LOLIOT

Auteurs

Numéro

526a

Prénom

Jean-Pierre

Naissance

1733

Décès

1787

Jean-Pierre Loliot est né en 1733, fils d’un  hôtelier d’Évreux, aîné de douze enfants. À la mort de son père en 1747, il se rend à Paris (P. Manceron, « Note sur la poste maritime à Bordeaux et à Nantes au XVIIIe siècle », dans les  Actes du Congrès national des Sociétés savantes, vol. 78, 1953, p. 122).

3. Carrière

En qualité de secrétaire de la cavalerie, il est au service du marquis de Béthune, puissant personnage dont il contresigne les décisions. Cette fonction lui permet d’approcher les ministres, et en particulier Sartine, dont il sera le protégé.

Lors de la création de la « petite poste » de Bordeaux, il obtient un privilège, daté du 29 mars 1766, enregistré le 30, pour la distribution du courrier en provenance ou  à destination des colonies ; ce privilège, qui devait concerner 25 ports français, se heurte à l’opposition des chambres de commerce, qui trouvent ce projet « odieux » et « dangereux ». Soutenu par Sartine et l’intendant de Bordeaux, qui estiment au contraire ce projet utile, Loliot crée des agences à Bordeaux, Le Havre, Marseille et à Nantes, où son associé, Mangin, parvient à rentabiliser le service (D. Moriceau, La Poste à Nantes sous l’Ancien Régime et la Révolution, Université du Michigan, 1982, p. 116). Ces succès permettent à Loliot d’obtenir, le 1er octobre 1777, pour une durée de 15 ans, une permission pour des  « bureaux de correspondance maritime » (Voir Moreau de Saint-Méry, Lois et constitutions des colonies françaises de l’Amérique,  vol. 5, p. 786-787,  et  le texte de la circulaire d’application dans Guyot, Répertoire universsel et raisonné de jurisprudence civile, 1781, art. « Poste »). En mars 1784, les Affiches, Annonces et avis divers ou Journal général de France déclinent son nouveau titre : « M. Loliot, Administrateur général des Postes maritimes, rue Fontaine-au- Roi, Faubourg du Temple, et à Nantes, à M. de Guebriec, Négociant Armateur ».

5. Opinions

Loliot est avant tout un brasseur d’affaires ; on ne saurait lui attribuer aucune opinion politique ou philosophique bien précise ; il n’est ni encyclopédiste ni physiocrate. Le prospectus de son journal couvre un vaste domaine qu’il ne maîtrise pas, et ses lecteurs s’en plaindront. On notera seulement qu’il a reçu au départ une approbation de Crébillon, censeur très libéral, et que son privilège lui a été retiré par Albert, lieutenant de police rigoureux au lendemain du renvoi de Malesherbes et de Turgot.

6. Activités journalistiques

Le 20 juin 1775, Loliot adresse au secrétaire de l’Académie de Lyon une lettre de présentation du journal dont il vient d’obtenir le privilège : la Gazette des arts et métiers (Ac.Ms268-III f°140). Il y joint le prospectus de la gazette, approuvé par le censeur Crébillon (Voir la notice d’Anne-Marie Chouillet dans DP1, n° 545). Il ouvre son journal aux académiciens et se propose d’envoyer à l’Académie chaque feuille hebdomadaire. Au bout d’un an, Loliot se heurte au directeur de la Gazette du commerce, l’abbé Roubaud, qui défend son privilège. Les deux journaux étant imprimés et distribués par Knapen, celui-ci doit sacrifier la Gazette des arts à la Gazette du commerce.

8. Bibliographie

Moreau de Saint-Méry, Lois et constitutions des colonies françaises de l’Amérique,  vol. vol. 5, 1785, p. 786-787 . - Guyot, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, 1781, art. « Poste »..- P. Manceron, « Note sur la poste maritime à Bordeaux et à Nantes au XVIIIe siècle », dans les  Actes du Congrès national des Sociétés savantes, vol. 78, 1953, p. 119-123..- D. Moriceau, La Poste à Nantes sous l’Ancien Régime et la Révolution, Université du Michigan, 1982, p. 116).

GOURLIN

Auteurs

Numéro

353a

Prénom

Pierre Étienne

Naissance

1695

Décès

1767

Pierre Étienne Gourlin est né le 26 décembre 1695 à Paris ; il est mort le 17 avril 1767.

2. Formation

Il a fait ses études au collège Sainte-Barbe ; il est bachelier en théologie en 1718 et reçoit la prêtrise en 1721. Il est nommé vicaire dans la paroisse de Saint-Benoît. Interdit en 1730, il se réfugie dans la paroisse de Saint-Séverin (C. Maire, De la cause de Dieu à la cause de la Nation, p. 126-127).

3. Carrière

Il se fait connaître dès 1732 par un mémoire pour les curés de Sens, dirigé contre le catéchisme de l’évêque Languet ; mais sa notoriété lui vient surtout de sa collaboration avec l’évêque de Tours Mgr. Rastignac, pour qui il rédige l’Instruction pastorale sur la justice chrétienne (23 février 1749). Redoutable polémiste, il publie un Mandementen 7 volumes contre les PP. Hardouin et Berruyer en 1748, et en 1752, des Observations sur la thèse de M. l’abbé de Prades.  Il est connu désormais comme la plume des évêques jansénistes. En 1760, il rédigera le Mandement et instruction pastorale de l’évêque de Soissons, Fitz-James ; cet écrit est condamné par un bref du pape Clément XIII (13 avril 1763) et un décret de l’Inquisition, lequel est cassé par le Parlement de Paris. Il consacre ses dernières années à un Tractatus de gratia Christi, qui ne paraîtra qu’en 1780.

6. Activités journalistiques

Fidèle disciple de Laurent Boursier, il le remplace à sa mort en 1749 et prend la direction des Nouvelles ecclésiastiques ; il est l’auteur des Additions de 1750 et 1753. D’après la notice bien documentée de la Biographie universelle : « Il était l’oracle du parti et présidait à la rédaction des Nouvelles ecclésiastiques ». Selon Catherine Maire, il est à la tête du journal tout au long de la seconde époque, de 1749 à la suppression des jésuites. Les N.E. se consacrent alors au combat sur le refus des sacrements et  font alliance plus étroitement avec les parlementaires (ouvr. cité, p. 125-127). Selon le même auteur, il initie l’offensive contre les philosophes, en particulier contre L’Esprit des lois, contre l’Histoire naturelle de Buffon et contre l’Émile. Il est cependant méfiant à l’égard des convulsions et  des « secours violents » et fait partie de la tendance modérée ou « mélangiste » des N.E.

8. Bibliographie

Maire C., De la cause de Dieu à la cause de la nation. Le Jansénisme au XVIIIe siècle, Gallimard, Bibliothèque des idées, 1998.

COLLET DE MESSINE

Auteurs

Numéro

186a

Prénom

Jean-Baptiste

Naissance

1741

Décès

1818

Jean-Baptiste Collet de Messine est né à Issoudun le 13 mars 1741 (paroisse Saint-Cyr) de Jean Collet de Messine, prévôt royal à Issoudun, subdélégué de l’intendant, et de Florentine Marché. Il a un frère, Louis Alexandre (1747-1778) et deux soeurs, Marie Florentine (1743-1836) et Jeanne Thérèse (1744-1810). Il épouse, à Bourges, le 16 avril 1776, Marie Thomas de Bellegarde, puis en secondes noces, le 25 février 1782, Marie Anne Tailhandier de Plaix. Ils ont deux enfants : Marie Anne Eugénie (1784-1870) et Louis Edme (1791-1810). Il est mort le 2 août 1818 à Trouy (Cher).

3. Carrière

Il fut, de 1768 à 1770, membre du Conseil supérieur de la Corse, puis créé, à son retour, « Chevalier, secrétaire de l’Ordre du Roi et censeur royal » (F.L. Ersch) vers 1771. Et c’est vraisemblablement à cette époque qu’il entreprend une carrière littéraire. Il se fait connaître en 1771 par l’édition de la Galerie française de Hérissant (1771-1772, 2 vol . in-f°) dont il écrit la préface, ainsi que les éloges de Mme de Graffigny, de Moncrif, de Rameau et du Maréchal de Noailles. Il fait jouer, le 8 mai 1773 Sara, ou la fermière écossaise, avec musique de Vachon.

