DELACROIX

Auteurs

Numéro

214

Prénom

Jacques

Naissance

1743

Décès

1831

Jacques Vincent de La Croix, ou Delacroix (« J.V. Le Jeune Delacroix», dans la correspondance de Voltaire) naquit à Paris le 10 mai 1743. Il était «fils de Jacques Antoine Delacroix et de Françoise Lemercier» (acte de décès, A.D. Yvelines, reg. d'état civil de Versailles, n° 177, 10 mars 1831). Il mourut à Versailles le 9 mars 1831, «veuf d'Adélaïde Félicité Feugère», avec laquelle il s'était marié, dans la même ville, le 8 vendémiaire de l'an III (29 sept. 1794). D'après la B. Un., il eut au moins une sœur, religieuse à Vitry-le-François.

2. Formation

On peut penser qu'il a d'abord fait des études médiocres. Dans le Catalogue du collège Pithou, de Troyes (A.D. de l'Aube), apparaît un Vincent de La Croix, qui était en cinquième en 1754-1755, I755-I756 et apparemment encore en 1756-1757. D'autre part, le registre du collège de l'Oratoire mentionne la présence du même «Vincentius de la Croix» en sixième, 1752-1753 («Excessit cum licentia», B.M. Troyes, ms. 357, p. 152), en cinquième, 1754-1755 («Inter dubios», p. 170), et encore en 1755-1756 (p. 180) et 1756-1757 (p. 192). En 1758-1759, on le retrouve en seconde, mais son nom figure parmi ceux des élèves qui quittèrent le collège avant la fin de l'année scolaire («Ante tempus excessere», p. 211).

3. Carrière

«Sa mère, retirée à la communauté des Miramionnes, montrait un vif désir de le voir embrasser l'état ecclésiastique» (B.Un.), mais il était vivement attiré par les lettres et il publia son premier roman à 23 ans. Reçu avocat au Parlement de Paris en 1768 (A.R., 1776, p. 332 ; 1777, p. 331, etc.), il commença quatre ans plus tard une carrière retentissante en tenant longtemps la dragée haute à Linguet dans l'affaire du comte de Morangiès, puis il plaida pour la marquise de Gouy, pour la rosière et les habitants de Salancy contre leur seigneur, pour la marquise de Cabris, sœur de Mirabeau, et pour Abatucci, dont il obtint la réhabilitation, toutes causes que ses mémoires contribuèrent à rendre célèbres. Pendant la vingtaine d'années où il fut avocat, il changea souvent de résidence, puisqu'en 1773 il demeurait «rue Sainte Croix de la Bretonnerie» (lettre à Voltaire, 10 avril, D18307) ; en 1775, «rue de la Tixanderie, vis-à-vis de celle du Mouton» (A.R. de 1776, p. 332 ; 1777 p. 331 ) : en 1777, «rue de la Verrerie, vis-à-vis de la rue du Cocq» (A.R. de 1778, p. 331 ; 1780, p. 351 ) ; en 1785, «rue des Blancs-Manteaux, vis-à-vis de celle du Chaume» (A.R., 1786, p. 377) et enfin en 1786, de nouveau «rue Sainte Croix de la Bretonnerie», «au coin de la rue Bourtibourg» (A.R., 1787, p. 378) ; mais il ne quitta Paris que pour plaider en province : en mai 1786, c'est à Toulouse que Voltaire lui adresse la lettre (D20118), où il se plaît à constater que le jugement que l'avocat vient d'obtenir du Parlement de cette ville contre Jacques Ponce « lave en quelque sorte le sang des Calas». En décembre 1789 on créa pour lui au Lycée un cours de droit public (G.N., n° 106, p. 431), qu'il «ouvrit» le 18 (G.N., n° 125, p. 507, 25 déc). Cinq ans plus tard, victime et complice de machinations politiques opposées, il fut au centre des débats qui déchiraient la Convention finissante : dans la séance du 8 nivôse an III - 28 décembre 1794 - (G.N. du 10, n° 100, p. 415), Duhem l'accusa de «prêcher l'amour de la royauté» et lut au milieu de l'indignation générale des extraits de la vingt-troisième feuille du Spectateur français : son arrestation fut décrétée à l'unanimité. Un mois plus tard « les citoyens de Bordeaux » faisaient parvenir une pétition contre un «journaliste » aussi « atroce », comportant 37 pages de signatures (G.N. du 6 pluviôse - 25 janv. 1795 - n° 126, p. 518). Mais le 9 pluviôse, tandis qu'on envoyait Duhem à l'Abbaye, il fut décidé, au terme d'une assemblée tumultueuse, que «Lacroix» serait jugé par le tribunal révolutionnaire, comme composé de «la classe d'hommes capables de juger un ouvrage fait avec quelque talent» (G.N. du 11, n° 131, p. 538-539). Acquitté, en présence d'une «foule immense de citoyens», le 2 ventôse -20 février 1795 - il fut «reconduit chez lui au bruit des acclamations universelles» (G.N. du 4, n° 154, p. 625). Il demeurait alors à Versailles, et il était «membre du tribunal de conciliation». Il fut élu juge au tribunal civil de Versailles le 28 vendémiaire de l'an IV - 20 octobre 1795 - et admis à la retraite, «chevalier de la Légion d'honneur» (acte de décès) plus de 30 ans plus tard, en 1827. A 80 ans, il avait fait un séjour à la Grande Chartreuse, en songeant à s'y retirer.

4. Situation de fortune

Il vécut certainement dans l'aisance ; d'après la B.Un., « ses derniers instants furent consacrés à des actes de bienfaisance, et au moment de mourir, il fit jeter au feu, en sa présence, toutes les obligations qu'il possédait au-dessous de 300 francs».

5. Opinions

Il est intéressant de constater à quelles dates D. a fait publiquement l'«éloge de Jean-Jacques Rousseau» : en 1778 (publication d'une plaquette de 42 p.) et en mars 1790 (Cours du Lycée, G.N., 1790, n° 81). D'autre part, il a entretenu avec Voltaire une correspondance assez soutenue, au moins entre 1772 et 1776, en prenant soin d'ailleurs de faire publier plusieurs lettres de celui-ci dans le Mercure (avril 1772, t. II, p. 147 : avril 1773, t. II, p. 173 ; nov. 1773, p. 181-182 ; avril 1775, t. II, p. 187-188). Tandis qu'à différentes reprises «le vieillard de Ferney» l'assure de son «estime» (même au plus fort de l'affaire Morangiès), il lui témoigne 1'«attachement le plus inviolable», pour avoir «déclaré la guerre au fanatisme, à l'intolérance et à la superstition», en jetant «tant de traits de lumière dans le monde» (10 avril 1773, D18307). En mars 1776, Voltaire s'indigne, car dans son mémoire à consulter sur les «six corps et la conservation de leurs privilèges», l'avocat a osé s'en prendre à l'œuvre de Turgot, «père du peuple et restaurateur de la France» (D 19963), «toutes ces maîtrises et jurandes n'[ayant] été inventées que pour tirer de l'argent des pauvres ouvriers, [...] pour écraser la nation» (D 19965). Mais, moins de trois mois plus tard, il considère son factum contre Jacques Ponce comme «ce qu'on pouvait faire de mieux contre la loi arbitraire du despotisme» (D20114) et s'écrie : « Vous êtes l'apôtre de la justice et de l'humanité [...]. Nous entrons dans le siècle d'or [...]. Je n'espérais pas de mourir content» (D20118). A partir de 1778, dans ses Réflexions philosophiques sur l'origine de la civilisation, D. fait campagne contre les abus de la justice (l'usage de la torture, les méfaits du secret de l'instruction, le régime des prisons, l'application de la peine capitale aux faux témoins en cas de rétractation spontanée) : il est suspendu et censuré, mais remporte, pour un autre ouvrage, le prix « d'utilité » de l'Académie française (1787). A la veille de la Révolution, il publie plusieurs mémoires, ardemment progressistes, «sur le travail des Etats Généraux», ainsi qu'un Catéchisme patriotique à l'usage de tous les citoyens. On le chargea d'assurer au Lycée le cours de droit public, parce qu'en «consultant le goût et les besoins de la nation dans les circonstances présentes», on avait pensé qu'il « conviendrait] nécessairement à des hommes tous appelés désormais à prendre part aux affaires » (G.N., 6 déc. 1789, n° 106, p. 431). Il le commença en insistant sur la difficulté qu'il trouverait à 1'« établir dans un moment où ce qui constituait le savoir des L'Hôpital, des D'Aguesseau, s'était dissipé comme des nuages qui interceptaient la lumière» (G.N., 25 déc, n° 125, p. 507). Ami de Charles Lameth, il est parfaitement accordé à l'esprit qui prévalait à l'Assemblée nationale en 1790 : il publie un ouvrage sur les moyens de ramener l'ordre et la sécurité dans la société, et, au Lycée, il «développe la supériorité du gouvernement monarchique sur l'aristocratique» (G.N., janv., n° 18), fait «l'éloge du décret qui abolit la noblesse» (juin, n° 182), formule des «réflexions sur les avantages de la Révolution» (n° 117) et «sur la constitution de l'armée d'une nation libre» (août, n° 225). L'année suivante, paraît son grand ouvrage sur les constitutions des Etats civilisés, et en 1792 sa traduction de la Défense des constitutions américaines, de John Adams. II aurait alors rédigé des articles contre-révolutionnaires dans la Gazette universelle et envoyé aux membres de la Convention des mémoires tendant à montrer que, déchu, Louis XVI ne devait pas être jugé, et en tout cas pas par une assemblée législative (B.N.C. ; B.Un.). Après Thermidor, il propose dans le discours XXIII du Spectateur français que tous les citoyens sachant lire et écrire, ayant un domicile fixe et pourvus d'un certificat de bonne vie par deux propriétaires de leur commune, votent, par oui ou non, sur ces quatre questions : République ? Constitution de 1791 ? Constitution de 1793 ? Adhésion à une paix favorable si elle est proposée par les puissances étrangères ? Son programme politique se résume alors en trois formules : «liberté des opinions, maintien des propriétés, bonheur public». Passant en jugement devant le tribunal révolutionnaire, il rappela qu'il avait attaqué «le despotisme et les iniquités» de «la magistrature ancienne», stigmatisé l'émigration, «signalé la noblesse grande et petite», et même «la classe ambitieuse du clergé» (G.N., 8 ventôse an III, n° 158, p. 646) ; Tronçon-Ducouvray put ensuite faire de son plaidoyer un grand discours sur «la liberté de la presse» et les délits d'opinion. En 1805, dans Le Danger des souvenirs (dont la vente fut interdite trois mois et qui parut censuré), D. salue «le chef de l'empire», qui «peut ranimer une flamme éteinte sous douze années d'anarchie» (préface, p. VII) : «Je l'avais bien prévu, que le trône renaîtrait de ses cendres et que la nation française finirait par rentrer dans le gouvernement qui seul [lui] convient» (p. VI). Naturellement, il salua aussi «le gouvernement royal et légitime de Louis XVIII», sans se livrer cependant, semble-t-il, à trop de surenchères. Il insista en 1829 sur «le danger de la censure».

6. Activités journalistiques

Le Spectateur français pour servir de suite à celui de M. de Marivaux, Paris, Vve Duchesne, 3 vol. in-8° (B.M. de Montpellier, 40602, et B.L.), juin 1770-1771 (mais la publication s'est prolongée, épisodiquement, au moins jusqu'à l'automne de 1773, et d'après Cior 18 la collection comprendrait six volumes ; voir D.P.1 1218). Voir «lettre à l'auteur de L'Année littéraire sur quelques objets de littérature», parue dans ce journal en octobre 1773, et citée dans H.P.L.P., t. III, p. 273. De nouvelles versions, en 2 vol., furent publiés en 1777 : Peinture des mœurs du siècle, ou Lettres et discours sur différents sujets, Amsterdam et Paris, Lejay, et : Discours et lettres sur différents sujets, Amsterdam et Paris, Vve Thiboust : enfin, 25 ans plus tard, reparut sous le titre : Le Spectateur français avant la Révolution, Paris, F. Buisson, an IV, in-8°, XXII-540 p. ; Réflexions philosophiques sur l'origine de la civilisation, et sur les moyens de remédier à quelques-uns des abus qu'elle entraîne ; elles parurent « par cahier[s] » (La Harpe, Letters to the Shuvalovs, lettre 21, 1er janv. 1783), de 1778 à 1783 et probablement au-delà, à Amsterdam et Paris, Le Jay, puis Belin, in-8° ; il semble très difficile d'en reconstituer la collection complète. Le Spectateur français ou le Nouveau Socrate moderne. Annales philosophiques, politiques et littéraires, 1791, 16 feuilles, Paris, Debray (B.V. Nantes) et J.J. Bainville (B.N.). Le Spectateur françois pendant le gouvernement révolutionnaire, par le citoyen Delacroix, an III, 34 «discours». Paris, F. Buisson, in-8°, XII-416 p. (avec une seconde édition la même année, ibid., et une «nouvelle édition, corrigée», et suivie de nouveaux «Discours» politiques, sous le titre Le Spectateur français pendant le gouvernement républicain, Paris, impr. de J.A. Lebel, 1815). Le Spectateur français sous le gouvernement royal et légitime de Louis XVIII, par M. Delacroix, Paris, A. Bertrand, 1817, in-8°, VIII- 34 7 p.

On pourrait ajouter à cette liste toutes sortes d'appendices : Lettre du Spectateur français aux électeurs du département de la Seine, [Paris], impr. de D'Hautel, s.d. ; Lettre du Spectateur français aux Parisiens sur les mouvements tumultueux de la capitale, ibid., s.d. ; Mémoire justificatif pour le citoyen Delacroix, auteur du Spectateur français pendant le gouvernement révolutionnaire, [Paris], impr. de la citoyenne Hérissant, s.d., in-8°, 16 p. ; Nouvelles preuves que l'auteur du Spectateur françois n'est pas royaliste, [Paris], impr. de A.A. Cottin, s.d. (4 pluviôse, an III, 23 janv. 1795) ; Opinion du Spectateur français sur la proposition de supprimer la peine de mort dans notre législation criminelle et sur les moyens de purifier nos villes et nos campagnes, Versailles, impr. de Vitry, s.d. ; Les Méditations et souvenirs du Spectateur français, Paris, A. Bertrand, 1820, in-8°, 43 p. ; Les Adieux du Spectateur françois au monde politique et littéraire, suivis d'une description de la Grande Chartreuse et des moyens de la repeupler de nouveaux pénitents, Versailles, Ange, in-8°, XIV-158 p. ; Le Moraliste du dix-neuvième siècle, ou les Derniers Adieux du Spectateur français, Paris, Corby, 1824, in-8°, XV-425 p. ; Le Missionnaire conciliateur, pour servir de suite au Moraliste du XIXe siècle, Paris, Corby, 1826, in-8°, 72 p. ; Nouvelles Etrennes du Spectateur français, Paris, A. Bertrand, in-8°, 47 p.

Dans les années 1770, D. avait collaboré au Journal des dames (voir art. «Mercier», et N. Gelbart, Feminine and opposition journalism in old régime France : le Journal des dames, Berkeley, 1987, p. 190-191).

