LA BARRE DE BEAUMARCHAIS

Numéro

429

Prénom

Antoine

Naissance

1698

Décès

1750?

Antoine Emmanuel La Barre de Beaumarchais est, selon Rousset de Missy, le frère utérin de Louis François Joseph de La Barre (voir ce nom) ; né à Cambrai, il aurait été élevé secrètement par une tante (lettre de Rousset à d'Artigny, 19 mai 1750, Nouveaux Mémoires, t. IV, 1751, p. 444-445). On trouve toutefois le nom d'un «Antoine Emmanuel de La Barre» sur les tables des registres de baptêmes de Tournai (Archives de l'Etat, Tournai) ; baptisé le 22 décembre 1698, Antoine Emmanuel aurait été, par la suite, élevé en France, du fait de sa naissance illégitime.

2. Formation

Après avoir fait ses humanités (il «possède bien les poètes grecs et latins» selon B., p. 159-160), il entre à Saint-Victor où il fait profession et devient chanoine régulier (Rousset). En Hollande, il apprend l'anglais, l'espagnol, l'italien (B., p. 159-160) ; le 24 avril 1731, il se fait inscrire à l'Université de Leyde comme étudiant en médecine (Sepp, p. 121-122 ; Van Rooyen, p. 58 ; Glaneur historique, 2 août 1731).

3. Carrière

Selon Bruys, il s'enfuit de Saint-Victor en 1723, se rend à La Haye et défroque. Il entre comme professeur dans le pensionnat de Jean Rousset ; il le quitte en janvier 1724, à l'époque du congrès de Cambrai, et part pour Hambourg à la recherche d'un poste de précepteur ; il échoue, revient chez Rousset en qualité de traducteur et de secrétaire. Il travaille également pour Scheurleer, libraire de la Haye. En 1729, il semble brouillé avec l'un et l'autre et entre au service de Jean Van Duren. Il s'est installé à La Haye, au dessous du marché (adresse signalée fin janvier 1731, Kleerkooper, p. 973) ; Charles Etienne Jordan lui rend visite, en 1733, dans la maison où il loge en compagnie de La Martinière et de Des Roches ; La Martinière informe Desmaizeaux de l'existence d'une «petite communauté littéraire» dont fait partie L. (lettre du 1er avr. 1731, B.L., add. mss. 4285, f° 193-194).

En 1735, L. quitte les Pays-Bas et s'établit à Francfort-sur-le-Main où il se met au service du libraire François Varrentrapp (B., p. 165), associé à de Hondt (p. 222).

4. Situation de fortune

Maître d'école chez Rousset, il gagne cent florins par an (B., p. 160) ; tour à tour traducteur et secrétaire de Rousset et de Scheurleer, puis rédacteur pour le compte de Van Duren qui l'abandonne peu à peu, il est «toujours à la veille de mourir de faim» (lettre de La Martinière à Desmaizeaux, 23 janv. 1733, add. mss. 4285, f° 191). Son séjour en Allemagne ne le sauve pas de la misère : «Beaumarchais est toujours en Allemagne et demande à revenir. Il y est encore plus mal qu'il n'était ici» (lettre de La Martinière à Desmaizeaux, 6 mai 1739, add. mss. 4285, f° 204).

5. Opinions

L. se brouille avec Rousset en 1729 ; il prend la défense de l'Etat présent de la République des Provinces Unies de Janiçon (Liège, 1729), critiqué par Rousset (B., p. 167). Rousset attaque vivement Van Duren dans sa Gazette des savants (1729-1730) ; Van Duren engage L. qui réplique, trait pour trait, dans les Lettres sérieuses et badines (L.S.B.) (B., p. 156-157 et 160) ; L. devient le porte-parole de la «cabale» catholique.

Dans l'affaire Saurin, L. prend parti pour Saurin et publie dans les L.S.B. un extrait de la Dissertation sur le mensonge officieux (t. II, 1re partie, p. 21). A la suite de cet article, Van Duren est condamné à une amende de 200 £ et aux frais de procédure ; les exemplaires du t. II des L.S.B. sont supprimés (Kleerkoper, p. 985-986). F. Bruys, malgré une certaine estime pour les qualités de L., ne lui pardonne pas d'avoir critiqué l'Histoire des papes et se venge en réfutant les Lettres sur la Hollande. Dans la Critique désintéressée, il attaque violemment les L.S.B., et accuse L. de s'être vendu à Van Duren (t. III, p. 67).

6. Activités journalistiques

Lettres sérieuses et badines «sur un livre intitulé Etat présent de la République des Provinces Unies par M.F.M. Janiçon et sur d'autres ouvrages», à La Haye, chez Jean Van Duren, 1729-1733, 8 vol. in-12 (D.P.1 834). Réimprimé en 1740 sous le titre : Lettres sérieuses et badines sur les ouvrages des savants, «seconde édition revue et corrigée par Monsieur de Camuzat» (t. I et II, datés de 1740). L. est le principal auteur du journal pour les tomes I-IV et VI (2e part.)-VIII ; la signature «E.l.R.O.N.», qu'il a adoptée et qui paraît à la fin des nouvelles littéraires, disparaît des tomes IV (2e part.), V et VI ; le changement d'auteur en cours du tome IV est commenté un peu plus tard par un lecteur (t V., 2e part., nouv. litt., p. 469 et suiv.) ; une lettre publiée dans le t. V est signée «M.A.E. De L.B. de B.» et adressée au rédacteur (ibid., p. 304). L'éclipse de L. paraît imputable au procès Saurin, à la fin de 1730. Il abandonne une nouvelle fois le journal en 1733 ; la 2e partie ne paraît qu'en 1740. Les tomes IX-XI, publiés souvent sous la même couverture, sont consacrés aux Amusements littéraires et le tome XII aux Lettres sur la Hollande (voir D.P.1 834).

Journal littéraire, La Haye, J. Swart et J. Van Duren, 1733-1735,t. XX-XXII (D.P.1 759). Selon La Martinière, les Lettres sérieuses et badines ont été «égorgées» par le Journal littéraire, acheté par Van Duren : «Voyant qu'il pouvait débiter deux journaux, il a chargé M. de B de tous les deux et le petit homme, écrasé d'ailleurs par d'autres travaux, ne pouvant fournir à cette besogne, s'en est débarrassé peu à peu» (lettre à Desmaizeaux, 13 juil. 1734, B.L.,add. mss. 4285). La Martinière signale la fin de l'entreprise le 28 décembre 1734 : «Le Journal littéraire, est depuis quelque temps sur le côté. Mr. de Beaumarchais qui par accablement de travail ne pouvait suffire à tout en a laissé la plus grande partie à un homme de lettres nommé Mr. de La Hode» (à Desmaizeaux, add. mss. 4285, f° 202). Le tome XXIII paraît en effet avec retard (1734-1735). Dans le tome XX, 1re partie, on trouve une lettre de L. en réponse à la Bibliothèque française au sujet de sa traduction d'Ovide (15 fév. 1733, p. 56).

L'Avant-Coureur, Francfort, F. Varrentrapp, 1735 (B., p. 165 ; Haag, t. VI, p. 159-160 ; D.P.1 128).

Amusements littéraires ou Correspondance politique, historique, philosophique, critique et galante, publiée à Francfort chez Varrentrapp en 1738 et 1739, 3 vol. (dernier vol. le 25 juin 1739, repris par Van Duren en 1740 comme tomes IX-XI des L.S.B. ; D.P.1 100).

Il est possible que L. ait repris occasionnellement la direction du Journal littéraire en 1736 ; voir la lettre qu'il adresse à la Bibliothèque française, t. XXV, 1737, p. 132-138 (H. Mattauch, Die Litterarische Kritik der frühen französische Zeitschriften (1665-1775), U. Göttingen, 1968, p. 303).

7. Publications diverses

En collaboration avec Rousset : traduction de Suétone (B., p. 160), et notes sur les Métamorphoses d'Ovide, traduction de Du Ryer, La Haye, 1728, in-folio et 4 vol. in-12 (ibid. ; Haag, p. 150). – Aventures de Don Antonio Buffalis. Histoire italienne, La Haye, 1712, 1722, 1724 (Haag, Jones, A list of French prose fiction from 1700 to 1750, New York, 1939, p. 21). – La Monarchie des Hébreux, trad. de l'espagnol de Bacallar y Sanna, La Haye, 1727, 4 vol. in-12 (B). – Le Héros chrétien, trad. de Steele, La Haye, 1729, in-l2. – Traité des vertus payennes, La Haye, 1729. – Ed. de : Le Temple des Muses, de l'abbé de Marolles, Amsterdam, 1733, in-folio ; L. est l'auteur des explications historiques (Haag). – Ed. de l'Histoire des sept sages de la Grèce de M. de Larrey,«avec des remarques historiques et critiques par M. de la B. de B.» La Haye, 1734, 2 vol. in-8. – La Retraite de la marquise de Gozanne, contenant «diverses histoires galantes et véritables», Paris, Ganeau, 1734, 2 vol.in-12, 1735 (Jones, p. 52). – Le Hollandais «ou Lettres sur la Hollande ancienne et moderne», Francfort, Varrentrapp, 1737-1738, un vol. in-12, parfois publié comme tome IX ou XII des Lettres sérieuses et badines. – Ed. de l'Histoire abrégée de la maison palatine, de Schannat,«où on a joint l'éloge historique de l'auteur par M. de La B. de B.», Francfort, 1740, in-8°. – Ed. de l'Histoire de la fondation de Rome, «augmentée de remarques», Rouen (Amsterdam), 1740, 4 vol. in 12°. – L. a également travaillé à la continuation de l'Histoire d'Angleterre de Rapin-Thoiras, à l'Histoire de Louis XIV parue sous le nom de La Martinière, et aux Anecdotes historiques de La Hode (lettre de Rousset de Missy, Nouveaux Mémoires, p. 446 ; lettre de La Martinière à Desmaizeaux, 28 déc. 1734, add. mss. 4285, f° 203) : voir la notice de «La Motte, Yves-Joseph de».