4. Situation de fortune

Il semble avoir joui d’une solide fortune terrienne. Après la Révolution, il est donné comme « simple propriétaire » à Trouy, département du Cher. Au lendemain de sa mort, sa fortune est évaluée à 140 000£ (Lemay)

5. Opinions

Il est anobli en  1789. Procureur syndic de l’Indre au début de la Révolution, il est élu député de l’Indre le 27 août 1791. Son mandat terminé, il devient membre du bureau de conciliation d’Issoudun, mais il est arrêté en 1792 pour avoir essayé de dresser la Société populaire d’Issoudun  contre les Jacobins de Paris (Collection de documents inédits sur l’histoire de France, Impr. Nationale 1897, p. 541). Il est accusé de « feuillantisme ».

Il proposa au Tribunat en 1799 le Projet d’un établissement patriotique, qui fut largement commenté par la presse du temps.

6. Activités journalistiques

Secrétaire-adjoint de François Marin, il rédige la Gazette de France. Il exerce ses fonctions du 1er septembre 1771 à septembre 1774.Collet de Messine gagne alors 4000 £  par an (G. Feyel, L’Annonce et la nouvelle, p. 763). L’avènement de Louis XVI et le rappel des parlements mettent fin à cette carrière.

7. Publications diverses

Sara, fermière écossaise, comédie en deux actes, mêlée d’ariettes de Vachon, fut donnée à la Comédie italienne le 8 mai 1773. Compte rendu dans CL, t. X, p. 244-245.

8. Bibliographie

Dictionnaire des législateurs.1791-1792, dir. Edna Lemay, Ferney-Voltaire, 2007.

9. Additif

État-civil: Meister note dans la Correspondance littéraire de mars 1776 (éd. Tourneux, t. XI, p. 214) qu’il existe, outre Charles Collé, deux « Collet » : l’un a été attaché à la duchesse de Parme, est connu par L’Île déserte, comédie jouée en janvier 1759 (C.L., IV, 62) ; il fit jouer encore, en mars 1776, une pastorale héroïque, Abdolomyne ; l’autre, Collet de Messine est l’auteur de Sara, fermière écossaise, comédie en deux actes avec ariettes, qui connut un certain succès en mai 1773 (C.L., X, 244). Ce dernier, qui est seul à être nommé « de Messine », est donné par Meister comme « jeune avocat de l’ancien Parlement » et pourrait être, selon toute vraisemblance, le collaborateur de Marin à la Gazette de France. Cioranescu confond les deux et fait mourir Collet de Messine en 1787 ; mais un Collet de Messine, qui est sans doute notre journaliste, « Chevalier, secrétaire de l’Ordre du Roi et censeur royal » (F.L. Ersch) fit une carrière beaucoup plus longue, décrite par Edna Lemay dans le Dictionnaire des législateurs (Ferney-Voltaire, 2007). (J.S.)

CHABRIT

Auteurs

Numéro

157a

Prénom

Pierre

Naissance

1755 ?

Décès

1785

Pierre Chabrit est né le 8 janvier 1755 à Parent, près de Vic-le-Comte (registre paroissial de Vic-le-Comte). Son père, Jean C. et sa mère Marie Verdier Carmes sont cultivateurs ; les grands parents, parrain et marraine, ne savent pas signer. Il est mort le 14 avril 1785 à Paris, rue Saint-Honoré. Son suicide (par empoisonnement) est signalé par les Mémoires secrets le 19 avril 1785, et par la Correspondance littéraire en août 1785: « Il n’avait guère plus de trente ans... » (C.L.,  t . XIV, p. 196). 

2. Formation

Il a fait en partie ses humanités au collège des jésuites de Billom, puis, après l’expulsion des jésuites,  son droit à Paris, avant de revenir à Clermont (« Notice historique sur P. Chabrit » par Henry Doniol, dans J.B. Bouillet, Tablettes historiques de l’Auvergne, 1874, p. 252-264).

4. Situation de fortune

L’hostilité des magistrats de Clermont ne lui ayant pas permis de pratiquer la profession d’avocat, ni de s’imposer comme directeur de la Feuille d’Auvergne, il s’installa à Paris, où il vécut pauvrement. Il semble que sa fonction de conseiller  au Conseil souverain de Bouillon ait été tardive, et lui ait seulement permis d’achever De la monarchie (« Notice historique », p. 260). Le 25 août 1781, Diderot écrivit à Catherine II une lettre de recommandation très éloquente pour faire accepter Chabrit comme administrateur de l’impératrice : « C’est un jeune homme, écrit Diderot ; il a des parents honnêtes, et il n’est pas sans ressource. Rien ne l’attache à son pays, ni passion, ni intérêt. Il désire être utile. » (Correspondance, éditée par G. Roth et J. Varloot, , t. XV, p. 265). Elle ne répondit pas. En 1782, il obtient le prix Valbelle de l’Académie française, bourse accordée aux jeunes écrivains ; mais il ne peut obtenir cette bourse l’année suivante. Meister attribue à ce refus la décision tragique de C. : « auteur peu connu, mais dans une telle pénurie que, dénué de ressources, il a pris le parti de quitter la vie... ». D’autres affirment que fortement endetté, il attendit vainement la réponse de Catherine II, ou une pension sur le trésor royal qui arriva le soir même de sa mort.

5. Opinions

Dans un premier ouvrage intitulé Du luxe dans la Limagne (1779), il se montre proche des physiocrates (Revue historique de droit français et étranger, vol. 4, 1858, p. 68 ; Revue d’Auvergne, vol. 6, 1885, p. 450). Il eut pour Montesquieu une immense admiration ; son grand livre, De la monarchie française ((1783-1784) est marqué par cette influence, qui lui a été vivement reprochée, notamment par Garat dans son compte rendu du Mercure de France (6 mars et 10 avril 1784). Les seuls amis qu’on lui connaît, Diderot, Thomas, appartiennent au clan philosophique ; Meister lui témoigne de la sympathie ; Louis Pierre Manuel lui rend, dans L’Année française, ou vie des hommes qui ont honoré la France (vol. 2, 1789), un vibrant hommage, daté du 20 mai 1785. On trouvera dans la Notice sur la vie et les ouvrages de Thomas, par P. Tiffon de Saint-Surin (1825) une note « extraite des papiers de Hérault de Séchelles », qui témoigne d’une vieille amitié pour P. C. : « pauvre, naturellement solitaire, philosophe et d’une âme fière qui ne voulait se confier à personne... » (p. CXXVI).

6. Activités journalistiques

Gilles Feyel a relaté la brève histoire de la Feuille d’Auvergne sous la direction de Chabrit.  Le jeune avocat publie sa première feuille le 7 octobre 1779 ; il se heurte à la réprobation de l’Ordre des avocats, qui refuse de l’inscrire au barreau de Clermont, ou du moins lui impose de se limiter aux matières scientifiques, car la gestion d’une feuille d’annonces commerciales leur paraît incompatible avec la profession d’avocat (G. Feyel, L’Annonce et la nouvelle, p. 1223). Il obtient son inscription, mais doit renoncer à diriger le journal, qu’il abandonne le 4 mai 1780.

7. Publications diverses

Son grand ouvrage est De la monarchie, publié en deux volumes en 1783-1784 par la Société typographique de Bouillon. Diderot en envoya les premiers cahiers à Catherine de Russie en août 1781. C. obtint plusieurs comptes rendus détaillés dans le Mercure de France, L’Esprit des journaux, le Journal général de France. Garat lui reprochait l’extrême concision de son écriture et son refus d’approfondir ses développements. C. répondit longuement à la minutieuse critique de Garat dans une seconde édition en 1785 ; cette édition est pourvue d’une nouvelle introduction, en quelque sorte testamentaire

8. Bibliographie

DP1, n°10.- Henry Doniol, « Notice historique sur P. Chabrit », dans J.B. Bouillet, Tablettes historiques de l’Auvergne, 1874, p. 252-264)- . Revue d’Auvergne, vol. 6, 1885, p. 450.- Feyel, Gilles, L’Annonce et la nouvelle..., p. 1222-1224, Oxford, 2000.

