THOUBEAU

Auteurs

Numéro

771

Prénom

Claude Joachim

Naissance

1653

Décès

1728

Né à Paris le 16 juillet 1653, Claude Joachim Thoubeau est mort à Paris le 28 août 1728.

2. Formation

Il entra au noviciat des Jésuites le 7 septembre 1668.

3. Carrière

Il enseigna les humanités, la philosophie et les mathématiques à Brest et à Toulon (Sommervogel). En 1720 il fut nommé bibliothécaire au collège Louis-le-Grand.

6. Activités journalistiques

Il fut «correspondant officiel» des Mémoires de Trévoux (Essai historique). A la suite du P. Tournemine, il devint un des rédacteurs des Mémoires. «Ceux qui désireront qu'il soit parlé d'un livre, ou qu'un mémoire soit employé dans le Journal de Trévoux, les adresseront au Père Thoubeau» (Journal de Trévoux, janv. 1720, Avertissement). T. écrit à l'abbé Le Clerc le 17 mai 1720 : « On m'a chargé du soin du Journal de Trévoux, non pas que je compose des extraits, mais j'ai soin qu'on en fasse et je fais les nouvelles littéraires» (cité par Bertrand, dans L'Abbé Le Clerc, Paris, 1877, p. 57). Jean-François Balthus et le P. Castel lui sont adjoints en 1721, puis les PP. Brumoy et Rouillé (Sgard et Weil, p. 195-196). «Le P. Rouillé avait beaucoup contribué à destituer le P. Thoubeau et à placer le P. Hongnant à la fin de sa vie» (ibid., p. 196).

8. Bibliographie

Sommervogel, t. VIII, p. 5-6. – Sommervogel C, Essai historique sur les Mémoires de Trévoux, Paris, 1884.

Mémoires de Trévoux, janv. 1720, Avertissement. – Sgard et Weil F., «Les anecdotes inédites des Mémoires de Trévoux (1720-1744)», D.H.S., n° 8, 1976, p. 193-204.

RENOU

Numéro

679

Prénom

Antoine

Naissance

1731

Décès

1806

Antoine Renou est né à Paris en 1731 ; il est mort dans la même ville le 13 décembre 1806, laissant une veuve et deux enfants sans fortune (B.Un.). Son épouse Louise Antoinette, née Lucas, était graveur.

2. Formation

R. fit ses études au collège des Jésuites, puis à celui des Quatre Nations. Il obtint souvent des couronnes à l'université (Gazette nationale). Son penchant pour la peinture le poussa à entrer dans l'atelier du peintre Pierre, puis dans celui de Vien. En 1758, il obtint le 2e Grand Prix de l'Académie royale de peinture avec son «Abraham conduit Isaac pour l'offrir au sacrifice». Il fut agréé à l'Académie le 6 septembre 1766 avec «Jésus parmi les docteurs». Il fut nommé secrétaire-adjoint de l'Académie le 24 février 1776, et fut reçu académicien le 18 août 1781 avec «L'Etoile du matin ou Castor précurseur du soleil». Il devint secrétaire perpétuel de l'Académie le 1er mai 1790. R. fut aussi membre de plusieurs académies : Saint-Pétersbourg, Philadelphie. Richmond. Rouen, et de la Société des sciences, belles-lettres et beaux-arts de Paris.

3. Carrière

En 1760, il entra à la cour du roi de Pologne, comme peintre officiel, et il y resta jusqu'à la mort de Stanislas, en 1766. Il entra ensuite à l'Académie royale de peinture et de sculpture comme adjoint au secrétaire Charles Nicolas Cochin (1776). Pendant qu'il était secrétaire-adjoint, il rédigea les livrets du Salon du Louvre, de 1779à 1791. Quand l'Académie fut supprimée en août 1793, R. fut attaché aux écoles spéciales de peinture, comme secrétaire et surveillant des études (B.Un.).

En 1777, dans sa lettre au Journal de Paris du 20 mai, il prétend demeurer «rue des Bons-Enfants».

4. Situation de fortune

Les procès-verbaux de l'Académie royale de peinture nous apprennent que R. toucha 300 £ pour la rédaction du livret du Salon du Louvre de 1779, et de 1781 ; pour le livret de 1783, il toucha la somme de 600 £. En octobre 1789. l'Académie lui accorda un prêt de 1000 £ pour les frais d'impression de sa traduction en vers français du poème de Dufresnoy sur la peinture, et elle augmenta ses honoraires de 500 £ annuellement à partir de 1790.

6. Activités journalistiques

R. rédigea les livrets des expositions du Louvre, appelés aussi Explication des peintures, sculptures et autres ouvrages, de 1779 à 1791, un livret tous les deux ans (D.P.1 432).

Le 30 janvier 1777 le Journal de Paris annonce qu'un « artiste célèbre collaborera au Journal » avec l'intention de «faire connaître les artistes». Il s'agit de R. L'académicien s'y révèle un journaliste accrocheur, polémiqueur et inventif, notamment dans le jeu des pseudonymes. En effet, du 1er mars au 3 juin 1777, dix lettres de R. paraissent sous le pseudonyme du «Marin». L'expression est vigoureuse, comme il se doit pour un marin ; les rapports entre l'art et l'argent sont abordés. R. s'insurge contre le marché de l'art, dans lequel les artistes sont défavorisés au profit des marchands. On peut se demander si véritablement quelques lecteurs tombèrent dans sa supercherie, ou si lui-même anima sa contribution en s'inventant contradicteurs et contradictrice, comme la comtesse de B* (23 avril). Il s'invente une famille, les Kergolé. Caché derrière ce nom, il fait de la publicité pour le développement de l'art de la mosaïque ; parallèlement, il lance une discussion en faveur de la récente liberté des artistes accordée, grâce au ministre d'Angiviller, dans un arrêt paru dans le numéro 1 du Journal de Paris. Les artistes ont comme problème à la fois de se libérer de la ytutelle de la Communauté des marchands et de trouver un lieu à prix modique pour exposer leurs œuvres (15 mars). On ne voit pas d'intervention de R. en 1778, et d'ailleurs, le 22 février, celui-ci décide de faire mourir son Marin, en l'annonçant dans une lettre signée de son neveu supposé, Jacob Kergolé.

1779 est de nouveau une année de forte participation de R. au Journal de Paris. Le 15 mars, il envoie une lettre «sur la différence qu'il y a de l'artiste à l'ouvrier» (voir aussi le 6 avril). R. milite pour le respect et la reconnaissance qui devraient être dus à l'artiste et à son œuvre. Selon B.Un., les lettres de «M. Bonnard, Marchand Bonnetier», parues en 1780, seraient aussi de R. (16 mai, 22 et 23 août, 4, 5 et 24 sept., 1er déc).