7. Publications diverses

Mémoires du chevalier de Gonthieu, Amsterdam et Paris, Durand, 1766, 2 t. en un vol. in-12. – Lettres d'Affi à Zurac, La Haye et Paris, Durand, 1767, in-12, VIII-237 p. – Le Spectateur en Prusse, «par M. Lacroix», 1768, in-12, d'après F.L. 1769 (nouv. éd., «par M. de Lacroix», à Paris, chez les libraires associés, 1777, in-12 de 151 p.). Voir D.P.1 1216. – Lettres d'un philosophe sensible, ibid., 1769, in-12, XVI-276 p. – Mémoires de Victoire, Amsterdam et Paris, Durand, 2 t. en un vol. in-12. – Mémoires d'un Américain, avec une description de la Prusse et de l'île de Saint-Domingue, Paris, Regnard et Demonville, 1771, 2 vol. in-12. – La Prospérité du commerce, Paris, impr. de J.G. Simon, 1774, in-40, 16 p. – Réflexions sur les mémoires, s.l., 1775, in-8°, 16 p. – Combien le respect pour les mœurs contribue au bonheur d'un Etat, Bruxelles et Paris, Ruault, 1776, in-8°, 40 ou 41 p. – Eloge de Jean-Jacques Rousseau, Paris, Le Jay, 1978. – Le Portefeuille d'un physicien, ou Recueil amusant et instructif des actions et de mœurs des animaux, Paris, Le Jay, 1780, 2 part, en un vol. in-12. – Eloge historique de Louis XII, Paris, Desène, 1786, in-8°, 44 p. – Observations sur la société et sur les moyens de ramener l'ordre et la sécurité dans son sein, Paris, Royez, 1787, 2 vol. in-12. – Eloge de Louis XII surnommé le Père du peuple, discours qui a concouru pour le prix de l'Académie en l'année 1788, Paris, Demonville, 1788, in-8°, 31p. – Constitutions des principaux Etats de l'Europe et des Etats-Unis de l'Amérique, Paris, Buisson, 1791, 3 vol. in-8° (nouv. éd., ibid., 1791 ; 1791-1792, 4 vol. ; 1793-1801, 6 vol.). – Des moyens de régénérer la France et d'accélérer une paix durable avec ses ennemis, Paris, F. Buisson, an V-1797, in-8°, 320 p. – Le Danger des souvenirs, Paris, Bossange, Masson et Besson, 1805, in-8° (2e éd., Versailles, Blaizet, 1806, 2 vol. in-8°). – Réflexions morales sur les débits publics ou privés, pour servir de suite à l'ouvrage qui a obtenu le prix d'utilité en 1787, Paris, A. Bertrand, 1807, in-8°, XXX-328 p. – L'Instituteur français, suivi des Maximes d'un solitaire, Paris, A. Bertrand, 1809, in-8°, 328 p. – Tableau historique et politique de la France sous les trois premières dynasties jusqu'au règne de Louis XIV, Paris, A. Bertrand, 1814, 3 vol. in-8° (nouv. éd. sous le titre d'Histoire de France en 1838, à Paris, «chez les marchands de nouveautés»). – Nécessité de l'arbitraire, Paris, Delaunay, 1819, in-8°, 16 p. – Etrennes morales, suivies de La Conversion d'un démagogue, Paris, A. Bertrand, 1823, in-8°, 144 p. – Lettre d'un ancien magistrat, chevalier de la Légion d'honneur à M. le vicomte de Chateaubriant, pair de France, Versailles, impr. de Vitry, s.d., in-8°, 4 p. – Observations impartiales sur le rapprochement ingénieux des titres de Voltaire à la gloire et des torts de cet illustre écrivain Paris, Delaunay, 1825, in-8°, 32 p. – Opinion (et Addition à l'opinion) d'un ancien publiciste sur l'indemnité qui doit être accordée aux émigrés, Paris, Corby, 1825, in-8°, 4 et 8 p. – Hommage à l'Association dont les travaux ont pour objet d'assainir les prisons et de purifier les prisonniers, ibid., 1825, in-8°, 39 p. – Le Captif littéraire, ou le Danger de la censure, par l'auteur du Spectateur françois, Paris, A. Bertrand, 1829, 2 vol. in-8°.

Dans cette liste n'ont pas été retenus les nombreux mémoires écrits par D., et parmi ses publications de quelques pages on n'a mentionné que celles dont on a jugé le titre particulièrement significatif. On peut ôter de la liste de ses œuvres des textes dont on a de bonnes raisons de penser qu'ils ont été écrits par certains de ses homonymes, notamment Pierre-Firmin de Lacroix, Jean-François de Lacroix et Charles Delacroix : Jean-Jacques Rousseau, citoyen de Genève, à Jean-François de Montillet, archevêque et seigneur d'Auch, s.l., 1764. – Apologie de la Constitution civile du clergé, Paris, Debray, 1791. – L'Intrigue dévoilée, ou Robespierre vengé des outrages et des calomnies des ambitieux, impr. de la Vérité, 1792. – Lettre de M. Delacroix fils [...] à M. Duport, garde du sceau de l'Etat, sur l'injustice qu'il est sur le point de faire éprouver à son père, Paris, impr. de la Justice, an II – Réflexions d'un membre de la Société [des Jacobins] sur la séance d'hier [23 mai 1792], s.l.n.d.

8. Bibliographie

Biographie des hommes vivants ou Histoire par ordre alphabétique de la vie publique de tous les hommes qui se sont fait remarquer par leurs actions ou par leurs écrits, chez G.L. Michaud, juil. 1818, t. IV. – B.N.C. ; B.Un. ; B.U.C. – La Grande Encyclopédie, t. XIII, p. II51. – Voltaire, Correspondence, éd. Besterman. – La Harpe J.F. de, Letters to the Shuvalovs, éd. C. Todd, S.V.E.C. 108, 1973. – (G.N.) La Gazette nationale, ou le Moniteur (dans la Table du Moniteur, t. II, p. 11 : 2 réf. pour 1789 ; 17 pour 1790 : n° 18, 40, 60, 69, 81, 92, 112, 117, 134, 146, 154, 166, 182, 187, 196, 221, 225 ; 2 pour 1791 : n° 92 et 320 ; 7 pour l'an III).

CHARRIERE

Auteurs

Numéro

167

Prénom

Isabelle van Zuylen de

Naissance

1740

Décès

1805

Nous nous bornons à résumer sommairement certains des renseignements fournis dans les différents tomes des Oeuvres complètes, publiées sous la direction de Simone Dubois et de Jean-Daniel Candaux (Eléments de chronologie ; notices biographiques ; introductions et établissement du texte dans le tome X).

2. Formation

Sur la passion qu'Isabelle de C. a mise à étudier, à s'initier à la musique et au dessin, les rencontres qu'elle a faites, la fécondité des relations qu'elle a nouées, voir sa correspondance (Oeuvres complètes, t. I-VI), les deux remarquables biographies parues en 1993 et les Actes du Colloque de Neuchâtel (novembre 1993) : Une européenne : Isabelle de Charrière en son siècle, éd.G. Attinger, Hauterive-Neuchâtel, 1994.

3. Carrière

Avant son mariage C. séjourna assez souvent, pour quelques semaines ou quelques jours, à La Haye, Amsterdam, Nimègue, Rozendael ou en Hollande du Nord ; mais deux voyages ont compté dans sa vie : ceux qu'elle a faits, pendant de longs mois en 1750, en Suisse et en France, avec sa gouvernante genevoise, Jeanne Louise Prévost, puis en Angleterre, de janvier à mai 1767. Avant de s'installer au Pontet, les Charrière s'arrêtèrent deux mois à Paris en juillet-août 1771. En Suisse, au cours des quinze ans qui suivirent, ils séjournèrent à Lausanne, Berne, Genève (plusieurs mois chaque année, de 1777 à 1781), Vevey, Loëche-les-Bains, dans le Valais. Pendant la même période, ils se rendirent à Spa, Utrecht et Zuylen (juil.-oct. 1773), Zuylen et La Haye (été 1774), Plombières (juin-sept. 1781). Isabelle séjourna deux fois seule à Chexbres, au-dessus de Vevey (été 1783 et mai 1784), fit un voyage à Strasbourg au printemps de 1783, puis résida dix-huit mois (janv. 1786-août 1787) à Paris, où son mari vint la rejoindre. De l'automne de 1787 jusqu'à sa mort, elle ne quitta pratiquement plus le Pontet.

6. Activités journalistiques

La première oeuvre d'I. de Charrière, Le Noble, parut d'abord dans la livraison d'«août 1762» du Journal étranger combiné avec l'Année littéraire (Amsterdam, 1763). Mais son activité journalistique ne commença vraiment qu'en 1787 quand, profondément affectée par les nouvelles de son pays, elle se mit à écrire sur l'actualité politique néerlandaise et française.

Bien que n'ait pas été prévue pour eux une périodicité régulière, on peut en effet considérer comme des journaux les Observations et conjectures politiques et deux autres publications du même type qui ont suivi. A ce propos, I. de C. a écrit, en janvier ou février 1804, à son ami Taets von Amerongen : «Après mon retour de Paris [sept. ou oct. 1787], fâchée contre la princesse d'Orange, j'écrivis la première feuille des Observations et conjectures politiques [«Considérations sur l'affaire des canoniers français attirés en Hollande par quelques Hollandais, et sur le rappel du duc Louis de Brunswick»]. Pour la faire remarquer et lire, j'en écrivis une seconde [«Lettre d'un négociant d'Amsterdam d'origine française à son ami à Paris», 24 novembre 1787], dont l'intérêt devait être un peu plus général [...]. Puis vinrent les autres. Une indignation, disons mieux, un zèle patriotique en dicta plusieurs [...]. Je voulais qu'on les envoyât et les vendît à Paris, comme on aurait pu faire tout ouvrage périodique, et ne doutais pas que cela ne se fît».

Les Observations et conjectures politiques comportent plusieurs feuilles, datées ou non, publiées séparément entre l'automne de 1787 et le début du printemps de 1788. Les sept premières, pourvues d'une page de titre imprimée après coup («chez Witel, aux Verrières-Suisses 1788») forment un petit recueil factice in-8° à pagination irrégulière (1-8, 8-23, 28-35). Jérémie Witel publia la même année une édition complète, 80 p. in-8°, où les deux premiers numéros ont été intervertis, et le texte des sept premières feuilles, légèrement révisé. Dans cette sorte de «correspondance internationale» (P. Godet) où elle se donne des porte-parole très différents («un Milanais», «un Anglais», «un savetier du faubourg Saint-Marceau»), I. de C. se prononce sur les dissensions politiques des Pays-Bas en proposant des réformes constitutionnelles ; elle intervient aussi vigoureusement en ce qui concerne les affaires de la France, puisqu'elle prévoit d'heureux effets de l'«édit sur les protestants», s'en prend violemment aux lettres de cachet, déplore que «la loi [...] semble faite», non pas pour «les malheureux», mais «contre eux», espère qu'un prince «gros mangeur et grand chasseur» comme Bien-né (Louis XVI) se décidera à mettre à leur place ses courtisans et à faire enfin le bien de son peuple.

Un choix de feuilles concernant la France a été publié à deux reprises à Paris, sans nom de libraire, en 1788, sous le titre Bien-Né/ Nouvelles et Anecdotes/ Apologie de la flatterie, 38 p. et 22 p. in-8°. Le 10 avril, le libraire Philippe Denné fut incarcéré à la Bastille pour avoir débité cette réimpression. D'après la Correspondance littéraire secrète (éd. Lescure, Plon, 1886, II, 279), à la date du 16 août 1788, Louis XVI, «ayant lu» Bien-Né, se serait imposé la loi «de ne plus boire que de l'eau». L'auteur des Observations fut pris à partie dans une Lettre d'un voyageur français, écrite de Zurich, à M. Bergasse, datée du 28 septembre et publiée à «Cologne» (Paris?) en 1788 et 1789. Enfin, le 25 septembre 1793, Benjamin Constant écrivit à I. de Charrière qu'un libraire lausannois vendait ses «petites feuilles politiques» sous le nom de Mirabeau.

Les Lettres d'un évêque français à la nation, publiées à compte d'auteur, parurent à Neuchâtel, imprimerie de Fauche-Borel, sous la forme de six feuilles in-8°, paginées séparément (1-14, 1-16, 1-16, 3-14, 1-16, 3-30) et datées respectivment des 11 et 30 avril, 8, 12, 18 et 22 mai 1789. A la veille de l'ouverture des Etats généraux, I. de Charrière prend pour porte-parole un évêque «patriote», c'est-à-dire partisan de la liberté et de l'égalité des droits ; convaincu que la «fermentation générale» du royaume est «à tout prendre, très heureuse», il prend la plume parce que «les gens les mieux intentionnés ne prévoient pas assez le danger des remèdes». Proche des physiocrates dans ses conceptions socio-économiques, il prévoit une redistribution progressive des revenus de l'Eglise et des richesses de la France, s'en prend à la raison d'Etat, critique la position de l'Eglise au sujet des comédiens, du suicide ou des incroyants ; admirateur de Beccaria, il se prononce pour l'abolition des punitions corporelles et de la peine de mort.

On a pris l'habitude d'appeler Lettres trouvées dans la neige la série de feuilles où I. de Charrière envisage les problèmes politiques posés à la principauté de Neuchâtel par la propagande révolutionnaire. Elles ont été publiées en quatre livraisons (mi-févr. 1793, 5 ou 6 mars, 28 ou 29 mars, 3 mai), sous les titres suivants : Lettre d'un François/ et/ Réponse d'un Suisse ; Suite/ de la/ Correspondance/ d'un François et d'un Suisse ; Seconde Suite/ de la/ Correspondance/ d'un Suisse et d'un François ; Troisième Suite (etc.), 15, 15, 15 et 30 p. in-8°, imprimées, sans identification du lieu, par Barthélemy Spineux à Neuchâtel. Au total dix lettres, dont la première est datée du 31 janvier, et la dernière du 17 avril 1793. Rédaction sollicitée par le chancelier Charles Godefroy de Tribolet. La première livraison, composée aussitôt en quarante-huit heures, fut imprimée dans les mêmes délais. Sa page de titre indiquait : «Ces lettres ont été trouvées dans la neige, à quelque distance du Locle, le dernier jour de la foire de Neuchâtel».

7. Publications diverses

Oeuvres complètes d'Isabelle de Charrière, Belle de Zuylen, Amsterdam, éd. G.A. von Orschot, 1979-1984, 10 vol. Les journaux, édités par C.P. Courtney et A. Schnegg, figurent dans le tome X, Essais, vers, musique, 1981.

8. Bibliographie

Dubois P.H. et S., Zonder Vaandel Belle van Zuylen. 1740-1805. Een biografie, Amsterdam, G.A. van Orschot, 1993. – Courtney C.P., Isabelle de Charrière (Belle de Zuylen), a biography, Voltaire Foundation, Oxford, 1993. – Articles et renseignements bibliographiques dans la revue annuelle, Lettre de Zuylen et du Pontet, Rozendaal et Neuchâtel (n° 18, sept. 1993).

CASTILLON

Auteurs

Numéro

148

Prénom

Jean de

Naissance

1708

Décès

1791

Jean de Castillon, de son vrai nom Giovanni Francesco Mauro Melchior Salvemini da Castiglione, naquit le 15 janvier 1708 à Castiglion Fiorentino (entre Arezzo et Cortona), où «dès le XlVe siècle la famille Salvemini était patricienne et une des premières de la ville». Son père, Giuseppe, était avocat ; sa mère, Maria Maddalena Lucia Braccesi, descendait d'une noble famille de Pise. Il eut plusieurs frères, dont l'un au moins était encore vivant en 1787 (E p. 52).