ALEXANDRE

Numéro

006a

Prénom

Henri

Décès

1722 ?

Henri Alexandre, fils de David Alexandre, avocat à Sedan , et de Susanne Sacrelaire (mariés le 15 février 1680) est né, à une date inconnue, à Sedan. Il a plusieurs soeurs : Marie, baptisée à Sedan le 4 septembre 1681 ; Élisabeth, baptisée le 1er novembre 1682, inhumée le  14 novembre ; Jeanne, née à Sedan, décédée à La Haye le 12 janvier 1777 à l’âge de 89 ans. Tous ces renseignements sont tirés du livre de M.J.L. Maass, Het Journal littéraire de La Haye (1713-1723). L’auteur, en se fondant sur l’étude de Buijnsters, Van Effen, suppose qu’A.

2. Formation

A. devient membre de l’église wallonne d’Amsterdam en novembre 1703 ; sa soeur Jeanne y est inscrite le 27 juillet 1706. Le 20 janvier 1711, tous deux sont naturalisés à Amsterdam le 20 janvier 1711, en conséquence de l’édit des États de Hollande du 18 juillet 1709. Ils sont reçus membres des l’église de La Haye sur témoignage d’Amsterdam daté du 15 juin 1712.

5. Opinions

À l’origine de la publication du Journal littéraire se trouve une petite société littéraire dont faisaient partie S’Gravesande, J. Van Effen, A.H de Sallengre, Thémiseul de Saint-Hyacinthe, H. Alexandre et P. Marchand. C’est sur ce petit groupe que le libraire T. Johnson  s’est appuyé pour lancer le journal. Alexandre fut sans doute le secrétaire de la rédaction du journal, car la correspondance qui subsiste de la Société à la B.U. de Leyde (fonds Marchand 1, varia) est de sa main. Une lettre d’A. du 8 décembre 1713 adressée à Prosper Marchand montre qu’il se charge, au nom de la société, des démarches de  recrutement de nouveaux collaborateurs : « Comme nous avons grand besoin de membres pour nous aider à travailler, on a proposé aujourd’hui M. Burnet et M. Maturin que vous connaissiez, M. d’Artis, chapelain de Mme de Portland, lequel a du mérite infiniment, et M. Brinkman qui est un jeune homme fort savant et très capable de nous aider s’il le veut. Nous vous prions incessamment de nous donner votre voix  pour ou contre sur le choix de ces Messieurs. Vous pouvez dire ce que vous pensez à qui il vous plaira de la Société, et votre procureur vous gardera religieusement le secret. » Les collaborateurs proposés seront effectivement associés au Journal littéraire de la première période (1713-1715).

8. Bibliographie

DP1, n° 759 (notice de H. Bots). – Maas, M.J.L., Het Journal littéraire de La Haye (1713-1723: de uitwendige geschiedenis van een geleerdentijdschrift, Deventer, De Bruyn, 2001

9. Additif

 

ROUSSEAU

Auteurs

Numéro

713A

Prénom

Jean

Naissance

1738

Décès

1813

Jean Rousseau est né le 13 mars 1738 à Witry-lès-Reims (registre paroissial de Witry) , fils de Jacques R., procureur fiscal et lieutenant de justice; il est mort à Châtillon-sous-Bagneux le 7 novembre 1813 . Il n’a aucun lien de famille avec Jean-Jacques Rousseau, dont il a été l’ami.

2. Formation

Après avoir fait ses études à l’Oratoire, il est admis dans la congrégation en 1756. Il est d’abord préfet de chambre au collège de Juilly. Le 4 novembre 1758, il est envoyé par les Oratoriens dans leur maison de Montmorency, où il étudie la philosophie de 1758 à 1760 ; c’est alors qu’il fait la connaissance de Jean-Jacques Rousseau, qui exercera sur lui une profonde influence (G. Py). Il quitte l’Oratoire de Montmorency le 1er octobre 1760 pour enseigner la logique puis la physique à l’École d’Hydrographie de Nantes. Il passe au service du duc d’Aiguillon, le 2 septembre 1762 et devient précepteur de son fils, le comte d’Agenois (archives de l’Oratoire, exploitées par Gilbert Py).

3. Carrière

C’est le duc d’Aiguillon qui le plaça à la tête du Journal de Genève en 1772, c’est-à-dire au moment du coup d’état de Maupeou contre les parlements. Les Mémoires secrets, très hostiles au parlement Maupeou, et au triumvirat d’Aiguillon, Maupeou, Terray, notent l’événement le 4 décembre 1772 : « On connaît actuellement les entrepreneurs utiles du Journal politique commencé au mois d’octobre dernier, sous les auspices du ministre des Affaires étrangères [= le secrétaire d’État d’Aiguillon]. Ce sont les sieurs Dusson [Julien Busson], médecin du duc d’Aiguillon, et Rousseau ex-oratorien, instituteur du comte d’Agenois ; c’est le sieur Marin qui tient la plume moyennant mille écus de pension sur cet objet ». Sa carrière politique commence avec la Révolution. Il rédige le discours préliminaire du Résumé général des cahiers des divers bailliages (1789, 3 vol.) Il devient député suppléant de Paris à la Convention, démissionne au moment de la Terreur, est arrêté en septembre 1793 et libéré à la chute de Robespierre. Son ralliement à Bonaparte lors du 18 brumaire lui permet de faire une rapide carrière sous l’Empire : il entre au Conseil des Anciens, où il est rapporteur des finances, puis au Sénat ; il est nommé comte d’Empire ; il sera commandeur de la Légion d’Honneur (J. Tulard, Dictionnaire Napoléon, Fayard, 1999).

4. Situation de fortune

D’après les données recueillies par G. Feyel dans l’Annonce et la nouvelle et dans sa communication de 1999 sur le Journal de Genève, J.R. aurait reçu une rente annuelle de 800 £ de la part de Panckoucke à partir de 1776, et une garantie de 5000 £ de la part de Lacombe sur les bénéfices à venir, mais l’échec de Lacombe le laissa avec des dettes, que Panckoucke lui permit en partie de payer. Sa fortune lui vint essentiellement de l’Empire.

5. Opinions

Gilbert Py a attiré l’attention sur la forte influence que Rousseau exerça sur lui à Montmorency (Dictionnaire de Jean-Jacques Rousseau, dir. R. Trousson et F.S. Eigeldinger, Champion, 1996, notice « Oratoriens », p. 669-671). J.R. fait part à son ami de son admiration pour la Nouvelle Héloïse (lettre à J.-J. R. du 18 mars 1761, CC 1372), puis pour Émile lettre du 8 juillet 1763, CC 2806). Ouvertement acquis à la réforme parlementaire de 1772, il est un ferme défenseur de l’équilibre des pouvoirs. Lors du rétablissement des parlements en 1774, il reste en place à la rédaction du Journal de Genève. On peut admirer la largeur de ses vues sur la politique internationale et sa vaste culture dans les « discours » qui ouvrent l’année dans le Journal de Genève. Durant la Révolution, il défend des positions modérées. J.R. a été l’un des rédacteurs de la Constitution de l’an VIII.

6. Activités journalistiques

Il a été le rédacteur principal, dès sa fondation en décembre 1772, du Journal historique et politique dit Journal de Genève. Il a participé de près aux négociations entre Lacombe et Panckoucke en août 1776. Il a défini d’une main ferme la politique extérieure du journal, prenant vigoureusement le parti de l’indépendance américaine. Lors de la grande fusion de juin 1779 entre les journaux de Panckoucke, il doit cependant laisser la place à Dubois-Fontanelle ; le Journal de Genève doit s’effacer devant Journal de Bruxelles.