Il semble que R. n'ait pas collaboré au Journal de Paris en 1782. Pourtant, dans la polémique qui eut lieu entre Roucher et «Le Planteur de Choux», à propos du sculpteur Montigny, on pourrait bien reconnaître R. derrière le pseudonyme, qui, en ce cas, refléterait bien sa situation du moment par rapport au journal. Ses lettres sont envoyées d'Aubervilliers le 12 juillet (rubrique «Arts», lettres, 17 et 22 juil.).

R. s'est chargé au Journal de Paris de deux chroniques : celle des nécrologies d'artistes et celle des comptes rendus des salons du Louvre, qui avaient lieu tous les deux ans. Ces deux chroniques se justifient par sa fonction de secrétaire adjoint de l'Académie des beaux-arts.

Nécrologies parues dans le Journal de Paris : 17 juil. 1777, sur Coustou ; 2 juin 1778 sur le sculpteur Adam, signée R* ; 16 sept. 1780 sur Soufflot ; 11 mai 1781, Moitte et Dumont : R. précise qu'il est secrétaire de l'Académie royale de peinture et de sculpture ; 1er juil. sur Halle ; 28 sept., Aubry ; 8 nov., Jean Le Prince.

Salons du Louvre : 1777 : on peut se demander si R. ne se cache pas derrière les initiales «Le Comte de ***», à propos du salon de M. de Lorge ; 1779 : le Journal de Paris consacre 18 articles au Salon, dont quelques-uns de R., mêlés à ceux d'autres artistes ; 1781 : le 20 septembre, les auteurs du Journal annoncent qu'« il nous est tombé un manuscrit d'un auteur impartial et éclairé» sur les tableaux exposés au Salon. Il s'agit fort probablement de R., qui écrit aussi les 24, 29 et 30 septembre ; 1783 : les contributions de R. sont relancées par une lettre de lecteur du 15 septembre ; articles les 17, 20, 21, 23, 26, 27 et 28 sept. ; le 8 octobre, article à propos de Peyrou, qui n'est pas apprécié de l'artiste concerné (réclamation du 16 oct. et réponse le 19 oct). Le 10 octobre les auteurs du journal donne une critique élogieuse de la brochure de R., L'Impartialité au Salon, «dédiée à MM. les critiques présens et à venir» ; 1785 : articles des 5, 6, 9, 12, 15, 17, 19, 21 et 29 sept. ; 1787 : 3, 4, 6, 8, 17 et 24 oct.

Dans le même temps, le Journal de Paris fait de la publicité pour les œuvres de son collaborateur : la peinture du plafond de l'Hôtel des Monnaies, le 30 avril 1783 et, nous l'avons vu, sa brochure, en octobre de la même année.

7. Publications diverses

Voir le catalogue B.N. En 1780, R. publia une petite brochure intitulée Secret pour fixer le pastel, inventé par Loriot (8 p. in-40). L'Impartialité au Salon, 1783. – Dialogues sur la Peinture, s.d. – Notice des Ouvrages et de la Vie du C* Antoine, par le citoyen Renou. En 1789, il publia une trad. française et en vers du poème latin de Dufresnoy sur la peinture.

Ses principaux tableaux de peinture sont : «Jésus-Christ à l'âge de douze ans conversant avec les docteurs de la loi», à propos duquel Diderot écrivit dans le Salon de 1767 : «C'est un mauvais tableau [...], c'est un mauvais artiste. Le style en est gothique et pauvre» (t. XVI, p. 45 7). – « Sainte Angèle présente les Ursulines» que Diderot jugea de nouveau très sévèrement dans le Salon de 1769 : «Je ne connais pas ce Renou ; c'est apparemment un de ces nouveaux enfants que l'Académie a reçus dans son giron et qui ont excité quelques murmures contre son indulgence. Si l'Académie se relâche de sa sévérité, elle est perdue» (t. XVI, p. 652). – «La présentation au temple ». – « Agrippine débarque à Brindes » (Bénézit).

8. Bibliographie

8. B. Un. Abrégé du Journal de Paris, 1789, par Mugnerot : 4 vol., in-4° ; couvre que les quatre premières années du journal ; reproduit en partie au chap. V, «Beaux-Arts», 22 lettres ou articles de R., couvrant toute l'année 1777. N'ont pas été reproduites les lettres des 23, 24 avril et 2 mai. Le chap. X reproduit les nécrologies. – Journal de Paris. Gazette nationale ou Moniteur universel, 21 juillet 1809. – Montaiglon A., éd., Procès-verbaux de l'Académie royale de peinture et de sculpture, Paris, F. de Nobele, 18 75-189 7, t. VIII et IX. – Bénézit E., Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, Paris, Librairie Grand, 1976. – Diderot D., Œuvres complètes, t. XVI, Paris, Hermann, 1990.

MOREAU

Numéro

591

Prénom

Jacob

Naissance

1717

Décès

1803

Jacob Nicolas Moreau naquit à Saint-Florentin (Bourgogne) le 20 décembre 1717 d'Edme Nicolas Moreau, et d'Anne Ursule Gallimard. Il était l'aîné de huit enfants. Son père (1689-1754) fut avocat à Saint-Florentin, puis avocat au Conseil ; sa mère (1700-1781) était la fille de Philippe Gallimard, avocat, et d'Ursule Sandrier. Jacob Nicolas Moreau fut marié deux fois. Le 27 septembre 1759, il avait épousé Henriette Marguerite de Coulange, morte l'année suivante.

2. Formation

Son père était janséniste et exerça une grosse influence sur sa formation religieuse. En septembre 1734, il entra au collège de Beauvais ; puis en 1739, il alla à Aix pour faire son droit. Il fut reçu avocat en 1741 et devint conseiller à la Cour des comptes, aides et finances de Provence en 1764 mais il renonça à la magistrature.

3. Carrière

A partir de 1755, M. fut attaché au ministère des Affaires étrangères comme chef d'un cabinet de législation. En 1759, il fut appelé à Versailles pour étudier les lois comme avocat des finances du roi. Il fut chargé de rédiger les préambules des édits du chancelier Maupeou, ce qui lui valut le sobriquet de «Moreau préambule». Il fut le premier conseiller de Monsieur (Louis XVIII), bibliothécaire de la reine Marie-Antoinette, historiographe de France (1774). Sous Louis XVI, M. eut la garde des chartes, des monuments historiques, des édits et des déclarations qui avaient formé la législation française depuis Charlemagne. Sur son organisation du Dépôt des chartes sous Bertin, voir Gembicki (G, p. 85-173). A partir de 1751, au plus tard, il exerça les fonctions de censeur pour le droit public (G, p. 202-209). Reçu le 28 mai 1764 conseiller à la Cour des comptes de Provence, il fut dispensé de résidence et servit de «député perpétuel» de la Cour à Paris (G, p. 216). Il fut secrétaire des commandements du comte de Provence, futur Louis XVIII (1784 : Saint-Florentin, arch. notariales, G, p. 18).

Il fut membre de l'Académie impériale et royale des sciences et belles-lettres de Bruxelles (1776) et membre de l'Académie de Haarlem (1777).