2. Formation

«Le jeune Castillon fit de bonnes études, jusqu'en philosophie exclusivement, dans la maison paternelle» où son cousin, Paolo Cantini, docteur en médecine, cultiva son goût pour les mathématiques. «Ensuite on lui enseigna une mauvaise philosophie scholastique au séminaire de Florence, et il se rendit à Pise dans le collège Ferdinand pour y étudier le droit». A l'en croire, comme étudiant à Pise, il aurait surtout satisfait les penchants qui le portaient vers le dessin, la poésie, la musique, le chant et la danse, faisant «peu de progrès dans les mathématiques, sous le célèbre abbé Grandi, et point dans le droit». Au début de 1729 (3 mars, «Stilo antiquo Pisano») il fut cependant reçu docteur in utroque jure, et une vingtaine d'années plus tard commença sa longue carrière académique : membre de la Société royale des sciences de Londres avant juin 1751 (E, p. 44), puis de la Société royale des sciences de Göttingen (1753), «il se fit recevoir maître ès-arts et docteur en philosophie dans l'Université d'Utrecht» en 1754. Accueilli en 1762 par la Société hollandaise des sciences de Harlem, associé étranger à l'Académie royale des sciences et belles-lettres de Prusse à partir de septembre 1755, il fut admis par cette Académie comme membre ordinaire le 5 janvier 1764 et y devint directeur de la «classe de mathématiques», poste où il eut à sa mort comme successeur Jean Bernoulli (voir ce nom). Il fit partie également de l'Institut de Bologne (1768), de l'Académie électorale des sciences et belles-lettres de Mannheim (1777), de l'Académie des sciences, lettres et arts de Padoue (1784) et de la Société des sciences de Bohême (1785).

3. Carrière

«Il avait les passions fort vives, et sa jeunesse fut orageuse» (E, p. 41). «En 1729 quelques imprudences» (des propos athées, d'après ce que nous suggère son fils) «lui firent prendre le parti précipité de quitter l'Italie» et il «tomba en Suisse, dans le canton de Berne, seul, sans secours». Ayant acquis de la réputation, des amis et des protecteurs grâce à «des vers latins [et à] la traduction qu'il fit à Lausanne de l'Essai alors tout nouveau de Pope sur l'Homme», il fut «pourvu d'un poste de principal» au collège de Vevey en novembre 1737. De plus, au collège, il enseignait les humanités, et au dehors, les mathématiques. Il quitta cette place «très probablement au commencement de 1745» (E, p. 43), pour s'établir à Lausanne, où il donna des leçons de mathématiques au prince d'Anhalt-Zerbst. «Il se rendit à Berne en 1748 ou 1749», pour y disputer une chaire de professeur en mathématiques qui lui fut finalement refusée, de même qu'une chaire de théologie, «alors vacante à Lausanne». Sollicité en 1751 pour enseigner à Utrecht et à Saint-Pétersbourg, il fut d'abord lecteur en mathématique et physique à l'Université d'Utrecht, puis professeur extraordinaire en mathématique, physique expérimentale et astronomie (Délibération du 29 novembre 1751 ; prise de possession de la chaire, le 6 décembre) et il obtint en 1755 la chaire de professeur ordinaire en philosophie et mathématique. Son principal protecteur, le stathouder, étant mort «presque à son arrivée» en Hollande, il dut subir une violente campagne de dénigrement, à laquelle son fils attribue l'aggravation de l'état de santé de sa femme ; il l'avait vainement ramenée en Suisse, «dans l'espérance que l'air natal la remettrait». Recteur de l'Université d'Utrecht en 1758, il accompagna cette année-là, «pendant les grandes vacances», la princesse d'Anhalt-Zerbst, mère de Catherine II, «dans un voyage» que celle-ci «fit en diverses provinces de Hollande». Il sortit de charge le 26 mars 1759. En 1763 Frédéric II «l'appela à Berlin pour donner des leçons de mathématiques au Corps d'artillerie» ; il remplit jusqu'à la fin de 1790 cette charge qu'il avait transmise à son fils en 1787. Le roi lui confia par ailleurs différentes missions : c'est ainsi qu'il remania pour une représentation de circonstance, en 1764, l'opéra de Métastase, Achille in Sciro, et qu'il fit, pendant l'été dé 1765 et «au commencement de 1766», deux voyages aux Salines de Schoenebeck, dans le duché de Magdebourg, pour proposer des changements «dans la construction des fourneaux et des chaudières», en vue d'économiser le bois de chauffage et «chercher» un combustible de remplacement : «de la houille».

4. Situation de fortune

D'après son fils, même en Hollande, la «situation domestique» de Jean de Castillon «n'était que trop difficile et bornée», au moins pendant les premières années de son séjour, et les frais engagés pour accompagner sa femme en Suisse suffirent à la grever lourdement (E, p. 45). En Prusse, il eut enfin son avenir assuré, car à son poste de professeur s'ajoutaient une pension d'académicien et diverses indemnités (il figura dès 1764 parmi les six commissaires désignés pour «diriger les finances de l'Académie», où il fut nommé premier astronome en 1768, et, sur la fin de sa vie, «directeur de la classe de mathématique»).

5. Opinions

Newtonien passionné, Jean de Castillon se lia avec Gabriel Cramer, qui lui fournit le manuscrit de la correspondance entre Leibniz et Bernoulli, avec «l'illustre M. Euler» (E, p. 42 ; v. D. Thiébault, t. II, p. 254) et surtout avec l'astronome Jean Philippe Loys de Cheseaux, son «plus ancien ami», après le marquis de Sacramoso, de Vérone, qui lui fit obtenir en 1751 une proposition de poste pour Saint-Pétersbourg. «Athée dans sa jeunesse», il revint «au déisme, et puis au christianisme», pendant son séjour à Vevey. Son fils ajoute : «Défenseur courageux et connu du christianisme, il n'en eut pas moins pour amis sincères les d'Alembert et les Helvétius» (E, p. 59), comme l'attestent les lettres d'eux qu'il a laissées. Le 7 septembre 1776, dans une lettre bizarre, adressée à Condorcet, où il semble qu'il soit question de Pascal, Voltaire l'a appelé son «consolateur», ajoutant avec un soupçon d'ironie : «Ce Monsieur de Castillon de Berlin est en vérité un grand philosophe» (D 20282).

6. Activités journalistiques

En 1770 (ou 1772?), «quelques académiciens» de Berlin, «entre autres Toussaint» (voir ce nom, et art. « Thiébault ») «se réunirent» à Jean de Castillon «pour publier le Journal littéraire dédié au Roi, dont le premier volume parut chez Decker, au mois de septembre (1772)» (E, p. 49 ; D.P.1 761). «Il ne put se soutenir que quatre ans, faute de débit, et finit avec le mois d'août 1776». Un avocat parisien, Rossel, aurait ensuite réuni, sous le nom de Bibliothèque du Nord, «quelques morceaux restés dans les portefeuilles des premiers auteurs [...], en les engageant, au moins quelques-uns, à continuer leurs travaux», mais «le manque de fonds suffisant pour les avances ne permit de faire paraître que l'année 1778» (E, p. 50) ; voir dans D.P.1 161 (où le «Journal de Berlin» désigne certainement le Journal littéraire). D. Thiébault précise (t. II, p. 270) que M. de Castillon le père «a eu une part principale à la rédaction des vingt-quatre volumes qui ont paru» du Journal littéraire.

7. Publications diverses

Jean de Castillon commença par publier, en latin, chez M.M. Bousquet et associés, Lausanne et Genève, les Oeuvres de Newton, 3 vol., in-4° (1744), la Correspondance entre Leibniz et Bernoulli, 2 vol. in-4° (1745), L'Introduction à l'analyse infinitésimale de Newton, in-4° (1748). En y ajoutant, selon le cas, des poèmes ou des éclaircissements, il traduisit en italien l'Essai sur l'homme de Pope, Berne, Abraham Wagner fils, 1760, in-8° ; en français, l'Essai sur l'histoire de la mer Adriatique, de Vitaliano Donati, La Haye, Pierre de Hondt, 1758 ; l'Abrégé de physique, de Locke, Amsterdam, Scheurleer ; la Dissertation sur les miracles, de George Campbell, Utrecht, Henri Spruit, 1765, in-8° ; les Mémoires concernant la vie et les écrits [d'] Algarotti par l'abbé Michelessi, Berlin, G.J. Decker, 1772, in-8° ; la Vie d'Apollonius de Thyane, par Philostrate [...] avec les commentaires donnés en anglais par Ch. Blount, Berlin, G.J. Decker, 1774, 4 vol. in-12 ; les Livres académiques de Cicéron, ibid., 1779, 2 vol. gr. in-8° ; enfin les Discours sur les vicissitudes de la littérature, de l'abbé Denina, 2 vol. in-8°, Berlin, G.J. Decker, 1786, puis H.A. Rottmann.

Mis à part trois discours académiques en latin, publiés, chez J. Broedelet, à Utrecht : sur «l'usage des mathématiques dans la vie humaine» (1751) et sur «la manière dont les études tiennent les unes aux autres», sujet traité par lui «en badinant», puis sérieusement (1755 et 1761), on possède trois oeuvres originales de Jean de Castillon : Discours sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes. Pour servir de réponse au discours que M. Rousseau, citoyen de Genève, a publié sur le même sujet, Amsterdam, J.F. Jolly, 1756, in-8° (Deleyre l'annonce dans sa lettre du 23 nov. 1756, Leigh, 449) ; Commentaire sur l'arithmétique universelle de Newton, Amsterdam, M.M. Rey, 1761 ; Observations sur le livre intitulé Système de la nature, Berlin, G.J. Decker, 1771, in-8°.

Sur ses communications, publiées dans les Mémoires de l'Académie de Berlin, voir Cioranescu, 18 n° 16168-16181, à la rubrique «Jean-Louis Castillon». Ces seize études concernent principalement les mathématiques, les sciences naturelles et la métaphysique. Enfin J. de Castillon collabora activement au Supplément de l'Encyclopédie.

8. Bibliographie

Thiébault D., [Mes] Souvenirs de vingt ans de séjour à Berlin, éd. par F. Barrière, Paris, Firmin Didot fils, frère et Cie, 1860. – (E) «Eloge de M. de Castillon, père. Par M. de Castillon, fils ; lu dans l'assemblée publique du 26 janvier 1792», Histoire de l'Académie royale des sciences et belles-lettres de Berlin, 1792-1793, p. 38-60.

CASTILHON

Auteurs

Numéro

146

Prénom

Jean Louis

Naissance

1729

Décès

ap. 1780

«Jean-Louis Castillon, fils à maitre Jean Castilhon, procureur au sénéchal, et à demoiselle Marguerite de Merle» (Reg. par. du Taur, A.M. de Toulouse, GG 173, f° 258) naquit à Toulouse le 5 octobre 1729. Son parrain, Louis Rouvenot, «aumonier des Cents Suisses de la garde du roy», étant absent, c'est son frère Jean qui le tint sur les fonts baptismaux, en présence d'un chanoine de Saint-Sernin, Henri de Siméon de la Porte, d'un prêtre prébendé de Saint-Etienne, d'un avocat au Parlement et d'un bourgeois de la ville, Raymond Barbe, mari de la marraine, Blaise de Calvet.

2. Formation

Il étudia le droit à la Faculté de Toulouse, dont il sortit licencié in utroque le 20 mars 1751 (B.U. de Toulouse, Archives de l'Université, reg. 13, f° 407 v. ; Caillet, , p. 22). Il ne semble pas qu'il ait jamais été membre de l'Académie des jeux floraux, quoi qu'en disent ses biographes anciens ; mais plusieurs de ses «discours» y furent couronnés : «Que l'amour mutuel des princes et des sujets est le plus ferme appui d'un état monarchique» (1756) ; «Combien les belles-lettres sont redevables aux sciences» (1757) ; «Combien il est honteux d'avoir plus de ménagement pour les vices que pour les ridicules» (1758). Voir la Biographie toulousaine et la F. L. 1769, t. I, p. 209.

3. Carrière

Bien qu'on n'ait pas trouvé trace de sa présence parmi les avocats au Parlement de Toulouse ou de Paris entre 1751 et 1765, comme son frère aîné, C. aurait été avocat. Ses seules activités vraiment attestées sont celles d'écrivain, de journaliste et d'éditeur. En 1758, il logeait chez Chalut, fermier-général (B.N., n.a.fr. 14898, f° 276). En 1761 il rejoignit Pierre Rousseau à Bouillon et fut pendant onze ans son principal collaborateur (Birn, , p. 82-85), avec sn frère Jean (voir art. «Chamfort» et «Rousseau». Lorsqu'en 1762 celui-ci se rendit à Mannheim pour y transférer le siège de ses journaux, il resta sur place pour couvrir cette tentative et se chargea de demander au duc Charles Godefroy un privilège pour le Journal de jurisprudence (Archives d'Arlon, Règlement 66, Registre de la cour souveraine de Bouillon, 1762 - 1787, p. 3-18, novembre 1762 ; Birn, ibid., p. 84-85). Lors de la fondation de la Société typographique de Bouillon (28 novembre 1768), il reçut un quart du privilège, comme rédacteur. Il céda cette part en mai 1772 (Birn, p. 105), et le 4 janvier 1774 Pierre Rousseau, définitivement brouillé avec lui, l'accusa de s'être entendu avec les rédacteurs du Journal historique et politique de Genève pour insinuer que «tous les libelles qui ont paru contre ce qu'il y a de plus respectable en France» venaient de lui : «Ces perfides amis (les frères Castilhon) travaillaient depuis longtemps à m'enlever mes établissements. Les malheureux n'ont pour eux que la honte de n'avoir point réussi [...]. M. Robinet était du complot, mais il s'est tenu finement derrière le rideau» (Birn, p. 131 : lettre à M.M. Rey).

5. Opinions

C. était un philosophe selon le cœur de Grimm et de Diderot, comme suffiraient à en témoigner deux passages de la Correspondance littéraire cités par Birn (p. 102) : «Dans la foule innombrable des compilations dont nous sommes accablés [...], il en a paru une, cette année, qui mérite d'être distinguée ; ce sont des Recueils philosophiques et littéraires de la Société typographique de Bouillon [...]. On lit les noms de Robinet et de Castilhon à la tête de cette Société» (Grimm, VIII, 395). - «Il paraît que Robinet et Castilhon se sont ligués, I'un pour encourager les grands à aimer, cultiver, protéger les savants ; l'autre, les jeunes gens qui se sentent du génie à faire connaissance étroite avec les anciens. Je complimenterais volontiers ce triumvirat si j'en étais digne» (Diderot, t. VIII, 399). Déjà ses premières œuvres avaient suscité la curiosité de Voltaire.

6. Activités journalistiques

C. a participé à la direction du Journal encyclopédique et du Journal de jurisprudence. C'est lui qui rédigea les «analyses» et les «notices» du Journal encyclopédique(D.P.1 730), de 1761 à 1772 (Birn, p. 82), et sa part dans la rédaction du Journal de jurisprudence (D.P.1 648) ne semble pas avoir été moins considérable. Après avoir composé avec Robinet le Recueil des pièces nouvelles et intéressantes sur des sujets de littérature et de morale, 5 vol. in-12, 1769, il prépara avec lui le Recueil philosophique et littéraire de la Société typographique de Bouillon, 10 vol. in-8°, 1769-1779. Il a certainement participé à la suite des Mémoires de Trévoux.