8. Bibliographie

Dictionnaire de Jean-Jacques Rousseau, dir. R. Trousson et F.S. Eigeldinger, Champion , 1996, notice « Oratoriens » par Gilbert Py, p. 669-671. – Feyel, Gilles, L’Annonce et la nouvelle : la presse d’information sous l’Ancien Régime, Voltaire Foundation, p. 305. – Id., « Du récit de la Gazette de France à la réflexion du journaliste politique : le Journal historique et politique de Genève dans les années 1770 », dans Gazettes et information politque sous l’Ancien Régime, Publication,s de l’Université de Saint-Étienne, 1999.

9. Additif

État-civil : Jean Rousseau est né le 13 mars 1738 à  Witry-lès-Reims (registre paroissial de Witry) , fils de Jacques R.,  procureur fiscal  et lieutenant de justice; il est  mort à Châtillon-sous-Bagneux le 7 novembre 1813 . Il n’a aucun lien de famille avec Jean-Jacques Rousseau, dont il a été l’ami.

Formation : Après avoir fait ses études à l’Oratoire, il est admis dans la congrégation en 1756. Il est d’abord préfet de chambre au collège de Juilly. Le 4 novembre 1758, il est envoyé par les Oratoriens dans leur maison de Montmorency, où il étudie la philosophie de 1758 à 1760 ; c’est alors qu’il fait la connaissance de Jean-Jacques Rousseau, qui exercera sur lui une profonde influence (G. Py). Il  quitte l’Oratoire de Montmorency le 1er octobre 1760  pour enseigner la logique puis la physique à l’École d’Hydrographie de Nantes. Il passe au service du duc d’Aiguillon, le 2 septembre 1762 et devient précepteur de son fils, le comte d’Agenois (archives de l’Oratoire, exploitées par Gilbert Py).

Carrière : C’est le duc d’Aiguillon qui le plaça à la tête du Journal de Genève en 1772, c’est-à-dire au moment du coup d’état de Maupeou contre les parlements. Les Mémoires secrets, très hostiles au parlement Maupeou, et au triumvirat d’Aiguillon, Maupeou, Terray, notent l’événement le 4 décembre 1772 : « On connaît actuellement les entrepreneurs utiles du Journal politique commencé au mois d’octobre dernier, sous les auspices du ministre des Affaires étrangères [= le secrétaire d’État d’Aiguillon]. Ce sont les sieurs Dusson [Julien Busson], médecin du duc d’Aiguillon, et Rousseau ex-oratorien, instituteur du comte d’Agenois ; c’est le sieur Marin qui tient la plume moyennant mille écus de pension sur cet objet ». Sa carrière politique commence avec la Révolution. Il rédige le discours préliminaire du Résumé général des cahiers des divers bailliages (1789, 3 vol.) Il devient député suppléant de Paris à la Convention, démissionne au moment de la Terreur, est arrêté en septembre 1793 et libéré à la chute de Robespierre. Son ralliement à Bonaparte lors du 18 brumaire lui permet de faire une rapide carrière sous l’Empire : il entre au Conseil des Anciens, où il est rapporteur des finances, puis au Sénat ; il est nommé comte d’Empire ; il sera commandeur de la Légion d’Honneur (J. Tulard, Dictionnaire Napoléon, Fayard, 1999).

Situation de fortune  : D’après les données recueillies par G. Feyel dans l’Annonce et la nouvelle et dans sa communication de 1999 sur le Journal de Genève, J.R. aurait reçu une rente annuelle de 800 £ de la part de Panckoucke à partir de 1776, et une garantie de 5000 £ de la part de Lacombe sur les bénéfices à venir, mais l’échec de Lacombe le laissa avec des dettes, que Panckoucke lui permit en partie de payer. Sa fortune lui vint essentiellement de l’Empire.

Opinions : Gilbert Py a attiré l’attention sur la  forte influence que Rousseau exerça sur lui à Montmorency (Dictionnaire de Jean-Jacques Rousseau, dir. R. Trousson et F.S. Eigeldinger, Champion, 1996, notice « Oratoriens », p. 669-671). J.R. fait part  à son ami de son admiration pour la Nouvelle Héloïse (lettre à J.-J. R. du 18 mars 1761, CC 1372), puis pour Émile (lettre du 8 juillet 1763, CC 2806). Ouvertement acquis à la réforme parlementaire de 1772, il est un ferme défenseur de l’équilibre des pouvoirs. Lors du rétablissement des parlements en 1774, il reste en place à la rédaction du Journal de Genève. On peut admirer la largeur de ses vues sur la politique internationale et sa vaste culture dans les « discours » qui ouvrent l’année dans le Journal de Genève. Durant la Révolution, il défend des positions modérées. J.R. a été l’un des rédacteurs de la Constitution de l’an VIII.

Activités journalistiques : Il a été le rédacteur principal, dès sa fondation en  décembre 1772, du Journal historique et politique dit Journal de Genève. Il a participé de près aux négociations entre Lacombe et Panckoucke en août 1776. Il a défini d’une main ferme la politique extérieure du journal, prenant vigoureusement le parti de l’indépendance américaine. Lors de la grande fusion de juin 1779 entre les journaux de Panckoucke, il doit cependant laisser la place à Dubois-Fontanelle ; le Journal de Genève doit s’effacer devant Journal de Bruxelles.

Bibliographie : Dictionnaire de Jean-Jacques Rousseau, dir. R. Trousson et F.S. Eigeldinger, Champion , 1996, notice « Oratoriens » par Gilbert Py, p. 669-671. – Feyel, Gilles, L’Annonce et la nouvelle : la presse d’information sous l’Ancien Régime, Voltaire Foundation, p. 305. – Id., « Du récit de la Gazette de France à la réflexion du journaliste politique : le Journal historique et politique de Genève dans les années 1770 », dans Gazettes et information politque sous l’Ancien Régime, Publication,s de l’Université de Saint-Étienne, 1999 (J.S.).

 

BRIATTE

Auteurs

Numéro

113A

Prénom

Jean-Baptiste

Naissance

1739

Décès

1793

Jean-Baptiste Briatte est né le 30 octobre 1739 à Serain (Picardie) d’Antoine B., tisserand, et de Marie Madeleine Lelong, l’un et l’autre protestants. Il est baptisé le 1er novembre. Il épouse, en 1776 à Namur, Julie Chambot, ou Chambault ; ils ont trois enfants : Georges (né le 20 août 1777), Jean-Baptiste et Théophile (GP). Jean-Baptiste B. meurt à Maestricht en prison le 14 avril 1793, peu après l’entrée des troupes révolutionnaires en Hollande.

2. Formation

Il est membre de l’Église wallonne de Tournai en 1766. Il fait ses études de théologie à Lausanne (septembre 1766-août 1768), est consacré pasteur le 9 août 1768  (A. Daulé, La Réforme à Saint-Quentin).

3. Carrière

Il exerce comme pasteur du Désert dans le Vivarais (1768-1769), à Lyon (1770-1771), en Picardie et Basse Champagne (1771-1773), où il participe à la réorganisation des églises de la région de Saint-Quentin, à Sedan, Cadzland et Namur, où il est aumônier de la garnison (du 28 décembre 1775 au 6 janvier 1782), puis à Hodimont près de Verviers (1785-1793). (A. Daulé, La Réforme à Saint-Quentin, et sitepasteurs.free.fr).

4. Situation de fortune

Il a défendu longtemps la cause des pauvres et son Offrande à l’humanité, est vendue en souscription au profit des pauvres.

5. Opinions

Il publie en 1777 La Sentinelle d’Israël, ou Sermon sur Ézéchiel, chap. XXXIII, vs. 7 (« je t’ai fait guetteur pour la maison d’Israël »). Il se fait connaître en 1780 par son livre majeur, Offrande à l’humanité « ou Traité sur les causes de la misère en général et de la mendicité en particulier », dont le prospectus de souscription, en faveur des pauvres, est lancé en mars 1779. Cette souscription  n’eut pas l’effet espéré, et B. dut renoncer à publier  les deux volumes suivants. Son livre eut pourtant un accueil favorable dans la presse, notamment dans le n° 70 des Annales de Linguet ; on avait attribué l’Offrande à Linguet, dont B. soutenait les thèses. Dans son article, Linguet dément l’information et ajoute : « Je déclare donc que M. Briatte est un être très réel, un homme très honnête, très estimé, et très estimable, un pasteur de l’Église française réformée de Namur, attaché à la garnison hollandaise » (vol. 6, 1779, p. 504). Briatte, comme Linguet, plaidait pour une économie morale, contre les lois du marché (S.L. Kaplan, The Bakers of Paris and the bread question, 1700-1775, p. 30).