4. Situation de fortune

II touche un traitement des Affaires étrangères, jusqu'à ce que Choiseul-Praslin le lui supprime en 1762 (G, p. 68 ; Mes souvenirs, t. II, p. 294). Sa fortune était importante, si l'on en croit les contrats de ses deux mariages (1759 et 1767) et son inventaire après décès : en 1756, il avait 15 000 £ de revenus annuels, 18 000 en 1764. En 1773, il acheta la seigneurie de Chambourcy pour 72 000 £ ; ses fonctions de conseiller lui valaient une pension de 3000 £. En 1789, sa fortune s'élevait à 300 000 £. Pendant la Révolution, il fut emprisonné pendant cinq mois, et toute sa fortune fut confisquée (G, p. 343-346). A sa mort, il conservait, malgré le malheur des temps, une honnête aisance. La rédaction de l'Observateur hollandais (1755-1759) lui valut une gratification royale de 2000 £.

5. Opinions

«Au Palais, mes confrères me traitaient de cagot, parce que je respectais la religion, et ne rougissais point de ses pratiques» (Mes souvenirs, 1.1, p. 44). M. défendit le trône et l'autel, et s'attira la haine des philosophes et des encyclopédistes en publiant une satire anti-encyclopédique : Nouveau mémoire pour servir à l'histoire des Cacouacs, Amsterdam, 1757. Il fut le protégé du maréchal de Noailles, «l'homme de la cour pour qui j'avais le plus de respect et de confiance» (Mes souvenirs, t. I, p. 61), et le collaborateur du duc de Vauguyon, précepteur des Enfants de France. Il fut aussi en relation étroite avec l'archevêque de Paris, Christophe de Beaumont, et correspondant de l'évêque d'Auxerre, de Caylus, janséniste notoire (mort en 1754).

6. Activités journalistiques

L'Observateur hollandais ou Lettres de M. Van *** à M. H*** de la Haye sur l'état présent des affaires d'Europe, La Haye [Paris], 1755-1759, 3 vol. in-8° (48 lettres), journal politique contre l'Angleterre qui eut pour but essentiel la défense de la cause française à l'étranger (D.P.1 1078) ; imprimé tacitement par ordre du gouvernement (B.N., f.fr. 22159, f° 151-152) ; selon le Journal de la Librairie, l'Observateur aurait été fait par l'abbé de La Ville à partir du 24 novembre 1757. De ces lettres, M. a pu écrire : «Elles ont été traduites dans toutes les langues, vantées dans les ouvrages périodiques de l'Europe, contrefaites en Hollande, en Italie et en Allemagne» (Mes souvenirs, 1.1, p. 60-61). Parmi les éditions contrefaites, on peut signaler L'Europe ridicule, publiée en 1757 (D.P.1 425). M. a écrit aussi pour un autre ouvrage périodique : Le Moniteur français, fondé en janvier 1760 par l'imprimeur Saillant (D.P.1 963 ; G, p. 175). Il est possible qu'il soit l'auteur des deux Lettres historiques sur le Comtat Venaissin, publiées à Amsterdam en 1768 (D.P.1 826).

7. Publications diverses

Pour la liste complète de ses œuvres, voir Mes souvenirs, t. I, p. XXX-XL ou Cior 18, n° 47199-47234. Y ajouter les manuscrits de la collection Moreau à la B.N. (voir Omont H., Inventaire des manuscrits de la Collection Moreau, Paris, 1891).

8. Bibliographie

B.Un. ; N.B.G. – M., Mes souvenirs, éd. C. Hermelin, Paris, Pion, 1898-1901, 2 vol. – Mathivon, Nécrologe de M. dans les Annales littéraires et morales, 1.1, Paris, 1804, p. 259-264. Revue de Champagne, t. XVII, 1883. – Gembicki D., «Jacob-Nicolas Moreau et son Mémoire sur les fonctions d'un historiographe de France», D.H.S., t. IV, 1972, p. 191-215.(G) Id., Histoire et politique à la fin de l'Ancien Régime, Jacob-Nicolas Moreau, Paris, Nizet, 1979. – Id., «De Jacques-Bénigne Bossuet, précepteur du Dauphin, à Moreau, historio­graphe de France : deux jalons du conservatisme religieux sous l'Ancien Régime», dans Journées Bossuet : la prédication au XVIIe siècle, Actes du colloque tenu à Dijon les 2, 3 et 4 décembre 1977, éd. T. Goyet et J.P. CoIIinet, Paris, Nizet, 1980, p. 187-198.

9. Additif

Publications diverses : Dans la collection « Lire le XVIIIe siècle », publiée sous la direction de Henri Duranton aux Presses de l’Université de Saint-Étienne, Gerhardt Stenger a donné, sous le titre L’Affaire des Cacouacs. Trois pamphlets contre les Philosophes des Lumières (2004), l’ensemble des pièces relatives à l’affaire des Cacouacs en 1757-1758 : l’ « Avis utile » publié dans le Mercure de France d’octobre 1757, dans lequel apparaît pour la première fois le terme de « cacouac » pour désigner les encyclopédistes ; le Nouveau mémoire pour servir à l’histoire des Cacouacs de J.N. Moreau, d’octobre 1757, et le Catéchisme et décisions des cas de conscience de l’abbé de Saint-Cyr de 1758. En annexe sont publiés des extraits des Variétés morales et philosophiques , publiés par J.N. Moreau en 1785, L’Alétophile ou l’ami de la vérité (1758), réponse de La Harpe aux attaques de Moreau, le compte rendu de l’« Avis utile » par Fréron dans L’Année littéraire au début de 1758. G.S. résume l’affaire et conclut sur la position personnelle de Moreau ; il voit dans le Nouveau mémoire « le billet d’humeur d’un intellectuel conservateur » et d’un défenseur de l’autorité royale, beaucoup plus modéré que tous ceux qui s’inspireront de son ouvrage et notamment Palissot, qui cite abondamment le Nouveau mémoire dans la Lettre du Sieur Palissot, auteur de la comédie des Philosophes. On trouvera dans le tome IV (1757) de la Correspondance littéraire de Grimm, édition critique par Ulla Kölving (Ferney-Voltaire, 2010), une annotation substantielle sur les ouvrages de Moreau publiés en 1757 (voir p. 213, 237-238).

Bibliographie :  Gembicki, Dieter, Histoire et politique à la fin de l’Ancien Régime. Jacob-Nicolas Moreau, Nizet, 1979.– Baker, Keith, « Maîtriser l’histoire de France : l’arsenal idéologique de Jacob-Nicolas Moreau » dans Au tribunal de l’opinion, (1990), trad. fr., 1993, p. 85-122 (J.S.).

MERLIN

Auteurs

Numéro

570

Prénom

Charles

Naissance

1678

Décès

1747

Né à Amiens le 8 septembre 1678, Charles Merlin est mort à Paris le 22 novembre 1747.

2. Formation

Il entra au noviciat de la Compagnie de Jésus le 11 octobre 1694.

