SWINTON

Numéro

761

Prénom

Samuel

Naissance

?

Décès

1797

Samuel Swinton est d'origine écossaise. Cadet, il a deux frères dont l'un a servi sous les ordres de Lord Clive (guerre de l'Inde) et l'autre est chef de justice en Ecosse. Après avoir eu deux filles d'une femme qu'il abandonne, il vit avec une Française, Félicité Lefèvre, dont il a plusieurs enfants et qui, d'ailleurs, élève ses deux filles aînées. Il meurt en 179 7.

3. Carrière

Il vient à Londres «léger d'argent» mais «se donne des aïeux et une famille antique». Il fait la campagne de 1756 sur mer et obtient le grade de lieutenant de frégate. Avec le retour de la paix, il se livre à toutes sortes d'industries pour vivre : gains frauduleux au jeu, prêts à «grosse usure». En 1778, il a «la réputation d'un homme fort riche». Il tient une boutique de marchand de vin sous le nom d'un commis, un café sous le nom d'un autre, a des maisons où il loge de jeunes seigneurs français séjournant en Angleterre, spécule sur des pépinières, des remèdes anti-vénériens. Il habite Brompton, faubourg de Londres. Quand le Courier de l'Europe est réimprimé à Boulogne, il a une maison à Boulogne, en loue une autre à deux lieues de la ville près de la mer (Eden Abbey). Il achète, alors qu'elle n'a que douze ans, Félicité Lefèvre à sa mère plongée dans la misère et qui a vendu son aînée, Laurence, au comte de Lauraguais. Il veut faire de cette jeune personne une femme exclusivement dévouée à ses volontés. En 1773, il se trouve mêlé à un procès criminel où sont impliqués le comte de Lauragais, Laurence Lefèvre et le secrétaire du comte, Charles Drogard qui aurait épousé celle-ci (cf. Mémoire pour moi, par moi, Louis de Brancas, comte de Lauragais, Londres, 1773).

4. Situation de fortune

Il est présenté comme un «spéculateur» redoutable, un être cupide et «fécond en ressources». II tire des «profits immenses » des intérêts qu'il détient dans plusieurs gazettes anglaises - dont le Morning Post - et surtout dans le Courier de l'Europe en dépit de 1'«énorme rétribution» qu'il est obligé de verser à la trésorerie secrète de Vergennes. Il verse à Serres de La Tour, rédacteur du Courier, 1000 louis par an. Mais lorsqu'il engage Brissot à Boulogne-sur-Mer, il ne lui offre que des appointements de 100 louis, qu'il promet d'augmenter - ce qu'il se garde bien de faire. En 1779, il pense accroître considérablement ses profits en étendant son entreprise vers l'Espagne, puis, vers les Pays-Bas et l'Allemagne. Comme l'observe le duc de Croy, le Courier de l'Europe n'est pour lui qu'une «affaire de commerce». Il aurait songé à avoir une part dans le Journal de Paris dont le produit était très élevé. Mais Brissot qu'il aurait consulté le lui aurait - « étourdiment » - déconseillé. Sur l'histoire de ses démêlés financiers avec Beaumarchais, voir von Proschwitz.

5. Opinions

Entrepreneur de presse, il passe pour un personnage plutôt méprisable, «déchiré dans les papiers publics», peint sous les plus noires couleurs par les folliculaires français établis à Londres avec qui il se lie et qu'il aide à des conditions « onéreuses » : Serres de La Tour, Theveneau de Morande, qui ne cesse de le déchirer et de dénoncer son «astuce» en affaires, Brissot, qui cependant est d'abord dupe des apparences d'honnêteté de l'homme. S. est en relation avec le duc de Croy, commandant des troupes d'Artois, de Picardie, du Calaisis et du Boulonnais, dont il fait connaissance le 2 avril 1778 et dont les Mémoires sont riches de renseignements sur le Courier et sa réimpression à Boulogne-sur-Mer. Il est également en relation avec Beaumarchais. Propriétaire d'un journal utile au gouvernement français par les informations données sur l'Angleterre, connu du comte de Vergennes et de ses secrétaires, jouissant de la permission de vivre en France en temps de guerre, il est également au service du gouvernement contre 500 £ sterling par an et joue ainsi le rôle d'agent double. Ni Vergennes ni Beaumarchais ne semblent avoir été au courant de cette duplicité.

6. Activités journalistiques

Il est le propriétaire des deux tiers du Courier de l'Europe, le troisième tiers appartenant à Serres de La Tour, qui conçoit en 1776 le projet et le plan du journal. A la suite de l'embargo mis en 1778 par Londres à l'expédition du Courier en raison du tort que le périodique fait à l'Angleterre dont il dévoile les faiblesses et les divisions, il ouvre une imprimerie à Boulogne-sur-Mer pour y faire imprimer le journal (à partir du n° du 17 mars vraisemblablement). Il obtient l'accord de Vergennes à condition de soumettre les feuilles à la censure de l'abbé Aubert. C'est à Brissot qu'il en confie la rédaction. Mais le ministère, indisposé par les principes du rédacteur qui se charge notamment de la partie «Variétés», donne l'ordre de s'en tenir aux seules nouvelles anglaises et exige que le Courier imprimé à Boulogne ne soit que la simple réimpression de celui de Londres. En 1779, S. projette de faire traduire la gazette en espagnol et de la faire circuler en Espagne qui précisément a l'intention de participer aux affaires d'Amérique et ignore tout de l'Angleterre. Il obtient la permission. Ayant besoin d'un traducteur et désirant exécuter son projet le plus économiquement possible, il se sépare de Brissot au printemps 1779 et fait appel à un Espagnol, Sala Delunel, qui d'ailleurs sait également l'italien, avantage non négligeable au cas où le Courier serait un jour traduit dans cette langue. Il songe aussi à faire réimprimer son périodique pour les Pays-Bas, la Hollande et l'Allemagne. Il a, d'autre part, l'idée de lancer une feuille susceptible de rivaliser avec le Journal de Paris et dont Brissot serait le rédacteur. Mais Henique de Chevilie sollicite en vain les ministres. En 1783, «fatigué des caprices de La Tour qui lui [fait] payer bien chèrement la réputation du Courier», il offre la rédaction à Brissot venu à Londres mais exige que celui-ci prenne comme associé Theveneau de Morande. Brissot ayant refusé, c'est Theveneau seul qui succède à Serres de La Tour. En juin 1785, S., connaissant des difficultés financières, vend pour la somme de 1250 guinées le privilège du Courier (il semble cependant y garder certains intérêts) à Claude Pierre Maximilien Radix de Sainte-Foy, qui fait de mauvaises affaires (selon Theveneau, il perd 800 louis par an) et le lui rétrocède en 1788 avec une nouvelle perte.

S. est également propriétaire du Courier du Nord qui paraît à Maastricht de février à octobre 1780, eut six rédacteurs successifs (dont Louis Claude César de Launay, qui eut comme coopérateurs de Billemont et un nommé Otto) et dont le titre devint Gazette anglo-française ou Gazette anglo-françoise américaine. Lorsque le périodique, destiné aux Pays-Bas et à l'Allemagne du Nord, cesse de paraître le 3 octobre 1780, S. fait adresser aux abonnés en contrepartie le Courier de l'Europe.

8. Bibliographie

Deux lettres de S. à Thérèse Levasseur et au marquis de Girardin, 8 et 28 nov. 1778, signalées par A. Schinz (Annales

J.J. Rousseau, t. XXIV, 1935, p. 136 ; abbaye de Chaalis, collection Girardin, D.4.34). – Mémoires du duc de Croy' sur les cours de Louis XV et Louis XVI, publiés par le comte 271-307 ; t. II, p. 170 et suiv.). – Proschwitz G. et M. von, de Grouchy, Paris, 1897. – Mémoires de Brissot sur ses Beaumarchais et le Courier de l'Europe : documents inédits ou contemporains et la Révolution française, publiés par son fils avec peu connus, S.V.E.C. 273-274, 1990.

SORET

Numéro

753

Prénom

Jean

Naissance

1710

Décès

?

D'après les Mémoires de Trévoux d'avril 1756 (p. 795-814), Jean Soret n'aurait pas encore, à cette date, atteint « son sixième lustre » soit sa trentième année ; il serait donc né un peu avant 1726.

2. Formation

Licencié en droit (ibid., mai 1749, p. 1108-1110). Il est lauréat à l'Académie des belles-lettres de Montauban pour le concours d'éloquence par deux fois en 1750 et en 1751 (Forestié ; F.L.). Il est reçu membre de l'Académie Stanislas le 8 mai 1756 (Vier ; F.L.).

4. Situation de fortune

Pour sa participation à la Religion vengée, il est compté par l'Assemblée du clergé en janvier 1783 au nombre des auteurs qui se sont distingués dans «la lice chrétienne» et qui reçoivent, à ce titre, une pension (M.S.).

6. Activités journalistiques

II collabore à :

La Religion vengée, ou Réfutation des auteurs impies ; dédiée à Mgr le Dauphin, Par une société de gens de lettres, Paris, Chaubert et Hérissant, 175 7-1763, 21 vol. in-12 (3 vol. par an), Privilège du 8 novembre 1756 au nom du sieur S... (F.L. ; D.P.1 1189). Dès le 16 janvier 1757, Voltaire s'inquiété auprès de d'Alembert du nom de «ce coquin», de «ce mauvais citoyen qui veut faire accroire à Monseigneur le Dauphin que le royaume est plein d'ennemis de la religion » (lettre, 23 janv. 1757).

La Feuille nécessaire. Journal créé en 1759 par S. et Villemert, sous la protection du privilège du Journal des savants détenu par le libraire Lambert (D.P.1 472). Dès l'origine, la Feuille fut contestée par Courmont de la Gazette. Par accord du 13 novembre 1759, Lambert touchait 3 £ par rame d'impression sur la Feuille. Ce dernier se brouilla rapidement avec Soret, lequel en janvier 1760 passa chez l'imprimeur Hérissant : le seul numéro produit (28 janv. 1760, diffusé par Chaubert) fut interdit. Lambert, qui s'était débarrassé de S. et Villemert, sous l'influence de l'abbé de La Porte, relança au même moment une nouvelle «gazette littéraire», qui devint l'Avant-Coureur. Il songea à la confier à l'abbé de La Garde. Malgré tous leurs efforts auprès de Malesherbes, S. et Villemert ne parvinrent pas à protéger leurs droits sur la Feuille. En juin 1760, S. tenta encore d'obtenir du directeur de la Librairie la renaissance de la Feuille qui se serait adjointe une partie de jurisprudence ; un projet concurrent de Pesselier permit à Malesherbes de ne pas donner suite à cette entreprise (A.).

7. Publications diverses

7. F.L. ; Cior 18, n° 60459-60474. Ajouter : Lettres à Philopeus, Paris, 1764 (voir Mémoires de Trévoux, mars 1765, p. 700). – Discours qui a remporté en 1751 le prix d'éloquence proposé par l'Académie des belles-lettres de Montauban, ms. conservé dans les Archives de l'Académie (il porte sur le sujet : «Combien les arts sont nécessaires à la société»). – Précisons que son Discours de réception à l'Académie de Nancy se place dans le cadre des protestations soulevées contre la théorie du Discours de Rousseau ; il porte sur « Le rôle civilisateur des belles-lettres et sur le mécénat des Rois » (Registres manuscrits de la Société royale, t. II, p. 276-279).

8. Bibliographie

F.L. 1769, t. I, p. 407-408 ; H.P.L.P., t. III, p. 169-171. M.S., t. XXII, 15 janv. 1783. – (A.) B.N., Collection Anisson-Duperron, f.fr. 22134, P-74 :lettre de S. à Malesherbes, 6 juin 1760 ; p. 176 : lettre de Malesherbes, 9 juin 1760, minute. – B.N., f.fr. 22135, p. 10, lettre de S. à Malesherbes, 24 mars 1759 (historique de la Feuille sous la protection de la duchesse de Choiseul et du duc de Vau Guyon) ; p. 11 : mémoire concernant La Feuille nécessaire (par Lambert) ; p. 12 : lettre de Malesherbes à S. sans date (janv. 1760) ; p. 13 : lettre de S. à Malesherbes, 24 janv. 1760 ; p. 14 : La Feuille nécessaire, 28 janv. 1760, Prospectus (annoté malignement par Lambert) ; p. 15 : « Réponse au mémoire des Srs Villemert et Soret » (par Lambert) ; p. 16 : lettre de Lambert à Malesherbes, 30 janv. 1760 ; p. 17 : Mémoire (de Villemert et S. contre Lambert ; historique de la Feuille et copie de l'engagement de Lambert du 13 nov. 1759). – Forestié E., La Société littéraire et l'ancienne académie de Montauban, Montauban, 1888, p. 91-92. – Sabatier de Castres, Les Trois siècles de la littérature française, 4e éd., La Haye, Paris, 1779, t. IV, p. 102-103. – Vier J-A., «L'activité d'une Académie provinciale au XVIIIe siècle : l'Académie Stanislas de 1750 à 1766», R.H.L.F., t. XXXIII, 1926, p. 337-354.