6. Activités journalistiques

Il publie, sans doute en 1783, la Correspondance politique, civile et littéraire pour servir à l’histoire du XVIIIe siècle ; l’édition de 1783, à Berlin, chez Étienne Bourdeaux, est donnée comme une « seconde édition », mais on ne connaît aucun exemplaire d’une première édition. D’autre part, B. fait l’éloge du Journal politique, civil et littéraire, dont un seul numéro avait paru en janvier 1781 ; ce journal au titre très proche de celui de la Correspondance politique, y est largement cité dans la  seconde feuille du premier Cahier, et il est donné par son auteur comme le journal d’un débutant, un « écolier » (DP1 776). On est amené à penser qu’il constitue la première édition de la Correspondance. Les deux journaux exposent la thèse « patriote », favorable aux Lumières et à la révolution américaine, et ils appellent à l’union du peuple batave. L’un comme l’autre sont certainement du pasteur J.-B. Briatte, le « patriote » hollandais, et non de son homonyme (sans doute son fils), qui n’avait alors qu’une dizaine d’années.

7. Publications diverses

En 1785, il publie à Francfort Étonnement de l’Europe ou examen des différends entre S.M.I. et la République des Provinces-unies, pamphlet destiné à détourner les Hollandais d’une guerre avec l’Empire, et qui plaide pour  l’appartenance de Maestricht aux Provinces-Unies.

On ne peut lui attribuer la traduction de l’Histoire de la destruction des républiques démocratiques de Schwitz, Uri et Unterwalden, de H. Zschokke, « Ouvrage traduit de l’allemand par J.B. Briatte, Secrétaire de la légation de la République helvétique à Paris », Paris, 1802. Cet homonyme de J.B. Briatte, qui traduisit l’ouvrage rapidement célèbre de Zschokke était peut-être un fils de B., né à Paris en 1777 d’un premier mariage ; citoyen helvétique sous l’occupation française, il fut nommé secrétaire de la légation de Paris en 1800 (Bulletin vaudois, 24 janvier 1800). Il mourut en 1847.

8. Bibliographie

sitepasteurs.free.fr - Généalogie protestante en Picardie, http://www.roelly.org/~pro_picards/ - Daulé, Alfred, La Réforme à Saint-Quentin et aux environs du XVIe à la fin du XVIIIe siècle, Le Cateau, 1901. [J.S.]

9. Additif

Opinions : B. a surtout lutté contre l’influence française dans les Provinces-Unies et affronté les représentants de la France, notamment Damien de Gomicourt et Cerisier (Voir la notice de la Correspondance politique, civile et littéraire). C’est une attitude qui lui a sans doute coûté la vie lors de l’occupation française.

DUREY DE MORSAN

Auteurs

Numéro

284

Prénom

Joseph Marie

Naissance

1717

Décès

1795

Joseph Marie Durey, qui prend le nom de Morsan, d'une terre familiale de l'Eure, est né le 13 août 1717 de Pierre Durey d'Arnoncourt (ou Harnoncourt) et de Françoise de La Margue (D.B.F.). La famille Durey, originaire de Nolay (Côte d'Or) avait été anoblie par le père de Pierre Durey, Pierre François Durey, receveur-général des finances de Bourgogne et secrétaire du Roi, mort en 1710 (D.B.F.). Durey d'Arnoncourt fut receveur-général des finances de la Franche-Comté, puis, de 1745 à 1756, fermier-général. De son mariage avec F.

2. Formation

D. mène, dès l'âge de quinze ans, une vie très dissipée. Le curé de Saint-Gervais signale qu'il entretient une fille de quatorze ans et « paye au bourgeois où elle est mille livres de pensions» (témoignage daté du 28 oct. 1732, Ars., ms. 11480, f° 141). Il achève pourtant ses études à Paris où il fait connaissance, vers 1733, «au Collège», de Baculard d'Arnaud [ibid., f° 179). Sa correspondance avec la Société typographique de Neuchâtel manifeste une bonne connaissance du latin ; il connaît l'italien et l'espagnol. En 1741, il se dit avocat au Parlement (ibid.). Il a eu comme répétiteur Delacroix et comme aumônier le R.P. de Couvrigny ; à l'un et à l'autre, il adresse plusieurs lettres lors de sa détention à la Bastille (ibid.). Avec Baculard d'Arnaud, il imprime en 1740, chez Osmont, L'Art de/..., ce qui lui vaut d'être interné le 17 février 1741, sur lettre de cachet (datée du 22) ; Osmont avait été interné le 9, et Baculard le 17. La correspondance de D. et de Baculard est saisie (voir B, p. 22-23). D. se montre en même temps accablé de la mort de sa cousine, Marie Louise de Mesnières (morte le 25 févr. 1741) et dit un «éternel adieu aux Muses» (lettre du 26 févr. 1741, sans doute adressée à son cousin par alliance, Hérault, Ars., ms. 11480, f° 157-158). Cependant Durey d'Arnoncourt demande avec insistance le maintien en prison de son fils, en même temps qu'il sollicite la place de fermier-général (ibid., 4 mars, f° 192-193). D. est transféré à Cambrai en avril et relâché le 24 mai ; la lettre de cachet n'est pourtant pas rapportée et D. est condamné à s'exiler. Etroitement surveillé par sa famille, il sera, semble-t-il, arrêté une seconde fois en août 1753, et placé au For-l'Evêque (Ars., ms. 11836, f° 244, cité par B). Il est de nouveau arrêté en août 1759 et passe dix-huit mois à Vincennes (Ars., ms. 12056, f° 35, cité par B, p. 28). En 1769 encore, Voltaire essaiera en vain de faire abolir sa lettre de cachet (lettre à Louise de Sauvigny, 30 janv. 1769, D15454).

3. Carrière

Pourvu d'une maigre pension de 600 £ en 1740, contraint de s'exiler en 1741, D. se rend en Hollande, en Angleterre, en Suisse, en Espagne, où il vit médiocrement (précepteur, domestique ou pire selon Voltaire, D19247). En 1746, à l'époque de son mariage, sa famille lui assure une charge de receveur général des finances de Bourgogne, charge qu'il n'exercera pas. A Madrid, il réunit un ensemble de documents sur Alberoni, qu'il vend, dit-on, pour 20 écus à Maubert de Gouvest ; celui-ci publie, à Lausanne en 1753, le Testament politique du cardinal Jules Alberoni. Un aventurier irlandais attaché au Prétendant, Oleary, rencontre D. à Madrid et parviendra à vivre à ses dépens en lui donnant des espérances sur le trône d'Angleterre (Voltaire à Louise de Sauvigny, 30 janv. 1769, D1 5454). En 1757 D. est établi à Nancy comme « secrétaire du cabinet et des commandements de S.M. le Roi de Pologne» ; il est reçu à l'Académie le 8 mai 1757, et son discours de réception est publié par L'Année littéraire, 1757, t. V, p. 217-223 ; mais poursuivi par ses créanciers, il doit s'enfuir de nouveau. C'est à cette époque que sa famille rompt définitivement avec lui ; un arrêt du 2 août 1760 fixe le montant de ses dettes et lui accorde 6000 £ par an. Il se fixe en Suisse vers 1762 («depuis sept ans» en mars 1769 selon Voltaire, D15527), sans doute à Neuchâtel, où il se fera naturaliser le 12 novembre 1764 (V, p. 325). En 1763, il rencontre à Môtiers-Travers J.J. Rousseau, qui tente de plaider sa cause auprès de Durey père (V, p. 326). Il semble avoir exercé la botanique ou la médecine, et Voltaire appréciera son habileté à préparer les drogues (à Mme Denis, 16 août 1769, D15828). Il s'établit à Ferney en avril 1769 (D15527, 15828) : Voltaire s'éprend de ce «vieil enfant très bon, très serviable et très infortuné» (D15853), intervient auprès de sa famille, paie ses dettes, marie Mlle Nollet. D. quitte le «Parnasse» le 1er avril 1770, pour Val-Travers (D16271), mais il est incapable de s'établir, court à la ruine «de toutes ses forces», si bien que Voltaire doit l'accueillir de nouveau pendant deux ans en 1772-1773 (lettre à Ximenès, 15 oct. 1773, D18589), puis en mai 1774 (D18955), époque à laquelle D. quitte Ferney définitivement. Voltaire s'est lassé de lui ; en mars 1775,D. n'est plus à Ferney mais à Lausanne, comme précepteur, «chargé de dettes et d'une bâtarde, qui a fait un enfant» (Voltaire à Mignot, 17 mars 1775,019373). Après quoi l'on ne sait pratiquement plus rien de lui. A partir de mai 1780, il fait de fréquents séjours à Genève, où il reçoit ses amis et semble connaître une relative aisance (V, p. 329).