8. Bibliographie

(B) Bruys F., Mémoires historiques, critiques et littéraires, Paris, Hérissant, 1751. – Sepp C., Het staatstoe zicht op de godsdienstige letterkunde in de noordelijke Nederlanden, Leiden, Brill, 1891. – Servaas Van Rooyen A.J., Verboden boeken, geschriften, couranten, enz., La Haye, Vereniging « Die Haghe », 1896, 2e part., p. 56-54. – Kleekooper M. et Van Stockum W.P., De Boekhandel te Amsterdam, La Haye, Nijhoff, 1914, 1916.

JOUBERT

Auteurs

Numéro

421

Prénom

François

Naissance

1689

Décès

1763

Né à Montpellier le 12 octobre 1689 et mort le 29 décembre 1763 selon la F.L. de 1769 (t. Il, p. 63), François Joubert ne nous est guère connu que par ses écrits. Il était, selon Feller-Weiss, fils du syndic des Etats du Languedoc et aurait succédé à son père avant d'entrer dans le sacerdoce. Il était frère de Jean Baptiste Joubert de Beaupré (1701-1791).

2. Formation

Prêtre de Montpellier, ordonné en 1728 (N.E., 4 déc. 1730), il se fit connaître par sa résistance à la Constitution Unigenitus.

3. Carrière

Il est arrêté et conduit à la Bastille le 14 novembre 1730 ; une note de Phelypeaux datée du 13 novembre dit de lui : «Le Sr Abbé Joubert François prêtre du diocèse de Montpellier accusé d'avoir avec d'autres personnes non arrêtées, des imprimeries cachées et un dépôt de livres manuscrits prohibés, dans différentes maisons de Paris» (Ars., ms. 11101). On trouve dans ses papiers «un état présent du jansénisme qui est fort instructif» (ibid.). Ce texte ne figure malheureusement pas dans le dossier. Il était, selon les N.E. du 4 décembre 1730, estimé et connu «par les solides explications qu'il faisait de l'Ecriture Ste à Saint-Etienne du Mont, et qu'il avait été obligé d'interrompre l'été dernier par une grande maladie, dont il n'est point encore parfaitement rétabli [...]. Les Nouvelles à la main ont dit qu'on avait arrêté M. Joubert comme auteur ou réviseur de nos Nouv.». Son domestique, Laurent, «gagé par les Jansénistes pour leur donner avis de tout ce qui se passoit», est arrêté et mis à la Bastille le 28 septembre 1730 (Ars., ms. 11094, f° 40). Joubert sort de prison le 21 décembre et reçoit une lettre de cachet qui l'exile à Montpellier (Ars., ms. 11101 ; N.E., 25 janvier 1731).

5. Opinions

Joubert fait partie du courant prophétique qui se répand dans les cercles convulsionnaires, particulièrement à partir de 1734. Commentateur de l'Apocalypse et millénariste, il semble avoir été proche de P. Vaillant. On notera qu'il prêchait, comme E.M. Boucher, qui fut arrêté à la même époque et pour les mêmes raisons, dans la paroisse de Saint-Etienne du Mont, très favorable aux convulsionnaires de Saint-Médard.

6. Activités journalistiques

Les soupçons, généralement bien fondés, du Lieutenant de Police Hérault ainsi que le caractère des écrits de Joubert rendaient plausible sa collaboration aux N.E. La perquisition du 13 novembre 1730 permet de saisir dans ses papiers un «Etat présent du Jansénisme» qui contenait, paraît-il, une histoire des N.E. (ms. 11094, f° 40). On trouve dans le même dossier cette note décisive : «L'abbé Joubert dans son interrogatoire avoue avoir travaillé aux nouvelles ecclésiastiques». Cette collaboration fut sans doute limitée et brève (vers 1728-1730). Dans la lettre de dénonciation de Pierre Vaillant (voir ce nom), il apparaît au 12e rang des auteurs qui fournissent des mémoires aux N.E.

7. Publications diverses

D'après la F.L., Joubert a publié : Parallèle de l'histoire du peuple d'lsraël avec l'histoire de l'Eglise (1723). – De la connaissance des temps par rapport à la Religion (1727). – Explication de l'Histoire de Joseph (1728).– Observations gén érales sur Joël (1733).– Eclaircissements sur le Discours de Job. – Dissertation sur les effets physiques dont parlent les défenseurs des convulsions (1739).– Suite de la Dissertation sur les effets physiques (1741).–Traité du caractère essentiel à tous les prophètes (1741).– Lettre sur l'interprétation des Saintes Ecritures (1744).– Concordance et explication des prophéties de Jérémie (1749).– Commentaire sur les douze petits prophètes (Avignon, Girard, 5 vol., 1754-1759).– Lettre au R.P. de S.G[enis] sur les indulgences (1759).– Réflexions sur l'histoire des Macchabées (1760).– Commentaire sur l'Apocalypse (1762).

8. Bibliographie

F.L. 1769, Feller-Weiss.– (N.E.) Nouvelles ecclésiastiques, 1730-1731. – Ars., ms. 11101 et 11094.

IMBERT

Auteurs

Numéro

406

Prénom

Barthélemy

Naissance

1747

Décès

1790

Barthélemy Imbert est né à Nîmes le 16 mars 1747 ; il était fils d'un fabricant de bas (D.B.F., d'après Nicolas) ; il est mort le 23 août 1790 à Paris. Selon les Mémoires secrets, il avait été marié à Nîmes ; établi à Paris, il se serait marié une seconde fois ; le scandale de sa bigamie aurait éclaté peu après sa nomination comme directeur au Mercure (vers 1786), sa première femme étant venue le chercher à Paris.

2. Formation

Venu de bonne heure à Paris, il se fait connaître en 1770 par un dialogue comique «dédié à Piron», «platitude à jeter au feu» d'après la C.L. (t. 8, p. 476, mars 1770). Il rencontre un véritable succès deux ans plus tard avec Le Jugement de Pâris, et les M.S. le donnent alors pour «un jeune homme qui promet beaucoup» (8 sept. 1772).

3. Carrière

Ses premiers succès sont de courte durée. En janvier 1775, il est emprisonné au For-l'Evêque pour trois mois en raison des couplets du Château des rois, qui parurent une insulte à la mémoire de Louis XV : «Il est des sages de vingt ans, y écrivait I., et des étourdis de soixante». L'actrice, Mlle Luzzi, fut enfermée quelques heures et le censeur C. Crébillon suspendu huit jours : il avait pu prouver que l'auteur «n'avait tenu aucun compte de ses radiations» (M.S., 17 janvier 1775). I. est libéré le 30 janvier. Nouvelle et plus grave incartade en février 1777 : «Un jeune poète qui promettoit beaucoup, par une suite de cette inconduite trop commune chez les gens de lettres, vient d'être obligé de quitter ce pays-ci, & de se retirer chez l'étranger. C'est monsieur Imbert. On le dit à Liège. On évalue sa banqueroute à 40 000 liv.» (M.S., 9 fév. 1777). Sa réputation est dès lors très obérée et les comptes rendus de ses oeuvres s'en ressentent. Malgré de nombreuses publications et sa participation à plusieurs journaux, il mourut en 1790 dans un état «voisin de la misère» (B.Un.).

4. Situation de fortune

Comme rédacteur de la partie «spectacles» et directeur-adjoint du Mercure, I. recevait en 1789 un salaire de 3000 £ (Tucoo-Chala, p. 158).

6. Activités journalistiques

I. fut rédacteur du Mercure de Panckoucke (1778-1791) pour la partie théâtre et musique, puis directeur-adjoint de Panckoucke à une époque qui doit se situer autour de 1786 : d'après les M.S. du 26 août 1786, qui donnent l'événement comme récent, c'est au moment où I. est devenu «le bras droit de M. Panckoucke» qu'éclate le scandale de sa bigamie. Toutefois, il devait déjà collaborer depuis assez longtemps au Mercure, auquel il a fourni de nombreux contes moraux de 1778 à 1786 ; on en trouvera la liste dans Cio 18. Dans le contrat de renouvellement du Mercure en 1789, Marmontel, La Harpe et Chamfort «sont chargés de le composer et rédiger conjointement avec M. Imbert ancien éditeur de ce journal» (Tucoo-Chala, p. 464).

A partir de 1779 environ, I. a donné plusieurs réductions de romans à la Bibliothèque universelle des romans (v. l'index d'Angus Martin dans La Bibliothèque universelle des romans. 1775-1789. Présentation, table analytique et index, S.V.E.C. 231, p. 367).

Il a collaboré aux Annales poétiques de Sautreau de Marsy (D.P.1 113), dont il aurait été le co-éditeur (N.B.G., D.B.F.) et à l'Almanach des Muses (D.P.1 80).

