-1787), bénédictin, abbé de Saint-Martin de Séez et supérieur général de la Congrégation de Saint-Maur de 1766 à 1772. Il est, entre autres, l'auteur d'une histoire manuscrite du monastère de Saint-Vigor de Bayeux (Société d'Archéologie de la Manche, 1974, p. 19-22 et Lebreton, t. I, p. 199). D'autre part, B. était le neveu et non pas le cousin, de René Boudier de La Jousselière (1634-1723), historien et poète (D.L.F., XVIIe s., p. 36), dont il dit qu'«il joignait à la plus vaste érudition cette noble simplicité de moeurs si digne de nous être proposée pour modèle» (L’Ami des femmes, dédicace).

De B. qui n'était guère «plus beau qu'Alain Chartier» (Semaine littéraire, t. I, p. 76), on possède deux portraits, l'un en médaillon dessiné par Mlle Merie et gravé par Willemin, l'autre une caricature le représentant en vieillard dans une atmosphère champêtre, avec ce distique : «Tout périt. O destin funeste!/ Femmes de votre ami voilà ce qu'il nous reste» (Benoit, p. 238, 239).

Signalons enfin que Villemert peut s'orthographier Villemaire (p. de titre de l'Andr. et de l'I.D.).

2. Formation

B. a porté le petit collet ; on l'appelait quelquefois l'abbé de V. Il avait un frère intendant de M. de Brionne, grand écuyer, par lequel il espérait obtenir un bénéfice ecclésiastique (n.a.fr. 10783, f° 148). La page de titre de l'Andrométrie (1753) lui donne la qualité d'«abbé», ce qui suggère qu'il avait reçu les ordres mineurs.

3. Carrière

B. a été avocat au Parlement de Paris (B.Un. ; N.B.G.).

5. Opinions

B. est l'auteur d'une série d'ouvrages que l'on peut classer en trois grandes catégories.

D'abord, au début de sa carrière, il écrivit un roman léger ou satirique, Le Monde joué (1753), dont il dit : «c'est [...] une folie que j'ai faite pour m'amuser moi-même, et que je livre à l'impression au hasard de ce qu'elle pourra devenir» (Avertissement, p. V).

Un deuxième ensemble d'ouvrages est de tonalité plus morale. Dans l'Apologie de la frivolité (1750), B. fait le procès des pédants, «une certaine classe d'hommes, qui, nés avec un tempérament froid et mélancolique ont mieux aimé se livrer à des raisonnements abstraits, qu'aux douceurs de la société pour laquelle ils étaient peu propres. Ils se sont vengés des dégoûts et de la sécheresse, inséparables de ce genre de travail, par un mépris formel pour tout ce qui affectait le reste des humains» (p. 8). Il oppose le sentiment au raisonnement (p. 9) et constate que «l'esprit de dispute relégué dans les écoles a cédé la place aux grâces et à l'enjouement» (p. 10). Bref, «toute la métaphysique doit le céder non seulement à une comédie qui nous corrige en nous amusant, mais encore à un joli roman, à une épigramme même» (p. 25). Selon les Mémoires de Trévoux, l'Apologie de la frivolité est «une bagatelle qui n'est pas mal écrite» (juil. 1752, p. 1508).

L'Andrométrie est d'inspiration rousseauiste : critique des sciences, des talents, des rangs et des honneurs, «grands mots pour signifier peu» («j'appelle peu tout ce qui de sa nature ne saurait contribuer à rendre l'homme meilleur ni plus heureux», p. 57-58), du luxe (p. 90) et des villes (p. 91 n.).

L'ouvrage qui a fait le plus connaître B. est L'Ami des femmes, lui aussi d'inspiration rousseauiste : Rousseau est un «excellent observateur» (p. 167). B. admet que «si les femmes [...] joignent aux grâces du corps un esprit juste et un coeur droit, le goût que nous avons pour elles ne peut que développer en nous d'excellentes qualités» (p. 14-15). D'autre part, il déplore «le peu d'estime qu'elles font de leur intelligence» (p. 30) ; mais «elles doivent surtout s'éloigner des sciences abstraites et épineuses» (p. 32), pour s'attacher à l'histoire et à la physique, en évitant dans ces deux sciences ce qu'elles ont de «systématique» (p. 34). Les femmes savantes sont condamnées sans appel (p. 33). De plus, B. de V. critique l'oisiveté des femmes (p. 44-49), le luxe (p. 74), le rouge, les paniers, les mouches (p. 86 et suiv.). Enfin B. se déclare un partisan convaincu du mariage (chap. IX), de l'allaitement maternel (p. 147-149) et un détracteur des nourrices (p. 149-150). L'Ami des Femmes fut bien reçu par L'Année littéraire : cet ouvrage «offre des vérités utiles et dignes d'être répétées. Il y a dans le style des grâces et de la chaleur» (1766, t. III, p. 287). Pour le Journal encyclopédique, B. donne «partout des conseils très sages» (1779, t. III, p. 456). En revanche, la C.L. critique cette «réthorique froide», ces «platitudes» d'«un de nos écrivailleurs» (t. IV, p. 36 et 168).