4. Situation de fortune

«Sa destinée est d'être toujours accablé de dettes», écrit justement Voltaire (D18620). Il s'endette en 1732, en 1740, en 1757, de plus en plus : l'arrêt du 2 août 1760 fixe ses dettes à 1 120 000 £ («onze cent vingt mille livres», écrit Voltaire le 20 janv. 1769, D15441) ; à la mort de son père, le 27 juin 1765, la commission de liquidation lui accorde 6000 £ par an (D16149), mais il doit entretenir Mlle Nollet, Sophie de Verven, la fille de celle-ci, sans compter les nombreux aventuriers qui les dupent ; d'où de nouvelles dettes que Voltaire se lasse de rembourser. Le 7 mai 1788 seulement, le Parlement de Paris rend un arrêt qui reconnaît ses droits et oblige sa fille, la comtesse de Rochechouart à lui verser une pension annuelle de 16 000 £ (V, p. 330), ce qui explique sans doute son train de vie relativement aisé à Genève.

5. Opinions

D. s'est longtemps intéressé aux manuscrits clandestins et aux livres interdits, soit qu'il ait été curieux de textes irréligieux, soit plus probablement qu'il en ait fait commerce. En 1755, il fait intervenir son père pour obtenir livraison de ses malles de livres, retenues à la douane (Ars., ms. 12056, cité par B, p. 29-31) ; «colporteur distingué de littérature clandestine», il semble également avoir composé et vendu quelques recueils du même genre (B, p. 32).

En septembre 1763, D. rencontre J.J. Rousseau à Môtiers-Travers, se lie avec lui et avec le docteur d'Ivernois ; mais Rousseau se brouille avec lui quand il le soupçonne d'entretenir des relations avec le pasteur Montmollin (V, p. 326-327). Voltaire s'est passionné pour ce fils de fermier-général réduit à la misère ; il l'a cru victime d'une coalition d'intérêts, il lui a supposé des dons, des qualités d'esprit et de cœur. Il a entrepris activement de lui faire restituer ses droits (V, p. 328). Il semble qu'il ait reconnu son erreur en 1775 (D19373). Sa correspondance - où ne se trouve aucune lettre de D. - reste le témoignage le plus important que nous ayons sur ce médiocre écrivain.

6. Activités journalistiques

D. s'est longtemps intéressé au journalisme, au moins depuis 1750, époque de sa collaboration à La Bigarrure (D.P.1 675) ; en 1763, il publie un compte rendu de L’ Emile dans le Journal encyclopédique (1er et 15 janv. 1763) et un compte rendu du Contrat social dans le Journal de jurisprudence (janv.-févr. 1763). La Bibliothèque de Neuchâtel garde 51 lettres de D. aux directeurs de la Société typographique (ms. 1145) et deux lettres de «Dourey», qui sont également de lui (ms. 1142). Cette correspondance permet d'éclairer la carrière journalistique de notre auteur. Dès le 8 août 1769, il offre ses services à Bertrand et Ostervald (V, p. 341) et le 26 août, il rappelle ses états de service : il a travaillé à La Bigarrure à La Haye pendant un an, après le départ du premier auteur (lettre du 26 août 1769 à Ostervald, ms. 1145, f° 427). Le premier auteur fut probablement le chevalier de Mouhy ; un changement de titre et de programme apparaît avec le t. IV (6 juin - 13 août 1750), qui pourrait signaler l'entrée en fonction d'un nouvel auteur ; D. aurait pu contribuer aux t. II-III. Voir à ce sujet la mise au point de S. Charles dans le «Catalogue des œuvres de Claude Crébillon», par J. Sgard. R.H.L.F., janv.-févr. 1966, n° 1, p. 18. Malgré ses efforts répétés pendant près de quinze ans (1769-1783), D. n'est jamais parvenu à entrer à la Société typographique. Il reste un « manœuvre » du Parnasse ; il corrige des épreuves, compose des tables des matières, rédige peut-être quelques contes moraux (lettre du 20 sept. 1769, ibid., f° 429 ; V, p. 344). Il se réclame de son correspondant à Paris, Meusnier de Querlon, et surtout de son protecteur Voltaire : il tente vainement d'arracher son patron à Gabriel Cramer (lettre du 16 janv. 1770, f° 432 ; V, p. 347), mais ne fera passer à la Société typographique que des exemplaires à contrefaire, entre autres les Questions sur l'Encyclopédie (8 nov. 1771), pour lesquelles il obtiendra de Voltaire des additions inédites (V, p. 335-339). H s'entremet également pour diverses contrefaçons d'ouvrages suspects : le Système de la nature (3 nov. 1770 et suiv.), L'Homme dangereux de Palissot (8 juin 1771 ; V, p. 359), la Confidence philosophique de J. Vernes (9 juil. 1771). C'est seulement en 1781, à Genève où il s'est installé, qu'il trouve une place de journaliste aux Annales politiques, civiles et littéraires. Ce journal, fondé en 1777 par Linguet et interrompu à la suite de son internement à la Bastille le 27 septembre 1780, est repris par Mallet Du Pan en août 1781. Les M.S. du 20 août 1781 annoncent : «Il y a toujours des gens habiles à succéder non seulement aux morts mais même aux vivants, lorsqu'ils peuvent le faire avec impunité et sans réclamation. C'est ainsi qu'on voit à Genève Mrs Mallet et Durey de Morsan continuer les Annales de Me Linguet. Ils se sont flattés sans doute que ce prisonnier ne paraîtrait pas de sitôt» (t. XVII, p. 377). D., qui est arrivé à Genève le 15 juin 1781, écrit à Ostervald, le 17 août : «Je suis en attendant mieux, le petit Collaborateur du Vice-Linguet» (ms. 1145, f° 516). Les Annales ont été publiées par la Société typographique, sans doute à Lausanne, du 30 avril 1781 au 15 mars 1783 (J.D. Candaux, «Les gazettes helvétiques», dans L'Etude des périodiques anciens, éd. M. Couperus, Paris, Nizet, 1972, p. 130-132 ; D.P.1 114, 115). A partir de mars 1783, Linguet reprend définitivement possession de son journal. D., qui reste en relations avec Mallet et avec Mercier, continue de solliciter son «cher patron» Ostervald (lettre du 29 juil. 1783, ms. 1145, f° 523), mais sa carrière de journaliste semble terminée. Les quelques lettres qui nous restent de lui à la B.P.U. de Genève pour les années 1793-1795 sont des factures de pâtissier non payées.

7. Publications diverses

Voir la liste des œuvres de D. dans V, p. 330-333 : L'Art de /..., Paris, Osmont, 1740 (en collaboration avec Baculard d'Arnaud). – Histoire du Prétendant, s.l., 1756. – Discours de M. Durey de Morsan « secrétaire du cabinet et des commandements de S.M. le Roi de Pologne, duc de Lorraine et de Bar, pour sa réception à l'Académie Royale des sciences et belles-lettres de Nancy, le 8 mai 1757», Nancy, de Hoener, 1757. – Traité succinct de morale, ou Lois immuables, s.l., 1777- – D. a traduit les Moyens de lire avec fruit de Sacchini, Berlin, 1785 ; il a écrit plusieurs comédies : Le Voyage de l'Amour, La Statue animée, Les Amours du Docteur Lanternon (F.L.). Il a réuni la documentation du Testament politique du cardinal Jules Alberoni (publié par Maubert de Gouvest à Lausanne, chez Bousquet, en 1753). Avec Christin et Wagnière, il a rassemblé en 1773 les matériaux du Commentaire historique sur la vie de Voltaire (voir l'Avis préliminaire des Mémoires de Longchamp et Wagnière, et V, p. 332-333).