7. Publications diverses

Liste des oeuvres d'I. dans Cio 18, n° 34343-34383.

8. Bibliographie

N.B.G. ; B.Un. ; D.B.F. ; Q ; Cio 18 –Tucoo-Chala – Nicolas M., Histoire littéraire de la ville de Nîmes, 1854, t. II, p. 365 et suiv.

HONGNANT

Auteurs

Numéro

399

Prénom

Claude

Naissance

1671

Décès

1745

Claude René Hongnant est né à Paris le 14 novembre 1671 et mort à Paris le 15 mars 1745 (Somm.).

2. Formation

Il entre dans la Compagnie des Jésuites et fait profession le 7 septembre 1687. Il est successivement professeur de philosophie et de théologie à Louis-le-Grand ; vers 1700, il a pour élève François Xavier de Charlevoix («Anecdotes des Mémoires de Trévoux», p. 198).

3. Carrière

Il semble avoir fait toute sa carrière au collège Louis-le-Grand. Il y est «scriptor» en 1721-1722 et en 1728-1729 (G. Dupont-Ferrier, Du collège de Clermont au lycée Louis-le-Grand, Paris, de Boccard, t. 3, p. 36, 234) et y sera, jusqu'à sa mort, préfet des études.

5. Opinions

Il fut certainement, au temps où il dirigeait l'agence des Mémoires de Trévoux, l'un des adversaires les plus résolus des jansénistes. Un dossier de l'Arsenal (ms. 11219, dossier De Liège) contient une douzaine de lettres de Hongnant au Lieutenant général de police, relatives à une filature des imprimeurs des Nouvelles ecclésiastiques ; ces imprimeurs sont tous en relation avec Mme Théodon, libraire janséniste installée «au Pot au lait» à Paris. H. demande qu'on cerne l'établissement pour une «capture considérable» (f° 238-239), il fournit lui-même ses propres informations sur un prêtre de Saint-Hilaire qui «porte les Gazettes ecclésiastiques» : «il va les prendre à l'Imprimerie même lorsqu'elles ne lui viennent pas de bonne heure. En le suivant, on trouverait l'Imprimerie». Il dénonce les complices de Mme Théodon ; un piège est tendu, le Pot-au-lait est perquisitionné le 15 avril 1733 ; on y trouve des brochures et deux cahiers des Nouvelles ecclésiastiques «avec des notes de la main de Dupin» ; les complices sont interrogés en présence de H. ; trois lettres du 21 avril 1733 montrent qu'il a participé de près à l'enquête : il a surpris une conversation entre la veuve Théodon et Dupin, «qui marquait qu'ils connaissent parfaitement l'Imprimerie des Nouvelles ecclésiastiques. Le nom de la rue où est cette Imprimerie pensa échapper à Elie, il se retint fort malapropos» (f° 323). L'enquête ne mena à rien. Comme le remarque le cardinal Fleury dans une lettre du 23 avril 1733 adressée au Lieutenant général de police : «il y a quelque chose de surnaturel dans l'obstination invincible de toutes ces sortes de gens jusques même à ceux de la lie du peuple dont on ne peut pas tirer le moindre aveu ni le plus léger éclaircissement» (f° 328 v).

6. Activités journalistiques

En 1724, il entre à la rédaction des Mémoires de Trévoux (J.M. Faux, p. 149 ; J. Sgard, «Chronologie des Mémoires de Trévoux», p. 190). Moreri affirme qu'il en fut le directeur. Le P. Castel précise qu'après la destitution du P. Thoubaud, Hongnant fut placé à la tête de l'agence des M.T., alors sous l'influence du P. Tournemine («Anecdotes des Mémoires de Trévoux», p. 197). Son agence aurait été «fort orageuse», du fait des intrigues du P. Charlevoix (ibid., p. 197) ; il est à son tour destitué en décembre 1733 ; toujours selon Castel, dont la partialité est évidente, Hongnant aurait beaucoup souffert de l'hostilité de Charlevoix, qui ne lui pardonnait pas de retoucher ses extraits : «On a vu le R.P.H. répandre des larmes à son âge, de la manière dure, impérieuse, importune, dont le traitait le P. Charlevoix, qui avait été pourtant son écolier, disait alors le P. Hongnant pour toute défense» («Anecdotes des Mémoires de Trévoux», p. 198). Un correspondant parisien de Thomas Carte s'adresse au P. Hongnant dans une lettre du 22 février 1726 (Bodleian Library, fonds Carte 101, f° 463) : le P. «Hogniand» est dit «librarian of the Jesuits who publishes the Memoirs of Trevoux» ; H. propose à ce correspondant de rédiger une réplique au P. Hardouin sur le sujet des ordinations anglicanes et s'engage à la publier dans les Mémoires de Trévoux. En 1733, on trouve dans une édition des Satyres de Régnier due à Lenglet Dufresnoy le trait suivant : les «journalistes de Trévoux, dont l'ignorance va de pair avec la témérité. Surtout leur P. Hongnan, qui en est comme le chef, est encore plus ignorant que les autres» (édition de Londres, 1733, p. 182 ; sur les raisons de Lenglet et ses démêlés avec les Jésuites, voir G. Sheridan, Nicolas Lenglet Dufresnoy and the literary underworld of the ancien régime, S.V.E.C., 1989, p. 101-102). Le P. Hongnant fait encore partie de la nouvelle équipe de 1734 (lettre de Dugas à Bottu du 24 janv. 1734, Bibliothèque des Jésuites de Fourvière, corr. Bottu-Dugas, f° 375 ; renseignement fourni par F. Weil).

7. Publications diverses

Le P. Hongnant fut essentiellement un théologien et un controversiste. On trouvera la liste de ses oeuvres dans Sommervogel (t. 4, col. 453-455), dans la Table générale du Journal des savants et dans le Dictionnaire de théologie catholique.

8. Bibliographie

Moreri, F.L.1769 ; Sommervogel ; D.C.T. ; D.L.F. – Ars., ms. 11219, affaire De Liège. – Faux J.M., «La fondation et les premiers rédacteurs des Mémoires de Trévoux (1701-1739) d'après quelques documents inédits», Archives historiques de la Société de Jésus, t. 23, 1954, p. 149-150. – Sgard J., «Chronologie des Mémoires de Trévoux», dans Dix-Huitième siècle, n° 8, 1976, p. 189-192. – Sgard J. et Weil F., «Les anecdotes inédites des Mémoires de Trévoux (1720-1744)», ibid., p. 193-204.

HARDOUIN

Numéro

388

Prénom

Jean

Naissance

1646

Décès

1729

Jean Hardouin est né à Quimper le 23 décembre 1646 (S) ; selon Goujet (Supplément de 1735 au Dictionnaire de Moreri), il serait né à Quimpercorentin et serait fils d'un libraire normand «qui s'occupait à Quimper d'une espèce de librairie, surtout de catéchisme & de papier». Il est mort à Paris le 3 septembre 1729 (S).

2. Formation

Remarqué par les Jésuites de Quimper, il entre au noviciat à l'âge de «quinze ans», le 25 septembre 1660 (S) ; il prononce ses voeux le 27 septembre 1666 et poursuit pendant cinq ans ses humanités et sa rhétorique à Arras, puis à Evreux (VM). Appelé à Paris en 1674 pour sa formation en théologie, il est déchargé d'emplois ordinaires et adjoint au bibliothécaire du collège Louis-le-Grand, le R.P. Garnier, qui l'initie à la bibliographie ; après avoir accompli à Rouen sa 3e année de probation, il est nommé bibliothécaire à Louis-le-Grand, puis professeur de théologie positive, fonction qu'il exerce de 1683 à 1718 (VM).

3. Carrière

Malgré le caractère peu orthodoxe de ses publications et les scandales qu'elles ont suscités, le P. Hardouin poursuit dans la Compagnie de Jésus une carrière très régulière. Ses supérieurs font supprimer à plusieurs reprises des éditions de ses oeuvres et l'obligent à se rétracter publiquement en 1708, mais il reste chargé de la partie numismatique et histoire ancienne dans les Mémoires de Trévoux ; il travaille de 1695 à 1722 à l'édition officielle des conciles, qui paraît en 1715 ; lorsque les censeurs le condamnent le 7 septembre 1722, les Jésuites font casser l'arrêt en Conseil d'Etat le 25 avril 1725 (VM). C'est encore à lui qu'on a recours en 1724 pour réfuter la dissertation du P. Le Courayer sur la validité des ordinations anglicanes en 1724. Considéré comme un érudit hors pair, il reste jusqu'à la fin de sa vie professeur de théologie et réside à la maison professe. C'est seulement après sa mort que les Jésuites prendront des distances avec le «monstrueux système» (Mémoires de Trévoux, janv. 1734, p. 76-111 ; fév. 1734, p. 306-336).

4. Situation de fortune

Bibliothécaire et professeur de théologie à Louis-le-Grand, le P. Hardouin a passé sa vie au service de la Compagnie de Jésus. En 1695, il reçut une pension pour se consacrer à l'édition des conciles.