SIMON

Numéro

750

Prénom

Richard

Naissance

1638

Décès

1712

Né à Dieppe le 13 mai 16 3 8 de Joachim Simon et Marguerite Renard et baptisé quatre jours plus tard en l'église Saint-Jacques de cette ville (B.M. Dieppe). Il appartient à une famille humble (son père est artisan-taillandier ou forgeron ou coutelier) dont certains membres cependant exercent des professions libérales : son parrain - Richard Simon - est avocat. Un de ses neveux, Jacques Simon, entra dans les ordres et collabora peut-être à quelques-unes de ses œuvres (A).

2. Formation

Il accomplit ses études – 1er année de philosophie comprise - au collège que tiennent à Dieppe les Pères de l'Oratoire (E.H.) et où il aurait étudié le grec (A). En 1657, il fait sa seconde année de philosophie (logique et morale) chez les Jésuites à Rouen (A). Sur les conseils du P. André Fournier, oratorien, curé de Saint-Jacques de Dieppe, il entreprend, le 8 octobre 1658, à la Congrégation de l'Oratoire, dans la maison de la rue d'Enfer dont le P. Berthad est supérieur, son année d'institution au cours de laquelle il aurait commencé à apprendre l'arabe : il prend la robe le 22 octobre. Mais, «pris de quelque dégoût» (E.H.), il n'achève pas l'année : avant le 26 août 1659, il a quitté l'Oratoire (A). Revenu à Dieppe, découragé (il est conscient de l'impossibilité où il est, faute de ressources, de poursuivre des études auxquelles le portent son génie et son inclination, E.H.), il reprend confiance grâce à l'abbé Hyacinthe de La Roque-Hue, futur officiai de Rouen, qui le ramène à Paris où ils vont étudier ensemble pendant trois ans, de 1659à 1662, la théologie : étude de l'Ecriture sainte sous la direction de M. Le Maistre, de la scolastique sous celle de MM. Chamillard et Leblond. S. s'applique alors aux langues hébraïque et syriaque (A). Ce n'est donc pas à l'Oratoire qu'il doit sa formation théologique et scripturaire. Lorsqu'il entre pour la seconde fois dans la Congrégation, il a déjà acquis de solides connaissances (A).

3. Carrière

Ses trois années d'études théologiques achevées, il revient à Dieppe où il continue ses lectures, puis, se décide à rentrer à l'Oratoire (2 sept. 1662) où il commence une nouvelle année d'institution (A). Tout en accomplissant les exercices de la communauté au cours de cette année traditionnellement consacrée à la lecture des seuls livres de spiritualité et de méditation, il poursuit, par faveur spéciale, et avec le P. Berthad, ses lectures théologiques (originaux de l'Ecriture sainte, commentaires des Pères) (E.H. ; S). A la suite de la mort du supérieur général, le P. Bourgoing, survenue le 28 octobre 1662 et de son remplacement par le P. Sénault (17 avril 1663), il aurait songé à abandonner l'Oratoire et à entrer chez les Jésuites (A), mais en aurait été dissuadé par le P. Berthad (E.H. ; A). A la fin de son temps d'institution, il est chargé, pendant un an, au collège de Juilly, d'une régence de philosophie sous le R.P. Verneuil (A), ce qui est marque d'estime particulière puisque, selon les habitudes de la Congrégation, le novice n'est régent que dans les classes qui vont de la sixième à la rhétorique (E.H.). En 1664, il revient à Paris dans la maison de la rue Saint-Honoré où il demeure jusqu'en 1666 : tout en étant répétiteur de philosophie, il est adjoint du P. Le Cointe, bibliothécaire, et l'aide à dresser le Catalogue des livres et manuscrits orientaux de la Bibliothèque. Occasion privilégiée pour le jeune érudit de s'adonner à ses études favorites et d'accumuler une abondante documentation (E.H.). Au cours de l'année 1666-1667, il est de nouveau régent de philosophie à Juilly où il reste sans emploi jusqu'en mars 1668. A cette date, il revient à Paris, poursuit ses lectures et seconde le P. Le Cointe. En avril 1669, il reçoit le sous-diaconat, en février 1670 le diaconat et, le 20 septembre 1670, il est ordonné prêtre par Mgr Hardouin de Péréfixe (A). Sur l'ordre du P. Sénault, il retourne à Juilly d'août 1671 à avril 1672 à titre de précepteur du jeune prince César d'Esté. Revenu à Paris, il jouit des avantages notamment d'ordre intellectuel de la maison de la rue Saint-Honoré (A). Dès 1669, il connaît ses premières difficultés avec Port-Royal à l'occasion des remarques qu'il fait sur la Perpétuité de la foi d'Arnauld dans une lettre adressée à M. Diroys, mais qui finit par être divulguée (E.H. ; A). Signe précurseur d'une longue suite d'«affaires» et de «traverses» que vont soulever bon nombre de ses œuvres. Car, à partir de 1671, il commence à publier ses travaux érudits qui lui valent sans doute la notoriété, mais aussi bien des attaques. Les difficultés relatives à la publication de l'Histoire critique du Vieux Testament (1678) sont telles qu'il est exclu de l'Oratoire : prise le 18 mai 1678, sans être d'ailleurs argumentée, la décision, enregistrée le 20, lui est notifiée le 21 (A). Sans résister ni discuter, il se retire à Bolleville où, depuis novembre 1676, il a un bénéfice (S). Il y demeure jusqu'en 1682, mais non de façon continue ; par sa correspondance, nous savons qu'il se rend de temps en temps à Paris (A) ; en août 1682, il résigne son bénéfice. S'il fait alors de Dieppe sa résidence ordinaire, il n'hésite pas à aller à Paris chaque fois que l'exigent ses travaux et ses publications (E.H.). Lors de la destruction de Dieppe bombardée par la flotte anglo-hollandaise le 22 juillet 1694, il perd «ce qu'il a de plus précieux» (E.H.), c'est-à-dire ses livres imprimés et une cassette de manuscrits, et en est profondément affecté (A). Il se fixe alors à Paris, loge au collège Fortet (E.H.) et ne se rend en province que pour le besoin de ses affaires ou pour son délassement. A-t-il vraiment, en 1697, l'intention de rentrer à l'Oratoire? Aucune trace ne subsiste d'une démarche en ce sens (A). Il est difficile de dire si, après 1703, il réside à Paris ou à Dieppe (A). Si l'on en croit l'Eloge historique, il se serait retiré seulement après 1710 dans sa ville natale. Le 20 mars 1712, il rédige son testament et lègue à la Bibliothèque du chapitre de Notre-Dame de Rouen l'essentiel de ses livres et manuscrits (voir J. Saas, Notice des manuscrits de la Bibliothèque métropolitaine de Rouen, primatiale de Normandie, Rouen, 1746, p. 32-70).

4. Situation de fortune

Il est d'une famille «sans grands biens» (E.H.). Quand il entre pour la première fois à l'Oratoire, il obtient, grâce au P. Fournier, une des places fondées en faveur «des mérites distingués» (ibid.), autrement dit une bourse. II est même le seul boursier des novices de son année (A). Pendant ses trois ans d'études théologiques, il est généreusement entretenu par l'abbé de La Roque qui pourvoit à ses besoins (E.H.).Rentré à l'Oratoire, il n'est pas sans connaître la difficile situation de celui qui, privé de tout revenu, ne peut payer une pension dans une maison où il n'est pas possible de vivre gratuitement. C'est pourquoi, en 1666, après avoir terminé son travail de catalogage, il demande à retourner à Juilly (ibid.). Quand il réside rue Saint-Honoré, il assume divers travaux et charges (leçons particulières, conférences publiques, A). La cure de Bolleville lui est conférée en novembre 1676 à titre de récompense pour son Factum pour le prince de Neubourg (1675). Selon l'Eloge historique, il n'aurait joui toute sa vie que d'une très médiocre fortune, suffisante cependant grâce à sa frugalité ; sa principale dépense aurait été en port de lettres. Selon un document manuscrit en date du 15 août 1694, cité par J. Saas (op. cit.), il a perdu, lors de la destruction de Dieppe, « 63 louis d'or et 43 écus». Dans son testament, il donne 3000 £ aux pauvres des deux paroisses de Dieppe et lègue à diverses personnes 2000 £ et 100 écus, toutes sommes d'argent qu'il a gagnées, précise-t-il, par son propre travail (A).

5. Opinions

Savant hébraïsant, exégète, controversiste, d'une érudition peu commune et d'une hardiesse d'opinions singulière (qu'on pense à son attitude face au Pentateuque), incapable de céder aux ordres de ses supérieurs comme aux exigences de l'Institution ou même aux sollicitations de ses amis. Très tôt hostile au jansénisme et acquis aux principes molinistes (peut-être sous l'influence des Jésuites de Rouen, S). En butte à d'innombrables querelles liées à la publication de ses livres : il s'oppose à Arnauld et Port-Royal, aux protestants, aux ordres religieux (Bénédictins notamment), à Bossuet, J. Le Clerc, Vossius, Jurieu, Ellies Dupin, M. Le Vassor, Spanheim. Mais il a aussi de solides amitiés (Frémont d'Ablancourt, H. Justel) jusque chez les Oratoriens. Bref- et sa correspondance en témoigne -, il est en relations polémiques ou cordiales avec les principaux membres de I'«intelligentsia» de l'époque.

6. Activités journalistiques

Bien qu'il n'ait «jamais convenu que cet ouvrage fut de lui» (E.H), il est, selon toute vraisemblance, l'auteur de la Bibliothèque critique, ou Recueil de diverses pièces critiques, dont la plupart ne sont point imprimées, ou ne se trouvent que très difficilement. Publiées par M. de Sainjore qui y a ajouté quelques notes, Amsterdam, J.L. de Lormes (Nancy selon E.H. ou Rouen selon A), t. I-III, 1708, t. IV, 1710, in-12 (D.P.1 153). Il a eu pour collaborateur Nicolas Barat, son élève et ami (voir t. I, chap. 25-26, 33-34). Eusèbe Renaudot, ancien collaborateur de Bossuet auquel S. s'est opposé, dénonce, le 26 juillet 1710, dans une lettre sans doute adressée à Pontchartrain (A), l'ouvrage comme plein de médisances et de calomnies : «M. Simon s'est mis en possession de faire imprimer sans permission, sans lieu d'impression et sans aucunes formalités, divers libelles dans lesquels il déchire qui il lui plaît, et, quoique cela ne soit pas tolérable, il va plus loin. Car il attaque la mémoire de feu M. de Meaux [...], il déchire les PP. de l'Oratoire, les Bénédictins, ce qu'il y a de plus honnêtes gens, et répand, à cette occasion, dans le public des histoires fausses». Et de laisser entendre qu'il convient d'« arrêter cette licence» (B.N., n.a.fr. 7488, f° 242). Le 5 août 1710, un arrêt du Conseil d'Etat porte confiscation et mise au pilon de la Bibliothèque critique. Celle-ci est néanmoins continuée par N. Barat sous un autre titre : Nouvelle bibliothèque choisie où l'on fait connaître les bons livres en divers, genres de littérature, et l'usage qu'on en doit faire, Amsterdam, D. Mortier, t. I-II, 1714 (D.P.i 1002). Parue après la mort de S. - et de N. Barat, décédé en 1706 -, cette Nouvelle bibliothèque contient des pièces qui sont très probablement de S., qui a dû en préparer l'édition avant sa disparition.

Il fait paraître deux dissertations dans les Mémoires de Trévoux (mars 1701, Supplément sept. 1701) où il critique une édition du Dictionnaire de Furetière faite en Hollande par les soins de Basnage de Beauval et de Huet.

7. Publications diverses

Voir Cior 17, n° 63041-63094. Beaucoup de ses œuvres ont été, comme la Bibliothèque critique, publiées sous des pseudonymes ou des initiales derrière lesquels se cache l'auteur.