8. Bibliographie

F.L. 1769 ; B.Un. ; D.B.F. – Voltaire, Correspondence, éd. Besterman. – La Chesnaye Des Bois, Dictionnaire de la noblesse, 3e éd., Paris, 1863-1876. – Ars., ms. 11480, dossier Baculard d'Arnaud, f° 127-223. – (B) Benitez M., «Philosophes et libertins : le cas Durey de Morsan», dans Eros philosophe, dir. F. Moureau et A.M. Rieu, Paris, Champion, 1984, p. 21-38. – (V) Vercruysse J., «Joseph Marie Durey de Morsan chroniqueur de Ferney (1769-1772) et l'édition neuchâteloise des Questions sur l'Encyclopédie», S.V.E.C. 230, 1985, p. 323-391 : Vercruysse a réuni la plupart des documents relatifs à D., édité la majeure partie de sa correspondance avec la Société typographique et établi le dossier de l'édition neuchâteloise des Questions sur l'Encyclopédie.

VILLOT

Auteurs

Numéro

805

Prénom

André

Naissance

1743

Décès

1800

André Villot nous est connu par son acte de décès : «L'an huit de la République française le trente Pluviôse pardevant moi Laurent Villeneuve officier civil de la Commune de Dijon soussigné ont comparu Adélaïde Villot fille du décédé ci après dénommé et Vivant Carion imprimeur, tous deux domiciliés en cette commune et ayant l'âge requis par la loi ; lesquels m'ont déclaré que André Villot ex Rédacteur du journal de la Côte d'or, époux divorcé de Marguerite Lecoq et né à Paris le Dix Octobre Mil sept cent quarente trois de André Villot et Marguerite Geneviève Chenu son épouse, est mort en so

5. Opinions

Le «citoyen Villot. auteur du Journal du département de la Côte-d'Or » prononce un discours « dans la séance des amis de la liberté et de l'égalité de Dijon le 30 septembre 1792» (Milsand E., Bibliographie bourguignonne, Dijon, 1885,

p. 409). Mais surtout préoccupé de faire vivre son journal, il fut peut-être avant tout opportuniste. Il devait fonder en février 1795, un journal nettement thermidorien.

6. Activités journalistiques

V. est le rédacteur des Affiches de Dijon qui parurent, de 1783 à 1795, sous des titres divers : Affiches, Annonces et Avis divers de Dijon ou journal hebdomadaire de la Bourgogne, Dijon, J.B. Capel puis Frantin, Defay, etc., du 4 novembre 1783 au 28 pluviôse an III (16 févr. 1795) ; de 1785 à 1790, le titre est réduit : Affiches de Dijon ou journal de la Bourgogne ; puis modifié en : Affiches de Dijon ou journal du département de la Côte d'Or, 13 juil. 1790-1795 (D.P.1 24). L'acte de décès cité ci-dessus confirme que V. a bien été le rédacteur du «journal de la Côte d'or». Cependant, le bureau du journal est toujours installé chez Fouchet, rue des Forges, et les Affiches de Dijon restent fidèles à la formule inaugurée par Mailly (voir ce nom) : offres et demandes, édits, renseignements locaux, pièces de littérature, comptes rendus de spectacles et de causes célèbres, annonces de décès, comptes rendus des séances de l'Académie et, à partir de 1789, échos des Etats Généraux, etc.

Dans le dernier numéro du Journal du département de la Côte d'Or, 16 février 1795, V. annonce qu'il fonde un nouveau périodique. II lance en effet, le 3 ventôse an III (21 févr. 1795), L'Original, ou Journal du département de la Côte-d'Or, qui durera un an (dernier numéro le 23 pluviôse an IV) ; mais on notera que le 5 pluviôse an II, un certain Carion, qui était sans doute Vivant Carion, le gendre de V., avait lancé Le Nécessaire, qui prit en fait, et pour 40 ans, la place du Journal de la Côte-d'Or (B.H.C., p. 298-299).

8. Bibliographie

B.H.C. – Catalogue de la B.V. Dijon. – Ronsin A., «La Presse à Dijon de l'origine à 1789 », Pays de Bourgogne, n° 26-29, oct. 1959 - avril 1960.

VERSE

Auteurs

Numéro

802

Prénom

Noël Aubert de

Naissance

1645?

Décès

1714

Noël Aubert de Versé est né au Mans vers 1645 ; il est mort à Paris, dans la paroisse Saint-Benoît, en 1714. Il avait épousé, à une date inconnue, Mlle Cabaret, protestante réfugiée (D.B.F.).

2. Formation

II fit ses études au collège de l'Oratoire du Mans, où il eut pour maître Mascaron. Il quitte le collège vers 1664, pour «crime abominable» au dire de Jurieu et de La Croze. Il s'inscrit à l'Université de Genève le 22 novembre 1664, en théologie, mais se voit refuser le témoignage honorable en mars 1666 (Stelling-Michaud, t. II, p. 80).

3. Carrière

Devenu pasteur en Bourgogne, il est déposé par le synode d'Is-sur-Tille en août 1669 pour socinianisme. II revient au catholicisme, est reçu par les Oratoriens de Paris, qui lui font une pension en 1675 (ibid.) ; mais professant de nouveau le socinianisme, il est contraint de s'enfuir vers 1679 (D.B.F.). Il exerce alors comme ministre dans les environs d'Amsterdam, ce qui lui vaut les poursuites du consistoire d'Amsterdam et des synodes des églises wallonnes (Haag 2) ; en avril 1685, son Protestant pacifique est dénoncé par le synode de Brielle. Avant cette date, il a déjà renoncé au ministère. Docteur en médecine et bourgeois d'Amsterdam, il écrit dans divers journaux. Il apparaît plus que jamais comme défenseur attitré du socinianisme, mais il reçoit en même temps, au moins depuis 1682, une pension du clergé de France, et possède un domicile à Paris, paroisse Saint-Martial (A. Paul, «Noël Aubert de Versé», Revue chrétienne, 1.1, 1912, p. 232­239). Il est à peu près certain qu'il est utilisé par le clergé de France et par l'ambassadeur d'Avaux comme agent de renseignements et comme polémiste contre le Refuge (D.B.F.). Ses attaques violentes contre Jurieu lui valent la dénonciation des synodes en mars 1687 : il gagne Hambourg où il habite durant l'hiver 1687-1688 chez le pasteur L. Hémérens de La Conseillère, autre adversaire de Jurieu ; il enseigne la philosophie, est de nouveau dénoncé et doit se réfugier à Dantzig, où il exerce quelque temps le ministère. Il passe un an à Londres en 1688 et, faute de moyens d'existence, se résout à entrer en France en 1689. Il restitue tous ses papiers au lieutenant de police La Reynie (lettre de Ponchartrain à La Reynie, 9 déc. 1690, citée dans D.B.F.) ; en 1692, il publie, en témoignage de conversion définitive, L'Anti-socinien, puis cesse d'écrire.

5. Opinions

Ses hésitations, ses conversions successives, sa fougue et son instabilité sont connues ; elles l'ont mené jusqu'à la duplicité ; mais il apparaît surtout, dans l'ensemble de son oeuvre, comme un défenseur de la tolérance et du droit des consciences errantes. D'un rationalisme cartésien, il passe au socinianisme et de là à un spinozisme latent. P. Vernière discerne en lui un lecteur attentif, voire un « disciple authentique », de Spinoza dont il a montré les attaches à la philosophie cartésienne (t. I, p. 82 et suiv.). Malgré les critiques de L'Impie convaincu, il apparaît comme l'un des premiers interprètes fidèles de Spinoza et un précurseur des philosophes. Il a surtout été considéré, de son temps, comme un hérétique ; la violente polémique qu'il a entretenue de 16 8 4 à 16 8 7 contre Jurieu et ses démêlés permanents avec les synodes ont masqué le sérieux de sa réflexion.