Il est rédacteur de la Gazette des Deux-Ponts (D.P.1 507) de l'automne 1777 à la fin de 1780 (pour l'année 1778, cette dernière porte le titre de Gazette ou Journal universel de littérature(D.P.1 578). Dans une lettre du 19 janvier 1776 à Dubois-Fontanelle, il s'était déjà occupé de la succession de celui-ci à la rédaction de ces journaux et connaît bien les livres imprimés à Deux-Ponts. Il annonce l'arrivée d'un acheteur (voir «Le Tellier») qui «n'est ni un libraire ni un imprimeur» (H.S.D.). En mai 1777, il est évoqué comme l'un des membres fondateurs de la «Société typographique» qui devait être créée par Le Tellier, Paradis (voir «Paradis»), Solomé (voir «Solomé » et lui-même à Hombourg, près de Francfort, et où devaient être transférés les deux journaux et la majeure partie de l'imprimerie de Deux-Ponts. Solomé écrit à Paradis le 17 mai 1777 que «M. Louis Castilhon en apportant dans la Société un journal dont il a le projet, un nom déjà célèbre, un travail facile et sûr» recevra 2000 £ d'appointements fixes et «deux dixièmes de participation aux bénéfices» (H.S.D. 128/9). Ce projet de coopération ne se réalisera pas, mais Castilhon arrive à Deux-Ponts en octobre 1777 pour y rédiger les gazettes littéraire et politique jusqu'à la fin de septembre 1780 (Gazette universelle de littérature, n° 88, 1780, p. 697, cité par Kuhn, p. 66) : «Il n'y avait qu'un homme au monde en état de composer cet excellent ouvrage, nous venons de le perdre ; et nous en sommes inconsolables, [...] cet homme universel, possédait à un égal degré, les sciences, les arts, les belles-lettres, et les affaires politiques de l'Europe». Dans une lettre du 7 septembre 1780 à l'envoyé de Deux-Ponts auprès de la Cour de Versailles, Castilhon se défend contre les attaques qu'il dut essuyer au sujet du journal politique et semble décidé à quitter Deux-Ponts, en déplorant «l'impossibilité qu'il y a à faire, à 100 lieues de la capitale, une gazette qui contienne les faits à mesure qu'ils se passent à Paris» (B.H.S., 420/17/I). Renseignements fournis par J. Schlobach.

7. Publications diverses

Outre ses Discours de l'Académie des jeux floraux, Jean-Louis Castilhon a publié : Essai sur les erreurs et les superstitions par M.L.C., Amsterdam, Arkstée et Merkus, 1765, in-12 de 485 p. (rééd. en 1766, Francfort, Knoë et Eslinger, 2 vol. in-8°). – Almanach philosophique en quatre parties suivant la division naturelle de l'espèce humaine en quatre classes, à l'usage de la nation des philosophes, du peuple des sots, du petit nombre des sçavans et du vulgaire des curieux par un auteur très philosophe, Goa, Dominique Férox, impr. du Grand Inquisiteur, 1767, in-12 de 168 p. – Considérations sur les causes physiques de la diversité du génie, des mœurs et du gouvernement des nations. Tiré en partie d'un ouvrage anonyme [L'Esprit des nations de J.F. Espiard]. Par M. L. Castilhon, Bouillon, Société typographique, et Paris, Lacombe, 1769, in-8° de XIX-579 p. (2e éd., ibid., 1770, 2 vol. in-12). – Zingha, reine d'Angola, histoire africaine, Bouillon et Paris, Lacombe, 2 parties en un vol. in-12, 1769. – Essais de philosophie et de morale, en partie traduits librement et en partie imités de Plutarque, par M. L. Castilhon, Bouillon, Société typographique, 1770, in-8° de XLVII-439 p.– Le Diogène moderne, ou le Désapprobateur, tiré en partie des manuscrits de Sir Charles Wolban, et de sa correspondance avec Sir George Bedfort, Sir Olivier Stewert, etc., sur différents sujets de littérature, de morale et de philosophie, par M. L. Castilhon, Bouillon, Société typographique, 1770, 2 vol. in-8°. – Le Mendiant boîteux, ou les Aventures d'Ambroise Gwinett, balayeur du pavé de Spring-Garden, d'après les notes écrites de sa main, par M. L. Castilhon, Bouillon, Société typographique, 1770, 2 part. en un vol. in-8° (2e éd., ibid., 1771 ; autre éd., 1771, Francfort et Leipzig sous le titre : Candide anglois, ou Avantures tragi-comiques d'Amb. Gwinett). Cette traduction libre parut d'abord sous forme de feuilleton dans le Journal encyclopédique en 1769, t. III, mai, p. 457-464 ; t. IV, mai, p. 125-133 ; juin, p. 274-283. Voir à ce sujet Roger B. Oake, «Jean-Louis Castilhon and Ambrose Gwinett», Revue de litterature comparée, XXVIII, 1954, p. 318-322 ; R. Mortier, «A propos du "Candide anglois" de J.L. Castilhon», ibid., p. 490-491 ; R. Mortier, «Deux imitations oubliées de Candide au XVllle siècle», Neophilologus, XXXV, 1951, p. 17-24. – De plus, il a édité l'Histoire générale des dogmes et opinions, extraite de l'Encyclopédie, 1769, et probablement collaboré au «Supplément» de celle-ci, ainsi qu'à la traduction de l'Histoire universelle «par une société de gens de lettres», qui commença à paraître à partir de 1770.

8. Bibliographie

Voir art. «Castilhon, Jean». Ajouter : Voltaire's correspondence, éd. T. Besterman,D13066, 13929, 15311. – Birn R., «The Journal encyclopédique and the old regime», S.V.E.C. 24, 1963, p. 219-240.(H.S.D.) Hessisches Staatsarchiv Darmstadt, Abteilung D 11 (Hausarchiv), Konvolut 128, Faszikel 1-16 und Konvolut 109, Faszikel 7, Folie L. – (B.H.S.) Bayrisches Hauptstaatsarchiv München, Bayerische Gesandtschaft Paris 278 und Kasten blau 420/17/I. – Kuhn K.H., Das französischsprachige Pressewesen im Herzogtum Pfalz-Zweibrücken (thèse), Trier 1989. – Schlobach J., «Conditions matérielles de l'imprimerie et des gazettes littéraires et politiques à Deux-Ponts» dans Les Gazettes Européennes de Langue Française (XVIIe - XVIIIe siècles). Table ronde internationale Saint Etienne, 21-23 mai 1992, textes réunis par Henri Duranton, Claude Labrosse et Pierre Rétat, Saint-Etienne 1992, S. 269-280.

CASTILHON

Auteurs

Numéro

145

Prénom

Jean

Naissance

1721

Décès

1799

Jean Castilhon, «fils de Me Jean Baptiste Castilhon, procureur au sénéchal et présidial de cette ville, et de demoiselle Margueritte de Merle», naquit à Toulouse le 11 septembre 1721. Son parrain fut «Noble Jean Reynal, ancien capitoul», et sa marraine, Françoise de Barbe (Reg. par. du Taur, A.M. Toulouse, GG 173, f° 116). Il eut deux sœurs, Elisabeth, née en 1723, et Marie-Reymonde, née en 1725 ; et trois frères : Jean Henri Saturnin, né en 1726, qui fut vicaire perpétuel de Saint-Sernin de Toulouse de 1773 à la Révolution (Caillet, p.

2. Formation

Il déclara «ne savoir» signer, lorsqu'à huit ans il tint son frère Jean Louis sur les fonts baptismaux, mais il entra ensuite au collège des Jésuites de Toulouse, puis il suivit à l'Esquile, tenu par les Doctrinaires, le cours de philosophie du P. Ricaut (A. Duboul, Deux siècles de l'Académie des jeux floraux). Il fréquenta la Faculté de droit, de 1739 à 1742 (B.U. Toulouse, Archives de l'ancienne Université, reg. 13, 18, 44, 57 et 68 ; Caillet) et fut admis à la licence. Encore étudiant, il fonda la «Petite Académie», avec Marmontel et le chevalier de Rességuier. De 1742 à 1751 il remporta cinq prix de poésie à l'Académie des jeux floraux. Celle-ci l'accueillit comme mainteneur le 28 mars 1751 (réception le 30 avril), puis le nomma «secrétaire des assemblées» pour 1752. Le 7 août 1783 il fut reçu à l'Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse, et il participa l'année suivante à la fondation du Musée, créé sur le modèle du Musée de Paris (de Court de Gébelin et Cailhava), et dont la première séance se tint le 12 juin. A partir de 1787 il remplit la charge de secrétaire à l'Académie des jeux floraux, suppléant au secrétaire perpétuel, Delpy. Proposé comme membre de l'Institut par la classe de littérature et beaux-arts, sur l'initiative de la section de grammaire, le 16 juillet 1796, il fut finalement écarté le 23, à la séance générale (Caillet, p. 35) ; mais en 1798 il fonda le Lycée de Toulouse dont il fut le premier président (acte de décès cité) et qui compta parmi ses «associés correspondants» Dalayrac, Bertholet et Monge, Napoléon Bonaparte, Fanny de Beauharnais.

3. Carrière

Il aurait été avocat au Parlement de Toulouse «pour se conformer aux désirs de son père» et se serait ensuite fait inscrire au barreau de Paris, mais l'on ne sait rien de ses activités professionnelles dans les années quarante et l'on ne trouve pas son nom parmi ceux des avocats parisiens reçus entre 1753 et 1763 (A.R., 1753-1765). Il quitta Toulouse pour Paris vers l'été de 1753 et devint très vite secrétaire du comte Lancelot Turpin de Crissé-Sanzay, inspecteur général de la cavalerie légère et des dragons, qu'il aida à rédiger son Essai sur l'art de la guerre (1754). Celui-ci le fit nommer secrétaire de l'inspection, et il accompagna les armées en campagne pendant la guerre de Sept ans, mais, deux ans plus tard, il «rentra dans son cabinet» pour mener à bien une carrière littéraire et journalistique. Le 10 août 1767, il obtint du duc Charles Godefroy le privilège pour la fondation de la Société typographique de Bouillon (Birn, p. 97-98). Lors de cette fondation, le 27 novembre 1768, il fit «cession d'un quart à chacun des trois autres contractants» : son frère Jean Louis (voir ce nom), Jean Pierre Louis Frécourt et Jean Baptiste Robinet. Les rédacteurs, Jean Louis Castilhon et Robinet, résidant à Bouillon, C.devait, aux termes de la «charte» (Archives d'Arlon, dossier cour souveraine, 1772-A ; Birn, p. 100-101), être «également chargé du même travail, autant qu'il pourra faire, et de plus à négocier avec les libraires et auteurs à Paris tout ce dont il sera chargé par la Société». Les deux frères se retirèrent en mai 1772, cédant leurs parts à Frécourt et Charles Auguste Weissenbruch (Birn, p. 105-106), et de 1775 à 1782 C. fut le mandataire des capitouls auprès de la Cour et des ministères (A.M. Toulouse, B B 186 et 187 ; Caillet, p. 27). Le 20 septembre 1782, sur proposition de Loménie de Brienne, et après délibération du bureau (A.D. Haute-Garonne, 2 D 3 Caillet, p. 28), il devint bibliothécaire du Collège royal de Toulouse, en raison «de ses talents et de sa profonde érudition». M. Caillet évoque fort bien la passion avec laquelle il remplit cette charge : dès son arrivée, en 1783, il entreprit de cataloguer la collection scientifique de l'astronome Garripuy, puis il acheta aux héritiers de Lefranc de Pompignan les 24 000 volumes de sa bibliothèque ; en 1790 et 1791 il demanda que la bibliothèque du Collège, devenu national, fût conservée comme bibliothèque publique de la ville et proposa de fonder dans chaque département une bibliothèque et un musée (en utilisant les livres et les œuvres d'art appartenant aux établissements religieux supprimés ou aux églises fermées) ; dans le courant de l'an III, suivi par Grégoire dans son second Rapport sur les destructions opérées par le vandalisme, il se plaignit amèrement de ce qu'on eût utilisé pour les besoins du parc d'artillerie de Toulouse «une immense quantité de liasses et de manuscrits en vélin» (A.D. Haute-Garonne, L 2561, f° 184 ; Caillet, p. 31). Il fut nommé président de la Commission bibliographique chargée par le district de Toulouse de cataloguer les livres rassemblés dans les «bibliothèques nationales», en exécution du décret du 8 pluviose an II (27 janvier 1794). Cette commission commença ses travaux le 12 mai de la même année et les cessa en mars 1796 : C. évaluait à près de 200 000 le nombre des volumes qu'elle avait à classer, enlevés aux bibliothèques conventuelles, puis à celles des émigrés et des condamnés. Devenu bibliothécaire de l'Ecole centrale de la Haute-Garonne, qui occupait les locaux de l'ancien Collège, au printemps de 1796, il s'efforça d'obtenir que sa bibliothèque restât libéralement ouverte au public (lettre au citoyen Gaubert, 22 messidor an IV-10 juillet 1796 ; Caillet, p. 33) et jusqu'en avril 1798 mena de longues négociations avec le bibliothécaire du département du Tarn pour garder la possession des collections du cardinal de Bernis, saisies à la fin de 1794 comme biens d'émigré. Il fut aussi à l'origine de la fondation du Museum de Toulouse, devenu depuis le Musée des Augustins.

4. Situation de fortune

D'après les Mémoires de l'Académie de Toulouse (1827), il était encore «sans fortune» à son arrivée à Paris, et il «ne dut qu'à ses travaux une existence honorable». Une trentaine d'années plus tard, il était assez riche pour posséder une belle bibliothèque : lorsqu'il se décida à rentrer à Toulouse, il la vendit au prince Frédéric Othon de Salm-Kyrbourg, contre une rente viagère de 720 £ par an, mais celle-ci ne lui fut pas payée longtemps et quand, en 1794, le prince eut été guillotiné, il ne put rien récupérer de son capital : c'est sans doute à cette circonstance que les Mémoires de l'Académie font allusion lorsqu'ils indiquent que «des revers inattendus lui enlevèrent le fruit de ses longs travaux». Bibliothécaire du Collège royal de Toulouse, C. était logé et recevait un traitement annuel de 1200 £, plus une indemnité de subsistance de 450 £ (Caillet, p. 28). Pendant la Révolution sa situation matérielle devint si précaire que le 22 pluviose an III (10 février 1795) il fut inscrit sur la liste complémentaire des «hommes distingués par leurs talents et respectables par leurs malheurs» et, sur rapport de Danesson (27 juillet suivant), admis enfin à toucher une gratification de 2000 £ (Caillet, p. 34). Sa veuve connaîtra une fin de vie difficile malgré quelques secours octroyés par le Département et le ministère de l'Intérieur, en considération du fait que «peu d'hommes ont rendu autant de services aux sciences et aux arts» que «le célèbre bibliothécaire de Toulouse» (arrêté du préfet de la Haute-Garonne, 2 floréal an VIII-22 avril 1800 ; Caillet, p. 35).

5. Opinions

C'est Marmontel qui aurait encouragé C. à tenter sa chance à Paris et lui aurait valu ses premières relations dans la capitale. Selon Gaspard Lafont, son premier biographe, suivi par la plupart des autres (Biographie toulousaine, B.Un., etc.), il se serait ensuite lié d'amitié avec Gresset et Voisenon, mais aussi avec D'Alembert, Diderot et Lalande. Ce qui est certain, c'est que, beaucoup plus tard, celui-ci le félicita lorsqu'on crut acquise son élection à l'Institut. D'autre part, au moins entre 1786 et 1788, C. entretint une correspondance assez nourrie avec Palissot (C. Douais, «Palissot et Castilhon», Revue des Pyrénées, t. IX, 1897, p. 225-252 ; voir art. «Palissot») et il a certainement fréquenté le salon où Elisabeth Marie de Lowendal, femme en secondes noces du comte Turpin de Crissé (1759), réunissait des poètes, comme Collé, Favart et Parny, des économistes et des philosophes, comme Turgot, Trudaine et Sylvain Maréchal, des peintres, comme Fragonard (Caillet, p. 23, d'après Th. Lhuillier, «Une famille d'amateurs d'art, les Turpin de Crissé», dans Réunion des Sociétés des beaux-arts des départements, l9e session, 1895, p. 134-149).