3. Carrière

Il enseigna les humanités, puis la théologie au collège Louis-le-Grand (Sommervogel). Il prêta son concours aux Mémoires de Trévoux de 1735 à 1739, pendant l'administration du P. Rouillé.

5. Opinions

M. entreprit de mettre au grand jour le danger que constituait pour la religion chrétienne le Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle. Il devint «l'infatigable adversaire de Bayle» (Sommervogel). Il avait conçu le projet d'un Dictionnaire opposé à celui de Bayle, mais sous la même forme d'articles accompagnés de notes. Ce projet ne vit pas le jour, et M. donna les articles rédigés dans les Mémoires de Trévoux (Rétat, p. 186 et suiv.). Mobilisé dans la lutte contre le jansénisme, M. souligne la collusion de Bayle et des jansénis­tes (ibid., p. 187).

6. Activités journalistiques

Ses activités de journaliste se rapportent essentiellement à la réfutation de certains articles du Dictionnaire de Bayle. Dans les Mémoires de Trévoux : « Dissertation sur le Martyre de S. Abdas, contre ce qu'en a dit M. Bayle dans son Diction­naire au mot Abdas», 1735, p. 933-959, 1050-1058. – «Examen d'un raisonnement que M. Bayle attribue à Origene dans son Dictionnaire historique et critique, à l'article des Marcionites, lettre F», 1736, p. 1077-1095. – «Apologie de Lactance calomnié en divers endroits du Dictionnaire critique et historique de Monsieur Bayle», 1736, p. 1220-1237, 1400-1417. – «Dissertation sur la Polygamie des Patriarches, où l'on réfute les calomnies que M. Bayle a faites à ce sujet contre le Père Feuardant, Cordelier, contre S. Augustin et les autres Saints Pères»,1736^.1591-1691. – «Dissertation sur Saint Almachius, Martyr, contre ce que M. Bayle en a écrit dans son Dictionnaire, à l'article d'Alipius (Falconius Probus)», 1736, p. 2364-2382. – «Véritable clef des ouvrages de S. Augustin contre les Pélagiens, prouvée par l'état même des questions et des controverses qui sont traitées dans les Livres du Saint Docteur», 1736, p. 2605-2616. – «Examen d'un passage de Saint Basile, censuré par M. Bayle à l'article des Marcionites, lettre F», 1736, p. 1816­1832. – «Dissertation sur la prétendue Lettre de S. Chrysostome à Cesarius, où l'on réfute ce que M. Bayle en a dit dans son Dictionnaire historique et critique», 1737, p. 351-363, 517-533, 917-925. – «Dissertation sur ce que rapporte Saint Chrysostome du Martyre de Saint Babylas contre la censure injurieuse que fait M. Bayle de la Narration du Saint Docteur», 1737, p. 1051-1076. – «Examen d'un second passage de S. Basile, censuré par M. Bayle, à l'article des Pauliciens», 1737, p. 2050-2063. – «Apologie des Saints Pères en général, contre une accusation calomnieuse, dont le Ministre Blondel a osé les charger, et qui est adoptée par M. Bayle», 1737, p. 2077-2086. – «Réflexions sur l'article d'Abel, du Dictionnaire critique et historique de M. Bayle», 1738, p. 678-837. – «Réflexions sur l'article de Cam, du Dictionnaire critique et historique de M. Bayle», 1738, p. 821-837. – «Examen de l'article d'Abraham, du Dictionnaire de M. Bayle», 1738, p. 1601-1633. – «Apologie du prophète Elie, contre l'accusation qui lui est intentée par M. Bayle», 1738, p. 1783-1808. – «Réflexions sur quelques points des articles Abelard et Berenger, du Dictionnaire critique et historique», 1738, p. 2236-2263. – «Apologie de S. Bernard contre les calomnies qui sont répandues dans le Dictionnaire de Bayle», 1739, p. 581-764, 1710-1815.

7. Publications diverses

Parmi les nombreux ouvrages répertoriés par Conlon, on relèvera en particulier: Réfutation des critiques de M. Bayle sur S. Augustin, Paris, 1732. – Examen exact et détaillé du fait d'Honorius, 1738. – Dissertation sur les miracles contre les impies, 1742. – Traité historique et dogmatique sur les paroles ou les formes des sept sacrements, 1745.

8. Bibliographie

N.B.G. ; Sommervogel. – Sommervogel C, Table méthodi­que des Mémoires de Trévoux, Paris, Durand, 1864-1865. – Rétat P., Le Dictionnaire de Bayle et la lutte philosophique au XVIIIe siècle, Paris, Belles-Lettres, 19 71.

LE TELLIER

Auteurs

Numéro

509

Prénom

Michel

Naissance

164

Décès

1719

Michel Le Tellier est né près de Vire en Basse Normandie le 16 décembre 1643, et mort à La Flèche le 2 septembre 1719 (Moreri).

2. Formation

Il fit ses études au collège jésuite de Caen et fut accepté dans la Compagnie de Jésus à l'âge de dix-huit ans (Moreri).

3. Carrière

Il enseigna les humanités, la philosophie et l'exégèse biblique à Louis-le-Grand ; nommé recteur de Louis-le-Grand en 1705; «provincial» des Jésuites en 1709; confesseur de Louis XIV après la mort du P. La Chaise ; membre de l'Académie des Inscriptions et des Belles-lettres (1709).

5. Opinions

Ennemi acharné des protestants et des jansénistes, L. contribua à la destruction de Port-Royal et à l'exil des protestants. Il obtint du pape Clément XI la bulle Unigenitus qui condamnait les Réflexions morales du P. Quesnel. Il anima le roi contre le cardinal de Noailles. L. eut beaucoup d'ennemis ; parmi les plus célèbres, il faut compter Saint-Simon qui a écrit : « Sa tête et sa santé étaient de fer, sa conduite en était aussi, son naturel cruel et farouche » (Mémoires, t. VI, p. 241), et Voltaire qui le jugea comme « un homme sombre, ardent, inflexible, cachant ses violences sous un flegme apparent : il fit tout le mal qu'il pouvait faire dans cette place » (Le Siècle de Louis XIV, chap. 27). Après la mort de Louis XIV, L. fut exilé à Amiens par le Régent.

6. Activités journalistiques

Mémoires de Trévoux : L. fut avec le P. Lallemant le fondateur et l'un des premiers rédacteurs du célèbre périodique de la Compagnie de Jésus. Il en demanda le privilège en 1700 (Faux, p. 131). Il y collabora depuis sa fondation (1701) jusqu'en 1708 (Sommervogel).

7. Publications diverses

Edition de Quinte-Curce, à l'usage du Dauphin, in-40, 1678. – Observations sur la nouvelle défense de la version française du Nouveau Testament, Mons [Rouen], 1684, in-8°. – Lettre d'un docteur en théologie à un missionnaire de la Chine Paris, 1686, in-8°. – Défense des nouveaux chrétiens et des missionnaires de la Chine, du Japon et des Indes, Paris, 1687, 2 vol. in-12. – Histoire des cinq Propositions de Jansénius, Liège, 1699, in-12. – On a de lui les traductions de plusieurs homélies latines du pape Clément XI (Sommervogel).