E. Kaeppler a étudié les rapports de V. avec Hémérens de La Conseillère {Bulletin d'histoire du protestantisme, 1037,

p. 146 et suiv.) : V. habitait déjà chez Hémérens à Hambourg en 1687-1688 ; les attaques de Jurieu ont visé Hémérens autant que V. {Factum de l'affaire de M. de La Conseillère et de sa conduite envers le Sr. Aubert de Versé, 1690). Sur V. on est bien mieux renseigné depuis 1987 par le livre de Morman. Jurieu regardait V. « comme le plus dangereux et détestable des sociniens» et le joignait à Hémérens dans ses poursuites contre ce dernier en 1690, aussi bien qu'Isaac Papin et Daniel de Larroque qui, paraît-il, rentrèrent tous en France cette année-là pour abjurer et y vivre de pensions. Le départ du trio put sembler une grande victoire pour Jurieu, plus que l'issue de procédures indécises contre Hémérens et Papin, ce dernier ayant été chassé de Danzig par son intervention fin 1689, et Hémérens obligé quelques années plus tard de se réfugier à Londres, où il mourut. Pourtant ce triomphe passager faillit être fatal pour sa réputation et même sa santé. Entre lui et V. les échanges polémiques étaient une habitude ancienne : depuis le Protestant pacifique de V. (1684) dont l'attitude œcuménique fut qualifiée «d'indifférence des religions» par Jurieu, ils avaient bataillé continuellement, V. devenant de plus en plus ironique et Jurieu de plus en plus virulent dans ses idées et son langage. Sa haine pour son adversaire atteignit son comble dans son Factum pour demander justice aux Puissances contre Noël Aubert de Versé atteint et convaincu des crimes d'impureté, d'impiété et de blasphème (anon., 1687) où il voulut se donner le rôle de policier des comportements en plus de celui de juge de l'orthodoxie calviniste. V., dans sa réplique Manifeste de Maître Noël Aubert de Versé [...] contre l'auteur anonyme d'un libelle diffamatoire intitulé Factum (Amsterdam, 1687), indiquait, en préservant cet anonymat, l'influence de son ennemi dans les cercles politiques et ecclésiastiques, et aussi la difficulté de réfuter des accusations vagues. Il est vrai que si d'autres, laïcs et pasteurs, voyaient en V. un coquin, ils devaient attendre qu'il en soit convaincu juridiquement avant de publier leur verdict ; mais une difficulté majeure pour les «consciences errantes» d'alors, était que les juridictions publiques et privées se trouvaient mal distinguées dans la pratique quotidienne aux Pays-Bas. Mais Jurieu ne triompha pas longtemps. Après une nouvelle polémique et des écrits rageurs contre l'Avis important aux Réfugiés qu'il attribuait à Bayle et non à Larroque, il revint à la charge contre Hémérens dans un Factum de l'affaire de M. de la Conseillère (1690, p. 4), nouvelle occasion de noircir V., après l'insuccès de Heusden. Mais sur ces entrefaites Hémérens produisait la disculpation de presque toutes les accusations contre V. dans un Factum écrasant pour Jurieu. Celui-ci avait inclus parmi ses attaques de nombreuses citations de documents juridiques relatifs aux tentatives faites par V. pour récupérer sa fille de la garde de sa grand-mère catholique, avec le succès que la mentalité des magistrats et fonctionnaires français permet d'imaginer. Le mal que Jurieu s'était donné pour se procurer tous ces documents et pour les éplucher minutieusement afin d'utiliser chaque phrase défavorable pour ce veuf malheureux privé de son seul enfant, prouve la hargne et l'aveuglement où il sombrait. Hémérens reprenait tous ces documents sans doute procurés et fournis par V. avant son retour en France. Il montrait dans le détail que toutes les citations avaient été extraites de leur contexte pour leur donner un sens opposé. Pour les lecteurs de ce texte à sensation, Jurieu, le grand défenseur de l'orthodoxie qui prétendait régenter la vie de ses collègues pasteurs, se trouva convaincu de mauvaise foi et de falsification de documents, ce qui était grave. Alors que V., loin d'être détruit, remontait dans l'opinion, Jurieu sombrait dans un effondrement nerveux qui arrêta la composition des Lettres pastorales, et le jeta dans des rechutes répétées. Bien que les amis et admirateurs de Jurieu aient évidemment détruit au maximum les exemplaires de ce factum, devenu rarissime, et bien qu'il ait continué à publier des ouvrages mineurs, au ton radouci par une veine quelque plus mystique, son règne d'inquisiteur (c'est Paul Hazard qui utilise le mot) sur les intellectuels de sa communauté se termine [Développement rédigé par E. Briggs].

6. Activités journalistiques

V. aurait collaboré à la Gazette d'Amsterdam vers 1684 ; le fait est difficile à vérifier. La Gazette fut en effet interdite en septembre 1679 intervention du comte d'Avaux. Les numéros publiés en particulier par Swoll entre 1680 et 1686, sans permission, donnent lieu à diverses poursuites (contre Swoll, Chavigny, Crosnier : voir ces noms). On peut alors s'interroger sur le rôle de V. dans la Gazette, qui fut peut-être un rôle d'agent double.

V. travailla aux Nouvelles solides et choisies publiées par la veuve Ceinglein en 1684 (D.P.1 1059) ; le fait est attesté par Bayle (lettre à Lenfant, 18 janv. 1685, Œuvres diverses, La Haye, 1737, t. IV, p. 620). Il écrit sous divers pseudonymes : Léon de La Guitonnière, Théognoste de Berée, ou signe «A.D.V.», mais la plupart de ses articles sont anonymes. Il a traduit le 1.1 des Acta eruditorum de Leipzig (La Haye, Leers, 1685).

7. Publications diverses

7. L'Impie convaincu, ou dissertation contre Spinoza dans laquelle on réfute les fondements de son athéisme, Amsterdam, Jean Creile, 1684 (Conlon, n° 1789). – Le Protestant pacifique, ou traité de la paix de l'Eglise, Amsterdam, Genesi Taxor, 1684 (Conlon, n° 1790). – L'Avocat des protestants, Amsterdam, Mortier, 1686 (Conlon, n° 2761). – Le Nouveau visionnaire de Rotterdam, ou examen des parallèles mystiques de Mr. Jurieu, Callonge, 1686 (Conlon, n° 2762). – Manifeste de Maître Noël Aubert de Versé, «docteur en médecine et ci-devant ministre de la religion P. réformée, bourgeois de la ville d'Amsterdam», Leyde, 7 janv. 1687 (Conlon, n° 3237). Le Tombeau du socinianisme, Francfort, F. Arnaud, 1687 (Conlon, n° 3238). – Traité de la liberté de conscience, Cologne, P. Marteau, 1687 (Conlon, n° 3239). – Les Trophées de Port-Royal renversés, Amsterdam, R. Roger, 1688 (Conlon, n° 3792). – La Véritable Clé de l'Apocalypse, Cologne, P. Marteau, 1690 (Conlon, n° 4754). – L'Anti-socinien, Paris, Mazuel, 1692.

8. Bibliographie

Moreri ; B.Un. ; Haag 2 ; D.B.F., « Aubert de Versé, Noël» ; Conlon. Une bonne partie des indications données ci-dessus proviennent de la notice de Huetz de Lemps dans D.B.F. On signalera en outre : Livre du Recteur de l'académie de Genève, éd. S. Stelling-Michaud, t. II, Genève, Droz, 1966, p. 80. – Vernière P., Spinoza et la pensée française avant la Révolution, I, Paris, P.U.F., 1954, p. 81-89. – Morman P.J., Noël Aubert de Versé, a study in the concept of toleration, Lewiston U.S.A. et Queenstown Canada, Mellon Press, 1987.