5. Opinions

Les controverses soulevées par le «système» du P. Hardouin ont duré plus de cinquante ans ; elles ont été résumées par l'abbé Irailh dans ses Querelles littéraires (Paris, Durand, 1761, 4 vol., t. III, p. 19-40). Dès avant ses études de théologie, il avait mis en chantier son commentaire de Pline, Caii Plinii Secundi Naturalis Historiæ Libri XXXVII, qui suscite, lors de sa publication en 1685, de vives controverses. L'édition de S. Joannis epistola ad Cæsarium monachum (1689) lui vaut une querelle avec Jean Leclerc (Bibliothèque universelle, t. XV et XIX). C'est dans la Défense de la lettre de Saint Chrysostome à Césaire (1690) qu'il met en doute pour la première fois l'authenticité des oeuvres de Liberatus, Cassiodore et des docteurs «prétendus Africains, Italiens, Espagnols» (p. 79). Dans ses Chronologiæ restitutae [...] de nummis Herodiadum (1693), il va plus loin et formule l'hypothèse d'une «assemblée de gens», sans doute des moines bénédictins du XIIIe siècle, qui auraient reconstitué de toutes pièces le corpus des historiens anciens pour donner autorité au dogme de la prédestination. La Chronologia Veteris Testamenti (1697), qui prétend se fonder uniquement sur des faits avérés (datations astronomiques, inscriptions) à l'exclusion de la plupart des écrivains grecs et latins, suscite de nombreuses réfutations, dont celles de La Croze (Dissertations historiques, Vindicia veterum scriptorum), de Leclerc (Bibliothèque choisie, t. XVI, p. 412 et suiv.), de Tournemine (Douze impossibilités du système du P. Hardouin, 1701). Quand en 1708, Hardouin entreprend, avec l'aide de son ami Ballonfeaux, de rééditer ses Chronologiae ex antiquis nummis restitutae, la Société de Jésus prend les devants et condamne officiellement la thèse de la «supposition» des écrivains anciens ; le P. Hardouin contresigne la Déclaration le 27 septembre 1708 et désavoue l'hypothèse d'«une faction impie, laquelle aurait fabriqué depuis quelques siècles, la plupart des Ouvrages Ecclésiastiques ou Profanes» (C). Un texte publié par Saint-Hyacinthe dans ses Mémoires littéraires en 1716, «L'athéisme découvert par le P. Hardouin jésuite» montre qu'à cette époque il avait pourtant complété son «système» : tous les textes anciens qui développent le thème de la fatalité des passions, de la soumission à la Nature ou à un Etre impersonnel soumis aux lois, sont pour lui des faux. Les oeuvres de Saint Augustin ont été fabriquées par des moines augustiniens ou des bénédictins jansénistes, complices des philosophes qui nient le libre-arbitre, entre autres Pascal, Nicole, Descartes et Malebranche. Cet athéisme caché, Hardouin ne s'est pas lassé de le pourfendre. En septembre 1697, on le voit dénoncer en Cour de Rome les oeuvres de Fénelon, suspectes d'un même consentement à la fatalité et vouées à un Dieu impersonnel. «Ens abstractum, metaphysicum et illimitatum» (cf. H. Hillenaar, Fénelon et les Jésuites, La Haye, Nijhoff, 1967, p. 121-122 et 357-358). Il a toutefois gardé secrets ses Athei detecti, qui ne parurent qu'après sa mort, dans les Opera varia (Amst., Du Sauzet et La Haye, De Hondt, 1733), publiées par les soins de l'abbé d'Olivet. En 1716, il participe à la querelle des Anciens et des Modernes par une Apologie d'Homère, Homère étant le seul écrivain grec qu'il présume authentique. Mme Dacier lui a répondu par un Homère défendu contre l'Apologie du P. Hardouin (cf. N. Hepp, Homère en France au XVIIe siècle, Klincksieck, 1968, p. 696-697).

6. Activités journalistiques

L'oeuvre du P. Hardouin est considérable ; elle ne compte pas moins de 107 articles dans la Bibliothèque de la Compagnie de Jésus de Sommervogel, à laquelle nous renvoyons. Dans cette liste, on compte une vingtaine d'ouvrages imprimés ; le reste de l'oeuvre consiste en lettres et dissertations savantes adressées à toutes les «bibliothèques» érudites, mais surtout au Journal des savants et aux Mémoires de Trévoux. Expert reconnu en numismatique, en histoire ancienne et en théologie positive, Hardouin fut utilisé par les Jésuites comme savant, mais aussi comme polémiste chargé de répliquer aux jansénistes et aux protestants. Son oeuvre journalistique, qui commence avec l'extrait d'une «Lettre touchant les monnaies d'or des Romains» (Journal des savants, 10 mars 1681) se clôt sur un dernier article publié en 1729 dans les Mémoires de Trévoux : «Le fondement de la chronologie de M. Newton [] sappé par le P.H.J.». Souvent suspect à ses supérieurs en raison de ses imprudences et de sa fougue de chercheur, le P. Hardouin fut certainement reconnu par eux comme un journaliste remarquable.

7. Publications diverses

On trouvera dans la Bibliothèque de la Compagnie de Jésus de Sommervogel une bibliographie très complète des oeuvres du P. Hardouin (t. IV). L'article «Hardouin» du Nouveau Dictionnaire historique de Chauffepié donne en outre une liste des articles suscités par les oeuvres du R.P., notamment Caii Plinii Secundi Historiæ Libri XXXVII (1685), S. Joannis epistola ad Cæsarium monachum (1689), Chronologiæ ex nummis antiquis restitutæ (1693) et Chronologia Veteris Testament (1697).

8. Bibliographie

Moreri (Supplément de Goujet, 1735). – (C) Chauffepié. – N.B.G. – B.Un. – (S) Sommervogel. – D.J., notice de K. Hardesty. – (VM) Vacant et Mangenot, Dictionnaire de théologie catholique. – «L'athéisme découvert par le R. Père Hardouin Jésuite, dans les Ecrits de tous les Pères de l'Eglise, & des Philosophes modernes», dans les Mémoires littéraires de Saint-Hyacinthe, La Haye, 1716, p. 71-88. – Dupin, Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, t. XIV, p. 109 et suiv. – Irailh, Querelles littéraires, Paris, Durand, 1761, 4 vol., t. III, p. 19-40. – Chadwick O., From Bossuet to Newman, the idea of doctrinal development, Cambridge, 1957, p. 49-58. – Sgard J., «Et si les Anciens étaient modernes le système du P. Hardouin», dans D'un siècle à l'autre. Anciens et Modernes, Marseille CMR 17, 1987, p. 209-220.

GUYOT DESFONTAINES

Auteurs

Numéro

383

Prénom

Pierre

Naissance

1685

Décès

1745

Pierre François Guyot Desfontaines est né à Rouen le 22 juin 1685 de Robert Guyot, seigneur des Fontaines et de Marie-Catherine Petit (Thelma Morris, L'Abbé Desfontaines et son rôle dans la littérature du temps, S.V.E.C. 19, p. 21-23). Son père était conseiller au Parlement de Normandie ; il était le frère de Toussaint Guyot Desfontaines, qui fut conseiller à la Cour des Comptes et des Finances. Il a publié sous divers pseudonymes : Philocrenes, abbé de Crénai, Burlon de La Busbaquerie. Il est mort à Paris, le 16 décembre 1745 (T.M., p. 84 ; Le Contrôleur du Parnasse, t.

3. Carrière

En 1724, l'abbé Bignon lui confie le Journal des Savants ; mais la même année, il est arrêté pour libertinage, puis remis en liberté (T.M., p. 38 ; Ars., ms. 10821) ; arrêté de nouveau en 1725, il est relâché grâce à l'intervention de Voltaire (T.M., p. 40 ; Arch. de la Préfecture de Police, Registre des ordres du roi, II, 187). En avril 1727, il est exclu du Journal des savants sur ordre du Garde des Sceaux à la suite d'un extrait du père Le Courayer (lettre de de Vèze du 22 avr. 1727, B.P.U. Genève, fonds Seigneux II, n° 40 ; lettre de Desmolets du 12 mai 1727, archives de l'Oratoire, Montsoult, dossier Bonnardet). Il songe alors à gagner l'Angleterre (lettre à Carte du 22 oct. 1728) mais se consacre définitivement au journalisme.

En janvier 1736, il est décrété de prise de corps pour avoir attaqué l'Académie française, et perd le bénéfice de sa cure de Thorigny (T.M., p. 31 ; Nouvelles ecclésiastiques de 1736, p. 80) ; la Princesse de Conti le reçoit à L'lsle-Adam (lettre d'Olivet à Bouhier, du 27 févr. 1736, Correspondance littéraire du président Bouhier, éd. H. Duranton, n°4, p. 212).

En septembre 1743, il est menacé d'incarcération à Bicêtre et prend la fuite (lettre d'Olivet à Bouhier du 8 sept. 1743, éd. citée, p. 329) ; en avril 1745, il reste suspect et se cache (lettre de Bonardi du 12 avr. 1745, éd. citée, n°5, p. 118).

4. Situation de fortune

Il vit de sa plume et publie de nombreuses traductions. En 1729, son Nouveau Gulliver lui rapporte 1000 £ (lettre à Carte du 21 déc. 1729). Sa cure de Thorigny lui rapporte, selon M. Marais, «3 ou 4000 livres de rente» (19 févr. 1732, éd. de la Correspondance littéraire de Bouhier, n° 11, p.330). De 1734 à 1740, il vit de ses «feuilles» (lettre à Moncrif, du 13 janv. 1741, B.M., fonds Egerton 19, f° 28). Sa réputation d'écrivain vénal est solidement établie (v. Mémoires pour l'abbé de Gourné contre l'abbé Guyot, s.l.n.d., (1743). Bonardi constate que le refus de privilège est devenu avantageux à Desfontaines, qui devient «l'auteur, le censeur et le libraire, car il vend les feuilles chez lui» ; il s'agit des Jugements sur quelques ouvrages nouveaux (lettre de Bonardi du 21 mars 1744, éd. citée, n° 5, p. 107).