8. Bibliographie

Nicéron, t. I, p. 237-251 (Vie et Catalogue des ouvrages de R. Simon), t. X, p. 58-75 (Changements, corrections et additions) ; F.L. 1769 ; B.Un. ; N.B.G. ; Q. ; D.L.F. ; H.P.L.P., t. II, p. 282;H.G.P., t. I, p. 155. – B.M. Dieppe, reg. par. Saint-Jacques-de-Dieppe (17 mai 1638). – B.N.,f.fr. 22583, f° 205 et suiv. (notes du P. Léonard). – (A) Auvray P., Richard Simon 1638-1712 : étude bio-bibliographique avec des textes inédits, Paris, P.U.F., 1974. – (E.H.) Bruzen de La Martinière A.A., Eloge Historique de Richard Simon Prêtre, dans Lettres choisies de M. Simon, Amsterdam, P. Mortier, 1730, t. I, p. 3-100. – Féron A., «Richard Simon, curé de Bolleville», Les Amys du Vieux Dieppe, 1938, n° 3-4, fasc. XLI p. 15-19. – «Mémoires pour servir à l'histoire de la vie et des ouvrages de feu M. Simon», Journal des savants, 1714, p. 185-193. – «Mémoire pour servir à l'histoire de la vie et des ouvrages de feu M. Simon», Journal littéraire, t. III, 1er part., p. 225-230. – (S) S., Additions aux «Recherches curieuses sur la diversité des langues et religions » d'Edward Brerewood, éd. J. Le Brun et J.D. Woodbridge, Paris, P.U.F., 1983, Introduction, p. 17-20. – Le Corbeiller E., «Richard Simon à Dieppe», Les Amys du Vieux Dieppe, 1927, n° 3-4, p. 23-27.

SERRES DE LA TOUR

Numéro

747

Prénom

Antoine de

Naissance

1740?

Décès

?

Né vraisemblablement vers 1740, Antoine Joseph de Serres de La Tour (prénommé Alphonse par le Cat.B.N. et dont le nom s'orthographie aussi Des[s]erres de La Tour) est mort dans les dernières années du XVIIIe siècle ou les premières du XIXe. Il a été marié (M.S.). Il est père de plusieurs enfants qu'il laisse, comme leur mère, dans l'indigence.

3. Carrière

II appartient à une «bonne famille» mais sans fortune et a été élevé dans « un monde brillant » (B). Il embrasse d'abord une carrière militaire : il est officier du régiment de Picardie (M.S. ; B ; P). Au cours de la décennie 1760, il commence une carrière littéraire à Paris, en publiant des ouvrages moraux relatifs à l'éducation, au bonheur et au plaisir. En 1770, il quitte Paris, abandonne son épouse et s'enfuit à Londres avec la «jeune et jolie» femme de M. Guerrier de Bezance, maître des requêtes qui, en mars 1783, sera nommé premier président de la Cour des aides de Clermont-Ferrand (M.S. ; Mettra), et dont il a été le secrétaire (B). Il fut secrétaire de M. de Bezance dont la femme est sa parente. « C'est à cette anecdote qu'on est redevable probablement de la naissance du Courier de l'Europe», remarquent les M.S.: sans ressources, en effet, mais non sans talent (les mémorialistes contemporains le présentent comme un véritable homme de lettres),

S. décide de vivre de sa plume (et d'en faire vivre «sa conquête») et se lance principalement dans une activité journalistique qui convient à un pays où règne « la liberté de la presse» (Courier de l'Europe, n° 1, Adresse au public). Il s'établit à Brompton, faubourg de Londres, non loin de chez Swinton, dans une petite maison entourée d'un peu de terre, qu'il transforme en une agréable retraite (B). Si on l'en croit (Appel), il vit pendant treize ans «dans une parfaite indépendance», mais la perd en 1784 à la suite de revers liés au sort du Courier de l'Europe (CE.). Pendant trois ans, il soutient ces revers «avec dignité» (ibid.) tout en essayant de poursuivre un travail journalistique. Vers la fin de 1787, il entre en relation avec Calonne, réfugié à Londres, et se trouve mêlé à une négociation assez ténébreuse. Selon l'Appel au bon sens, pièce justificative qu'il publie en janvier 1789, c'est par l'intermédiaire de son imprimeur, Thomas Spilsbury (que l'ancien ministre emploie aussi), et dès octobre 1787 qu'il se lie avec Calonne : celui-ci lui communique sa correspondance politique et S. en nourrit la feuille périodique qu'il édite alors. Mais, le 20 décembre 1787, paraît dans le Morning post l'annonce de la publication prochaine par les La Motte d'un Mémoire «qui dévoilerait des mystères intéressants pour plusieurs personnages en France » (la reine et le cardinal de Rohan) et auquel seraient jointes «plusieurs pièces importantes». Calonne se serait déclaré prêt à tout faire pour empêcher une telle publication et, dès le 21 décembre, aurait chargé S. de traiter avec les La Motte une affaire qu'il jugeait «vraiment importante». S. avoue s'être laissé séduire par «l'idée de servir la Reine» et aussi par «l'espoir des récompenses». Il transmet les prétentions des La Motte (1600 £ en échange desquelles les papiers seraient livrés et les mémoires brûlés) et Calonne promet de verser la somme. Mais les papiers se révèlent n'être que des copies. Calonne cependant tient à les acquérir et suggère un nouveau marché (paiement comptant des dettes des La Motte et versement d'une rente viagère). En même temps, il souhaite voir les lettres «liées», les matériaux des mémoires assemblés et c'est S. qui se livre à cette compilation (il assure avoir seulement mis de l'ordre et n'avoir rien dénaturé) que parachève une séance de corrections sous la dictée de Calonne lui-même. DansL’Appel au bon sens, S. reproche à l'ancien ministre de lui avoir caché les désaveux successifs qu'il avait reçus de Versailles. Ce ne serait en effet qu'au terme de cette mise en forme que Calonne aurait annoncé au journaliste que le roi et la reine n'avaient que mépris pour de tels mémoires et qu'il s'agissait de les rendre aux La Motte ! Ainsi S., avec qui Calonne rompt le 20 octobre 1788, se voit et juge compromis (les mémoires sont écrits de sa main), cependant qu'il perce et dénonce le calcul de l'ambitieux homme d'Etat : intimider la reine afin d'être rappelé au ministère, ou, en cas d'échec, se venger en mettant les La Motte en état de publier leurs mémoires. S'appuyant sur des documents inédits - les papiers de Calonne conservés au Public Record Office -, Lacour-Gayet donne une version des faits sensiblement différente. L'initiative serait venue des La Motte qui, cherchant un agent de liaison, se seraient adressés à S., après avoir sollicité Theveneau de Morande, et c'est S. qui aurait offert ses services à l'ancien ministre, lui laissant entendre que les La Motte étaient prêts à abandonner leur projet de publication et à détruire les pièces compromettantes contre «un dédommagement convenable». Calonne aurait accédé à cette proposition tout en cherchant à obtenir des instructions de la reine. Un premier désaveu royal l'aurait conduit à demander à S., à la fin de février 1788, d'arrêter toute négociation. Mais, en avril, celui-ci serait revenu à la charge, donnant maintes précisions sur les mémoires et papiers. De sorte que Calonne, en dépit de l'ordre royal, aurait cru bon de prévenir toute publication et aurait offert, contre la livraison des pièces, de verser une rente viagère aux La Motte. Ceux-ci auraient alors tergiversé et profité de ce laps de temps pour mettre au point, avec l'aide du journaliste, leur texte dont Calonne aurait pris enfin connaissance le 7 juillet. Calonne aurait jugé un travail de révision nécessaire avant d'envoyer le Mémoire à la reine (d'où la séance de corrections sous sa dictée). Mais un nouveau désaveu royal, parvenu le 19 juillet, l'aurait incité à demander une nouvelle fois à S. de cesser toute négociation. Il aurait été alors l'objet d'une sorte d'entreprise de chantage de la part des La Motte - tout cela s'achevant le 20 octobre par une rupture définitive de Calonne avec les La Motte comme avec S. Par-delà les différences que présentent les deux versions, il est évident que S., plongé dans une situation financière difficile, a mesuré tout le parti qu'il pouvait tirer personnellement de la négociation et qu'il s'est conduit, quoi qu'il puisse dire, en intrigant habile. L'épisode semble bien caractéristique des mœurs qui régnaient dans le milieu journalistique des Français à Londres, familiers de l'espionnage, du chantage et de la fabrication de libelles. A la mi-novembre, S. engage contre Calonne un procès qui ne sera d'ailleurs jamais jugé. Calonne rédige un Exposé des faits, les La Motte publientL’Address to the public où ils énoncent les motifs de retard de la publication de leurs mémoires, et S. lance, en janvier 1789, son Appel au bon sens. Selon la Lettre à Monsieur de Calonne (Paris, 1790, p. 2), il aurait, avant de quitter l'Angleterre, pris congé de son «adversaire» et les deux hommes se seraient accordés un pardon réciproque. Cela n'empêchera pas le journaliste de s'élever vivement contre l'ancien ministre prêchant la nécessité d'une contre-révolution. En 1790, S. est en France, mais on perd ensuite sa trace.

4. Situation de fortune

A son arrivée en Angleterre, il connaît la misère. Son amante «fournit longtemps» du travail de ses mains aux besoins du ménage (B). Propriétaire d'un tiers du Courier de l'Europe, les deux autres tiers appartenant à Swinton (P), il retire du journal un «superbe revenu» (B). Il assure avoir gagné «pendant nombre d'années» 1000 à 1200 £ sterling avec sa plume (Appel). Selon Brissot, il retire aussi un profit non négligeable d'une «recette empirique» qui a grande vogue : «les dragées de la Mecque» qu'il compose lui-même à peu de frais. Mais sa tendance naturelle à la dissipation et son imprévoyance l'entraînent dans des dépenses excessives. Rédacteur du CE., il s'établit à Brompton, faubourg de Londres, non loin de chez Swinton. A partir de 1784, alors qu'il a quitté la rédaction du CE., il connaît une «situation gênée » (B) et a de lourdes dettes liées à ses activités journalistiques qu'il poursuit cependant. Aussi a-t-il dû entrer avec empressement dans la négociation La Motte-Calonne. Dans Y Appel au bon sens, il rapporte l'aspect financier de l'affaire en ce qui le concerne. Avant même que Calonne ne lui donne les «pleins pouvoirs» en décembre 1787, il aurait touché une traite de 60 £ sterling «en acompte» des opérations littéraires qu'il avait avec lui. En octobre, il demande à Calonne «deux mille écus à titre de prêt» pour liquider les frais de son entreprise littéraire. Calonne les lui accorde « avec grâce», mais ensuite lui fait signer auprès de son banquier, Charles Herries, des billets à ordre. Après le 21 décembre, dans le cadre précis de la négociation, Calonne lui promet d'abord 5000, puis 2500 £ sterling. Fort de cette promesse, S., qui, pendant sept mois, ne reçoit en fait que 1200 £ tournois, contracte un certain nombre de dettes. Vers juillet-août, il demande 300 £ sterling qui lui permettraient d'arranger ses affaires. Calonne promet, mais se dérobe au paiement et, finalement, ne lui donne que 50 £ sterling. Lorsqu'il fait le compte définitif de l'opération, S. déclare que «de tant de belles promesses, il ne [lui] reste que trois cent cinquante livres sterling de dettes». Selon les papiers de Calonne (L), les relations financières entre les deux hommes auraient été les suivantes : Calonne aurait versé à S. 120 £ sterling en décembre 1787 et 250 en avril 1788. Fin juillet, S. aurait demandé une avance de 800 £ garanties par des hypothèques, mais n'aurait alors reçu que 50 £. Le 15 août, il aurait sollicité 50 £ sterling et Calonne, pour s'en débarrasser, lui en aurait accordé 100. En octobre, sur une nouvelle demande, il aurait encore reçu 80 £ sterling. Enfin, le 20 octobre, Calonne aurait refusé 600 £ sterling réclamées, mais aurait offert d'abandonner ses créances. Durant cette période, alors qu'il n'a pas d'ouvrage suivi, S. affirme « gagner sur le pied de deux mille écus à traduire pour les libraires» (Appel) (cf. S., Londres et ses environs, 1788).

5. Opinions

Il se déclare partisan de l'indépendance et de l'affranchissement des peuples, qu'il s'agisse de l'Amérique ou de la France révolutionnaire. Dans le premier numéro du Journal de l'Europe (31 juil. 1789), il se vante d'avoir aidé à répandre et «naturaliser» en France les principes de la constitution anglaise. Il est un fervent admirateur de Voltaire. D'après Brissot, il est comme rédacteur du Courier de l'Europe «plus dévoué à la France qu'à l'Angleterre » et penche « plus vers le parti ministériel que vers celui de l'opposition» (Â ; P).

6. Activités journalistiques

En 1776, il imagine le plan du Courier de l'Europe, le fait adopter par de riches particuliers, dont Swinton, et se charge de la rédaction en ce qui concerne l'importante partie relative à l'Angleterre (M.S.). Il a comme sous-rédacteur pendant plusieurs années un nommé Perkins MacMahon (Appel), prêtre défroqué, Irlandais d'origine né en France, qui fut d'ailleurs mêlé à la rédaction des Mémoires de la comtesse de La Motte Valois (L). Le correspondant en France, jusqu'en août 1780, est Boyer, ancien violon auprès du duc de Guines ambassadeur d'Angleterre (M.S.). De février à novembre 1783, il a comme « second » Brissot qui, avant d'entreprendre le Licée de Londres,assure la partie « Variétés » du CE. (articles d'ordre littéraire et politique).