8. Bibliographie

B.Un. ; D.L.F.; Moreri; D.T.C. – Sommervogel, t. VII, p. 91. – Dupont-Ferrier G., Du Collège de Clermont au lycée Louis-le-Grand, 1563-1920, Paris, De Boccard, 1921-1925. – Dumas G., Histoire du Journal de Trévoux depuis 1701 jusqu'en 1762, Paris, Boivin, 1936. – Faux J.M., «La fonda­tion et les premiers rédacteurs des Mémoires de Trévoux», Archivum historicum Societatis Jesu, t. XXIII, 1954, p. 131-151. – Rétat P., «Mémoires pour l'histoire des sciences et des beaux-arts: signification d'un titre et d'une entreprise journalistique», D.H.S., n° 8, 1976, p. 167-187. – Sgard J., «Chronologie des Mémoires de Trévoux», ibid., p. 189-192.

LALLEMANT

Auteurs

Numéro

445

Prénom

Jacques

Naissance

1660

Décès

1748

Jacques Philippe Lallemand est né à Saint-Valéry-sur-Somme le 18 septembre 1660 ; il est mort à Paris le 24 août 1748.

2. Formation

Il entra au noviciat des Jésuites le 21 septembre 1677.

3. Carrière

Il fut ministre du pensionnat de Paris (1701-1707) puis «scriptor» au collège de Clermont et prieur de Sainte-Geneviève.

4. Situation de fortune

L'Assemblée du Clergé de 1723 lui accorda une pension pour le récompenser de son zèle contre les jansénistes (D.T.C.).

5. Opinions

L. consacra presque toute sa vie à lutter contre le jansénisme et fut en cela le fidèle adjoint du P. Le Tellier.

6. Activités journalistiques

Il collabora aux Mémoires de Trévoux dès la fondation de ce périodique. Moreri lui attribue la direction des Mémoires jusqu'en 1704 ; dans le Supplément au Dictionnaire de 1749, Goujet affirme que L. fut à l'origine du journal ; selon J. Faux, il en fut «presque chargé seul la première année» («La fondation et les premiers rédacteurs des Mémoires de Trévoux, (1701-1739) d'après quelques documents inédits», dans Archivum Historicum Societatis Jesu, 1954, t. XXIII, p. 146). Il fait encore partie de l'Assemblée des rédacteurs en 1721 («Anecdotes des Mémoires de Trévoux» éd. J. Sgard et F. Weil, D.H.S., n° 8, 1976, p. 195).

Il fonde en août 1714, avec l'aide du P. Germon, la Nouvelle gazette contenant les mensonges des jansénistes, qui ne dura que quelques mois (D.P.1 1010).

7. Publications diverses

Enchiridion Christianum, 1692. – Journal historique des Assemblées tenues en Sorbonne pour condamner les Mémoires de la Chine, 1700. – Le P. Quesnel séditieux dans ses réflexions sur le Nouveau Testament, 1704. – Le Jansénisme condamné par l'Eglise, par lui-même et ses défenseurs, et par Saint-Augustin, 1705. – Le Véritable Esprit des nouveaux disciples de Saint-Augustin, 1706. – Le Sens propre et littéral des psaumes, 1707. – Réflexions morales avec des notes sur le Nouveau Testament traduit en français, 1713, 2 vol. – L'Imitation de Jésus-Christ, traduction nouvelle, 1740. Voir Sommervogel.

8. Bibliographie

N.B.G., D.T.C. – Sommervogel, t. IV.

HAYER

Auteurs

Numéro

392

Prénom

Jean

Naissance

1708

Décès

1780

Jean Nicolas Hubert Hayer est né à Sarrelouis le 15 juin 1708, et mort à Paris le 16 juillet 1780 (F.L. 1769, B.Un.).

2. Formation

Il fit ses études à Paris, où il fut l'élève du célèbre P. Chalippe, et obtint le diplôme de docteur en philosophie et en théologie.

3. Carrière

Il entra dans l'ordre des frères mineurs récollets chez lesquels il professe la philosophie et la théologie dans diverses maisons de son ordre.

5. Opinions

Le P. Hayer passe pour l'un des meilleurs apologistes de la religion chrétienne du XVIIIe siècle. Sa prise de position contre les incrédules de son époque lui valut les sarcasmes de Voltaire et des Encyclopédistes. Il eut aussi quelques démêlés avec Boullier, ministre à Amsterdam.

6. Activités journalistiques

Le P. Hayer fut, «en société avec M. Soret» (F.L. 1769), le principal rédacteur du périodique La Religion vengée ou Réfutation des auteurs impies ; dédiée à Monseigneur le Dauphin, par une société de gens de lettres, Paris, 1757-1763, 21 vol. in-12 (D.P.1 1189). Ce périodique dénonca l'Encyclopédie comme un ouvrage dangereux pour l'autel et pour le trône : «Quand on en veut à Dieu, on en veut aux princes qui sont ses images» (t. I, p. 211). Dans le compte rendu qu'écrivit Fréron après la publication de La Religion vengée, on peut lire : «Dans un siècle où l'impiété est l'étiquette du bel-esprit, qu'il est beau Monsieur, de voir des gens d'esprit s'élever contre elle et faire profession de la combattre» (Année littéraire, 1757, t. VIII, p. 194). Sabatier de Castres fait son éloge dans Les Trois Siècles de notre littérature, Amsterdam, 1772, t. II, p. 148.

7. Publications diverses

La Spiritualité et l'immortalité de l'âme, 1757, 3 vol. – Le Pyrrhonisme de l'église romaine, ou Lettres du R.H.B.D.R.A.P. [Révérend Hayer bibliothécaire des Récollets à Paris] à M***, avec les réponses, Amsterdam, J.J. Jolly, 1757. – La Règle de foi vengée contre les calomnies des protestants, 1761, 3 vol. – L'Apostolicité du ministère de l'église romaine, 1765. – Traité de l'existence de Dieu, 1769. – Pensées évangéliques, 1772. – Utilité temporelle de la religion chrétienne, 1774. – Charlatanerie des incrédules, 1780.

8. Bibliographie

8. F.L. 1769 ; B.Un., Feller, Q. ; Lavocat, Dictionnaire historique et biographique ; Dictionnaire de théologie chrétienne.

FRERON

Numéro

316

Prénom

Elie

Naissance

1718

Décès

1776

Elie Catherine Fréron naquit à Quimper le 18 janvier 1718, de Daniel Fréron (1672-1756) et de Marie Anne Campion (1694-1754). Son père, qui était orfèvre, avait épousé en troisièmes noces Marie Anne Campion, descendante de Malherbe (?) par sa mère, Anne Patron. Elie Fréron épousa sa nièce, Thérèse Jacquette Guyomar, le 21 janvier 1751 ; ils eurent huit enfants. Sa première femme meurt en 1762. Il épousa en secondes noces sa cousine, Annetic Royou-Penanreun en septembre 1766. Il mourut à Montrouge le 10 mars 1776.