6. Activités journalistiques

A) Au printemps de 1766 Palissot (Nécrologe, 1765, p. 79) annonce que C. a composé «plusieurs extraits du Journal encyclopédique», et Mairobert le présente comme «un de ses auteurs» (M.S., t. XVI, 269). C'est à ce titre que Mme du Deffand le convoqua, vers le début de l'été de 1768 «pour obtenir de lui de ne point faire l'extrait» de l'Examen de la nouvelle Histoire de Henri IV de M. de Bury (lettre à Horace Walpole, 13 nov. 1768, D15311n). Il collabora à ce journal jusqu'en 1772 (D.P.1730). Sur cette collaboration, qui remontait au moins à 1762, voir d'importantes lettres de P. Rousseau, art. «Chamfort» et «Rousseau».

B) En fait, comme le montre une lettre de Voltaire à Gabriel Cramer (D 7103), dès la fondation du Journal encyclopédique (janvier 1756), C. avait été le représentant attitré de Pierre Rousseau à Paris et sa «boîte aux lettres» pour les littérateurs désireux de voir leurs œuvres signalées par cette publication (Caillet). Lorsqu'en février 1763, le duc Charles Godefroy décida d'attribuer à Guillaume Alexandre Méhégan le privilège des journaux publiés à Bouillon, aidé par Coyer et Bodston, C. joua un rôle essentiel dans la négociation qui permit à Rousseau de poursuivre ses publications (lettres à Rousseau, 7 avril, 18 mai 1763, 13 mai 1764 ; à Méhégan, 17 mai 1763 ; citées par Birn, p. 87-89). Enfin, ses relations parisiennes étant indispensables pour leur diffusion en France, c'est à lui, comme on l'a vu, qu'il revint d'obtenir du duc de Bouillon le privilège pour la fondation de la Société typographique.

Il a collaboré au Journal de jurisprudence, 6 vol. in-8°, Bouillon, J. Brasseur (et Imprimerie du Journal), dont le prospectus, édité à Mannheim au cours de l'automne de 1762, fut diffusé en France à la fin de l'hiver suivant (M.S., 10 mars), mais dont les dix-sept feuilles parurent en 1764 (D.P.1 648). Au moment où ce journal allait disparaître, faute de nouvelles contributions, C., qui s'était chargé d'en recueillir à Paris, écrivait à Pierre Rousseau, le 25 février 1765 : «Vous êtes fâché d'avoir entrepris le Journal de jurisprudence, et je le suis encore plus d'en avoir eu l'idée» (Birn, p. 90).

Voulant tirer parti au mieux de son privilège pour la Gazette des deuils, Palissot s'assura sa collaboration en 1765 lorsqu'il décida d'y publier des «mémoires» pour donner à «cette frivolité» plus «de consistance» et «d'étendue» (M.S., t. XVI, 269) ; le titre devint alors : Ordre chronologique des deuils de cour, qui contient un précis des ouvrages des auteurs qui sont morts dans le courant de l'année 1765, suivi d'observations sur les deuils, et bientôt : Nécrologe des hommes célèbres(D.P.1 974). Les «éloges historiques» que C. publia dans le Nécrologe, de 1766 à 1782, concernent : Pesselier (année 1764), le P. André et Baurans (1765), Guyot de Merville, Panard et Slodtz (1766), Aved et Villaret (1767), I'abbé Perau (1768), puis Clément, «journaliste», Drouais et Pierre Clément, I'abbé Alary (1769-1772), etc.

Jean et Jean-Louis Castilhon décidèrent de prendre la suite du Journal des beaux-arts et des sciences (1768-1775) en 1773, et peut-être même dès le printemps de 1772 (Birn, p. 105 et 131). Cette suite, qu'ils voulaient destiner au public qui avait assuré le succès du Journal encyclopédique parut sous le titre de : Journal des beaux-arts et des sciences, Paris, 1774, 5 vol. in-12 (D.P.1 696), puis de : Journal des sciences et des beaux-arts, Paris, 1776-1778, 14 vol. (D.P.1 173). Les frères Castilhon l’ont dirigé en 1776-1777 : d'après la Correspondance secrète des 18 octobre et 8 novembre (textes cités par H.P.L.P., t. II, p. 271-273), le privilège fut racheté en octobre 1777 par un officier de cavalerie, le chevalier du Paulet, qui s'était «associé plusieurs gens de lettres» pour «tirer de l'obscurité cet ouvrage jadis célèbre» : «les calembours de M. Castilhon n'avaient pas eu le même succès que le sérieux des bons Pères, et le nombre des souscripteurs était tombé à deux cents».

Enfin C.rédigea seul Le Spectateur français, ou Journal des moeurs, publié chez Lacombe, peut-être commencé dès 1774 et continué épisodiquement jusqu'en 1779 (car il figure dans une liste des feuilles qui circulaient cette année-là dans la capitale, H.P.L.P., t. III, p. 314-316 ; p. 144). Ce journal était «composé par an de 15 cahiers de 3 feuilles ; le prix, franc de port à Paris, par la poste» était «de 9 livres. En prov. de 12 liv.» (Le Spectateur francais, p. 2, et liste citée

7. Publications diverses

Amusements philosophiques et littéraires de deux amis (avec le comte de Turpin), Paris, Prault aîné, 1754, in-12 , 187 p. – Bibliothèque bleue, entièrement refondue et augmentée, Paris, 1770. Les différentes histoires furent aussi imprimées séparément : Histoire de Pierre de Provence et de la belle Maguelonne (Bibl. bleue n° I), Paris, Costard, 1776 ; Histoire de Robert le Diable, duc de Normandie, et de Richard sans peur, son fils (Bibl. bleue n° II), Paris, Lacombe, 1769, puis Fournier, 1783 ; Histoire de Fortunatus et de ses enfants (Bibl. bleue n° III), Paris, Costard, 1770, puis rue St Jean de Beauvais, 1776 ; Histoire de Jean de Calais, sur de nouveaux mémoires (Bibl. bleue n° IV), Paris, Costard, 1776, Fournier, 1776 ; Les Quatre fils Aymon, histoire héroïque, Paris, Fournier, 1783 ; elles furent rééditées de 1848 à 1862. – Anecdotes chinoises, japonaises, siamoises, tonquinoises, etc. ; dans lesquelles on s'est attaché principalement aux moeurs, usages, coutumes et religions de ces différents peuples de l'Asie, Paris, Vincent, 1774, 4 part. en un vol. in-8°. – Précis historique de la vie de Marie-Thérèse, archiduchesse d'Autriche, impératrice douairière, reine de Hongrie et de Bohême, par M. Castilhon, s.l.n.d. (1781), in-12 de 43 p. – Mémoire, concernant la bibliothèque du ci-devant Collège royal de Toulouse en particulier et les Bibliothèques nationales en général, présenté aux administrations de Haute-Garonne et du district de cette commune, les 5 octobre 1790 et 26 janvier 1791, envoyé à l'Assemblée constituante, par le citoyen Castilhon, s.l.n.d., in-8° de 15 p.

D'autre part, de nombreux textes de C.figurent dans les Recueils de l'Académie des jeux floraux : Les Fleurs artificielles, idylle (1742) ; Le Miroir (1743) et Pan (1746), idylles ; Les Avantages de l'espérance, ode, et Thémire, églogue (1751) ; «Eloge» pour les fêtes de mai 1752 (comprenant un Discours sur «l'influence réciproque des arts et des mœurs et une ode à Clémence Isaure) ; Discours de 1753 (sur «l'étude des sciences, complément de l'étude des lettres») ; Dissertation sur «l'influence des mœurs et de la philosophie sur le génie et sur les arts», 13 août 1769 (Recueil de 1770) ; Discours sur l'Amour de la patrie (1784) ; Epître sur le sentiment considéré comme le principe du génie et Epître à Mme de*** (1788) ; Les Roses, idylle lue au Musée ; Eloges de Lefranc de Pompignan (1785), de Velet de Peganhac et de Férès (1788), de Garaud (1789) ; «Observations sur le concours de 1790».

8. Bibliographie

M.S., B.N.C., B.Un., D.B.F. ; Biographie toulousaine, ou Dictionnaire historique des personnages qui [...] se sont rendus célèbres dans la ville de Toulouse [...] par une société de gens de lettres, Paris, L.G. Michaud, 1823, t. 1, p. 108-109. – Histoire et Mémoires de l'Académie royale des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse depuis son rétablissement en 1807 [...], Toulouse, impr. de J.M. Douladoure, 1827, t. I, p. 201. – Charlier J. et Mortier R., Une Suite de l' «Encyclopédie». Le Journal encyclopédique (1756-1793). Notes, documents et extraits, Paris, Nizet, 1952. – Birn R.F., Pierre Rousseau and the «philosophes» of Bouillon, S.V.E.C. 29, 1964. – Caillet M., «Un ami des lumières : Jean Castilhon», dans Humanisme actif. Mélanges d'art et de littérature offerts à Julien Cain, Paris, Herrmann, 1968, t. II, p. 21-35 (nombreuses références, notamment à Gaspard Lafont, «Eloge du citoyen Castilhon», dans Recueil des ouvrages lus dans la séance publique du Iycée de Toulouse le 30 germinal an VII, Toulouse, Leclerc et Dhers, an VII, in-8° de 16 p.). – Duboul A., Deux Siècles de l'Académie des jeux floraux (texte communiqué par la secrétaire de l'Académie, Jacqueline de Monsabert).

BUCHOZ

Auteurs

Numéro

129

Prénom

Joseph

Naissance

1731

Décès

1807

Joseph Pierre Buchoz est né à Metz, le 27 janvier 1731, de Pierre Bughaut, «bourgeois de Metz et receveur de la commanderie de Malte», et de Jeanne Guerlange. Il était le filleul d'un capitaine au régiment d'Alsace, chevalier de l'ordre militaire de Saint Louis, Charles Joseph de Sehouarhenhausen (Paroisse Sainte Croix, 29 janv. 1731, A.V. Metz, GG 5). Sur l'acte de baptême le nom de son père fut corrigé en vertu d'une sentence du bailliage de Metz, rendue le 24 janvier 1758, conformément à la prononciation en vigueur dans la famille, puisque déjà la marraine signait Marie Buchose.

2. Formation

«Après des études classiques faites à Metz avec un certain succès, d'après le voeu de ses parents il étudia le droit» (A) et fut admis comme avocat à Pont-à-Mousson en 1750. Reçu médecin à Nancy en 1759 (A ; B. C), plutôt, semble-t-il, qu'en 1763 (D.B.F.), il obtint le titre de médecin ordinaire du roi Stanislas. Il fut membre actif ou correspondant de nombreuses Académies : Metz, Nancy, Châlons-sur-Marne, Mayence, Lyon, Dijon, Bordeaux, Angers, Caen, Rouen, Béziers, etc.

3. Carrière

Avocat au Parlement de Metz, puis médecin, il résolut bientôt de «se livrer entièrement à la botanique» (B.Un.). «Agrégé et démonstrateur de botanique au Collège royal des médecins de Nancy» (A), où il contribua à la fondation du Jardin des Plantes, il entreprit de nouvelles randonnées, en Auvergne, puis à travers l'Europe (D.B.F.), «mais le désir d'accroître sa réputation, joint à la nécessité de vendre les ouvrages multipliés qu'il composait», le «conduisirent à Paris, et il s'y fixa définitivement» après la mort de Stanislas (A). D'après les Almanachs royaux, où il est désigné parmi les médecins de quartier ou «médecins consultants», B. a résidé avant 1776 «rue Hautefeuille, près la rue des Deux Portes» comme «surnuméraire», puis «rue des Saints-Pères, vis-à-vis la Charité» (1776, p. 584, et 1777) ; puis «en survivance de M. Guinot», «rue de la Harpe, vis-à-vis de la Sorbonne» (1778). Même domicile en 1785, 1786, 1788. Dans ces derniers almanachs, il figure comme «botaniste, médecin honoraire», et dans celui de 1788 (p. 625), il est qualifié d'«ancien médecin de Mgr. le comte d'Artois».

4. Situation de fortune

Après 1770 il prit coutume de dédier autant que possible chacune de ses planches (et certaines années il y en eut plusieurs centaines), à «un riche amateur qui fournissait aux dépenses qu'elle exigeait» (B.Un.), mais ses frais de recherche et de publication, évalués par lui sous la Révolution à 220 000 £, l'obligèrent en 1788 à vendre sa collection d'ouvrages sur l'histoire naturelle (D.B.F., qui allègue une lettre de lui à Buffon). Après avoir lancé au «tribunal de la grande nation» et à «l'univers entier» des appels pathétiques et s'être vu allouer par la Convention en 1793 une pension de 1537 £ 10 sols, supprimée parce qu'il avait négligé de fournir un certificat de résidence, il obtint enfin, le 3 prairial (22 mai) 1794, grâce à une énergique intervention de Peyssard, «un secours annuel et viager» de 1000 £ à compter du 1er janvier 1790 (Moniteur du 4 prairial an II, p. 449). Mais, «pressé par d'avides créanciers» (A), il «serait mort dans la détresse [si] une demoiselle qui avait été l'amie de sa femme et qui depuis vingt-cinq ans dessinait et coloriait ses planches» ne l'avait «reçu dans sa maison», puis épousé, «pour mettre plus de délicatesse dans les dons qu'elle lui faisait» (B.Un.). Un peu rasséréné, il dut cependant encore adresser des placets à «Napoléon Bonaparte».

5. Opinions

Les principales relations de B. semblent avoir été des relations scientifiques : il fut l'admirateur et le continuateur de son beau-père, F.N. Marquet, dont il racheta au début de sa carrière un gros manuscrit sur la flore de Lorraine, correspondit avec le chimiste S.J. Macquer (B.N., f.fr. 12305), mais il ne semble pas avoir eu de disciples, bien que L'Héritier lui ait dédié la Buchozia, fleur nouvellement décrite dont le nom ne lui a pas survécu (A).