Le Courier de l'Europe (28 juin 1776 - 28 déc. 1792, Londres, in-folio puis in - 4° : D.P.1 268) est bien accueilli, «généralement répandu», apprécié tant par «les amateurs de la politique» que par «les gens de lettres» (M.S.) et comptera jusqu'à 6000 abonnés en 1780 (P), bien que l'article relatif à la France soit jugé «des plus médiocres, souvent arriéré, quelquefois faux et presque toujours incorrect» (M.S.). Cependant le CE. connaît un sort assez tumultueux (CH.) : admis à être distribué en France sur le consentement de Vergennes (l'intérêt du gouvernement français en période de guerre est de connaître précisément les événements d'Angleterre), pouvant être temporairement proscrit (il l'est, par ex., du 16 juillet au 31 octobre 1776), il est, à la suite de l'embargo prononcé par le gouvernement anglais, réimprimé à Boulogne-sur-mer à partir du n° 2 5 du 2 7 mars 1778. Du printemps 1778 au printemps 1779, ce fut Brisssot qui eut la charge de le réimprimer ; un Espagnol, Sala Delunel, lui succédera. A la fin de 1783, S. abandonne la rédaction du CE. Il y aurait été amené par Swinton, «fatigué» des «caprices» d'un journaliste «insouciant» (B). Selon Theveneau de Morande qui le remplaça, il aurait négligé son travail «au point de perdre près de cinq mille souscripteurs» (P). En fait, il faut tenir compte notamment de la fin des hostilités anglo-françaises commencées en juin 1778 et qui avaient favorisé la diffusion du périodique. S. lance alors une nouvelle feuille, la Gazette britannique des finances et du commerce, se proposant d'ailleurs de dépasser les limites du titre (Mettra). Les premiers numéros présentent un grand nombre de fautes typographiques - explicable dans la mesure où les ouvriers ignorent la langue sur laquelle ils travaillent, mais le 4e numéro est «déjà beaucoup plus correct» (ibid.).

Cependant, au début de 1787, S. entreprend un autre périodique, Le Déjeuné (D.P.1 338), qu'il mène au moins jusqu'au 3e volume, lequel contient les procédures du Parlement contre les La Motte (Appel). Le comte de Vergennes, puis, après la mort de celui-ci, M. de Montmorin se montrent favorables et donnent au rédacteur l'espoir de voir sa feuille circuler en France. Mais une ligue se forme de «journalistes privilégiés» qui empêche l'entrée deL’Asile en France. De sorte que le seul débit en Angleterre ne compense pas les frais. A partir d'octobre, S. aurait profité de la correspondance politique de Calonne et celui-ci se serait même emparé de la feuille, se livrant à des polémiques notamment contre l'archevêque de Sens, au point que S. aurait eu le désagréable sentiment de n'être plus qu'une sorte de sous-éditeur. Les souscripteurs se seraient alors dégoûtés et retirés. Le périodique étant à la veille de tomber, Calonne aurait refusé d'apporter son soutien. Sans doute S. y a-t-il renoncé au commencement de 1788. Avec la Révolution, il connaît une nouvelle activité journalistique :

Courrier de Londres. S. semble y avoir participé, en compagnie de Theveneau de Morande, avant 1792 (D.P.1 278).

Journal de l'Europe. Dédié à l'Assemblée Nationale (31 juil. 1789-?), «Pamphlet périodique publié à Londres, tous les vendredis, à 6 heures du soir, par J. de Buffe, n° 7, Gerrard Street, Soho» : dans son Adresse au Public, S. sollicite la bienveillance et la protection des «représentants» de la nation contre « les cabales du troupeau privilégié » qui, depuis cinq ans, a réussi à l'écarter.

Le Gazetin, ouvrage périodique par l'ancien rédacteur du Courier de l'Europe, s.I., 1er uin 1790 – 1er mars 1791, in-40.

7. Publications diverses

Voir Cior 18, n° 60131-60139. Ne pas oublier la collaboration de S. aux Mémoires justificatifs de la comtesse de Valois de La Motte. Ajouter : Détection or a scourge for Calonne (Calonne démasqué ou les étrivières pour Calonne), début 1789 (L).

8. Bibliographie

F.L. ; Ersch, t. III ; G.H., p. 38-42. – (Appel) S., Appel au bon sens, dans lequel M. de la Tour soumet à ce juge infaillible les détails de sa conduite relativement à une affaire qui fait quelque bruit dans le monde, publié par M. Kearsley, n° 46, Fleet Street, in-8°. M.S., t. III, p. 170 (6 avril 1767), t. XV, p. 73 (3 mars 1780), p. 258-259 (11 août 1780), p. 265 (16 août 1780), t. XXII, p. 121-122 (6 mars 1783), t. XXV, p. 133 (27 févr. 1784). – Mettra, Correspondance secrète, politique et littéraire, Londres, 1787-1790, t. X, p. 70 (15 juil. 1780), t. XII, p. 146 (14 nov. 1781), t. XIII, p. 263 (15 sept. 1782), t. XV, p. 413 (11 févr. 1784), t. XVI, p. 244 (12 juil. 1784) et p. 262 (18 juin 1784). – (L) Lacour-Gayet R., Calonne : financier, réformateur, contre-révolutionnaire, 1734-1802, Paris, Hachette, 1963, chap. XII, p. 239-274 (ms. Privy Council : série 1, liasses 122-133 et Foreign Office : série 95, liasses 630-633). – (B) Brissot J.P., Mémoires de Brissot sur ses contemporains et la Révolution française, Paris, Ladvocat, 1830-1832, 4 vol. (notamment t. II, p. 160-174). – (P) Proschwitz G. et M. von, Beaumarchais et le Courier de l'Europe : documents inédits ou peu connus, S.V.E.C. 273-274, 1990.

SAUTREAU DE MARSY

Numéro

740

Prénom

Claude

Naissance

1740

Décès

1815

Claude Sixte Sautreau (ou Sautereau) de Marsy est né à Paris en 1740 et mort dans cette même ville le 5 août 1815.

2. Formation

En 1766, il participe au concours proposé par l'Académie française sur le sujet : « Eloge de Charles V ». Mais son ouvrage n'est pas couronné ; c'est La Harpe qui remporte le prix. S. en appelle au public en publiant, l'année suivante, son Discours.

3. Carrière

Sa vie tend à se confondre avec son activité de compilateur. Dans la lettre 62 du t. IV de L'Espion anglais (p. 339), il est présenté comme un homme de lettres peu connu. Ce qui n'étonne pas dans la mesure où la plupart de ses productions sont des compilations publiées anonymement. En 1781, il fait partie de la «petite coterie littéraire» qui se réunit le mercredi autour de Mme Catherine Pannelier, femme d'un ancien receveur général des Domaines et Bois (M.S.). Pendant la Révolution, il observe une attitude prudente et réservée, tout en continuant à éditer divers recueils.

5. Opinions

Apprécié pour ses qualités d'amabilité et de politesse. Non dénué de connaissances, sinon de goût. Membre du clan Fréron contre Voltaire. Hostile aux principes de la Révolution.

6. Activités journalistiques

Dès 1765, il entreprend avec Mathon de La Cour l'Almanach des Muses (Paris, Delalain, 1765-1833, 69 t. in-12, annuel). C'est un recueil de pièces fugitives qui ont paru (ou non) dans l'année. Destiné surtout aux provinces, «où l'on est avide des productions de la capitale», il est fondé sur un choix qui n'a pas paru toujours heureux (LH2). Des notes critiques sont mises au bas de chaque pièce, qui suscitent des réserves ou des épigrammes. La Harpe estime ridicule que les talents soient ainsi jugés «jusque dans les Almanachs» et ce en une ligne ou deux. Masson de Morvilliers compose ces vers piquants : «Qu'il est petit ce petit éditeur / Qui, tous les ans, de petites notices / Flanque un recueil dont il est rédacteur» (LH2). Car sont critiquées aussi, pour leur laconisme ou leur partialité, les notices finales consacrées à tous les ouvrages de poésie qui ont paru dans l'année (LH2). En 1773, S. supprime les notes mais non les notices, sous le prétexte que celles-ci «ont trouvé moins de censeurs» que celles-là. Cependant, en dépit des jugements mêlés et des plaisanteries dont elle est l'objet, la collection où S. insère ses propres poésies et celles de ses amis (Fréron) se soutient et se poursuit jusqu'en 1789. Elle est alors continuée par Vigée jusqu'en 1820 et dure jusqu'en 1833. Signalons qu'en 1781 paraît un recueil intitulé Pièces échappées aux seize premiers Almanachs des Muses, Paris, Vve Duchesne, in-12 (Q.). Pour compléter L'Almanach des Muses et joindre aux pièces fugitives «qui méritent d'être conservées» une histoire fidèle de la poésie française depuis l'origine jusqu'en 1764 (Prospectus), S. lance, en 1778, une nouvelle collection avec Imbert et d'autres journalistes : les Annales poétiques, Paris, Delalain, 1778-1788, 40 vol. in-12, Prospectus du 18 octobre 1777, Privilège du 29 avril 1778 registre le 2 mai, annoncé comme mensuel (12 vol. par an, 24 £ pour Paris et 30 £ pour la province). Soixante volumes sont initialement prévus qui contiendront des extraits des plus anciens poètes français avec une notice de leur vie et de leurs ouvrages (LH1). Selon Beuchot (Journal de la librairie, 1815, p. 396), les t. XLI et XLII ont été imprimés depuis 1789, mais l'éditeur n'a pas jugé bon de les livrer au public.

De 1754 à 1776, S. collabore activement à L'Année littéraire (Q.).

A partir de septembre 1764 et jusqu'en 1778 (ibid.), il collabore également au Journal des dames (Paris, 1759-1778). Quand il se charge de la rédaction, le Journal, commencé en 1759, interrompu pendant deux ans, puis repris, n'aurait eu que sept souscripteurs. Il lui redonne vie, aidé de Mathon de La Cour et grâce à Mme de Maisonneuve au nom de qui est le privilège (H.P.L.P. ; Gelbart, p. 157-159).

Il travaille au Journal de Paris qui commence à paraître le 1er janvier 1777 (Prospectus daté du 11 oct. 1776), quotidien. Il en assure la partie littéraire avec Corancez « à la satisfaction du public éclairé» (Barbier et Desessarts). «De nature à être assez en vogue» (LH1), le Journal de Paris se voit à plusieurs reprises suspendu. C'est ainsi que, le 19 juin 1781, il est «arrêté» à la suite du compte rendu que fait S. de l'Oraison funèbre de l'impératrice-reine prononcée au Louvre par l'abbé de Boismont. Mais la suspension ne dure que 24 heures, le rédacteur ayant prouvé qu'il s'était « renfermé dans les bornes d'une critique purement littéraire » (M. S.).

7. Publications diverses

Q. ; Cior 18, n° 59655-59669. Il a peu publié d'écrits qui lui soient propres.

8. Bibliographie

F.L. ; Ersch, t. III ; Desessarts, t. VI, p. 77 ; B.Un. ; N.B.G. ; H.P.L.P., t. II, p. 18-34, 216 ; B.H.C.;D.O.A.;D.L.F. – CL, t. X, p. 332 ; t. XIV, p. 214 ; t. XV, p. 480. – M.S., t. XVII. 19 et 20 juin 1781 ; t. XVIII, 6 déc. 1781. – Voltaire, Correspondence, éd. Besterman, D20481, 20684, 20689. – Barbier A. et Desessarts N.L.M., Nouvelle bibliothèque d'un homme de goût, Paris, Duminis-Lesueur, 1810, t. II, p. 377 et t. V., p. 188, 201, 220-21, 299. – La Harpe J.F., Œuvres, Paris, Verdière, 1821 : (LHi) t. X-XIII, Correspondance littéraire, lettres 38, 61, 62, 122, 129, 141, 179, 190, 197, 202, 271 ; (LH2) t. XIV, Littérature et critique, p. 81-84, 317-320, 375-380. - – Gelbart N., Féminine and opposition journalism in old régime France : le Journal des dames, Berkeley. U. of California Press, 1987.

ROY

Numéro

718

Prénom

Jean

Naissance

1744

Décès

1805?

Jean Roy (ou Roi) est né le 9 octobre 1744 à Bourges (Ersch ; Desessarts ; mais les reg. par. qui subsistent pour l'année 1744 ne mentionnent pas cette naissance). Il vit les temps troubles de la Révolution et meurt dans les premières années du XIXe siècle - au moins après 1801 (Desessarts), en 1805 selon le Catalogue de la Library of Congress.