5. Opinions

Encore que sa religion soit parfois suspecte et qu'on ne soit pas «dupe» de sa dévotion (lettre de Bouhier du 12 avr. 1736, f.fr. 25542, f° 368), il reste attaché à ses maîtres jésuites et meurt catholique : «Les jésuites Segaut et Berthier ont travaillé à sa conversion et il a donné des signes de christianisme et de repentir les quinze derniers jours de sa vie» (lettre de Goujet du 23 janv. 1746, f.fr. 24411, f° 337).

Ses polémiques ne se comptent plus et ont contribué pour une bonne part au succès de ses journaux ; Prévost lui prête ce propos : «Alger mourrait de faim, s'il vivait en paix avec tous ses ennemis» (Oeuvres choisies, Leblanc, 1810, «Essai sur la vie de l'abbé Prévost», t. I, p. 37). Il s'est attaqué aux Modernes et en particulier à la «nouvelle préciosité» et à la «métaphysique du cœur», aux jansénistes – notamment à Camusat –, aux amis de Voltaire ; ses démêlés avec ce dernier sont célèbres (voir le Préservatif de Voltaire, et la Voltairomanie de Desfontaines). Il prête sa feuille à La Peyronie et au clan des chirurgiens contre les médecins ; Anfossi parle d'offres de services très précises (lettre du 15 janv. 1737, ms. Avignon 2279, f° 87 ; cf. aussi la lettre de Bonardi du 1er déc. 1743, éd. citée, n° 5, p. 103). Il rompt des lances avec le Pour et Contre de Prévost, avec le Glaneur de La Varenne, avec la Bibliothèque raisonnée de Rousset de Missy. Ce traditionalisme et ce purisme affecté n'excluent pas un goût très averti, et relèvent surtout de la polémique occasionnelle. Ses rapports avec La Varenne ont été étudiés par M. Couperus (Un périodique français en Hollande, Le Glaneur historique (1731-1733), La Haye, Paris, Mouton, 1971, p. 98-102).

6. Activités journalistiques

Liste des ouvrages de Desfontaines dans l'Esprit de l'abbé Desfontaines (de La Porte) et dans Thelma Morris.

Journal des Savants : Desfontaines en assume la direction de 1724 à 1727 avec quelques interruptions, et passe pour avoir ranimé ce «cadavre» (Feller) ; le style «mordant» de ses extraits y est remarqué (v. Le Glaneur, 12 mars 1731).

Le Nouvelliste du Parnasse, Paris, Chaubert, 1731-1732, 3 vol. in-12, privilège du 22 décembre 1730, enregistré le 14 janvier 1731. Les quatre premières feuilles sont datées de décembre, les quatre dernières feuilles, de janvier, mars 1732, sont groupées en un «tome IV» broché avec le tome III ; paraît chaque lundi. Le privilège est suspendu une première fois au début de 1732 (cf. Le Glaneur historique, moral, littéraire, 14 avr. 1732, p. 5), puis définitivement le 15 mars 1732, date de la 52e et dernière lettre (D.P.1 1061).

Observations sur les écrits modernes, Paris, Chaubert, 1735-1743, 33 vol. et 3 feuilles. Le journal cesse une première fois à la fin d'octobre 1740, jusqu'à la fin de février 1741 (lettre de Goujet du 13 nov. 1740, f.fr. 24411, f° 341 ; lettre de Bonardi du 25 févr. 1741, n.a.fr. 4300, f° 37) ; cessation définitive en septembre 1743 (D.P.1 1092).

Jugements sur quelques ouvrages nouveaux, Avignon, 1744-1746, 11 vol. «imprimés secrètement à Paris sous le nom d'Avignon» (lettre de Bonardi du 21 mars 1744, n.a.fr. 4300, f° 66) ; voir D.P.1 794. Index publié par P. Benhamou, Genève, Slatkine, 1986. Desfontaines a remplacé Prévost dans le Pour et Contre en décembre 1734 ; les numéros 20, 21, 22, 30, 35 semblent devoir lui être attribués (v. J. Sgard, Le «Pour et Contre» de Prévost, Nizet, 1969, p. 24, 31, 32).

7. Publications diverses

Voir T. Morris et Cior 18.

8. Bibliographie

Cior 18.– Ravaisson, Archives de la Bastille, t. XII (les documents rassemblés par Ravaisson ont été réédités et analysés dans l'article suivant).– Boivin H., «Les dossiers de l'abbé Desfontaines aux archives de la Bastille (1724-1744)», R.H.L.F, t. XV, 1908, p. 55-73.– Morris T., L'Abbé Desfontaines et son rôle dans la littérature de son temps, S.V.E.C. 19, Genève, 1961.– Labriolle M. R. de, «Lettres inédites de l'abbé Desfontaines (1728-1735)», R.S.H., oct.-déc. 1966, p. 381-412.– Waddicor M.H., éd. de La Voltairomanie, University of Exeter, 1983.– Benhamou P., «Les lecteurs des périodiques de Desfontaines», dans La Diffusion et la lecture des journaux de langue française sous l'Ancien Régime, APA-Holland University Press, 1988.– Id., «The review in Desfontaines's Nouvelliste du Parnasse : the development of literary criticism», dans Studies in Eighteenth-century culture, vol. XIX, 1989.

9. Additif

Opinions :  La notice de Joseph de La Porte (en tête de l’Esprit de l’abbé Des Fontaines Londres, Paris, Clément, 1757) reste la base de nos informations. Elle est très complète, en particulier en ce qui concerne les polémiques de D., car L.P. se montre soucieux de fixer avec impartialité les limites de la critique. L’abbé G.D. ne répond pas aux attaques de Gayot de Pitaval dans Le Faux Aristarque reconnu, ou lettres critiques sur l’abbé Des Desfontaines (1733) ; c’est avec les Observations sur les écrits modernes que se multiplient les querelles ; la critique « qu’il exerçait avec assez peu de ménagement » souleva des tempêtes (p. XXXIII). Paul Benhamou a relaté les premiers échos des querelles soulevées par G.D. dans ses démêlés avec Voltaire (« Les lecteurs des périodiques de Desfontaines » dans La Diffusion et la lecture des journaux de langue française sous l’Ancien Régime, dir. H. Bots, APA-Holland Un. Press, 1988, p. 148-149). La longue polémique entretenue par D. avec Gourné est moins connue, et L.P. en fait une relation « un peu détaillée » (Esprit de l’abbé Des Fontaines, p. XXVII). Gourné, mécontent d’un compte rendu de son livre, La Géographie méthodique, dans les O.E.M. , attaque D. dans sa Lettre à Dom Gilbert : D. aurait été soudoyé par les libraires concurrents pour « faire tomber » son livre ; mais il était prêt à faire l’éloge de Gourné pourvu qu’on lui offre six exemplaires de l’ouvrage, quatre louis d’or, un ms. de l’Histoire de l’Église de Reims, le tout pour le tome I, et un louis et sept exemplaires seulement pour les parties suivantes. Gourné refuse, mais réplique en l’accusant d’avoir partie liée avec les libraires Chaubert, Rollin et Debure (p. XXXI). Les libraires portent plainte contre D. ; D. porte plainte contre Gourné, d’où un violent échange de pamphlets, qui aboutit à la suppression du privilège des O.E.M. le 6 octobre 1743 (p. XXXIII) ; dans son arrêt, le Parlement incriminait également les attaques ironiques de D. à l’encontre de l’Académie, corps protégé par le Roi. Gourné poursuit ses attaques contre D. dans trois écrits publiés sous pseudonyme, en incriminant ses « larcins littéraires » (p.XXXVI). L.P. cite d’autres attaques contre D., notamment des critiques de Bourgeois contre les erreurs de traduction de D., critiques publiées dans le Journal des savants (p. XLII). D. leur répond dans L’Erreur et l’injustice confondues (1744). L.P. rend hommage à D., loue son courage et son ardeur au travail, mais regrette qu’il ait sacrifié son repos « au dangereux et stérile avantage de combattre avec éclat l’ignorance et le mauvais goût » (p. XLV) : façon de reconnaître une sorte d’héroïsme critique. Sa relation montre surtout les difficultés rencontrées par la critique journalistique, au moment où se développe une presse personnelle (J.S.).

GUYNEMENT DE KERALIO

Auteurs

Numéro

379

Prénom

Louis Félix

Naissance

1732

Décès

1793

«Louis Felix fils de ecuyer François Fiacre Guÿnement Sr de Kéralio et de dame Rose Marguerite Bodin son épouse né le 14 a eté baptisé le 18e 7bre 1732 par nous sousigné recteur, parain ecuyer Felix François Germain Guÿnement, maraine dmlle Louise Catherine Guÿnement» (extrait baptistaire de la paroisse de Saint-Germain de Rennes, A.M. Rennes). Un autre extrait fait état d'un fils né le 23 avril 1713, ondoyé et mort sans doute le lendemain ; la profession du père y est mentionnée : François Fiacre G.