2. Formation

Son éducation familiale fut bilingue (breton-français). Etudes au collège de Quimper, tenu par les Jésuites. En décembre 1734, il entra au collège Louis-le-Grand pour faire ses humanités, grâce à l'appui du P. Bougeant son compatriote. Il reçoit l'enseignement du P. Porée pendant son année de rhétorique et les encouragements du P. Brumoy pour ses compositions poétiques. Après deux ans à Louis-le-Grand, il entre au noviciat de la Compagnie de Jésus (fin 1735) et n'y passe qu'une seule année au lieu de deux.

3. Carrière

En 1736, il est professeur de cinquième au collège royal de Caen. En 1737, il est professeur de cinquième à Louis-le-Grand. En 1738, il occupe la chaire de quatrième. Les ennuis de Fréron commencèrent en 1739 quand il fut transféré de Paris à Alençon pour avoir porté des habits laïques alors qu'il était novice à la Compagnie de Jésus. Le 10 avril 1739, il obtint la permission d'être relevé de ses voeux.

De 1749 à 1775, sa vie est entièrement consacrée au journalisme et à la littérature. On ne doit pas négliger en effet : les biographies de La Fontaine et de Pope réunies, entre autres essais, dans les Opuscules de 1753, l'édition critique de l'Histoire intéressante de Bonnac ou polémique du Commentaire de La Beaumelle, l'établissement de la Correspondance du comte de Tessin, l'adaptation de la Matrone d'Ephèse, l'enquête sur Marie Stuart, les poèmes qui vont de l'Ode sur Fontenoy a ceux que recueillera de 1774 à 1776 l'Almanach des Muses. Ajoutons-y des Nouvelles à la main (Dossier Fréron, p. 49-135), les services rendus à Choiseul ou à la Cour et appelés par l'auteur «occupations extraordinaires». Ses lettres, dont la plupart sont désormais publiées, témoignent également du nombre et de l'importance de ses activités. Mais F. c'est, bien entendu, le journalisme incarné : il s'y impose au point de diriger aussi, de 1755 à 1756, le Journal étranger. Il a fait de Paris son fief, son «champ de bataille» comme il dit. L'éditent les plus grands, Duchesne, Lambert, Panckoucke, La Combe, Le Jay. Il n'a guère eu loisir, semble-t-il, de voyager : il est allé deux fois dans sa Bretagne natale pour raisons de famille ; en 1753 il a séjourné en Lorraine pour sa réception à l'Académie de Nancy ; en 1765 enfin il est invité à passer l'été à Mannheim chez son protecteur Christian IV. L'année précédente il avait acheté une maison de campagne à Montrouge. Mais revers de fortune : début 1745 l'exil de trois mois à Bar-sur-Aube, les trois emprisonnements connus (Vincennes, la Bastille, le For-l'Evêque), et à chaque fois, pour délit d'opinion.

Il devient membre de l'Académie de Montauban en 1746. Il rentre à Paris en juin 1746. Il est reçu à l'Académie de Nancy le 8 mai 1753. Peu après, il est élu membre des Académies d'Angers, de Caen, de Marseille et d'Arras (B.Un.).

4. Situation de fortune

Entré dans la carrière sans argent, Fréron aura beaucoup gagné et beaucoup dépensé. Déjà les à-côtés sont assez lucratifs : ainsi, le 12 juillet 1766, il se plaint à un parent d'avoir, pour absence et maladie, perdu «trois cent louis d'or». Mais c'est son périodique vendu à 12 puis 15 sols qui lui donne la fortune. Citons deux contrats : le 17 janvier 1751, il déclare gagner 5000 £ par an, sans compter les 50 ordinaires gratuits et 50 autres au prix de 8 sols, Duchesne tirant à 2500 ; quand il traite avec Lambert en 1754,il doit toucher 16 000 francs par an, soit 400 par cahier. La direction du Journal étranger lui a rapporté 13 200 £. Beaucoup, tel l'Espion anglais, ont rappelé le grand train de vie de F. Mais l'homme s'endettait à n'en plus finir et mourra ruiné.

5. Opinions

Elevé chez les Jésuites de Quimper et de Louis-le-Grand, il est naturellement destiné au professorat dans la Compagnie. Mais il est trop attiré par les mondanités littéraires, trop indépendant aussi. A peine «abbé Fréron», puis «chevalier Fréron», il a trouvé sa voie chez Desfontaines où il fourbit ses armes. Il y apprend, pour commencer, contre quoi il doit se battre et pourquoi : pour la «saine littérature» qui est fondée sur la nature et les grands modèles, pour l'honneur des poètes ; contre le bel esprit et le superficiel, contre Voltaire, l'ennemi de J.B. Rousseau, son dieu, de Desfontaines, son maître. Or cette conception du journalisme critique va le heurter à toutes les susceptibilités. Mais la littérature est en train de se transformer. La carrière de Fréron s'identifiera à un interminable combat qui, de plus en plus idéologique, devient implacable. De là protestations, interdictions, appels au bras séculier, censures, campagnes de dénigrement, le lynchage de L'Ecossaise le 26 juillet 1760 à la Comédie Française, l'édition en 1761 et la réédition en 1770 des scandaleuses Anecdotes sur Fréron du même Voltaire. Mais F. tiendra jusqu'au bout.

L'année 1752 avait marqué le tournant : la Cour de Lorraine et les Jésuites avaient sauvé le journal, mais l'auteur, au lieu de s'en prendre à Voltaire, se dresse contre les encyclopédistes. Fréron, qui au fond partage leurs idées et vise le même public, dénoncera surtout leurs manoeuvres. Et sa force sera d'apparaître autant leur redoutable émule que leur simple adversaire. Ainsi il est, dès 1750, le premier à prôner le drame. Il s'ouvre à toutes les influences étrangères. Il favorise de son mieux l'essor des «Lumières», en particulier pour ce qui concerne l'habitat et la santé. Evolution qui ne cessera de se concrétiser. Mais il contribue en même temps à accréditer dans l'opinion l'image d'un parti de philosophes organisés. Il joue la «philosophie pratique», la sienne, contre l'idéologie subversive, la leur, qu'il qualifiera, pour mieux lui résister, de «philosophisme». Mais comment tenir Voltaire à l'écart? Il revient donc, fin 1759, à celui qu'il considèrera toujours comme le mauvais génie du siècle. Dès lors la carrière de F. est envahie par ce fantastique duel, à psychanalyser. Après l'affaire Calas qui fait entrer Voltaire dans la légende, l'Année littéraire en subit le contre-coup. F. est hanté par l'idée d'un complot philosophique. Entre 1750 et 1771, il a servi d'indicateur à son ami, l'inspecteur de la librairie d'Hémery (Bruno). Mais l'irruption des matérialistes en 1770 prélude à son retour en force. En outre, son sentimentalisme naturel lui avait donné l'occasion de revendiquer et de récupérer J.J. Rousseau que, de 1750 à 1755, il n'avait pourtant guère ménagé.