2. Formation

Il fait des études de théologie. Il est reçu docteur ès arts à l'Université de Bourges et licencié en droit à la faculté de Paris (Q.). Il est membre associé ou correspondant de nombreuses sociétés et académies de France : Société royale de physique, d'histoire naturelle et des arts d'Orléans (depuis le 11 juin 1784 : voir A. Fauchon, «L'Académie des sciences, arts et belles-lettres d'Orléans», Mémoires de la Société d'agriculture, sciences, belles-lettres et arts d'Orléans, 5e série, t. XXII, 1927, p. 110, 118), Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen (depuis le 16 févr. 1785 : voir A. Héron, Liste générale des membres de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen, Rouen, 1903, p. 46), Académie de Bordeaux (B.V. Bordeaux, ms. 1696, t. XXIX, lettre, 10 févr. 1785), académies d'Arras, de Montauban (depuis 1787 : voir E. Forestié, La Société littéraire et l'ancienne académie de Montauban, 2e éd., Montauban, 1888, p. 167, 293, 304), Société royale de Metz, Société patriotique bretonne. Il est également membre d'académies étrangères : Académie des Arcades de Rome, Académie Electorale et Palatine, Académie des sciences de Mannheim, Société d'émulation des arts et belles-lettres de Liège.

3. Carrière

Prêtre du diocèse de Bourges, il est nommé chanoine de l'église collégiale et séculière de Dun-Le-Roi (voir A.D. Cher : prise de possession de son canonicat, extraite des délibérations du chapitre tenu le 31 mars 1774). Il est protonotaire apostolique (Ersch). Il prête serment devant le Parlement de Paris dont il a le titre d'avocat (voir Nouvelle histoire des cardinaux français, t. I, 1785, Discours préliminaire). Au cours de la décennie 1770, il commence une carrière littéraire où il va s'affirmer moraliste et historien et qui ne semble pas être totalement passée inaperçue : en 1784, il présente au roi L'Ami des vieillards, dédié à la duchesse de La Vallière, il reçoit des brefs flatteurs du pape Pie VI pour ce même Ami des vieillards et pour la Nouvelle histoire des cardinaux français, dédiée, elle, au roi. Il remplit les fonctions de censeur royal, au moins à partir de 1784, et de secrétaire ordinaire du comte d'Artois et d'historiographe de ses ordres, au moins à partir de 1786. En 1785, il se présente (voir Nouvelle histoire des cardinaux, t. I), comme «conseiller intime de S.A.C. le Prince Evêque de Liège». A cette date, il habite à Paris rue Guénegaud, n° 20.

A la fin de 1787 (Ri), il reçoit d'un libraire étranger en paiement d'un manuscrit de sa composition (il s'agit d'un ouvrage sur les Assemblées nationales depuis le commencement de la monarchie) un billet au porteur signé Réveillon. Lorsque son notaire se charge de faire acquitter le billet, le sieur Réveillon l'argue de faux et intente une action criminelle en faux principal contre R. alors même que celui-ci n'a pas exigé judiciairement le paiement du billet (auquel cas une action criminelle en faux incident aurait pu seulement être formée). Cette affaire d'ordre privé va se trouver liée et mêlée en 1789 à une affaire d'ordre politique. Voici en effet que R. est accusé d'être «le moteur et l'instigateur» de l'émeute populaire du faubourg Saint-Antoine. Le « ministre de Paris», Laurent de Villedeuil, le fait arrêter le 3 mai «sur simple dicton d'accusation» ; plus tard R. assurera que Villedeuil voulait suspendre la publication de la brochure : Jean-Jacques ou le réveil matin des représentants de la nation (R2). Conduit au Châtelet (id.), détenu au secret (Ri), il est, le 5 mai, interrogé «sans forme juridique» et prouve son innocence. Cependant il n'est libéré que le 12. Il rentre chez lui et, sans avoir le temps de rétablir sa santé affaiblie ni de remettre de l'ordre dans ses affaires auxquelles on avait mis le feu, il est, le 27 du même mois, l'objet d'un arrêt provisoire prononcé par le Parlement de Paris (qui d'ailleurs le croit toujours en prison) dans le cadre de l'affaire du billet. Réveillon, qui, quelques jours plus tard, publie un Mémoire injurieux contre lui, tend, non sans habileté semble-t-il, à confondre les deux affaires et à accroître les préventions publiques contre son adversaire, lequel a tôt fait de passer pour un anti-patriote et un ennemi du peuple. Comme il refuse d'obéir à l'arrêt et se cache, R. devient la proie des accusations que colportent les journalistes : Tournon (Révolutions de Paris, n° 2), Feydel (L'Observateur, n° 5, 20, 36, 37,40, 83), Mercier (Annales patriotiques et littéraires de la France, n° 40), le rédacteur de la Chronique de Paris (n° 81), Camille Desmoulins (Révolutions de France et de Brabant, n° 7) et des auteurs de libelles telles que La Circulaire des districts ou dénonciation forcée des apôtres du despotisme (s.l.n.d.). Selon eux, R. aurait quitté Paris, aurait été reconnu dans un village de Picardie, à Vienne, à Bruxelles, conspirant pour le compte des aristocrates, travaillant à la solde des Polignac, revoyant et corrigeant le Mémoire signé des Princes, lié à l'abbé Caton Sabatier, au marquis de Beaupoil. Le 14 ou 16 juillet (Ri ; R2), «une espèce d'ecclésiastique», Edmond Cordier, est faussement pris pour R., conduit à l'Hôtel de ville et sur le point d'être «lanterné» à la Grève s'il n'avait été reconnu et identifié par des officiers municipaux (Cordier écrira peu après l'Exposé fidèle des manœuvres de plusieurs séditieux, sous le faux prétexte de se saisir de l'abbé Roy, s.l.n.d. ; c'est dire les risques que court la vie de R. Dans ses écrits justificatifs qui datent de 1790 (Ri ; R2), celui-ci repousse toutes ces accusations qu'il juge calomnieuses, fait état de ses œuvres et de ses actes qui témoignent de son patriotisme et, en donnant ses adresses successives, entend prouver qu'il n'a pas quitté Paris, qu'il ne s'est pas «expatrié» : le 27 mai au soir, il se réfugie chez les Vichard « rue Dauphine maison du bonnetier vis-à-vis le musée » où sa gouvernante, Catherine Alain, lui apporte ses effets indispensables (elle est, elle, le 29, interrogée, arrêtée et conduite à l'Hôtel de la Force, où, refusant de découvrir la retraite de son maître, elle finira par se suicider : voir Le Crime des suppôts de justice, s.l.n.d.). Il reste chez les Vichard, malade et sans quitter sa chambre jusqu'au 5 juillet. Du 5 juillet au 7 août, il loge avec les Vichard rue des Grands Augustins, dans l'hôtel garni de M. de Lamotte, n° 10, vis-à-vis l'hôtel de Saint-Cyr. Il est encore alité et ne sort pas une seule fois. Le 7 août, la famille Vichard regagne son domicile. R. demeure jusqu'au 8 mars avec une gouvernante chez M. de Lamotte où il voit souvent Baculard d'Arnaud, M. Guibert procureur au Châtelet. A partir du 8 mars – date après laquelle il compose ses pièces justificatives – R. refuse de révéler son adresse. On perd alors sa trace. Mais il semble avoir en mars 1790 recouvré sa santé et se déclare prêt à repousser tous les traits calomnieux.

4. Situation de fortune

Quand il prend possession de son canonicat, il paie la somme de 67 £ 10 sols pour les droits accoutumés dont 60 £ sont versées au trésor du chapitre (ms. cité). Le billet au porteur signé Réveillon s'élève à 7000 £ (Ri).

5. Opinions

Ecrivain soucieux d'inspirer «la saine morale», il s'est intéressé particulièrement aux problèmes de l'éducation, comme le prouve, entre autres, sa production périodique.

6. Activités journalistiques

6. Le Mentor universel, 1er juin 1784 - déc. 1785, Paris, Théophile Barrois le jeune, 16 vol. en 4 t., in-12, privilège du 31 mars 1784, périodicité mensuelle, puis bi-mensuelle (D.P. 1 910). Ce périodique se propose d'être « une encyclopédie complète d'éducation» et entend donner une analyse « raisonnée » des ouvrages nouveaux relatifs aux problèmes pédagogiques.

Le Petit Voyageur, Suite du Mentor universel : le prospectus paraît dans vol. 16 du Mentor. Consacré au voyage - si important en matière d'éducation - ce second périodique, approuvé le 10 mars 1785, est annoncé comme hebdomadaire. Le premier numéro est prévu pour le 8 janvier 1786. Mais nous n'avons retrouvé aucun exemplaire de cet ouvrage périodique, qui aurait eu cinq numéros (Ersch ; Desessarts).

7. Publications diverses

7. Cior 18, n° 57634-57640. – Ajouter : Lettre importante de M. l'abbé Roy à M. Bailly maire de Paris etc. suivie du serment civique signé de son sang, Paris, Laurens junior, 1790. Instructions sur toutes les assemblées nationales depuis le commencement de la monarchie jusqu'à nos jours : publié dans les premiers jours de l'Assemblée des notables, l'ouvrage est suspendu par un arrêt du Conseil d'Etat du roi et vaut une interdiction d'un mois au libraire Royer chargé du débit (R2). – Jean-Jacques ou le réveil matin des représentants de la nation française : les mots Jean-Jacques ont été ajoutés à l'insu de l'auteur par M. Genest d'Ormesse à qui a été vendu l'ouvrage imprimé chez Ballard et paru en juin 1789 (50 chap., 174 p.) (R2). – Signalons que, dans L'Ami des vieillards (1784, p. 43 n.), R. annonce la publication prochaine de sa traduction en vers français de l'Art poétique d'Horace.

8. Bibliographie

Ersch, t. III : Desessarts, t. V, p. 405-406 ; D.L.F. ; Q. – (R1) R., Lettre importante de M. l'abbé Roy à M. Bailly maire de Paris etc. suivie du serment civique signé de son sang, Paris, Laurens junior, 1790. – (R2) Id., La Vérité dévoilée ou mémoire d'une victime de l'aristocratie, s.l.n.d.

ROUBAUD

Numéro

709

Prénom

Pierre Joseph André

Naissance

1730?

Décès

1792

Frère du précédent, né à Avignon. La date de sa naissance, fixée par les biographes au mois de juin 1730 (le 28, selon certains), ne peut être confirmée à la lumière des reg. par. de Saint-Pierre et de Notre-Dame la Principale. Des enfants Roubaud, ces registres, en effet, mentionnent les dates de naissance de Pierre Antoine Joseph (28 mai 1723), d'un autre Pierre Antoine Joseph (27 févr. 1726)- sans doute le premier est-il décédé en bas âge -, d'Antoine Joseph Thomas (21 déc. 1727), d'Antoine Charles Joseph (18 oct. 1729), de Jeanne Marie (8 nov. 1731), de Joseph Marie (cf.

2. Formation

Comme son frère Joseph Marie, il est inscrit à l'université d'Avignon (B.Un.), profitant de la «belle éducation» à laquelle le père a tout sacrifié (Ars.). Il donne tôt des marques d'un esprit supérieur. En 1786, il reçoit pour ses Nouveaux synonymes français (Paris, 1785, 4 vol. in-8°) le prix d'utilité de l'Académie française (en même temps que P.L. Lacretelle pour son Discours sur le préjugé des peines infamantes, 1784) choix qui a paru «très mal fait et tout à fait ridicule» aux dires des M.S.