Enfin, B. s'est fait polémiste et apologiste de la religion chrétienne. D'abord, dans L'Irréligion dévoilée (1774), il s'élève contre les Philosophes, «ces esprits ténébreux qui veulent enlever au genre humain les vérités les plus consolantes et nommer sagesse une fausse dialectique qui attaque les fondements de la société» (p. 3). Bref, «de l'idée que nous avons de la Divinité et de sa Providence se tire celle de l'âme, de son immortalité, de là nos devoirs et une religion» (p. 10). Les Pensées philosophiques (1784) sont conçues pour s'opposer à celles de Diderot : cette réponse n'a été écrite «que pour les esprits chancelants dans la foi» et «non pour nos incrédules, sourds, volontaires, qui ne veulent rien entendre» (Avertissement du t. I). Dans l'Avertissement du t. III, B. rappelle ses convictions : Dieu «est le principe d'où tout part, il est la fin où tout se termine. Toute pensée vraie a une liaison plus ou moins directe avec Dieu ; il n'est qu'une grande et unique vérité».

Les efforts de B. contre les Philosophes et pour la défense de la religion ont été encouragés par l'abbé Sabatier : l'Irréligion dévoilée est un ouvrage où l'on voit «un écrivain zélé pour les vrais principes, qui les développe et les défend avec une supériorité d'esprit qui ne laisse rien à désirer» (Trois Siècles, t. I, p. 340). Quant aux Pensées philosophiques, d'après l'Année littéraire, «elles sont écrites, en général, d'un style concis, mâle et nerveux. L'élégance s'y rencontre moins que la force et la noblesse» (1787, t. II, p. 155-156).

6. Activités journalistiques

B. a collaboré aux périodiques suivants :

La Feuille nécessaire contenant divers détails sur les Sciences, les Lettres et les Arts, Paris, Lambert, 1759, in-8°, 45 numéros en tout. La Feuille nécessaire est due à la collaboration de B. et de Jean Soret (D.P.1 4472). La C.L. dans sa livraison de février 1749 (t. IV, p. 83) attribue la Feuille nécessaire à l'abbé de La Porte (voir l'art. «Soret»).

L'Avant-coureur « feuille hebdomadaire, où sont annoncés les objets particuliers des Sciences et des Arts, le cours et les nouveautés des spectacles et les livres en tout genre», 1760-1773, 13 vol. in-8 . B. a travaillé à ce périodique de concert avec Querlon, Jonval, La Combe, La Dixmerie (v. D.P. 129).

Le Courrier de la mode ou le journal de goût, 1768-1770 (D.P.1 274) : B. a lancé ce nouveau journal en avril 1768 (voir Archives de la Librairie, pièce 53, et C. Rimbault, La Presse Féminine de langue française au XVIIIe siècle, thèse de l’Ecole des Hautes Etudes, Paris, 1981, p. 203

7. Publications diverses

Voir Cior 18, n° 13035-13050.

8. Bibliographie

F.L. 1769,B.U.C., B.Un., N.B.G, H.P.L.P., t. III, p. 183-184 ; D.O.A. : D.B.F., D.L.F., Cior 18, n° 13035-13050. – C.L., t. IV, p. 36, 42, 83, 368. – B.N. : f.fr. 22072, f° 296-305 ; n.a.fr. 10783, f° 148. – Ste G., ms. 1486, f° 26. – L'Année littéraire, 1759, t. IV, p. 259-263 ; 1766, t. III, p. 277, 288 ; 1786, t. II, p. 120 ; 1787, t. II, p. 154-158. – Le Censeur hebdomadaire, 1760, t. I, p. 191-192 et 303-307. – Journal encyclopédique, 1759, t. I, p. 132-133 ; 1779, t. III, p. 450-456 ; 1787, t. II, p. 191-199 ; 1792, t. I, p. 153. – Mémoires de Trévoux, juil. 1752, p. 1508-1512. – Semaine littéraire, 1759, t. I, p. 76. – Sabatier de Castres A., Les Trois Siècles de la littérature française, 1781, t. I, p. 339-340. – Rétif de La Bretonne N.E., Les Nuits de Paris, CXXXe nuit, 1789, t. V, p. 2147. – Benoît A., «Notice sur Boudier de la Jousselière et Boudier de Villemaire», Procès verbaux de la Société archéologique d'Eure et Loir , 1876, t. V, p. 226-239. – La Chesnaye-Desbois et Badier, Dictionnaire de la noblesse, 1864, t. III, p. 678-680. – Lebreton T., Biographie normande, 1857, t. I, p. 199. – Monod A., De Pascal à Chateaubriand, 1916, p. 478. – «Notice sur Pierre-Francois Boudier», Société d'archéologie de la Manche, Mélanges, 3e série, 1974, p. 19-22 (A.D. de la Manche). – Venturi Fr., La Jeunesse de Diderot, 1939, p. 366.

Auteurs