6. Activités journalistiques

A son arrivée à Paris B. conçut le grand projet de diffuser ses connaissances et observations sous la forme de périodiques. A quelque chose près, le cours de ces publications semble avoir été le suivant :

En août 1768 commença la série des Lettres périodiques sur la méthode de s'enrichir promptement et de conserver sa santé par la culture des végétaux exotiques (Cavelier et Durand neveu, 1768 - 1770, 5 vol. in 8° ; trad. all., Nuremberg, 1772 – 1774 ; DP1 836), suivies par des Lettres périodiques, curieuses, utiles et intéressantes sur les avantages que la société économique peut retirer de la connaissance des animaux (Durand, 1769 - 1770, 4 vol. in 8°, DP1 833), des Lettres hebdomadaires sur l'utilité des animaux dans la société civile (Durand, 1770, 2 vol. in 8°) et Sur l'utilité des minéraux dans la société civile (Durand, 1770, 2 vol. in 8° ; DP1 821). Cette publication fut continuée sous le titre de La Nature considérée sous ses différents aspects, ou Lettres sur les animaux, les végétaux et les minéraux contenant des observations intéressantes sur les moeurs et le caractère des animaux, sur la minéralogie, la botanique, etc., 1771-1783, in 8° (DP1 971). D'après Bégin, «dans le principe il paraissait régulièrement 26 cahiers par an» et il parut effectivement 8 volumes pour 1771, 5 pour 1772, 5 pour 1773, 3 entre 1774 et 1779, avec un supplément pour 1779 ; enfin 10 volumes entre 1780 et 1783, sous le titre de Première Epoque et Seconde Epoque. Les huit premiers volumes de La Nature considérée sous ses différents aspects furent réimprimés en 1775, avec un avertissement du libraire Costard, sous le titre de Correspondance d'histoire naturelle sur les animaux, les végétaux et les minéraux. Cinq autres volumes de cette encyclopédie de la nature furent réunis en trois, avec une nouvelle préface, et publiés chez Boudet, sous le titre de Lettres curieuses et utiles sur les animaux, végétaux et minéraux et leurs propriétés. B. publia aussi, chez Lacombe, une Première puis une Seconde Centurie de planches (gravées et coloriées) sur les animaux, les végétaux et les minéraux pour servir d'intelligence à l'histoire des trois règnes de la nature, in-folio, dont il paraissait une décade de trois mois en trois mois (C) et qui furent éditées en 1778 à Amsterdam chez M.M. Rey, ainsi qu'une Collection [des] fleurs les plus curieuses qui se cultivent dans les jardins de la Chine et dans ceux de l'Europe (un cahier de 10 feuilles, in-folio, trimestriel). Mais il semble impossible de fixer une limite à l'activité journalistique de B., car, «pour sortir de la dépendance où le tenaient les libraires, il imprima lui-même une partie de ses écrits» (A) : de cet atelier perpétuel sortirent une foule de «monographies», «mémoires», «méthodes», «réflexions», «amusements des dames », «dissertations » (sur l'ipo, poison des sauvages, sur le cacao, les roses ou le thé...), dissertations en forme d'«extraits», de «catalogues», de «préfaces», dons du producteur au public ou effusions, du coeur au coeur. Il collabore en 1768-1769 à la Gazette Universelle de F. Grasset (D.P.1 575). Par ailleurs, le Journal de médecine contient un grand nombre de prospectus, «notices» ou «extraits» sur les oeuvres de B. (43 mentions dans la Table [...] pour les 65 premiers volumes par le Roux des Tillets, Paris, de l'Imprimerie de Monsieur, 1788). Selon le Dictionnaire de biographie française, il collabora pendant douze ans à un journal d'agriculture (probablement le Journal économique, où un article publié par lui en octobre 1769 semble avoir rencontré un assez large écho ; mais il écrivit peut-être aussi dans le Journal d'agriculture). Enfin, d'après la B.Un., le Journal des mines publia «plusieurs mémoires et un grand nombre d'analyses de métaux», rédigés par ses soins, entre 1805 et 1811 (t. XVIII, XXIV et XXX).

7. Publications diverses

Ses biographes se sont demandés s'il n'a pas été, soit «l'écrivain le plus fécond de son siècle» (C), soit, avec l'Anglais Hill, le naturaliste le plus avide de publications. A cite une liste de 208 titres qui vont du Discours sur la botanique (1760) au Traité du chocolat (1812). D'après le Répertoire bibliographique universel de Peignot (voir aussi Q., la Bibliothèque physique de A.J.Hérissart et la Bibliographie lorraine, t. II, 1971), il évalue cette production à près de 400 vol. L'oeuvre qui établit la réputation de B. fut le Traité historique des plantes qui croissent dans la Lorraine et les Trois Evêchés, Nancy, F. Messin, et Paris, Durand, 1762-1770, 10 t. en 11 vol. ; réimpr. en 10 vol. in 12 et 3 vol. in 4° de planches, que Rousseau demanda à Du Peyrou le 10 octobre 1764 (Correspondance, éd. Leigh, n° 3554). Contentons-nous de citer encore son Histoire générale et économique des trois règnes de la nature, Paris, Didot le jeune, 1777, in-folio ; et son énorme Histoire universelle du règne végétal, Paris, Cottard, 1774-1780, et Brunet, 1775-1780 (autre version de son Histoire universelle des végétaux, Cottard, 1773, 3 vol. in-folio, avec un vol. de planches in-folio gravées dès 1771 chez Fetil) : 1200 planches, auxquelles fut annexé le Jardin d'Eden, ou le Paradis terrestre renouvelé dans le jardin de la Reine à Trianon, 1783-1785, 200 planches en 2 vol. in-folio. L'histoire naturelle, la «matière médicale» et toutes les branches de la médecine («moderne et pratique», «rurale et pratique», «vétérinaire»), mais aussi l'économie politique furent du ressort de B.. En 1797, il prévoyait encore de faire imprimer son Répertoire des arts et métiers (voir art. « Couret de Villeneuve »). Bien qu'il ait reçu des témoignages d'estime (notamment de D'Alembert, d'après D.B.F.), brassé beaucoup d'idées et fait toutes sortes de petites inventions, il semble difficile de dire si l'on doit ou non le considérer comme un savant méconnu.

8. Bibliographie

B.Un. ; N.B.G. qui renvoient à une «notice historique» de Deleuze, parue dans la Revue encyclopédique ; D.B.F., qui renvoie au Bulletin de la Société d'Histoire naturelle de la Moselle, 1932 (notice de Dorveaux, p. 103-123). (A) Béguin E.A., Biographie de la Moselle, ou Histoire par ordre alphabétique de toutes les personnes nées dans le département, Metz, Verronnais, 1829, t. I, p. 177-213. – (B) Dezeimeris J.E., Ollivier [d'Argens] et Raige-Delorme, Dictionnaire historique de la médecine, Paris, Béchet jeune, et Bruxelles, Leroux et Périchon, 1835, t. 1.– (C) Bayle A.L.J. et Thillaye A., Biographie médicale par ordre chronologique d'après Daniel Leclerc, Eloy, etc., mise dans un nouvel ordre, revue et complétée, Paris, Adolphe Delahays, 1855, t. II, p. 549-551 . – On trouve des papiers relatifs à B. ou provenant de lui dans les Archives de l'ancienne Académie royale de Metz conservées à la B.M. de Metz, ms. 1337, 1338, 1340 et 1348.

BUCHET

Auteurs

Numéro

128

Prénom

François

Naissance

1679

Décès

1721

François (texte du privilège accordé pour le Mercure françois et galant, le 19 janv. 1717) ou Pierre François Buchet naquit à Sancerre, en 1679, probablement le 19 décembre (précision invérifiable en raison des lacunes des registres paroissiaux). II mourut, mystérieusement, à Paris, le 30 mai 1721 : «On attribue sa mort à la vengeance de quelques petits-maîtres qui se trouvèrent offensés de certains traits un peu trop piquants qu'il avait lâchés contre eux dans le Mercure» (Camusat).

2. Formation

«Quoique l'abbé Buchet portât le collet, il n'était abbé que de nom» (Camusat).

3. Carrière

Installé à Paris, il demeurait «Cloître Saint-Germain de l'Auxerrois» («Adresse de l'auteur», dans le Mercure de mars 1719).

5. Opinions

Chaleureux ami des «Modernes», B. a cependant toujours tenu à éviter les excès de la partialité, se refusant à «servir les passions de qui que ce soit» (Préface du Nouveau Mercure).

6. Activités journalistiques

Dès qu'il eut obtenu le privilège du Mercure, publié désormais sous le titre de Nouveau Mercure, B. parvint à en relever considérablement l'intérêt et le niveau intellectuel, en en faisant l'organe de toute une avant-garde littéraire (Pons, Marivaux, Terrasson, Trublet, Du Cerceau, etc.) passionnément «moderne» et cartésienne. Les principaux articles de la charte qu'il se donne dans la préface sont assez remarquables : se ménager le plus possible de «liaisons et de correspondances» pour faire de son journal «un magasin public où l'on doit trouver sous la main toutes les nouvelles du temps», mais sans empiéter sur le privilège du Journal de Verdun en pénétrant «dans le secret du cabinet des princes», obtenir le concours d'«une société choisie de gens de lettres qui voulussent persévéramment orner son recueil de leurs différents travaux» ; enfin «associer le public dans [son] entreprise», «non seulement comme lecteur, mais comme auteur». Il fallait aussi abaisser le prix de vente (dès le second mois il passa effectivement de «25 sols broché» à 15 s.) et, pour ce «recueil [de] pièces volantes», privilégier la vente des exemplaires brochés, tout en prévoyant qu' à la fin de l'année ceux-ci pourraient être reliés, en 4 vol., «très portatifs». Entre janvier 1717 et mai 1721, B. composa 54 numéros du Nouveau Mercure, publiés par Pierre Ribou, Grégoire Dupuis et G. Cavelier (v. D.P.1 922).

D'après Camusat, il rédigeait aussi, «deux fois par semaine, une gazette manuscrite à laquelle il occupait cinq à six copistes».

7. Publications diverses

Abrégé de la vie du czar Peter Alexiewitz, avec la relation de l'état présent de la Moscovie et de ce qui s'est passé de plus considérable depuis son arrivée en France, Paris, P. Ribou et G. Dupuis, 1717, pièces lim. et 210 p.

8. Bibliographie

8. B.Un., D.B.F. – Camusat D.F., Histoire critique des journaux, Amsterdam, 1734, t. II, p. 230. – «Mémoire historique sur le Mercure de France», Mercure de mai 1760, p. 127 et suiv. – Petitjean de Maransange M. H., Dictionnaire historique, généalogique et héraldique des anciennes familles du Berry, 1926, p. 130. – Mémoires de la Société des Antiquaires du Centre, t. XXXV, 1912, p. 21.

9. Additif

Activités journalistiques : François Moureau a attiré l’attention sur les activités de F.B. comme nouvelliste à la main (La Plume et le plomb, PUPS ; 2006, p. 467). Camusat avait noté dans son Histoire critique des journaux (Amsterdam, J.F. Bernard, 1734, t. II, p. 230)  que Buchet « donnait régulièrement deux fois par semaine une gazette manuscrite à laquelle il occupait cinq ou six copistes, tant elle était recherchée ». Gilles Vanneroux, valet de chambre de l’amiral Coëtlogon, tient commerce de nouvelles à la main, de 1718 à 1720,  et se fournit chez le sieur Buchet, Cloître Saint-Germain-l’Auxerrois. Arrêté le 12 avril 1723, Vanneroux donnera la liste de ses trente-deux abonnés (F. Moureau, Répertoire des nouvelles à la main, Oxford, Voltaire Foundation, 1999, p. 135) (J. S.).

BRUHIER

Auteurs

Numéro

121

Prénom

Jean Jacques

Naissance

1686?

Décès

1756

D'après Brainne, Jean Jacques Bruhier, connu aussi sous le nom de Bruhier d'Ablaincourt, «naquit à Beauvais, en 1686, d'une ancienne et honorable famille de commerçants». Il mourut à Paris le 24 octobre 1756.

2. Formation

Après avoir terminé ses études au collège de sa ville natale, il se rendit à Angers, où il avait un oncle, «dans l'intention d'y étudier la médecine» (Brainne). Selon Dezeimeris, «après avoir reçu le bonnet doctoral dans l'Université d'Angers, il se mit sur les bancs de la Faculté de médecine de Paris et y fut reçu docteur régent». Il semble qu'on puisse le suivre, plutôt que Bayle et Thillaye, d'après lesquels B. «ne prit aucun degré à Paris». Voir Robert Favre, La Mort au siècle des Lumières, P. U. de Lyon, 1978, p. 266 : approbation des thèses de B. dans les Mémoires de Trévoux (juin 1745, p. 975-976 ; oct. 1746, p. 1982) ; p. 208 et 267 : leur utilisation chez Dom Deschamps et Buffon ; p. 267-270 et 366 : discussion de ces thèses dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.

3. Carrière

«Il vint à Paris, en 1715» (Brainne), «exerça l'art de guérir dans la capitale, fut censeur royal» (Dezeimeris) et membre associé libre de l'Académie d'Angers. En mentionnant sa qualité de censeur pour l'«histoire naturelle, la médecine et la chimie», les Almanachs royaux indiquent son adresse : en 1746, «rue de la Parcheminerie» ; en 1755, au «Collège des Trésoriers, près la Sorbonne».

4. Situation de fortune

Il reçoit 250 £ (de Malesherbes?) en 1752 (B.N., f.fr. 22133, f° 129).

5. Opinions

Dans le domaine littéraire, B. est un partisan déterminé de Cartaut de la Villate, qu'il considère comme «un génie du premier ordre» (Caprices d'imagination, p. 8). Loué lui-même par un Académicien de province comme La Sorinière (Mercure de juin 1750, t. 1, p. 96 et 97 ; Journal de Verdun, juin 1750, p. 442), cet admirateur de la marquise de Lambert a été de ceux qui ont le plus fait pour accréditer la notion équivoque de sociabilité : «L'esprit de société» ne serait-il pas «la même chose que l'amitié et la charité» (Caprices, lettre Vl)? Effectivement, il fournit des jugements nuancés sur l'Histoire de l'esprit humain du marquis de Saint-Aubin, comme sur le Recueil de divers écrits, commente avec modération les dernières pièces de Destouches, de Boissy et de Voltaire. En médecine il apparaît comme un disciple de Silva et de Chirac, de Lémery, et de Winslow, mais il a consacré une importante partie de son activité à traduire les «observations» ou «traités» d'Hendrik van Deventer (1733) et de l'allemand Friedrich Hoffmann (1739, 1746, 1747, 1751). Il s'est surtout signalé par son ouvrage «sur l'incertitude des signes de la mort» (Dissertation, C.F. Simon fils, 2 vol., 1742-1745, rééd. en 1749 et 1752, attaquée par Louis, mais traduite en anglais, en suédois et en allemand, et souvent citée, notamment par Rousseau dans la troisième de ses Lettres de la montagne ; cf. Lettre à M.M. Rey, Correspondance, éd. T. Dufour, n° 2144, t. Xl, p. 183) et ses «projets de règlement sur les enterrements et embaumements» (Mémoire de 1745, C.F. Simon fils, Morel jeune, Debure aîné ; Journal de Verdun, 1745, juin, p. 425 ; août, p. 422 ; sept., p. 164 ; avec une Addition de 1746, C.F. Simon fils ; Journal de Verdun, avr. 1748, p. 248-252). «Il s'attaquait à d'anciens préjugés et à la vieille routine, ce qui lui valut l'appui des encyclopédistes et des philosophes» (Brainne). Mais il s'est aussi penché avec intérêt sur la diététique («Examen sur les effets du vin», Journal de Verdun, juil. 1728, p. 25 ; «Dissertation sur l'usage du pain et de l'eau pour les enfants à la mamelle», mars 1728, p. 173-178 ; «Addition de l'auteur, où il confirme ses principes sur la nature du pain et de l'eau», juin 1728, p. 397), et il a manifesté une curiosité particulièrement vive pour la magie et toutes sortes de phénomènes para-psychologiques : «Les effets qu'on attribue aux différentes phases de la lune» (Journal de Verdun, juil. 1727, p. 9-13), «le sabbat et les sorciers» (ibid., août 1729, p. 87), «I'astrologie» (ibid., juil. 1734, p. 401), la «baguette divinatoire», la «pierre philosophale», les philtres d'amour et l'érotomanie, les perversions du «goût», les «sirènes, tritons et autres poissons rares» (Caprices, lettres III, IV, V, VII, XIX).

6. Activités journalistiques

B. a publié en 1740, chez Briasson, un recueil de vingt-trois «lettres» où la critique de l'actualité littéraire alterne avec des réflexions morales et de petites dissertations : Caprices d'imagination, ou Lettres sur différents sujets, d'histoire, de critique, d'histoire naturelle, etc., 514+40 p., in-12. Cet essai, qui a la forme d'un journal sans en avoir la périodicité, avait été approuvé dès le 26 janvier 1738 (privilège du 14 juillet 1739), et il fut réédité à Amsterdam en 1741.