3. Carrière

Il embrasse l'état ecclésiastique moins par vocation que par nécessité. Il se rend de bonne heure à Paris (aux environs de sa vingtième année, Dictionnaire de l'économie politique), débute dans la carrière des lettres par des recherches grammaticales dont on a, dit-il dans la Préface des Nouveaux synonymes français (t. I, p. XXXVI), «daigné recueillir les premiers essais» (de ces essais, il ne reste pas trace). Cependant il se détourne de cette voie pour s'occuper, peut-être dans l'espoir d'un travail plus rémunérateur, d'une «science nouvelle» pour lui (ibid.) : l'économie. Il se lie, en effet, avec les « économistes » dont il partage et défend la doctrine dans différents ouvrages comme dans les nombreux articles qu'il rédige et insère dans les publications périodiques favorables à la physiocratie. Il se livre à l'ardeur et l'intrépidité de son esprit, n'hésitant pas à avancer des critiques vives et audacieuses. «L'objet en est hardi», lit-on dans la CL. (15 nov. 1769) à propos d'un ouvrage qu'il fait paraître en 1769 sur le commerce des grains (Représentations aux magistrats), «il faut que l'auteur ait renoncé bien formellement à tout bénéfice». Ses talents réels et ses opinions hasardées lui valurent d'être, selon les circonstances, ou consulté ou repoussé par le gouvernement. Durant le ministère Turgot, il est présenté comme un des «conseillers» et «subalternes de confiance » de Turgot dans un des manuscrits qui courent contre le ministre : Catalogue des livres nouveaux qui se trouvent chez l'abbé Roubaud, secrétaire perpétuel de la franche loge économiste, sous la protection de M. Turgot, le très-vénérable grand-maître (M.S.). En avril 1776, il songe à quitter la rédaction de la Gazette d'agriculture pour deux motifs : les «prétendus mauvais effets » qu'on impute « sourdement et calomnieusement» à son travail et un épuisement physique «absolu». Il exécute sa résolution en mai, s'éloigne de Paris pour s'installer et se soigner à Villejuif chez la comtesse d'Argenten (Ars., f° 38-39). C'est là qu'il reçoit l'ordre du roi, daté du 6 août 1776 et selon lequel il doit se retirer à Sainte-Sévère en Berry (f° 32) ; par le même ordre, l'abbé Baudeau est, lui aussi, exilé. D'après Amelot (f° 16), R. ne mérite aucun ménagement, car il a « plusieurs fois » inséré dans sa Gazette « des articles très reprehensibles» («la chaleur de sa tête» est bien connue) et a fait courir une lettre anonyme où le censeur de la Gazette, l'abbé Aubert, se trouve menacé d'écrits hostiles publiés à l'étranger. En fait (cf. Mémoire, f° 38-39), c'est Joseph Marie qui, succédant à son frère et excédé par des censures jugées injustifiées, a composé cette lettre menaçante. Protestant de son long dévouement au bien public et de sa totale innocence (depuis sa retraite à Villejuif, il est sans relation avec Paris et son frère et, jamais, il n'a eu le projet d'aller composer des libelles contre le gouvernement dans des pays étrangers), rappelant qu'il a écrit «toujours autorisé», R. avance l'état de sa santé déplorable et de son dénuement pour demander à tout le moins d'être exilé à Saint-Vigor des Monts, près de Vire, en Normandie, où il compte trouver quelque aide (f° 38-39, 44-45). Un nouvel ordre du roi en date du 17 août et notifié le 29 le relègue à Saint-Vigor (f° 52-54). R. part dans la nuit du 4 au 5 septembre, arrive le 8 et, dans une lettre du 9 (f° 73-74), ne cache pas tous les torts que lui cause cet exil. En novembre, Necker, pourtant «fort maltraité par le parti économiste», sollicite et obtient la levée de la lettre de cachet (M.S.). Sans abandonner totalement la réflexion économiste, R. revient alors à ses premiers goûts, reprend ses études de grammaire et publie, en 1785, l'ouvrage des Nouveaux synonymes qui reste son plus beau titre de gloire. Dans la Préface (p. XXXVI), il se dit «malade», «accablé de souffrance » et « ne jouissant qu'à peine d'une certaine liberté d'esprit dans des moments de calme aussi rares que courts». Au début de la Révolution, il entreprend la défense des droits du Saint-Siège sur Avignon (Questions politiques sur Avignon et sur le Comtat) - ce qui était assurément faire preuve de courage. Il meurt dans l'obscurité.

4. Situation de fortune

Issu d'une famille nombreuse et peu aisée, il n'a voulu devoir qu'à sa plume ses moyens d'existence et n'a jamais connu qu'une fortune médiocre. Peut-être aurait-il pu jouir de plus grandes ressources s'il avait su montrer un caractère plus souple et un esprit moins intrépide. En 1776 (Ars., f° 38-39), il se représente dans un état total de dénuement, ne subsistant que « par l'assistance de quelques amis généreux ». Son seul espoir de salut - un salut qu'il juge mérité par son «zèle laborieux» poussé jusqu'à la destruction de soi - est d'obtenir une pension de 4000 f sur « la douaire d'Aubrac » dont le titre reviendrait à l'abbé Baudeau ; il en fait encore la demande le 30 juillet 1776 (f° 26-27). C'est son absence de ressources qu'il met en avant pour justifier en partie son impuissance à se conformer à l'ordre royal du 7 août ; et, tandis qu'il exprime le souhait d'être relégué à Saint-Vigor, il demande les moyens de s'y rendre et d'y subsister (f° 38­39). Maurepas ne se déclare pas opposé à lui accorder un secours : «Je pense que M. le Contrôleur général pourrait le traiter comme l'abbé Baudeau [...] il n'y aurait pas de mal que l'on sût dans le public la façon dont on les traite » (f0 46). En attendant, R. emprunte 100 louis à ses amis pour assurer ses frais de soins, de route et de séjour - une dette que le gouvernement, selon les mots de la comtesse d'Argenton (f° 64-65), devrait le mettre en état d'acquitter. Un Mémoire (f° 71-72) fait d'ailleurs état des «promesses réitérées» qui ont été faites sur ce point à R. «par les dépositaires successifs de l'autorité qui l'on fait travailler sans relâche depuis dix ans». A son retour d'exil, R. reçoit enfin une pension de 3000 francs sur les économats, qu'il perdra avec la Révolution. Signalons qu'un Eloge de Saint-Louis lui vaut une gratification de 1200 francs (B). Par ailleurs, à la suite de son ouvrage sur Avignon et le Comtat, il reçoit du pape, par l'intermédiaire du nonce Lugnani. l'offre d'une bourse de 100 louis et d'une tabatière en or ; mais, s'il accepte celle-ci, il refuse celle-là (ibid.). En raison de la date de sa mort, il ne saurait avoir été le bénéficiaire de la somme de 2000 £ (Ersch) dans le cadre des secours que la Convention nationale accorda aux gens de lettres par décret du 3 janvier 1795.

5. Opinions

Homme d'une vaste érudition (aussi bien en matière d'économie que de grammaire), d'une honnêteté scrupuleuse, d'une humeur fière et indépendante, d'un esprit vif et ferme. Tout animé par l'amour du bien de l'Etat et de l'humanité (en 1776, il avoue avoir «ruiné» sa santé «dans des travaux forcés et opiniâtres pour le bien public» et avoir «sacrifié» sa vie à la France, alors qu'il est «né sujet d'une puissance étrangère», Ars., f° 38-39), il devient un adepte sincère de la physiocratie et se lie avec les chefs des nouveaux économistes : Dupont de Nemours, Quesnay, l'abbé Baudeau, le marquis de Mirabeau. « Coryphée» (M.S.) zélé et passionné de l'école que d'aucuns qualifient d'«absurde» (CL.), il n'hésite pas à polémiquer et invectiver. C'est ainsi qu'avec les Récréations économiques (1770), il réfute - en faisant «le plaisant» (CL.) - les spirituels Dialogues sur le commerce des bleds (1770) de l'abbé Galiani lequel se plaisait à parler de «Ribaud» et à lui souhaiter Bicêtre (Correspondance inédite). Il attaque aussi notamment Linguet (cf. Journal de l'agriculture, n° 89 et 94) qui lui réplique dans trois Lettres de son Journal de politique et de littérature (n° 3, 15 nov. 1774 ; n° 5, 5 déc. 1774). Dans le Mercure de France (oct. 1769,2e part., p. 133), il insère une réponse à Voltaire qui lui a écrit personnellement le 1 juillet 1769 à l'occasion des Représentations aux magistrats. Dans la Préface des Nouveaux synonymes françois (p. XIX-XX), il fait état de ses discussions familières avec Court de Gébelin, l'auteur du Monde primitif, dont il se présente comme le disciple. Par ailleurs, la comtesse d'Argenton, la comtesse de Froulay, le vicomte et la vicomtesse d'Aubusson sont ses «liaisons intimes» (Ars., f° 44-45).

6. Activités journalistiques

C'est à Jacques Accarias de Sérionne - et non à R. - que doit être attribuée la rédaction du Journal de commerce (puis Journal de commerce et d'agriculture), janv. 1759 - déc. 1762, Bruxelles, Van den Berghen, 20 vol. in-12 (voir art. «Accarias de Sérionne» et D.P.1 643).

L'activité journalistique de R. renvoie aux différents organes de presse de l'école physiocratique, R. y révélant d'ailleurs le tempérament d'un authentique journaliste.

Journal de l'agriculture, du commerce et des finances, juil. 1765 - déc. 1774, Paris, Knapen, puis Bureau royal de correspondance, 48 vol. in-12 (D.P.1 650) ; R. y travaille avec son frère Joseph Marie dès sa fondation. Mais, après novembre 1766, le journal, tout en gardant le même titre, est livré aux partisans du système mercantile et devient comme une annexe de la Gazette de commerce dirigée par de Grâce et rédigée par l'abbé Yvon (S). Ce n'est qu'en juin 1770 (cf. Avis liminaire annonçant un changement de rédaction) (W) que, passant entre les mains de R., il s'ouvre de nouveau à l'expression et à la défense des idées libérales, accordant une large place à la réfutation des ouvrages anti-économistes (S). Néanmoins, après la chute de Choiseul (23 déc. 1770), R. est contraint d'émousser ses critiques et de dissimuler ses opinions pour ne pas voir sa publication interdite (W) ; il la maintient ainsi jusqu'à la fin de 1774. De janvier 1772 à décembre 1774, figure sur le frontispice des volumes la mention «Par M. l'abbé Roubaud».

Ephémérides du citoyen, nov. 1765 - nov. 1772, 69 t. in-12 (D.P.1 377) ; ce n'est qu'en 1767 que les économistes en prennent possession. Le sous-titre (Chronique de l'esprit national) change alors (il devient Bibliothèque raisonnée des sciences morales et politiques), de même que le format et la périodicité (d'hebdomadaire, elle devient mensuelle). R. commence sa collaboration en mai 1768 avec un article intitulé «De la recherche de l'industrie», réponse à l'Essai analytique de Graslin. Il signe G. ou R. En 1770, la publication se fait irrégulière, se trouve retardée, mais cette défaillance est compensée par le retour du Journal d'agriculture à la doctrine libérale sous l'impulsion de R. A la fin de 1774, Baudeau fonde les Nouvelles Ephémérides économiques (déc. 1774 -mars 1788, 10 vol. ; D.P.1 1028) qu'il réunit au Journal d'agriculture, les frais de la fusion étant assurés par Turgot qui apporte en outre son appui moral à l'entreprise (S).

Gazette d'agriculture, commerce, arts et finances (parue antérieurement sous les titres successifs de Gazette du commerce et Gazette du commerce, de l'agriculture et des finances, avril 1763 - déc. 1783, Paris, 21 vol. in-40 ; D.P.1 555) ; R. en assure la rédaction au moins en 1776 jusqu'en avril (Ars.. f° 38-39). C'est son frère Joseph Marie qui, en mai, lui succède dans cette fonction. Les M.S. de 1776 présentant R. comme le rédacteur de cette Gazette.

Journal de l'agriculture, du commerce, des arts et des finances, janv. 1778- déc. 1783, Paris, 24 vol. in-12 ; R. y collabore à partir de 1779 lorsqu'Ameilhon change l'orientation du Journal pour en faire une « bibliothèque » à l'adresse de « ceux qui voudraient faire une étude sérieuse de la science économique et politique» (Avis, janv. 1780).

7. Publications diverses

7. Cior 18, n° 54194-54202. L'Eloge de Saint-Louis et les Questions politiques sur Avignon et sur le Comtat ne semblent pas avoir été imprimés.

8. Bibliographie

8. F.L. 1769 ; Ersch, t. III, p. 183 ; B.Un. ; Feller-Weiss ; N.B.G. ; B.H.C., p. 65, 70 ; D.L.F. — Archives de la Bastille, Ars., ms. 12448, f° 14-77. — (A.D.V.) A.D. Vaucluse ; reg. par. Saint-Pierre et Notre-Dame de la Principale ; D 119. — (B) Barjavel C.F.H., Dictionnaire historique, biographique et bibliographique du département de Vaucluse, Carpentras, 1841, t. II, p. 359-360. — Correspondance inédite de l'abbé Ferdinand Galiani, Paris, Treuttel et Wùrtz, 1818, t. I, p. 78 (28 avril 1770), p. 86 (5 mai 1770), p. 105 (26 mai 1770), p. 137 (21 juil. 1770), p. 145 (27 juil. 1770). — CL., t. IV, p. 127 (15 juil. 1759). t. VIII, p. 373 (15 nov. 1769). t. IX, p. 83 (1 juil. 1770), t. XIV, p. 444 (sept. 1786). — Dictionnaire de l'économie politique, éd. C. Coquelin et Guillaumin, Paris, Guillaumin, 1853, t. II, p. 553. — M.S., 18 mars 1770 (t. XIX), 31 déc. 1774 (t. VII), 19 mai et 11 nov. 1775 (t. VIII), 3 juin, 13 août et 27 nov. 1776 (t. IX), 5 août et 7 nov. 1786 (t. XXXII-XXXIII). — (S) Schelle G., Du Pont de Nemours et l'école physiocratique, Paris, Guillaumin, 1888. – (W) Weulersse G., Le Mouvement physiocratique en France de 1756 à 1770, Paris, Alcan, 1910, réimpr. Mouton 1968. – Id., La Physiocratie sous les ministères de Turgot et Necker 1774-1781, Paris, P.U.F., 1950. — Id., La Physiocratie à la fin du règne de Louis XV (1770-1774), Paris, P.U.F., 1959.