2. Formation

L.F. de Kéralio semble avoir eu une vaste culture. Il s'est beaucoup intéressé à l'histoire militaire des Grecs et des Romains (M.S., 7 déc. 1781, 20 avril et 12 nov. 1784). Il connaissait le latin, l'anglais, l'allemand et le suédois. Il fut élu membre de l'Académie royale de Suède en 1774, après avoir traduit le premier volume des Mémoires de l'Académie des sciences de Suède (1772), et à l'Académie des Inscriptions et Belle-Lettres en 1780. Il semble avoir eu une bonne connaissance de la langue suédoise, de l'allemand et de l'anglais, mais rien ne prouve qu'il ait voyagé dans ces pays. Sa correspondance inédite avec le secrétaire de l'Académie des sciences de Suède, P. Wargentin (Kungliga vetenskapakademien, fonds Wargentin), évoque ses relations avec l'Académie : il lui adresse sa Collection de différents morceaux sur l'histoire naturelle et se propose de faire connaître les travaux de l'académie suédoise à la France (10 fév. 1763) ; il envoie sa traduction des Mémoires de l'Académie des sciences de Stockholm (18 nov. 1772), apprend avec plaisir qu'il vient d'être élu à l'Académie, et se promet d'envoyer des mémoires en latin, car il n'écrit en suédois que de façon imparfaite (27 juin 1774) ; il envoie néanmoins deux lettres en suédois (27 juin 1774, 17 mai 1776), avec un mémoire, rédigé lui aussi en suédois, sur l'utilité des arts et des sciences ; élu à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres en 1780, et libre de «tout service militaire», il se consacrera désormais à l'histoire de la Suède (18 avril 1780). Les M.S. le signalent parmi les collaborateurs de l'Encyclopédie pour l'art militaire (7 déc. 1781), fait confirmé par Kéralio, comme on le verra au paragraphe suivant. A partir de 1781, il présente plusieurs mémoires à l'Académie des Inscriptions (M.S., 7 déc. 1781, 9 avril 1782, 20 avril et 12 nov. 1784) ; il aurait tenté de faire l'éducation d'un enfant sauvage trouvé en Normandie en 1784 (ibid., 13 juil. 1785).

3. Carrière

Il a suivi la carrière militaire et aurait pris sa retraite de major, avec la croix de Saint-Louis, vers 1755, selon B.Un. et B.N.C. qui, à partir de cette date, le confondent avec le précepteur de l'Infant de Parme. Dans une lettre adressée semble-t-il à Gjörwell le 29 juillet 1770 de Deux-Ponts, le «chevalier de Kéralio gouverneur de S.A.S. le prince Max : des Deux Ponts» résume ainsi sa carrière à cette date : «Je ne suis qu'un bon vieux soldat qui après avoir servi en France pendant 24 ans, ai passé au service de la maison palatine avec la permission du roi ; mais j'aime les Lettres et je les cultive, autant que mes occupations me l'ont permis, et peuvent me le permettre». Mais ces dates sont difficilement compatibles avec la biographie de Louis Félix, qui avait à l'époque 38 ans, et cette lettre pourrait être en fait d'un frère de L.F. (Agathon?), avec qui Gjörwell semble le confondre. Une autre lettre du même fonds concerne clairement Louis Félix, qui écrit, le 28 novembre 1782 de Paris : «La réforme faite il y a quatre ans dans la constitution de notre école militaire où j'avois un emploi et un traitement honnête m'a porté un coup dont je ne suis pas encore relevé. Je n'avois pas d'autre bien et j'ai perdu à cette réforme plus de la moitié de ce que j'avois. Quand la fortune est médiocre, cette perte est grande, surtout quand on est père de famille. Je suis tombé en de très fâcheux embarras dont je ne vous ferai pas le détail. J'ai sollicité en vain un autre emploi ; je n'ai pas demandé avec plus de succès une augmentation de traitement. La faveur et l'intrigue peuvent tout ici ; et vous savez que lorsqu'on passe toute sa vie sur les livres, on n'a le temps ni d'intriguer ni de capter la faveur. Mes demandes ont donc été reçues comme si je n'étois bon à rien. J'ai vu qu'il falloit lutter contre le sort. J'ai pris le parti de m'adonner entièrement à la littérature. L'Académie des Belles Lettres ayant jugé au contraire du Ministre que j'étois bon à quelque chose, m'a fait l'honneur de m'admettre. J'ai embrassé dans ses travaux la partie des antiquités du Nord et particulièrement de la Suède, et j'ai lu à ses assemblées quelques mémoires que vous pourrez, Monsieur, quelque jour voir dans sa collection. Quoique je me sois chargé depuis peu d'un grand ouvrage qui est la partie militaire de la nouvelle édition de l'Encyclopédie, je ne perdrai pas de vue l'histoire de la Suède à laquelle je ne renoncerai pas tant que je vivrai. Je ne m'en serois même pas distrait pour travailler à l'encyclopédie, si notre ministère avoit voulu favoriser mon travail, et me mettre au moins en état de travailler avec un esprit calme et au dessus des inquiétudes de l'infortune. M. le Comte de Vergennes m'a prêté son appui autant qu'il l'a pu, et j'ai trouvé en lui une âme sensible autant qu'éclairée, mais croiriez vous qu'un premier ministre, défunt à présent [Turgot?], a demandé à quoi pouvoit servir une histoire de Suède? Quand les lettres ont de pareils protecteurs, elles ne cheminent pas vite. Tandis que je sollicitois encore inutilement pour cet objet, on m'a offert la partie militaire encyclopédique. Ma fâcheuse situation ne m'ayant pas permis le choix, je l'ai acceptée, et ce que j'en retirerai sera un très grand adoucissement pour moi. Je viens encore, Monsieur, d'obtenir une chose peu considérable en soi, mais qui l'est pour moi parce que tout est relatif ; c'est la place d'interprète pour les langues du Nord à la bibliothèque du Roi ; appointement 800 £» (Stockholm, Kungliga bibliotheket, fonds Gjörwell). Kéralio aura donc été capitaine à l'Ecole militaire de 1762 au moins jusqu'en 1778 ; la page de titre de la Collection de différents morceaux sur l'histoire naturelle en 1762 le qualifie de «capitaine aide-major de l'Ecole militaire» ; il fut également professeur de tactique puis inspecteur à l'Ecole militaire, grâce à Choiseul (B.N.C.). Son Histoire de la dernière guerre entre les Russes et les Turcs (1777) le donne comme «major d'infanterie, chevalier de l'Ordre royal et militaire de St. Louis». Réformé en 1778, il se consacre alors entièrement aux Lettres. Pendant la Révolution, il fut commandant d'un bataillon de la garde nationale (B.Un., Hatin, B.H.C., p. 128).

5. Opinions

Alors que son frère, Auguste de K., est très introduit dans le cercle des philosophes, Louis Félix semble n'avoir connu que le monde des savants. C'est Auguste de K. qui fait connaître son frère au prince D.J. Gallitzin «pour mettre en ordre les itinéraires» de l'Histoire de la guerre entre la Russie et la Turquie, publiée en 1773 (W. Kuhfuss, «Le manuscrit de La Haye» dans La Correspondance littéraire de Grimm et de Meister (1754-1813), Klincksieck, «Actes et colloques» n° 19, 1976, p. 116) ; dans son Histoire de la dernière guerre entre les Russes et les Turcs (1777), K. fera l'éloge du Prince. Son Histoire de la guerre des Russes et des Impériaux contre les Turcs (1780) a été appréciée comme l'oeuvre d'un historien éclairé (C.L., XI, 498-501 et Correspondance littéraire secrète, n° 47, de Paris, le 21 nov. 1781). Rien ne semblait prédisposer K. à jouer un rôle dans la Révolution. On peut supposer qu'il n'entra dans le Mercure national qu'à l'instigation de sa fille. Dans ses Mémoires, Mme Roland rapporte que Mme Robert et son mari «sont brouillés avec le père Kéralio, à l'égard duquel ils ont agi indignement», sans doute vers mars 1792, au temps du ministère de Roland (Mémoires de Madame Roland, Mercure de France, 1986, p. 119).

Sa correspondance comprend deux ensembles de lettres conservées à Stokholm : les lettres au secrétaire de l'Académie suédoise (Kungliga vetenskapakademien, fonds Wargentin) et les lettres qu'il a adressées de 1774 à 1788 au journaliste Gjörwell (Stockholm, Kungliga Bibliotheket, fonds Gjörwell). Cette correspondance, qui comprend une quinzaine de lettres porte essentiellement sur des commandes de livres, mais prend parfois la forme d'une correspondance littéraire.

6. Activités journalistiques

La première lettre conservée dans le fonds Gjörwell de la Kungliga Bibliothek de Stockholm (29 juillet 1770) concerne une collaboration entre Gjörwell et la gazette de Deux-Ponts : le «chevalier de Kéralio» sert d'intermédiaire entre Dubois-Fontanelle, rédacteur de la Gazette littéraire et politique des Deux-Ponts et le journaliste suédois, qui fournira des nouvelles politiques de Suède (en allemand ou en français), aussi bien que des «notices qui puissent donner une idée de la Littérature suédoise, russe et danoise». Mais comme on l'a dit, il n'est pas sûr que l'auteur de cette lettre soit Louis Félix de K.