Probablement un peu plus tard, B. «travailla pendant plusieurs années» (Dezeimeris) au Journal des savants dont il fut, d'après la Biographie universelle, «l'un des plus précieux collaborateurs» : de 1742 à 1752 selon J.P. Vittu (DP1 710) ; dans une lettre au médecin Haguenot de Montpellier, du 14 mai 1748, il écrit : «Je compte lire à l'assemblée prochaine du Journal l'extrait de votre excellent mémoire» (Archives hospitalières de Montpellier, B 84, n° 36). Dans une lettre datée du 13 octobre 1752, à Passy, B. demande (à Malesherbes?) le privilège de la «distribution» des exemplaires du Journal des savants : «Vous aviez eu la bonté de me promettre que ce petit avantage me serait conservé, et il me serait bien dû, vu les services que j'ai rendus à l'ouvrage [...]. Quoique j'aie renoncé à la perception de l'honoraire du Journal, je n'en suis pas moins de la Compagnie» (f.fr. 22133, f° 129-130).

Le Journal de Verdun contient de nombreux articles, projets, mémoires ou prospectus rédigés par ses soins. Voici la liste de ceux qui n'ont pas été signalés plus haut : 1732, mai, p. 320 («Nouvelles Observations sur le bain d'eau dans la petit vérole») ; juin, p. 407 ; 1733, oct., p. 242 ; 1734, oct., p. 24 («Réflexions sur une grossesse de quinze ans») ; 1735, févr., p. 93-99 («Examen des principes de M. Le Comte») ; 1739, juil., p. 9 («Dissertation sur l'utilisation des méchaniques»). Dans les premiers temps de cette collaboration, il avait tenu à figurer parmi les lecteurs qui répondaient volontiers aux questions proposées par le rédacteur : «Réponse sur l'amour de la patrie» (août 1728, p. 92-97), «Dissertation en faveur de l'amour des femmes contre celui du vin et du jeu» (oct. 1728, p. 251 ).

8. Bibliographie

B.Un., N.B.G. – Artigny A. d', Nouveaux Mémoires, Paris, 1749, t. II, p. 317. – Dezeimeris J.E., Ollivier (d'Angers) et Raige-Delorme, Dictionnaire historique de la médecine ancienne et moderne, Paris, Béchet jeune, et Bruxelles, 1828, t. I. – Bayle et Thillaye, Biographie médicale par ordre chronologique d'après Daniel Leclerc, Eloy, etc., Paris, Adolphe Delahays, 1855, t. Il, p. 462. – Brainne, Les Hommes illustres du département de l'Oise, 1863, p. 158-160. – Bodet M., Une académie de province au XVIIle siècle, l'Académie Royale des Sciences et Belles-Lettres d'Angers (1er juil. 1686-30 juin 1789), mémoire de maîtrise conservé aux A.D de Maine-et-Loire.

BONAFOUS DE FONTENAY

Auteurs

Numéro

088

Prénom

Louis

Naissance

1736

Décès

1806

Louis Abel Bonafous, dit plus tard l'abbé de Fontenai, naquit près de Castres, à Castelnau de Brassac, le 4 mai 1736. Il était «fils de Monsieur Louis Bonafous, notaire royal de Castelnau, et de demoiselle Marianne Ouradou, mariés». Son parrain fut «le Sieur Louis Bonafous, lieutenant au régiment de la marine, frère du baptisé» ; sa marraine «demoiselle Françoise Fabaries, épouse du sieur Pierre Ouradou de Brassac, présents noble David de Galibern, habitant de Castres, et Jean Pierre Fournials» (Registre paroissial, Mairie de Castelnau de Brassac).

2. Formation

«Il entra de très bonne heure dans la Compagnie de Jésus» (B.N.C.) : en 1753, d'après la B. un., et d'après Mazon, le 1er février de cette année. Il écrivit dans le numéro du 1er janvier 1790 du Journal général de France : «Avec quel plaisir je reviens à la littérature, aux sciences, aux arts. [...] Tous ces objets ont fait ma plus chère occupation et le charme de ma vie, dès ma plus tendre jeunesse».

3. Carrière

Il «professa les humanités» au collège de Tournon (B.N.C., B.un.) et après l'abolition de son ordre s'installa à Paris où «il se livra à la littérature sous le nom de l'abbé de Fontenay» (ibid.). Emigré après le 10 août 1792, il déploya une grande activité à l'étranger ; on peut lire dans une correspondance envoyée d'Amsterdam le 30 mars 1794 et parue dans le Moniteur du 21 avril (2 floréal de l'an II, n° 212) : «Un certain abbé de Fontenay, se disant vicaire général de Chartres et député par le clergé de France, vient de répandre avec profusion dans cette ville une circulaire au nom des cardinaux, archevêques et évêques de l'Eglise anglicane, et il est porteur de patentes certifiées authentiques par quatre ministres protestants [...]. L'objet de sa mission est de quêter des aumônes en faveur de 5000 prêtres français, martyrs de la loi, c'est-à-dire de leur fanatisme aristocratique, et que le cardinal de la Rochefoucault et l'archevêque de Reims assurent être à la veille de périr de besoin, si les charitables Amsterdamois ne viennent promptement à leur secours. Cette lettre contient les éloges des habitants de La Haie et de Rotterdam, qui se sont déjà signalés par leur bienfaisance, et elle les propose pour modèles à leurs concitoyens. On y remarque entre autres mensonges celui-ci : qu'un décret atroce a défendu aux prêtres français, sous peine de mort, de demeurer attachés à leur religion». Il rentra en France «après le 18 brumaire et renonça dès lors à la politique» (B.N.C.).

4. Situation de fortune

En ce qui concerne ses ressources, on ne peut avoir qu'une certitude : il n'était pas titulaire d'une des deux opulentes abbayes du nom de Fontenay, dont les Almanachs royaux indiquent le produit.

5. Opinions

Avant la Révolution, Fontenay manifeste un esprit très ouvert (voir par exemple ses appréciations sur les ouvrages de Rétif de la Bretonne). Au début de 1790 (Journal général, n° 1, p. 2) il déclare qu'il n'est ni «aristocrate» (c'est-à-dire «pour le gouvernement des riches et des puissants»), ni «démocrate» (c'est-à-dire «pour le gouvernement populaire»), mais pour «le gouvernement monarchique», suivant «l'un des articles de la Constitution». Avant tout «Français», il recommandera «la paix, l'union, la concorde», mais on lui ferait injure de «soupçonner qu'il puisse jamais rien écrire contre le peuple». Un peu plus tard, il exalte dans un prospectus «le ton de vérité, de décence et d'impartialité» qui a toujours régné dans son journal, mais il est de plus en plus nettement contre-révolutionnaire et la B.N.C. donne une idée des haines qu'il continua à susciter après sa mort : «Ce fut dans le Journal général qu'il s'occupa plus spécialement à combattre pendant les premières années de la Révolution les principes qui l'avaient amenée ; mais ses écrits en ce genre ne sont qu'un long tissu d'extravagances. On admira pendant quelque temps le talent tout particulier avec lequel il dirigeait, depuis son cabinet, les opérations et les mouvements des armées coalisées contre la France. La journée du 10 août vint leur enlever ce puissant auxiliaire, en le forçant de passer dans les pays étrangers, où il continua à publier des libelles et à intriguer plus que jamais».

6. Activités journalistiques

Succédant à Meusnier de Querlon, l'abbé de Fontenay rédigea de 1779 à 1783 les Annonces, affiches et avis divers (Affiches de province, 5 vol. in-4°), devenues en 1784 Annonces, affiches et avis divers, ou Journal général de France (un vol. in-4°), en absorbant le Journal d'agriculture, commerce, finance et arts par une société de gens de lettres, in-12, qu'il dirigeait depuis 1782 (voir art.e «Ameilhon»). Dès lors, le journal parut trois fois par semaine, les mardi, jeudi et samedi : «Anciennement vous n'aviez de l'esprit qu'une fois la semaine ; encore passe ; depuis six ans vous en avez eu trois fois la semaine ; c'était bien fort...» («Un souscripteur et l'auteur du Journal, Dialogue», Journal général, 1er janv. 1790). En 1785 il reçut le titre de Journal général de France et fut rédigé par Fontenay jusqu'en janvier 1791 (8 vol. in-4°). Celui-ci publia le Journal général du 1er février 1791 au 10 août 1792 (n° 223 du troisième volume), puis de nouveau un Journal général de la littérature, des sciences et des arts, du 20 mai 1801 au 29 juin 1802.

L'abonnement aux Affiches hebdomadaires était de 7 £ 10 sols ; devenues tri-hebdomadaires, elles étaient livrées pour 15 £ à Paris, 16 £ 4 sols en province. A partir de 1787 le Journal général de la France comporta un Supplément consacré à l'agriculture, et confié à M. de Sutieres-Sarcey («chez M. Soufflot, rue et vis-à-vis le cloître S. Honoré», puis, à partir de novembre», «rue de la Sourdiere S. Roch, n° 14»), 3 vol. in-4° entre 1787 et 1790, ainsi que des Observations météorologiques (une feuille supplémentaire de 4 p. sur le mois écoulé). L'abonnement était alors de 18 £ pour Paris, et 19 £ 4 pour la province. A partir du vendredi 1er janvier 1790 le journal devint quotidien, sans que le prix de vente fût sensiblement augmenté : 365 ou 366 numéros de 4 pages in-4° (au lieu de 156 ou 157), pour 30 £ à Paris et 33 en province, différents suppléments étant comptés en sus : «[L'abonnement] des Observations météorologiques publiées à la fin de chaque mois est de 3 livres prises avec le Journal, et de 4 livres 4 sols prises séparément. [Celui] des Affiches de Paris qui paraissent tous les matins est de 30 livres pour Paris et de 37 livres 10 sols pour la province, et celui de la Feuille du marchand, publiée une fois la semaine est de 7 livres 4 sols pour Paris, et 8 livres 4 sols pour la province» (n° 2, p. 8). Un prospectus (B.M. de Grenoble, Presse 2.131) précisait que les souscriptions se prenaient toujours «au Bureau des Affiches, rue Neuve S. Augustin» et que «ces objets ne regard[aient] en aucune manière M. l'abbé de Fontenai et M. de Beaujour». «Le premier n'[avait] conservé que la partie littéraire, toutes les autres parties» étant «rédigées par M. de Beaujour».

7. Publications diverses

Les Antilogies et fragments philosophiques, ou Collection méthodique des morceaux les plus curieux et les plus intéressants sur la religion, la philosophie, les sciences et les arts, extraits de la philosophie moderne, Amsterdam et Paris, Vincent, 1774-1775, 4 vol. in-12 (nouv. éd. : Esprit des livres défendus, ou Antilogies philosophiques, ouvrage dans lequel on a recueilli les morceaux les plus curieux et les plus intéressants sur la religion, la philosophie, les sciences et les arts, extrait des livres philosophiques les plus modernes et les plus connus, Amsterdam, et Paris, chez Nyon aîné et chez Laporte, 1777, 4 vol. in-12). Dictionnaire des artistes, ou Notice historique et raisonnée des architectes, peintres, graveurs, sculpteurs, musiciens, acteurs et danseurs, imprimeurs, horlogers et méchaniciens, ouvrage rédigé par M. l'abbé de Fontenai, Paris, Vincent, 1776, 2 vol. in-8°. Le Voyageur français, ou la Connaissance de l'ancien et du nouveau monde, Paris, L. Cellot, 1781, in-12 (t. XXVII de la collection commencée par l'abbé J. de La Porte et continuée, à partir du t. XXIX par L. Domairon. Le tome XXVIII, rédigé lui aussi par Fontenay, parut chez Moutard en 1787).– L'Ame des Bourbons, ou Tableau historique des princes de l'auguste maison de Bourbon, en France, en Espagne et en Italie, Paris, Vve Duchesne, 1783, 2 vol. in-12 et in-8° (nouv. éd. : L'lllustre Destinée des Bourbons, ou Anecdotes intéressantes des princes de l'auguste maison de Bourbon en France, en Espagne et en Italie depuis l'année 1256 jusqu'à nos jours, Paris, Defer de Maisonneuve, 1790, 4 vol. in-12).– Observations sur le Sallon de 1785 extraites du «Journal général de France», s.l.n.d., in-8° de 34 p.– Galerie du Palais-royal gravée d'après les tableaux des différentes écoles qui la composent, avec un abrégé de la vie des peintres et une description historique de chaque tableau, par M. l'abbé Fontenai [...], par J. Couché, Paris, J. Couché, J. Bouillard, 1786, 3 vol. in-folio, planches gravées. Du rétablissement des jésuites et de l'éducation publique, Emmerick, J.L. Romen, 1800, in-12 de VI-249 p. ; ou in-8° de II-144 p.– Histoire universelle, depuis le commencement du monde jusqu'à présent [...], tome quarante sixième contenant la table des matières des dix-huit derniers volumes, rédigée par M.L.A. de Fontenai, Paris, Delalain, 1802, in-4, 519 p.– De plus, le titre de la Nouvelle édition revue, corrigée et considérablement augmentée par l'auteur, Fontenai, Paris, Delalain fils, an X-1802, 2 vol. in-8° du Dictionnaire de l'élocution française (Paris, Lacombe, 1769), généralement attribué à A. Demandre et parfois à Ambérieux de Galignon ou à D. Thiébault, laisse penser que le Dictionnaire pourrait avoir, au moins en partie, été écrit par lui. – Enfin il a édité en 1803 le Dictionnaire géographique de Vosgien ; en 1805, la Géographie moderne, de Nicolle de Lacroix.

8. Bibliographie

B.N.C., B.Un. ; H.P.L.P., t. II, p. 115-116 et 120. Nayral M., Biographies [...] et chroniques castraises, Castres, 1834, p. 179-187. – Notice d'Albin Mazon, conservée par les Services d'Archives de l'Ardêche. – (M) Hatin, H.P.L.P., t. II, p. 115-116 et 120.

BILLARDON DE SAUVIGNY

Auteurs

Numéro

076

Prénom

Edme

Naissance

1736?

Décès

1812

Edme Louis Billardon de Sauvigny serait né «vers 1730, dans le diocèse d'Auxerre», d'après la B.Un., en 1734, à Paris, d'après B.N.C. Contrairement à ce que disent Tourneux (C.L.), Ravenel (M.S., t. I, p. 71), Brenner et Cior 18, il ne semble pas être né en 1736 à La Rochelle, car son nom ne figure pas dans les tables chronologiques des cinq paroisses de cette ville, conservées à la B.L. Il mourut à Paris en 1812 (le 19 avril, d'après la B.N.C. ; le 19 août, d'après la B.Un.).

3. Carrière

D'après la B.Un., il aurait obtenu à 20 ans une lieutenance dans la cavalerie, et s'étant fait connaître par «quelques pièces de société», il aurait ensuite été admis dans la garde du roi Stanislas. Effectivement, en 1756 il se nomme lui-même «gendarme» (titre d'une de ses premières oeuvres) et en juin 1762 Bachaumont le qualifie d'«ancien garde du corps du roi de Pologne». Serait-ce lui, ou un de ses parents, qui, assumant des fonctions dans la police de la région parisienne, figure, sous le nom de M. de Sauvigny, dans la correspondance de Maurepas (A.N., 01 400-403) entre 1758 et 1762? On ne saurait le dire. Ce qui est sûr, c'est que, chevalier de Saint-Louis avant 1779 (date de la publication de la Lettre à M. de S *** chevalier de Saint Louis par M. l'abbé de S ***), il succéda à Crébillon comme censeur de la police en 1776 (Almanach royal de 1777, p. 454 ; de 1778, etc.). En 1788 il fut exilé à trente lieues de Paris pour avoir approuvé l'Almanach des honnêtes gens de Sylvain Maréchal, et sa place fut supprimée ; mais en 1789 il devint adjudant-général à l'état-major de la cavalerie parisienne. Le 4 novembre 1792, comme «commandant provisoire de la cavalerie nationale à l'Ecole militaire», il écrivit à la Commune pour rendre compte - avec beaucoup de sympathie - de l'attitude de ses hommes qui, après avoir planté un arbre de la Liberté, s'étaient répandus dans les rues de Paris en chantant des «chansons patriotiques [...] où il était question de Marat à la guillotine» : on s'embrassait sur leur passage en criant Vive la Nation! «le patriotisme avait donné à la fête une gaîté franche, mais inconsidérée» (La Gazette nationale, n° 312, 7 nov.). En 1795, il était chef d'état-major de la 6e division de l'armée des Pyrénées occidentales (Discours et Pétition cités dans la rubrique 7). Il prononça le serment des «vétérans militaires» auprès du Conseil des Anciens, comme «chef de bataillon commandant les Compagnies près le Corps législatif» (voir rubrique 7), et, d'après B.Un., «il se fit recevoir au Lycée républicain», où il lut, en 1799, diverses oeuvres restées inédites.