F. fut l'ardent défenseur du trône et de l'autel, contre les philosophes et les encyclopédistes : «Je n'ai d'autre ambition que travailler en homme de lettres avoué par le gouvernement, de vivre en bon citoyen et de bien élever ma famille. Je respecte dans ma conduite et dans mes écrits la religion, les moeurs, l'Etat, et mes supérieurs. Telle a été et telle sera toujours ma façon de penser et d'agir, quelque chose que puissent dire et faire mes ennemis» (Dossier Fréron, p. 236-238). Sa position pro-gouvernementale ne l'a pas empêché de critiquer les abus de l'Ancien Régime et de proposer des réformes fiscales, sociales et économiques pour améliorer le sort des paysans français. Quoique Voltaire ait pu dire de lui, il a un esprit réformateur : il défendit La Condamine et son Mémoire sur l'inoculation de la petite vérole. Son péché capital fut d'avoir osé critiquer les philosophes en général, et le patriarche de Ferney en particulier : «faible roseau, j'ai l'insolence de ne pas plier devant ces cèdres majestueux» (Année littéraire, 1772,t. I, p. 5). Le 26 février 1744, il fut reçu franc-maçon dans la loge de l'Union de Procope, et le 14 avril 1744, il est «le grand orateur de la Loge» (B.N., F.M. 56). En 1746, il fut emprisonné à Vincennes pour avoir irrité la marquise de Pompadour dans sa dix-neuvième Lettre de la Comtesse. A la sortie de prison, il se réfugia à Bar-sur-Seine, puis rentra à Paris en juin.

En 1754, l'intervention de Voltaire auprès du roi de Prusse, F., empêcha Fréron de devenir le correspondant du «Salomon du Nord». D'Alembert et Diderot s'opposèrent à sa nomination à l'Académie de Berlin la même année. Le 13 décembre 1760, il fut incarcéré au For-l'Evêque à cause d'un article jugé insultant pour la mémoire d'un certain M. de Bacqueville. Il n'y resta que neuf jours. L'année 1760 resta le point culminant de la bataille entre Fréron et les Philosophes : Voltaire fit jouer contre lui la comédie de L'Ecossaise (26 juil.) avant de lancer les Anecdotes sur Fréron (1760 et 1770). Mais on notera le rôle qu'il a joué contre l'Encyclopédie à partir de 1757 et ses relations décisives avec Palissot, l'auteur de la comédie des Philosophes (2 mai).

En janvier 1765, à la suite d'un article sur une actrice parisienne, Mlle d'Oligny, un ordre d'incarcération fut lancé contre lui. L'intervention de la reine et du roi de Pologne fit rapporter l'exécution de l'ordre royal.

6. Activités journalistiques

Il commença sa carrière de journaliste comme collaborateur de l'abbé Desfontaines, rédacteur du périodique littéraire Observations sur les écrits modernes de 1739 à 1743 (voir D.P.1 1092). Le 1er septembre 1745, il lança son premier périodique, Les Lettres de Madame la Comtesse sur quelques écrits modernes, sans nom d'auteur, imprimé chez Prault, sous la marque des frères Philibert de Genève, avec une «tolérance verbale» du comte d'Argenson. La publication de ce périodique s'arrêta en janvier 1746 ; au total, 19 lettres (D.P.1 810).

Le 1er janvier 1749, il fit paraître chez Duchesne un nouveau périodique, Lettres sur quelques écrits de ce temps, sans nom d'auteur (12 vol. in-12). La publication des Lettres fut interrompue en 1750 et 1752 à cause d'articles critiquant trop ouvertement les philosophes ; elle s'acheva en janvier 1754 (D.P.1 838 ; index établi par P. Benhamou, Genève, Slatkine, 1985).

L'Année littéraire commença à paraître en février 1754 chez Lambert à raison de huit volumes par an (D.P.1 118 ; index établi par D. Lénardon, Slatkine reprints, 1979). Le nouveau périodique de F. fut suspendu maintes fois, mais survécut aux attaques des Philosophes grâce à la protection de la princesse de la Marck, du roi de Pologne et de la reine.

De septembre 1755 à septembre 1756, il s'occupa de la direction d'un autre périodique, le Journal étranger (D.P.1 732). Il fut naturellement aidé. Même dans les Lettres de la Comtesse, feuilles volantes de 1745-1746, F. prête la plume à ses amis. Avec les Lettres sur quelques écrits, nous voyons, parmi les collaborateurs, Duport du Tertre, Daquin, Déon de Beaumont. De 1752 à 1758, son bras droit sera l'abbé Joseph de La Porte. Voltaire dans ses Anecdotes donne une liste impressionnante de ses «croupiers».

Mais les articles, à part le courrier des lecteurs de plus en plus abondant, ne sont pas signés. Le périodique fréronien est, à l'image de l'Encyclopédie encore, oeuvre collective. Les démêlés avec J. de La Porte renseignent sur la fonction du directeur : il doit superviser, «lessiver», corriger, agrémenter. S'il a des «nègres», nous ne les connaissons guère ; pour faire les extraits, la matière littéraire lui revient. Pour les articles techniques, il consulte les spécialistes. De toute façon, il est le responsable de l'ensemble. Et la vivacité ironique de son style se laisse reconnaître. Mais dans sa carrière de polémiste l'homme a autant besoin de protégés que de protecteurs. Chez ces derniers : Stanislas de Pologne, la reine, le dauphin, d'Argenson, le duplice Choiseul, d'Aiguillon, une pléiade de grandes dames ; mais aussi ses frères francs-maçons ; et enfin l'inspecteur J. d'Hémery qui compense ainsi l'appui de Malesherbes aux philosophes. Parmi les disciples et camarades : Palissot qui après 1760 le trahira pour Voltaire, Favart, Louis Racine, La Condamine, Barthélémy, le Père Desbillons, Colardeau, Dorat, Cochin, Blondelle, Patte, Gilbert et Baculard, La Beaumelle et Sabatier, le fidèle Grosier... Sans compter le clan familial et clérical des Royou qui ravira à son fils Stanislas l'héritage.

Le dernier article de Fréron date sans doute de novembre 1775. En 1776, le privilège de l'Année littéraire, obtenu en 1770, fut révoqué par le garde des sceaux Miromesnil, mais aussitôt rétabli sur l'intervention de la veuve de F. Le fils de F., Stanislas, l'abbé Royou, l'abbé Grosier et l'abbé Geoffroy continuèrent la publication de l'Année littéraire jusqu'en 1790 avec un nouveau privilège.

7. Publications diverses

Oeuvres de Fréron : voir Cior 18, n° 29764-29 788.