La signature de Louis Félix de K. apparaît pour la première fois dans le Journal des savants en juin 1785, mais pour une collaboration épisodique ; dans les années qui suivent, il ne donne que cinq extraits signés, présentés sous forme de longs mémoires (renseignement communiqué par J.P. Vittu). Dans la préface du J.S. en 1791, il est mentionné parmi les huit auteurs du journal ; il le restera deux ans (D.P.1 710). Il semble qu'il n'ait collaboré au J.S. que par des mémoires relatifs à l'art militaire ou à la Suède.

Il a collaboré au Mercure national ou Journal d'Etat et du citoyen, dirigé par sa fille, Louise de Kéralio-Robert, du 31 décembre 1789 au 29 mars 1790. Il est mentionné à titre d'auteur dans le prospectus, et désigné comme «M. Louis Guynement (ci-devant de Kéralio), chevalier de Saint-Louis, soldat vétéran du 3e bataillon de la 6e division de la garde nationale parisienne» (B.H.C., p. 128). Il y a publié surtout des notices des manuscrits de la Bibliothèque royale, comme il l'avait fait dans les Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque du Roi (D.P.1 977). Il y a donné également des extraits du Chronicon regum Sueciae d'Olaus Petri (déjà publié en partie dans les Notices et extraits en 1787), ainsi que le manuscrit des «Loix municipales de Suède».

7. Publications diverses

Liste des oeuvres de K. dans Cior 18, n° 34806-34823. Y ajouter la Collection de différents morceaux sur l'histoire naturelle et civile des pays du Nord «traduits de l'allemand, du suédois, du latin par M. de Kéralio, capitaine aide-major de l'Ecole militaire», 1761, c.r. dans la C.L. de janvier 1763 (t. V, p. 212). Les M.S. mentionnent des mémoires présentés à l'Académie des Inscriptions sur l'art militaire, sur les peuples d'ancienne Suède, sur les usages militaires des Grecs et des Romains. D'après B.Un., K. aurait laissé une traduction indédite de l'Edda. On ne peut évidemment lui attribuer Les Crimes des reines de France, éd. Prodhomme, 1791, qui seraient dus, à la rigueur, à sa fille, Mme Robert.

8. Bibliographie

B.N.C., B.Un., N.B.G., Cior 18 – M.S., C.L. – A.M. Rennes.– Stokholm, Kungliga vetenskapakademien, fonds Wargentin ; Kungliga Bibliotheket, fonds Gjörwell.

9. Additif

État-civil : Le numéro spécial de Dix-Huitième siècle n° 40 (2008) sur la République des Sciences a remis en lumière le rôle des frères Keralio dans la vie culturelle de la fin du siècle. Il y eut bien cinq frères : Félix François (1714-1734), Auguste Guy (1715-1805), Agathon (1723-1788), Alexis (1725-1782) et Louis Félix (1732-1793). Tous servirent dans l’armée, avant de faire une carrière intellectuelle de précepteur, d’historien ou de journaliste. Élisabeth Badinter consacre une étude à Auguste Guy, précepteur de prince de Parme, collaborateur de la Gazette des Deux-Ponts et mathématicien, dont la correspondance avec Paolo Frisi est largement utilisée. Annie Geffroy complète la biographie des cinq frères et évoque les péripéties de sa vie familiale grâce à une requête au roi de 1765, et à une lettre de sa fille Louise extraite du fonds Bernardin de Saint-Pierre : G. avait épousé Louise Abeille en secret, ce qui le brouilla avec sa famille ; il se chargea plus tard de sa belle-mère, ruinée par une banqueroute ; survint enfin la perte de son poste à l’École militaire, qui consomma sa ruine ; il aurait vers 1778 environ dix mille livres de dettes.

Bibliographie : Dans le n° 40 de D.H.S., « La République des Sciences » : « Louis Félix Guynement de Kéralio traducteur, académicien, journaliste, intermédiaire » par J. Sgard ; « Auguste de Kéralio : un auxiliaire invisible de la République des Sciences » par E. Badinter ; « Les cinq frères Kéralio » par A. Geffroy (J.S.).

GUERINEAU DE SAINT-PERAVI

Auteurs

Numéro

374

Prénom

Jean

Naissance

1732

Décès

1789?

1. Jean Nicolas Marcellin Guérineau de Saint-Péravi est né à Janville-en-Beauce en 1732 et mourut vers 1789 (Capitaine, p. 96) à Liège.

2. Formation

2. Venu à Paris pour faire carrière dans les lettres, il publie des vers dans différents journaux (recueillis dans le Choix des poésies de Pezai, Saint-Péravi et La Condamine, 1810).

3. Carrière

3. Il quitte Paris en 1778 à la suite d'une affaire d'honneur (Capitaine), se réfugie à Bruxelles, près du Prince de Ligne, puis à Liège où il bénéficie de la protection du prince-évêque Velbruck ; il obtient une pension de 800 £ et devient membre-orateur de la Société d'Emulation de Liège : lors de l'inauguration de cette société, il prononce le discours d'ouverture (Discours prononcé le 2 juillet 1779 par M. de Saint-Péravi [...] «suivi des couplets du même auteur», Liège, de Boubers, 1799). Emmanuel Ansiaux évoque ses tribulations dans L'Heureuse Délivrance ou Catastrophe du chevalier de Saint-P., «critico-comédie en un acte», Bruxelles, 1780.

6. Activités journalistiques

6. Il publie diverses pièces dans le Mercure («Corinne et Athis, poème pastoral et allégorique» en oct. 1753) et dans l'Almanach des Muses de Sautreau de Marsy (début de publication en 1765).

Le Poëte voyageur, ou Gazette impartiale des Pays-Bas et des environs, en vers, sans prospectus et sans conditions. Avec des notes en prose, à Bruxelles, Liège et Paris : publication bi-mensuelle, parue du 1er novembre 1783 au 15 avril 1784, réunie en un vol. (D.P.1 1124).

Il a collaboré au Journal d'agriculture, de commerce et des finances dirigé par Dupont de Nemours (juil. 1765-déc. 1774) dont il partageait les idées (B.Un., Beuchot).

7. Publications diverses

7. Epître sur la consomption, Londres, 1761.– L'Optique ou Le Chinois à Memphis, Londres, M.M. Rey, 1763.– Traité de la culture des différentes fleurs, Paris, Saugrain, 1765.– Stances sur une infidélité, Londres, 1766.– Mémoire sur les effets de l'impôt indirect sur le revenu. Londres, 1768.– Zaluca à Joseph, suivie de La Nouvelle Bethsabé, à Genève et à Paris, chez Delalain, Saugrain et Lacombe, 1769.– La Nouvelle Bethsabé, ode, s.l., 1771.– Ode sur l'érection de la statue de Son Altesse Royale le duc Charles de Lorraine, Bruxelles, de Boubers, 1777.– Discours prononcé par M. de S.-P. le jour de l'inauguration de la Société d'émulation établie à Liège. Suivi des couplets du même auteur, Liège, 1779.– Ode sur la vie, Liège, Nossent, 1779.– Epître au Roi de Suède, Liège, 1780.– Le mémorable combat entre les courtois et preux chevaliers Richal l'adventureux et comte d'Autice. Romance du IXe siècle, Liège, 1800.– De l'ordre des administrations provinciales, s.l., 1782.– Principes du commerce opposé au trafic, 1787, 2 vol.– Plan d'organisation sociale, 1789, 2 vol.– Essai sur les principes à adopter par les Etats-Généraux, s.l., 1789.– Nombreux poèmes dispersés (recueillis en partie dans le Choix de 1810).

8. Bibliographie

8. F.L. 1769, B.Un., D.L.F., Cior 18.– Capitaine U., Recherches historiques et bibliographiques sur les journaux et les écrits périodiques liégeois, Liège, Desoer, 1850, p. 95-100.– Beuchot A., notice manuscrite dans la collection Barbier (B.N., n.a.fr. 5185, t. 6).

GUENIN

Auteurs

Numéro

371

Prénom

Marc

Naissance

1730

Décès

1807

«Marc Claude Guenin fils légitime du Sr Claude Barthelemi Guenin et de Jeanne Noguès mariés habitants de cette ville paroisse St Jean né le vingt quatre d'avril 1730 à 9 heures et demi du matin a été baptisé le même jour par moi archiprêtre (Castaing)» (A.M. de Tarbes, Etat-civil). L'extrait baptistaire mentionne encore les parrain et marraine, de la famille Guenin de Tarbes, ce qui laisse supposer une implantation de la famille à Tarbes (renseignements fournis par J.F. Le Nail, dir. des A.D. Hautes-Pyrénées). Il est mort à Paris le 12 avril 1807 (B.C., Feller).

2. Formation

Guenin, qui fut de 1761 à 1793 l'un des principaux responsables des Nouvelles ecclésiastiques, a laissé peu de traces. Mort trop tard pour figurer dans les tables des N.E. ou dans les nécrologes jansénistes, trop prudent et discret pour s'être attiré des affaires avec la justice, il a vécu dans l'anonymat et sa vie ne nous est connue que par quelques échos recueillis par les biographes du XIXe siècle. Il aurait fait toutes ses études au séminaire fondé à Auxerre par l'évêque de Caylus, ce qui laisse supposer des liens entre l'évêché de Tarbes, réputé pauvre et janséniste, et le diocèse d'Auxerre, place forte du jansénisme militant. A la mort de Caylus en 1754, Guenin se rendit en Hollande pour y parfaire des études de théologie sous la conduite des maîtres à penser du jansénisme, d'Etemare et Legros (B.Un.).