ROUBAUD

Numéro

708

Prénom

Joseph Marie

Naissance

1735

Décès

1797

Joseph Marie Roubaud est né à Avignon le 16 janvier 1735, baptisé à la paroisse Notre-Dame la Principale, fils de Pierre Pascal Roubaud et de Marguerite Tressol (A.D.V.), il appartient à une famille nombreuse. Son père a, en effet, vingt et un enfants (Ars.) parmi lesquels Pierre Joseph André (voir art. suivant) et Pierre Ignace, né le 28 novembre 1739 (A.D.V.) et connu sous le nom de Roubaud de Trésséol (B). R. meurt à Paris le 26 septembre 1797 (Sommervogel).

2. Formation

Inscrit à l'Université d'Avignon (A.D.V.). Le père a tout sacrifié pour donner à ses enfants «une belle éducation» (Ars.).

3. Carrière

R. entre le 7 septembre 1752 dans la Compagnie de Jésus. Il est successivement professeur de grammaire à Embrun, de rhétorique à Chalon-sur-Saône et de grammaire à Aix-en-Provence (Sommervogel). C'est là qu'il se trouve au moment de la suppression de l'Ordre. Il quitte alors la province pour Paris où il rejoint son frère Pierre Joseph André avec lequel il travaille aux feuilles des «économistes». En 1775, il est de retour dans sa patrie et devient rédacteur du Courrier d'Avignon lorsque ce journal est de nouveau publié. Mais il est relevé de ses fonctions, probablement en mars 1776, et reprend le chemin de Paris (B ; M). A partir de mai, il assure la rédaction de la Gazette d'agriculture en remplacement de son frère Pierre Joseph André alors malade ; il loge à la Communauté des Eudistes, rue des Postes (Ars.). Il consacre ses dernières années à l'étude et la littérature (B), publiant des traductions de Vies d'hommes religieux. Dans une lettre datée de septembre 1776 (Ars.), il affirme qu'on lui a antérieurement proposé un poste de secrétaire d'ambassade (car il sait «les langues» «et à peu près ce qui se passe en Europe»), mais qu'il n'était prêt à accepter que le poste d'Angleterre où réside un de ses frères ; or ce poste n'était pas alors vacant.

4. Situation de fortune

R. est d'une famille peu aisée parce que nombreuse (on ignore la profession du père). Après la mort de Pierre Pascal Roubaud, les enfants se servent « mutuellement de père » et ne cessent de s'entraider (Ars.). En septembre 1776, R. se représente au fond d'«un labyrinthe» où l'ont jeté des «circonstances plus tristes les unes que les autres» : son frère, professeur à l'Ecole royale de Paris, maître pourtant consciencieux et auteur de Discours sur l'instruction des élèves, se voit privé de son poste et renvoyé sans pension (sans doute s'agit-il de Pierre Ignace) ; son autre frère qui se trouve également à Paris, Pierre Joseph André, reçoit du roi un ordre d'exil. Il a une sœur à qui il s'est chargé de faire une pension de 600 £. Il ne cache pas que «plus d'une fois» des «postes plus qu'honnêtes chez l'étranger», «propres à assurer sa fortune», lui ont été proposés comme d'ailleurs à ses deux frères résidant à Paris ; mais, déclare-t-il, «nous avons préféré la peine et le mal être en France à la fortune qu'on nous offrait ailleurs» (Ars.).

5. Opinions

Il prétend n'avoir jamais lu de livre d'économie politique et n'avoir «jamais mis le pied chez M. de Mirabeau» à l'occasion de réunions d'économistes (Ars.). Il reste avant tout comme un estimable traducteur de l'italien et un esprit très versé dans la poésie latine (B).

6. Activités journalistiques

R. collabore avec son frère Pierre Joseph André au Journal de l'agriculture, du commerce et des finances au début de l'existence du périodique (cf. notice suivante).

A partir de juillet 1775, il est rédacteur du Courrier d'Avignon (D.P.1 262) qui, devenu monégasque le 8 février 1769 (Courrier de Monaco), reparaît, chez Niel, le 4 juillet 1775, à Avignon restituée l'année précédente au Pape. Mais il est renvoyé en mars 1776 «pour avoir manqué aux devoirs d'un rédacteur exact et prudent » (lettre du vice-légat Filomarino au secrétaire d'Etat, 2 nov. 1776, Arch. Vat., Leg. Avignon 313, f° 262 v° ou 222, f° 42) (M), et est remplacé par Artaud. Il cherche à obtenir le bail du Courrier aux dépens du titulaire Joachim Leblanc et offre à Rome une redevance supérieure, mais sans succès : le ministre Vergennes et l'ambassadeur de France Bernis interviennent en faveur de Leblanc (M). C'est sans doute en relation avec ces tractations menées à Rome qu'il faut comprendre l'allusion des M.S. (3 juin 1776) au «voyage d'Italie» auquel semble bien renoncer «l'abbé Roubaud» (il s'agit, selon toute vraisemblance, de R.) «dégoûté des changements survenus dans le ministère».

A la même date, les M.S. nous apprennent que cet abbé Roubaud est «chargé de la rédaction de la Gazette d'agriculture, commerce, arts et finances (avril 1763 - déc. 1783, 21 vol. in-40 ; D.P.1 555). C'est, en effet, en mai 1776 que R., « forcé par la plus rigoureuse des nécessités » et animé par le désir de «soulager ses frères», succède, malgré «sa répugnance», à son frère Pierre Joseph André et se charge de rédiger la Gazette d'agriculture à la seule condition de ne pas se faire connaître (Ars., f° 44-45) : condition imposée par ses déboires au Courrier d'Avignon ? Mais il se heurte à la censure de l'abbé Aubert auquel il reproche non seulement de retrancher «jusqu'aux choses les plus favorables au gouvernement» et de lui interdire de laisser des vides, mais encore de substituer des phrases de sa façon (f° 75-76). Excédé, et simplement pour « contenir l'humeur » de son censeur (f0 44-45), il écrit une lettre anonyme où il menace Aubert d'imprimer contre lui à l'étranger et de le tourner en ridicule (f° 14). Cette «imprudence» vaut un ordre d'exil (6 août 1776) à son frère Pierre Joseph André et à l'abbé Baudeau. Dans une lettre de la mi-septembre 1776 adressée à M. de Marville (f° 75-76), il exprime le souhait de connaître les intentions du gouvernement : il se déclare prêt à renoncer ou continuer, mais, dans ce dernier cas, demande dans quelles bornes il doit se tenir, s'il doit révéler son identité, reprendre son nom de famille ou garder celui de Trésséol (il signe « l'abbé Roubaud de Trésséol » et indique son adresse sous le nom de «l'abbé de Trésséol»). Evoquant le sort de la Gazette dont Aubert lui paraît vouloir la perte, il précise que le privilège a été vendu par le Bureau des Affaires étrangères «pour cent mille livres ou peut-être plus» et acheté par «les premiers commis des finances».

7. Publications diverses

7. Cior 18, n° 54188-54191 (n° 54192 doit être restitué à Pierre Joseph Antoine Roubaud (1724-1781), lui aussi jésuite (Sommervogel).

R. a écrit des Discours, sermons, poésies qui n'ont pas été imprimés (B.Un. ; B).

8. Bibliographie

8. B.Un. ; D.L.F. ; N.B.G. ; Feller-Weiss ; B.H.C., p. 58 ; Sommervogel, t. VII, col. 222-223. — (A.D.V.) A.D. Vaucluse, reg. par. Saint-Pierre et Notre Dame la Principale, D 119. – Archives de la Bastille, Ars., ms. 12448, f° 14-77. — (B) Barjavel CF.H., Dictionnaire historique, biographique et bibliographique du département de Vaucluse, Carpentras, 1841, t. II, 360. — (M) Moulinas R., L'Imprimerie, la librairie et la presse à Avignon au XVIIIe siècle, P.U. de Grenoble, 1974, 329-330.

RÉMY

Numéro

675

Prénom

Joseph

Naissance

1738

Décès

1782

Joseph Honoré Rémy (ou Rémi) est né à Remiremont le 2 octobre 1738. Il meurt à Paris le 12 juillet 1782 au terme d'une brève maladie. II a un frère à qui il dédie un de ses ouvrages (Le Cosmopolitisme, s.l., 1770) et qui deviendra curé de Remiremont.

2. Formation

Après avoir, de huit à quatorze ans, cultivé la musique alors qu'à la suite de la petite vérole il avait perdu l'usage de ses yeux, il fait, sa vue une fois recouvrée, son cours d'humanités à Remiremont et sa philosophie à Epinal et Toul. Venu à Paris, il y recommence sa rhétorique et sa philosophie. Lorsque, quelques années plus tard, il revient à Paris, il suit les cours publics de physique, chimie, anatomie, histoire naturelle, poésie, éloquence, histoire, peinture, sculpture, bref de tout ce qui lui paraît digne de sa curiosité. Après avoir vainement concouru pour le prix d'éloquence de l'Académie française de 1769 (Eloge de Molière), il reçoit de cette même Académie un accessit en 1771 (Eloge de Fénelon), une mention honorable en 1773 (Eloge de Colbert) et le premier prix en 1777 (Eloge de Michel de L'Hôpital, Chancelier de France).

3. Carrière

Ayant choisi l'état ecclésiastique, il passe successivement par le collège de Reims, le séminaire de Saint-Louis où il s'occupe d'ailleurs moins de théologie que de sciences, lettres et arts. Selon le Mercure de France, il aurait été ordonné prêtre par l'évêque de Toul, Mgr Drouas. En fait, il semble n'avoir reçu que la simple tonsure, d'où son titre d'abbé. Il revient alors à Paris où l'appellent son amour de l'indépendance et sa curiosité. Désireux de se procurer un moyen de subsistance, il se fait recevoir avocat au Parlement de Paris, certain de pouvoir accorder la profession du barreau avec celle des lettres. Il fréquente des conférences de droit, s'exerce dans plusieurs causes intéressantes, défendant « le pauvre et l'innocent» contre «les vexations du crédit et de l'injustice». Il mène parallèlement une carrière littéraire. Son succès au concours de l'Académie en 1777 est suivi d'une censure prononcée par la Faculté de théologie de Paris (en dépit de l'approbation antérieure de deux de ses docteurs) qui relève dans l'Eloge « neuf articles reprehensibles » dont quatre sont relatifs au Concile de Trente. R. prépare une réponse où il montre que les articles condamnés sont empruntés « presque mot pour mot du judicieux abbé Fleury et du célèbre jurisconsulte Eusèbe Jacob de Laurière» (M.S.), mais finalement la supprime soit par «lassitude des tracasseries» et crainte des conséquences d'un tel débat (ibid.), soit par esprit de modération et amour de la paix.

4. Situation de fortune

Il obtient une bourse au collège de Reims. Avocat, il «ne profes[se] guère que gratuitement et pour la défense des malheureux» (M.S.).

5. Opinions

« Homme simple » (M.S.), amateur éclairé, il est en relation avec de nombreux gens de lettres, savants et artistes. Ami et familier de Panckoucke, il est reçu à l'Hôtel de Thou et, l'été, dans la maison de campagne de Boulogne (Tucoo-Chala). Dans son Eloge de Michel de L'Hôpital, il fait des «réflexions sur le gouvernement d'une critique fort amère» et lance surtout « des sarcasmes peu religieux contre le clergé » {M.S.). II est membre d'une loge de francs-maçons, les Neuf-Sœurs, qui compte beaucoup de gens de lettres et dont le vénérable est, en 1777, M. de Lalande (ibid.).

6. Activités journalistiques

Son activité journalistique est liée au Mercure de France dont il est le «rédacteur général» (C.S.) de la fin de 1778 à sa mort. «Bras droit du Sieur Panckoucke» (M.S.) qu'il conseille ou remplace, il veille au choix des collaborateurs, relit les articles, compose de nombreux extraits dont ceux qui concernent la jurisprudence (Tucoo-Chala). L'auteur de l'article nécrologique {Mercure de France) loue chez l'abbé le journaliste qui juge moins qu'il ne met le lecteur en état de juger, qui sait éviter aussi bien «le fiel dans la critique» (même s'il crible de traits ironiques les «productions ridicules») que «la fadeur dans l'éloge», et qui cherche toujours à distinguer l'écrit de l'homme et du citoyen. La Correspondance secrète salue également « l'impartialité, la modération, l'honnêteté » du rédacteur. Sa fonction n'a pas été cependant sans lui créer «beaucoup d'ennemis» (M.S.). C'est à lui qu'est attribuée en partie la disgrâce de M. de Sancy dont «il redoutait la censure trop religieuse» (ibid.). Il est, à sa mort, remplacé par G.H. Gaillard (C.S.).