Domiciles connus : vers 1776, «quai des Célestins, chez la baronne d'Andelot» (A.R. de 1777, p. 452) ; vers 1777, «rue de Vaugirard, chez la marquise d'Escars» (A.R. de 1778, p. 454) ; vers 1784, «rue de Bellechasse» (A.R. de 1785, p. 490, 1786, 1787, 1788) ; en 1785, «rue Saint-Guillaume, vis-à-vis l'hôtel Mortemart» (Annonce de souscription aux Essais historiques, dans la Gazette de France du 15 juil. 1785).

4. Situation de fortune

Il fut subventionné en 1792 par le ministère de l'Intérieur, à la suite d'un rapport fait par Lasson-Ladebat, «au nom du Comité de l'extraordinaire des finances», sur la «souscription prise par le roi de [son] ouvrage [...] intitulé Essai sur les moeurs des Français» (La Gazette nationale, n° 58, 27 fév.). Comme le dit Brenner (p. 56, note 1), Louis XVI, auquel Sauvigny avait présenté son travail en 1785 (Gazette de France du 15 juillet), y avait d'ailleurs probablement déjà souscrit, en d'autres temps.

5. Opinions

Vivement hostile aux «philosophes» au tout début de sa carrière, B. resta toujours l'ennemi de Voltaire. En 1763, les Comédiens Français préférèrent au Socrate du «patriarche» sa Mort de Socrate ; B. y évoquait les «persécutions subies par Rousseau après l'Emile» (M.S., 21 juin 1762) et y attaquait Palissot («Aristophane» ; M.S., 23 mars 1763). Cette affaire déclencha une vive controverse (C.L., V, 118-119, 284-286 ; Collé, Journal et mémoires, éd. 1868, II, 304-305 ; M.S., 1777-1789, I, 57, 95-96, 171, 193, 216-217, 279, 300 ; Affiches, annonces et avis divers, 1er juin 1763, p. 88 ; Oeuvres de Voltaire, 1877-1882, XLII, 143, 146, 483, 490, 500-516 ; G. Desnoireterres, La Comédie satirique en France au XVIIIe siècle, 1885, p. 139-140 ; F. Gaiffe, Le Drame en France, 1910, p. 164 ; J.O. Wade, The «Philosophes» in the French drama of the eighteenth century, Princeton, 1926, p. 110, 119-126 ; réf. fournies par Brenner, p. 48). En 1767 une nouvelle querelle s'engagea, sur une question de plagiat entre sa tragédie d'Hirza et Les Scythes (Brenner, ibid.). En revanche, il fut l'ami de Rousseau qui, dans une lettre de 1763, l'appelait «son protégé» (Brenner, ibid.) et qui prit plaisir à lire l'Histoire amoureuse de Pierre Le Long avec quelques-uns de ses amis suisses (F. Berthoud, Jean-Jacques Rousseau au Val de Travers, Paris, 1881, p. 188). Bien que son insouciance à l'égard de la chronologie puisse rendre son témoignage suspect, Mme de Genlis raconte aussi qu'au moment de son retour à Paris, en 1770-1771, J.J. Rousseau qui «paraissait aimer beaucoup M. de Sauvigny» (Mémoires, éd. F. Barrière, p. 96-105) aurait été assez lié avec celui-ci pour consentir de bon coeur à assister avec elle à la première représentation du Persifleur (8 fév. 1771). Après 1765, l'auteur de l'Histoire amoureuse de Pierre Le Long ne s'est pas contenté d'être à l'origine du «genre troubadour», mais s'est fait l'apôtre de la «sensibilité», de la «vie simple «et de la «nature», qu'il invitait à ne «point chercher dans le coeur des gens du monde» (Essai sur les progrès de la langue française), ou dans des cités marquées par «le vice tyrannique et les abus barbares de leurs gouvernements». Il croyait avoir trouvé à Ouessant le modèle d'une communauté où «la cause des vices et des malheurs des hommes, le tien et le mien, le maître et l'esclave [étaient encore] des noms absolument inconnus». Profondément influencé par Morelly, il méditait d'écrire Les Hautponnois, ou les Habitants des Isles flottantes, description sociologique d'un village d'Auvergne, et il alla jusqu'à demander, dans le Mercure de France et l'Année littéraire, aux lecteurs ayant connaissance d'autres établissements communistes de lui faire part de leur information : un lecteur de l'Année littéraire (t. VI, p. 248 et suiv.) lui répondit longuement, tout en lui signalant que le village en question s'appelait Hautpont (Brenner, p. 55). Par ailleurs, la B.Un. nous apprend qu'il dut sa place de censeur royal à la protection de la duchesse de Chartres et qu'il écrivit Le véritable Figaro, opéra comique dont la représentation fut interdite «à cause des personnalités qu'il s'était permises contre Beaumarchais», probablement indigné de ce que celui-ci s'était emparé du nom de Bazile, un des plus charmants héros de ses poèmes en prose. Enfin, il vécut longtemps dans l'intimité de Mme de Genlis : celle-ci attribue sa formation littéraire aux «conversations» et aux «conseils» de S. ; toute jeune mariée (1763), elle trouvait en lui un «guide» et elle lui lut ses premières oeuvres (Mémoires, éd. Barrière, p. 48-51, 54, 68, 77). Elle figure dans la 3e éd. de l'Histoire de Pierre Le Long (1778) sous le nom de marquise de Lisois. Sous la Révolution, B. se rangea parmi les «patriotes». Au début de 1797, il consacra sa tragédie de Scipion l'Africain «à la louange de Bonaparte, nommé généralissime de l'armée d'Angleterre» (B.Un.).

6. Activités journalistiques

B. a été l'un des principaux initiateurs des publications destinées aux femmes. Il a participé à la rédaction du Journal des dames, au moins pendant quelques mois à partir de l'automne de 1764 ; Bachaumont écrivait en effet le 25 novembre : «Le Journal des dames, après avoir passé par quantité de mains différentes avec aussi peu de succès, vient de tomber entre les mains de MM. de Sauvigny et de Saint-Péravi». Puis, après avoir publié quelques pièces dans l'Almanach des Muses (deux en 1782), il fit paraître, tous les dix jours, chez F. Buisson, le Magasin des modes nouvelles, françaises et anglaises, du 20 novembre 1786 au 21 décembre 1789 (Hatin, B.H.C., p. 598). Voir les notices «Maisonneuve» et «Buisson». Ses Essais historiques sur les moeurs des Français parurent par souscription, sous la forme de 75 cahiers, mensuels, du 15 juillet 1785 au 14 juillet 1789 (Brenner, p. 56), mais ne peuvent évidemment pas être considérés comme un journal.

7. Publications diverses

Réflexions en vers sur l'héroïsme, Berlin, 1756, in-8° de 16 p. – Lettres philosophiques, par M. Sauvigny, gendarme, A Bristol, chez les frères rimeurs, 1756, in-12 de 26 p. – L'Une et l'autre, ou la Noblesse commerçante et militaire, avec des réflexions sur le commerce et les moyens de l'encourager, Mahon, Impr. française, aux dépens de W. Blakeney, 1756, in-8° de 134 p. – La France vengée, poème, Paris, 1757, in-8° (d'après la B.Un.). – La Prussiade, poëme nouveau en quatre chants, en vers comi-héroiques, A Cassel, aux dépens de l'auteur, 1758, in-8° de 70 p. – La Religion révélée, poëme en réponse à celui de la Religion naturelle, avec un poëme sur la cabale anti-anciclopédique, au sujet du dessein qu'ont eu les Encyclopédistes de discontinuer leurs travaux, par M. de S*******, A Genève, 1758, in-16, de 64 p. – Le Masque enchanté, farce en un acte et en vers, Genève, 1759, in-8°. – Voyage de Madame et de Mme Victoire, Lunéville, Messuy, s.d. (1761), in-8° de ii-28 p. – Odes anacréontiques par M. de Sauvigny, Paris, Jorry, 1762, in-16 de 44 p. – La Mort de Socrate, tragédie en trois actes et en vers Paris, Prault le jeune, 1763. – Apologues orientaux dédiés à Mgr. Ie Dauphin, Paris, Duchesne, 1764. – Histoire amoureuse de Pierre Le Long et de sa très honorée dame Blanche Bazu, écrite par iceluy, Londres, 1765, in-12 de 142 p. (nouv. éd., «avec la musique de M. Philidor», Londres, 1765 ; précédée d'un Discours sur la langue française, Londres, 1768 ; Paris, Ducauroy, an IV ; Werdet et Lequien fils, 1819 ; et sous le titre de L'Innocence du premier âge en France, Paris, Delalain, 1768, avec un second volume contenant La Rose ou la Fête de Salency et L'lsle d'Ouessant, musique de Monsigny ; nouv. éd. précédée de l'Essai sur les progrès de la langue française, Paris, Prault, 1778. – Hirza, tragédie par M. de Sauvigny (T.F., 27 mai 1767), Paris, veuve Duchesne, 1767 (rééd. Genève, impr. de P. Pellet et fils, 1768). – La Rose, ou la Feste de Salency, avec un supplément sur l'origine de cette feste, Paris, Gauguery, 1770, in-8° de XV1-120 p. – Le Persifleur, comédie en trois actes et en vers par M. de Sauvigny (T.F., 8 fév. 1771), Paris, Delalain, 1771. – Gabrielle d'Estrées, tragédie en cinq actes, (Versailles, 28 janv. 1778), Paris, Robustel, 1778 (rééd. Veuve Duchesne, 1783). – A trompeur trompeur et demi, ou les Torts du sentiment, comédie en un acte mêlé d'ariettes, 1780 (d'après la B.Un.). – Les Après soupés de la société, petit théâtre lyrique et moral sur les aventures de la société, A Sybaris et Paris, L'auteur, 1782-1783, 24 cahiers en 6 vol. in-8°. – Péronne sauvée, opéra en quatre actes (musique de Dezède ; Ac. roy. de mus., 17 mai 1783), Paris, impr. de P. de Lormel, 1783 (rééd. Péronne, 1879). – Essais historiques sur les moeurs des Français, ou Traduction abrégée des chroniques ou autres ouvrages des auteurs contemporains depuis Clovis jusqu'à Saint Louis , 2 vol. in-4°, avec grav. colorées, ou in-8°, Paris, Impr. polytype, chez Clousier, et au Bureau des Essais historiques, rue du Bacq, 1785 (ces deux volumes contenaient la Vie de Grégoire de Tours, par lui-même, et «L'Histoire de France de Grégoire de Tours et sa continuation par Fredegarius» ; en 1787, avec la date de 1786, un 3e vol. parut chez Clousier, sous le titre de Recueil de lettres écrites sous la première race de nos rois par des personnages considérables, rois, reines, grands de l'Etat, papes, évêques, etc. (extraites et traduites du Recueil des historiens de Gaules et de la France de Dom Martin Bouquet, 8 vol. in-f°, 1738-1752) ; ces trois volumes, pourvus de nouvelles feuilles de titre, furent remis en vente en 1792, chez Maillard d'Oriville, avec deux nouveaux tomes, contenant la traduction d'une douzaine de chroniques anciennes, dont la Chronique de Saint Denis, et l'analyse chronologique et comparée de 53 autres chroniques et de 255 vies de Saints). – Abdir, drame en quatre actes (sur la Révolution américaine), 1785 (d'après la B.Un.). – Du théâtre sous les rapports de la nouvelle constitution, discours présenté à l'Assemblée nationale par M. de Sauvigny, Paris, impr. de Cussac, 1790, in-8° de 40 p. – Washington, ou la Liberté du nouveau monde, tragédie en quatre actes par M. de Sauvigny (Th. de la Nation, 13 juil. 1791), Paris, Maillard d'Oriville, 1791. – Adresse lue à la Convention nationale par L.E. Billardon de Sauvigny en lui présentant le corps de la cavalerie nationale, (Paris), impr. de Pougin, s.d., in-8° de 7 p. – Constitutions des rois de France, pour servir de suite aux Essais historiques sur les moeurs des Français par Edme-Louis Billardon-Sauvigny, Paris, Maillard d'Oriville, in-8° de 279 p. – Convention nationale. Adresse prononcée le 26 octobre 1792 [...] par le citoyen Edme Billardon-Sauvigny, au nom du corps de la cavalerie parisienne, (Paris), Impr. nationale, s.d., in-8° de 4 p. – Discours prononcé par le citoyen Billardon-Sauvigny [...] à la Société populaire de Pau, le 18 pluviôse l'an III, Pau, impr. de Daumon et Foumin, s.d., in-8° de 4 p. – Pétition de L.E. Billardon-Sauvigny [...], pour la levée de la suspension de ses deux drames d'Aratus et de M. Pitt, 25 pluviôse an III, s.l.n.d., in-8° de 4 p. – Prestation du serment des vétérans militaires près le Conseil des Anciens. Billardon-Sauvigni [...] à ses frères d'armes, Paris, impr. de la citoyenne Balleu, s.d., in-4° de 4 p. – Recueil d'apologues et de faits historiques mis en vers, et relatifs aux Révolutions française, américaine ..., Paris, Laran, an V-1797, in-8° de VIII-201 p. – Moralités historiques et allégoriques en vers, sur les événements les plus intéressans pour la nation française, Paris, impr. de Prault, an VIII, in-8° de 52 p. – Encyclopédie des dames, ouvrage destiné à l'instruction du beau sexe, Paris, Guyon, Maison et Gervais, 1806, 3 vol. in-12, «avec figures».

D'autre part, B. a publié une traduction en deux volumes des Oeuvres de Sidoine Apollinaire, Paris, 1792, ainsi que Le Parnasse des dames, ou Choix de poésies des femmes de toutes les nations, Paris, Ruault, 1773, 10 vol. in-8° (les cinq premiers volumes contiennent des poèmes, à commencer par ceux de Sapho, publiés séparément en 1781 et 1792 ; les cinq suivants, des pièces de théâtre, dont plusieurs comédies de Mme de Genlis). Il a laissé un bon nombre de textes inédits, telle sa tragédie d'Aratus, ou les fables dont il donna lecture au Lycée.

8. Bibliographie

B.Un., B.N.C. M.S., 21 juin 1762, 27 janv., 23 mars, 25 sept. et 19 nov. 1763, 31 mars 1765 (et notes de l'éd. J. Ravenel, Paris, Brissot–Thivars, A. Sautelet, Mame et Delaunay, 1830).– C.L., 15 mai 1763. – La Gazette nationale ou le Moniteur universel. – Mémoires de Mme de Genlis, éd. F. Barrière, Paris, Firmin Didot frères, fils et Cie, 1857.– Brenner C.D., «A neglected preromantic : Billardon de Sauvigny», Romanic Review, XXIX (1938), p. 48-58. – Moureau F., «Des guerres d’Amériques à la revolution française : le theatre de Billardon de Sauvigny», Revue d’histoire du théâtre, t. XLI , n° 3, 1989.