3. Carrière

A la mort de Fontaine de La Roche (26 mai 1761), il fut rappelé en France pour prendre la direction des N.E. Il vécut dès lors à Paris, dans une semi-clandestinité, sous le nom d'abbé de Saint-Marc.

5. Opinions

Guenin a été souvent considéré, à l'égal de son prédécesseur Fontaine de La Roche, comme un modéré. La période qui suit la mort de Fontaine est marquée par l'expulsion des Jésuites, puis par la réduction des pouvoirs du Parlement ; les N.E. se replient sur la controverse théologique, mais on observe également un déclin général du mouvement (voir Préclin, Les Jansénistes du XVIIIe siècle et la constitution civile du clergé, Vrin, 1929, p. 363-364). C'est très tardivement que la tendance libérale du parti, influencée par le Contrat social de Rousseau, se joint au mouvement révolutionnaire ; en 1789, les N.E. restent cantonnées dans le domaine de la théologie. En 1790, Guenin se rallie à la constitution civile du clergé ; contre Maultrot et Jabineau, il se résout à prononcer le serment civique exigé par le décret du 27 novembre 1791 ; mais les jansénistes, comme l'a noté Préclin, ne sont plus alors qu'une poignée (ouvr. cité, p. 441, note 105). Par son extrême discrétion, Guenin échappe à la Terreur et continue de diriger les N.E. jusqu'à la fin de 1793.

6. Activités journalistiques

Guenin fut, de 1761 à 1793, l'administrateur des Nouvelles ecclésiastiques. La partie dogmatique du journal est alors assurée par les théologiens Goulin, Mey, Maultrot. Guenin semble surtout avoir veillé à la continuité du journal et à son ouverture sur l'extérieur. Il aurait reçu l'aide de l'abbé du Pac de Bellegarde, porte-parole de l'assemblée d'Utrecht et missionnaire du jansénisme à travers l'Europe. On doit peut-être à l'initiative de Guenin et de Bellegarde une traduction italienne des N.E. augmentée d'extraits des journaux ecclésiastiques de Vienne, Mayence, Salzbourg, Rome, Florence (N.E., 19 juin 1789). Cette ouverture du journal ne compensait pourtant pas la chute de sa diffusion en France. On note qu'à la fin de 1789, les N.E. bénéficient de la liberté de la presse et sont envoyées directement sur abonnement, mais elles sont devenues payantes (12 £ par an à Paris, 15 £ en province : N.E., 11 déc. 1789). Le schisme de 1791 devait leur être fatal. Tandis que Guenin, Larrière et Grégoire prêtent le serment civique, Jabineau fait sécession et fonde, le 15 septembre 1791, les Nouvelles ecclésiastiques «ou Mémoires pour servir à l'histoire de la constitution prétendue civile du clergé». Guenin assure la survie de l'édition parisienne, mais au prix d'une inaction prolongée. Le 1er janvier 1794, il est remplacé à la tête du journal par J.B. Mouton, un fidèle de l'abbé de Bellegarde. Publiées dès lors à Utrecht, les N.E. se maintiendront tant bien que mal jusqu'à sa mort, survenue le 13 juin 1803. Guenin, resté en France, publie encore les Annales de la religion «ou Mémoires pour servir à l'histoire du XVIIIe siècle», de mai 1795 à novembre 1803, date à laquelle elles furent supprimées. Le financement de cette suite des N.E. était assuré par l'évêque constitutionnel Desbois de Rochefort. Autour de lui et de Guenin se maintint ainsi pour quelque temps le dernier carré des jansénistes modérés et légalistes, Grégoire, Mauviel, Royer, Lanjuinais, mais leur audience était devenue à peu près nulle.

7. Publications diverses

On ne connaît aucune publication séparée de Guenin.

8. Bibliographie

(B.C.) Biographie nouvelle des contemporains, Feller-Weiss, B.Un.

GIROUD

Auteurs

Numéro

346

Prénom

Justine Souverant, veuve

Naissance

?

Décès

1798

Justine Souverant est née vers 1730, d'Antoine Souverant, syndic des gantiers à Grenoble, et de Marie Dutroyat. Elle épouse, le 17 août 1752, André Giroud, imprimeur-libraire à Grenoble. André Giroud, né le 8 décembre 1716 de Gaspard Giroud et de Philippine Chaniard, descendait d'une famille de libraires établis à Lyon en 1660 et à Grenoble en 1663 (voir Maignien, généalogie de la famille Giroud, p. LXVI) ; sa mère, demeurée veuve, lui avait assuré en 1745, la survivance de l'office paternel (A.D. Isère, FF 44). Du mariage contracté à Grenoble (A.M.

3. Carrière

G. figure comme imprimeur-libraire à Grenoble de 1767 à 1798. Vers 1782, elle s'associe ses deux fils, Alexandre Jean et Jean Louis Antoine. Outre les Affiches du Dauphiné, la maison Giroud publie des ouvrages religieux, des factums et quelques éditions marquantes, dont la Jurisprudence de Guy Pape de N. Chorier (1769).

6. Activités journalistiques

6. Affiches, annonces et avis-divers du Dauphiné, «Du bureau des Affiches, chez la Vve Giroud, imprimeur-libraire au Palais», 4 ou 6 p. in-40 : le 1er numéro paraît au début de mai 1774, à raison d'une feuille par semaine jusqu'au 10 août 1779, puis de trois feuilles par semaine jusqu'en 1792. A cette date, le journal est supprimé pour opinions monarchistes (D.P.1 21). Il n'est pas impossible que les Affiches du Dauphiné aient été influencées à l'origine par le Courrier d'Avignon ; on notera que le parrain du fils aîné d'André et G. était Alexandre Giroud, «imprimeur-libraire de S.S. à Avignon» (A.M. Grenoble, GG 184, 8 sept. 1754).

8. Bibliographie

A.M.Grenoble, GG 108, 112, 184, 185, 187. – Maignien E., L'Imprimerie, les imprimeurs et les libraires à Grenoble du XVIe au XVIIIe siècle, Grenoble, Drevet, 1885.

9. Additif

État civil : On ne connaît ni sa date de naissance ni la date de sa mort, on ne sait rien de sa formation ; on sait seulement qu’en 1781, elle avouait un « grand âge », et qu’après 1798, elle disparaît des pages de titre des éditions Giroud.

Carrière : A la mort de son mari, survenue le 7 janvier 1767, Justine G. reprenait une entreprise solide, mais limitée à l’impression des textes parlementaires ; elle sut en faire une véritable maison d’édition. Dès 1767, elle éditait le Catéchisme de Grenoble, qui connut de nombreuses rééditions, puis en 1769, la Jurisprudence de Guy Pape, de Nicolas Chorier et, en 1774, Le Cri de la nature en faveur des enfants nouveaux nés du docteur Nicolas ; son édition la plus ambitieuse fut en 1781 l’Histoire naturelle de la province de Dauphiné de Faujas de Saint-Fonds, en quatre vol. in-8°, ornés de gravures et d'une carte de la province. Cependant, l’essentiel de sa production restait composé de factums, de plaidoiries, d’arrêts de la Cour de Grenoble et de brochures administratives : sur les innombrables titres publiés sous son adresse à la Bibliothèque de la Ville de Grenoble, la très grande majorité porte sur les factums.

Justine Giroud tint d’abord boutique au Parlement, sur la place Saint-André ; sa première adresse d’après un factum de 1767 est : « De l’imprimerie de la Veuve d’André Giroud à la Salle du Palais ». C’était, depuis au moins 1694 le siège de la maison Giroud. Elle louait, dans le palais du Parlement, place Saint André, une salle au premier étage, un logement et les combles au dernier étage (G. Feyel, Dictionnaire de la presse française pendant la Révolution. 1789-1799, « La presse départementale », t. I, p. 378, Ferney-Voltaire, 2005, notice de R. Chagny). Les Affiches du Dauphiné sont encore publiées « au Bureau des Affiches et au Palais », mais, à partir de 1782, « chez la Veuve Giroud et fils », sans doute dans la maison familiale, place du Marché aux Herbes, à deux pas du Parlement. Stendhal évoque dans sa Vie de Henry Brulard la boutique de « M. Giroud libraire, au fond d’une cour donnant sur la place aux Herbes » (éd. Del Litto, Bibliothèque de la Pléiade, 1982, p. 555 et note 7 ; ce détail prend place en 1789) ; depuis 1782, la veuve Giroud, qui prenait de l’âge, s’était associé Jean Louis Antoine, que devait rejoindre dix ans plus tard Alexandre. Dans un placet du 6 août 1781, Justine G. demande pour son fils la permission d’exercer comme libraire et imprimeur en qualité d’adjoint de sa mère : vu que « le grand âge et les infirmités de la dite Veuve Giroud ne lui permettent pas de veiller seule à toutes les opérations de son imprimerie », qu’elle a élevé son fils dans le métier, mais que « toute sa fortune consistait dans l’exercice de cette place et dans le fond de commerce de la librairie », elle demande que son fils soit « reçu imprimeur libraire », mais comme adjoint de sa mère (texte publié par Maignien, ouvr. cité, p. 565-568). C’est pourquoi le nom de la Veuve Giroud demeure en page de titre de nombreux ouvrages jusqu’en 1798, mais, fréquemment à partir de 1783, avec la mention « Chez Vve Giroud et fils, imprimeurs libraires à la Salle du Palais » (J.S.).