8. Bibliographie

B.Un. ; N.D.H . – Cornou F., Trente Années de lutte contre Voltaire et les philosophes du XVIIle siècle, Elie Fréron, Paris, Champion, 1922. – Charavay E., «Diderot et Fréron, Documents sur les rivalités littéraires au XVIIIe siècle» dans Revue des documents historiques, t. III, 1875, p. 156-168. – Van Tieghem P., L'Année littéraire comme intermédiaire en France des littératures étrangères, Genève, Slatkine, 1966. – Brengues J., «Duclos et Fréron, frères ennemis», D.H.S., n° 2, 1970, p. 197-208. – Grosclaude P., Malesherbes, témoin et interprète de son temps, Paris, Fischbacher, 1961. – Balcou Jean, «L'Affaire de L'Ecossaise», Information littéraire, mai-juin 1969, p. 111-15. – Id., Fréron contre les Philosophes, Genève, Droz, 1975. Id., Le Dossier Fréron, correspondances et documents, Genève, Droz, 1975.– Id., «Fréron, homme des Lumières», Annales de Bretagne, 1976, t. IV, p. 937-44. – Id., «Le dossier Fréron, suite», R.H.L.F, mars-avril 1978, p. 260-67. – Id., «Fréron dans l'intimité», D.H.S., n° 15, p. 371-80. – Id., «L'Année littéraire devant les événements de 1778», R.H.L.F., mars-juin 1979, p. 199-207. – Id., «Fréron contre les philosophes», L'Information historique, t. XLII, 1980, p. 115-117. – Id., «Notes sur Fréron. Quimper et les Quimpérois», Cahiers de l'Iroise, t. XXX, 1983, p. 79-84. – Benhamou, Paul, «Fréron et l'Encyclopédie», Annales de Bretagne, 1976, t. IV, p. 695-701. – Biard J., «E.C. Fréron de la critique littéraire à la critique d'art», La Licorne, Poitiers, 1976, p. 23-33. – Brumfitt J.H., «Voltaire's ennemies revisited», Forum for modern language studies, St. Andrews, t. XV, 1979, p. 392-397. – Desné R., «Treize lettres inédites de Fréron au Père Desbillons», D.H.S., n° 11, 1979, p. 271-306. – Bruno M.R., «Fréron, police spy», S.V.E.C., 1975, 148, p. 777-799. – Balcou J., (éd.), Anecdotes sur Fréron, Complete works of Voltaire, t. L, Oxford, 1986. – Duckworth C., (éd.), L'Ecossaise, ibid. – Biard-Millerioux J., L'Esthétique d'Elie-Catherine Fréron 1739-1776, Littérature et critique au XVIIIe siècle, Paris, P.U.F., 1985.

9. Additif

Opinions : Outre les travaux de Jean Balcou et de Marlinda Ruth Bruno sur les activités d’espionnage de Fréron au service de la police, on retiendra les pages de Laurence Bongie dans La Bastille des pauvres diable (PUPS 2010, p. 76-80) : Fréron est une mouche de la police, et notamment de l’inspecteur d’Hémery de 1746 à 1771. Il communique à l’inspecteur des renseignements sur Jean-Jacques Rousseau, sur d’Alembert, sur Bousquet et Pidansat de Mairobert, qui fournissent des nouvelles à la main à Pierre de Morand, agent de Frédéric II à Paris (J. S.). 

BRUMOY

Auteurs

Numéro

123

Prénom

Pierre

Naissance

1688

Décès

1742

Pierre Brumoy est né à Rouen le 26 août 1688 et mort à Paris le 17 avril 1742.

2. Formation

Il entra au noviciat des Jésuites de Paris le 8 septembre 1704. En octobre 1706, il commença sa philosophie au collège Louis-le-Grand (Eloge).

3. Carrière

Il enseigna les belles-lettres au collège de Caen de 1708 à 1713. Il retourna à Paris en 1713 pour terminer ses études, puis enseigna la rhétorique en province pendant quelques années. En 1722, il fut chargé de l'éducation du Prince de Talmont à Paris et commença la même année à travailler aux Mémoires de Trévoux. Il professa aussi les mathématiques pendant six ans à Louis-le-Grand.

Sa correspondance avec le marquis de Caumont a été éditée par J.M. Prat (Paris, 1857) et sa correspondance avec Jean Baptiste Rousseau par P. Bonnefon (R.H.L.F., 1906).

6. Activités journalistiques

Le P. Brumoy collabora aux Mémoires de Trévoux de 1722 à 1739. En décembre 1733, il entre dans le comité directeur de la revue et participe à sa réorganisation (voir M.Gilot et J. Sgard, «Le renouvellement des Mémoires de Trévoux en 1734» D.H.S., t.VIII, 1976, p. 209). «On pourrait faire plusieurs volumes de ce qu'il y a de lui dans nos Mémoires» (Eloge, juil. 1742). Voir ses principaux articles dans Sommervogel : «Pensées sur la décadence de la poésie latine», mai 1722, p. 905-917 ; «Sur les méthodes nouvelles», mai 1723, p. 874-877 ; suivi de deux comptes rendus : «Exposition d'une méthode raisonnée pour apprendre la langue latine» (par M. du Marsais), p. 877-890 ; «Dissertation préliminaire ou essai d'une nouvelle méthode pour l'explication des auteurs de la langue latine» par l'abbé Frémy, p. 891-903 ; «Nicolai Cusani Cardinalis de ultimis diebus conjectura», janvier 1734, p. 1-34 ; «J. Harduini S.J. opera varia», janvier 1734, p. 76-111, février, p. 306-336 ; «Opere fisico-mediche [...] del C.Ant. Vallisneri», décembre 1734, p. 2119-2143 et janvier 1735, p. 111-127 ; «Histoire du théâtre français», par les frères Parfaict, février 1735, p. 197-236 ; «Voyage merveilleux du Prince Fanférédin » (par le P. Bougeant), avril 1735, p. 720-725 ; «Lettres de Madame de Sévigné», juin 1737, p. 1034-1051, octobre, p. 1747-1753 ; «Mémoires de l'Académie des Sciences», décembre 1737, p. 2105-2142.

7. Publications diverses

Vie de l'Impératrice Eléonore, 1724. – Le Théâtre des Grecs, «contenant des traductions et analyses des tragédies grecques, des discours et des remarques concernant le théâtre grec, des parallèles», etc., Paris, 1730, 3 vol. in-4°, Amsterdam, 1732, 6 vol. in-12. – Isaac, tragédie en musique, en 3 actes. Jonathas ou le triomphe de l'amitié, en 3 actes. – Le Couronnement du jeune David, pastorale. – La Boite de Pandore ou la Curiosité punie.Plutus (v. Théâtre du P. Brumoy, La Haye, 1743). – Histoire des révolutions d'Espagne, par le P. Joseph d'Orléans, Paris, 1734, 3 vol. (le P. Brumoy fit le 3e vol.).

8. Bibliographie

8. N.B.G ; Sommervogel ; D.B.F. ; D.L.F. Dictionnaire de théologie catholique. – Mémoires de Trévoux, Eloge du P. Brumoy, juil. 1742, p. 1198 à 1208.