7. Publications diverses

Voir Cior 18, ^52556-52561. – Participation, en collaboration avec M. Boislou avocat, à la rédaction de la partie de la Jurisprudence de l'Encyclopédie méthodique (il rédige le premier volume qui paraît en 1782 et rassemble des matériaux pour le second). – Rédaction de divers articles du Répertoire universel et raisonné de Jurisprudence (Fief, Commune, Pragmatique). – Collaboration à l'édition des Œuvres complètes de Voltaire (Tucoo-Chala). – En 1775, il obtient un privilège pour l'impression d'un ouvrage auquel il travaille depuis longtemps : Dictionnaire de physique et de chimie, avec l'application des principes et des découvertes de ces deux sciences à l'économie animale. – Le Mercure de France fait encore état d'un Traité des communes, d'une Vie de Charlemagne et de la Continuation des synonymes de l'abbé Girard (ouvrages sans doute manuscrits dont on ignore le sort).

8. Bibliographie

Desessarts, t. V, i8oi,p. 369 ; Tucoo-Chala, p. 135, 136, 150, 183, 185, 219, 275, 286. – (C.S.) Correspondance secrète, politique et littéraire, t. XIII, Londres, 1788, p. 169, 24 juil. 1782. – M.S., 27 août 1777, t. X, p. 12 ; 26 sept. 1777. 25 oct. 1777, t. X, p. 15 ; 26 nov. 1777, t. X, p. 19 ; déc. 1781, t.XVIII, p. 7 ; 26 juin 1781, t. XX ; 13 juil. 1782, t. XXL p. 9 ; 16 sept. 1782, t. XXI, p. 13. – Mercure de France, 14 sept. 1782, «Variétés», p. 85-90 (art. nécrologique, source principale de la présente notice). – Voltaire, Correspondence, éd. Besterman, lettres des 22 sept. 1777 et 18 nov. 1777 à d'Alembert. – Vuillemin F., Biographie vosgienne, Nancy, 1848, p. 251-252.

PONCELIN DE LA ROCHE-TILHAC

Numéro

650

Prénom

Jean Charles

Naissance

1746

Décès

1828

Jean Charles Poncelin de La Roche-Tilhac (ou Tillac) est né le 17 mai 1746 à Dissais (Poitou). Il est le fils de Jean Poncelin, employé dans la gabelle, et de Madeleine Léger (A.D. Vienne, reg. par.). Il se marie sous la Révolution et devient père de famille. Il meurt le 1er novembre 1828 à l'âge de quatre-vingt-deux ans à Ouarville (Feller-Weiss) près de Chartres.

2. Formation

Il fait ses études chez les Jésuites (B.Un.). Il est docteur en droit (Ersch).

3. Carrière

Ayant embrassé l'état ecclésiastique auquel il s'était tôt destiné, il est nommé chanoine de Notre-Dame de Montreuil-Bellay en Anjou. Il achète la charge de conseiller du roi à la Table de marbre (juridiction de l'amirauté) et devient avocat du roi. Puis il s'établit à Paris, rue Garancières, et s'occupe de divers travaux historiques. Au début de la Révolution, il ouvre une maison de librairie-imprimerie et se lance dans une activité journalistique intense. D'abord ardent partisan de la Révolution (qui l'a libéré de certaines contraintes), il en défend les principes et en propage les idées. C'est ainsi, par exemple, qu'il présente devant l'Assemblée nationale une Motion de subsistance (Gueffier jeune, s.d., in-8°) où il propose la création d'un « impôt patriotique » destiné à procurer des fonds pour venir en aide aux familles pauvres du royaume. Cependant, au fur et à mesure que les événements révolutionnaires se précipitent (notamment à la suite du 10 août 1792), il tend à prendre ses distances par rapport au nouvel ordre des choses ; très significatif à cet égard est le choix qu'il fait de collaborateurs tels que les journalistes Durant-Molard (Gazette universelle) et Michaud (La Quotidienne) connus pour leur hostilité à la Révolution ; et au lendemain des journées des 9 et 10 thermidor an II, il passe ouvertement dans le camp de la réaction. Mêlé avec Fiévée notamment aux membres des sections insurgées contre la Convention, il n'échappe pas aux lourdes conséquences du 13 vendémiaire an IV : accusé et convaincu d'avoir provoqué au rétablissement de la royauté, à la guerre civile et à l'assassinat des représentants du peuple, il est condamné à mort le 26 octobre 1795 par le conseil militaire de la section du Théâtre-Français. Mais il réussit à fuir, se cache dans sa maison de campagne à Ouarville où d'ailleurs il manque de peu d'être arrêté, ayant été reconnu par Bourdon de l'Oise en mission dans la région. Il revient à Paris où il reste caché quelque temps avant de reparaître et de reprendre de plus belle, au cours de 1796, sa lutte contre les gouvernants. Il multiplie dans ses feuilles les diatribes virulentes et participe à des polémiques incessantes et acharnées, se faisant traiter par L'Ami du peuple de «voleur, fripon, faussaire, calomniateur, coquin sale et puant» (Lenôtre). En janvier 1797, il se plaint d'avoir été victime le 26 d'outrages commis sur sa personne à l'instigation de Barras et dans l'appartement de celui-ci (il y aurait été déshabillé, lié et fouetté jusqu'au sang). Il dépose une requête auprès du juge de paix de la section du Luxembourg (B.U.C ; Mémoires de Barras). Mais, lors de la perquisition ordonnée par le juge, il ne reconnaît pas les lieux désignés dans sa plainte ni les personnes de la maison qui auraient pu participer aux violences, et, finalement, se désiste de ses poursuites, gagné, si l'on en croit certains, par « l'appât d'une forte somme » qui lui aurait été « secrètement présentée avec l'alternative du silence ou d'une plus grande correction » (B.U.C.). L'affaire devient pendant quelques jours le sujet de conversation de tout Paris ; les journaux s'en emparent (ceux de la réaction s'indignent et dramatisent) et l'on ironise sur «la fustigation de l'abbé Poncelin, ce respectable père de famille». Paraît une plaisante publication anonyme (signée «Un impartial»), intitulée Véritable histoire de la flagellation de Poncelin avec le fameux interrogatoire qu'un des frères fouetteurs a subi devant le juge de paix (impr. de Coesnon Pellerin) où Poncelin est tourné en ridicule, rattaché à 1'« histoire des flagellés si recherchée par les dévots depuis Ponce-Pilate jusqu'à Ponce-Lin», et où le journaliste n'est pas épargné, ce «vil distributeur de triviales et dégoûtantes rhapsodies», ce directeur d'un «mauvais journal», d'un «fétide journal» «farci de mensonges et de calomnies». Dans ses Mémoires, Barras rapporte l'aventure, explique le retrait de la plainte (inculpation de P. lui-même «pour avoir voulu suborner» deux des gens de Barras afin d'en obtenir des déclarations contre leur maître, absence de preuves, conscience de la nécessité de l'oubli pour échapper au ridicule), affirme son innocence (il se dit totalement étranger à l'idée et l'exécution du châtiment) et, s'appuyant sur une pièce dont il n'a eu connaissance qu'en l'an VII, assure que ce sont des officiers de Bonaparte qui, excédés des attaques des journalistes contre-révolutionnaires, décidèrent de se venger et choisirent pour cela l'un des plus notables d'entre eux. Quoi qu'il en soit, P. n'en continue pas moins, après son aventure, à s'élever contre le Directoire, et, le 18 fructidor an V, ses journaux, comme tous ceux du parti royaliste, sont supprimés. Lui-même est condamné, ainsi que nombre de rédacteurs et imprimeurs (Auvray, les frères Fleschelle, etc.), à la déportation. Par une nouvelle fuite, il échappe à cette peine, mais ses presses sont brisées et jetées dans la rue. Il reparaît après le 18 brumaire an VII et, ne pouvant plus exercer son activité journalistique (le Consulat supprime 40 journaux en un jour), se contente d'assurer son commerce de librairie. Il est signalé par Ersch dans son deuxième Supplément comme «imprimeur-libraire à Paris». Cependant de mauvaises affaires l'obligent à abandonner son commerce. En 1811, il quitte Paris et s'installe dans sa maison de campagne, près de Chartres, où il mène jusqu'à sa mort une retraite studieuse.

4. Situation de fortune

A partir de la Révolution, il vit de ses travaux journalistiques et de son entreprise d'imprimerie-librairie d'où sont sortis un certain nombre d'écrits. Mais cette entreprise périclite sous l'Empire et P. est alors poursuivi par ses créanciers.

5. Opinions

Il commence par embrasser avec enthousiasme le parti de la Révolution. Cependant, cet enthousiasme retombe peu à peu et, lorsqu'en août 1792, il qualifie son Courrier de «républicain», il choisit un titre qui ne correspond guère à la teneur et à l'orientation de ses articles. C'est après la chute de Robespierre qu'il s'affirme sans réserve royaliste.

6. Activités journalistiques

Avant la Révolution, il publie l'Etat des Cours de l'Europe, ou Tableau des gouvernements, républiques et principales souverainetés de cette partie du monde (1783-1899, 6 vol. in-8°, privilège du 13 mars 1782, périodicité annuelle, 4 £, puis 5 £ : D.P.1 404) : l'ouvrage, par l'étendue de son plan, se distingue des autres Etats qui paraissent alors et, par un « air de nouveauté» délibérément recherché d'année en année, dépasse le genre du simple almanach pour se rapprocher du «journal». Mais c'est avec la Révolution que P. devient un authentique journaliste. Il s'impose d'ailleurs comme l'un des journalistes les plus actifs et les plus persévérants, et ses feuilles revêtent une importance et un intérêt incontestables : Assemblée nationale, puis Courrier français, puis Courrier républicain, 15 juin 1789 (fructidor an V), quotidien (tous les matins), in-8°, 4 £ pour Paris et 4 £ 16 sols pour la province par mois, Gueffier, puis (à partir du 2 janv. 1796) frères Fleschelle et Compagnie : la page de titre du t. I (lequel s'ouvre sur un Tableau des Etats Généraux depuis l'origine de la Monarchie jusqu'à l'Assemblée nationale) est ainsi libellée : Courrier français ou tableau périodique et raisonné des opérations de l'Assemblée nationale suivi d'une Correspondance civile, militaire, ecclésiastique et commerciale de toute l'Europe «Rédigé par M.P.D.L.R.T.C.A.L.T.D.M.». Les premiers numéros (15 juin - 27 juin 1789) sont intitulés : Séance du... A partir du 30 juin, l'intitulé devient : Assemblée nationale. Session première (seconde...) (c'est-à-dire «première» à la suite de la réunion des trois Ordres opérée le 27 juin). Puis, le journal reçoit successivement les titres suivants : Assemblée nationale (31 août 1789 - 12 août 1792), Courrier républicain (11 brumaire an II - 15 vendémiaire an IV), Journal des Français (17 vendémiaire an IV - 22 brumaire an IV), Courrier républicain (23 brumaire an IV - 18 fructidor an V).

En 1791, P., propriétaire du journal, doit se défendre contre son propre éditeur (Gueffier) qui tente de la concurrencer en lançant le Courrier des Français (1er mars - 18 avril 1791) et obtient justice par jugement du 13 avril 1791. Par ailleurs, il est possible que Courrier des Français et Courrier républicain aient coexisté quelque temps (en 1795-1796), mais le 18 fructidor, c'est bien le Courrier républicain qui est proscrit. Parmi les collaborateurs de P., citons notamment Auvray et Jardin.

II fonde avec Fiévée, qui en assure la rédaction, la Gazette française «papier-nouvelles de tous les jours et de tous les pays» (janv. 1792 - 18 déc. 1797, 3068 numéros, 10 vol. in-40). Supprimé le 18 fructidor an VI, le journal reparaît sous le titre de Gazette européenne, et, pour les numéros 1377-1405 et 2070-3007, sous celui de Gazette politique.

7. Publications diverses

7. Cior 18, n° 50980-50995. Compléter avec F.L. Moins qu'un auteur, P. est un compilateur que guide souvent un esprit de spéculation commerciale. Traducteur (Le Voyage du monde de Scylax, trad. imprimée à la suite du Pausanias de Gédoyn, 1798), il est aussi l'éditeur d'un certain nombre d'ouvrages.

8. Bibliographie

8. F.L. ; Ersch, t. III, p. 81-82 et Deuxième supplément ; B.U.C., t. VI ; B.Un. ; Feller-Weiss ; N.B.G. ; B.H.C. – A.D. Vienne, reg. par. – La Bouralière, «Bibliographie poitevine ou Dictionnaire des auteurs poitevins et des ouvrages publiés sur le Poitou jusqu'à la fin du XVIIIe siècle», Mémoires de la Société des antiquaires de l'Ouest, 3e série, 1907, t. I, p. 440-442. – Lenôtre G., Sous le bonnet rouge : croquis révolutionnaires, Paris, Grasset, 1936, p. 237-244. – Martin A. et Walter G., Catalogue de l'histoire de la Révolution française, t. V, Ecritsde la période révolutionnaire, Paris, B.N., 1943, p. 181-184, 186-187. – Mémoires de Barras, membre du Directoire, éd. G. Duruy, Paris, Hachette, 1895, t. II, p. 291-300.