MEURON

Numéro

573

Prénom

Etienne

Naissance

1675

Décès

1750

Issu d'une vieille famille neuchâteloise, Etienne Meuron est né en 1675 à Neuchâtel. Il est le fils de Samuel Meuron (1648-1711), receveur et maire de Bevaix, puis procureur de Valangin, et de sa cousine Judith Meuron. De sa femme Marguerite de Pury (morte en 1762), il a eu quatorze enfants, dont Daniel (1700-1773), pasteur, Samuel (1703-1777), conseiller d'Etat et procureur général, et Pierre (1712-1800), allié De Luze, conseiller de Ville à Neuchâtel. M.

2. Formation

M. fréquenta l'Université de Bâle dès 1690 et en sortit docteur en droit le 11 octobre 1693, après avoir soutenu sa dissertation « mathématico-juridique » De jure et controversiis limitum ac finium regundorum (voir Die Matrikel der Universität Basel, éd. H.G. Wackernagel et al., Basel, 1975. t. IV, n° 1356).

3. Carrière

Avocat au barreau de Neuchâtel, M. fut nommé conseiller d'Etat et commissaire général en 1709.

6. Activités journalistiques

Durant onze ans, de 1737 à 1747, M. a été le collaborateur le plus prolifique du Mercure suisse et Journal helvétique de Neuchâtel (liste dans Biographie neuchâteloise, loc. cit.). Doué d'un réel sens critique, il a donné notamment de copieux extraits de certains travaux historiques récents, tels l'Histoire du comté de Bourgogne de Dunod de Charnage ou la biographie du roi de Prusse Frédéric-Guillaume, s'est attaqué au «système» de certains auteurs en leur opposant ses propres idées, notamment sur l'origine des ducs de Zähringen, sur le lieu de la réunion du concile d'Epaune, sur une bulle scandaleuse du pape Clément VI ou sur les procédures faites contre la ville de Thorn. Elargissant le débat, il a examiné, à propos d'un cas historique, s'il est permis de tuer un tyran, il a disserté sur l'harmonie préétablie, de même que sur «les variations de la philosophie et l'assoupissement des philosophes». Il n'a pas craint d'aborder le domaine des sciences exactes, en traitant des recherches de Jean (Johann II) Bernoulli sur la propagation de la lumière et en présentant ses conjectures sur la comète apparue à Neuchâtel au mois de février 1744.

7. Publications diverses

M. publia à Neuchâtel en 1721 deux mémoires pour défendre les droits du prince de Neuchâtel dans la succession de la baronnie de Gorgier et justifier la réunion de cette baronnie au domaine direct de la souveraineté neuchâteloise.

8. Bibliographie

Jeanneret F.A.M. et Bonhôte J.H., Biographie neuchâteloise, Locle, E. Courvoisier, 1863, t. II, p. 69-71. – Meuron G. de, Histoire d'une famille neuchâteloise (la famille Meuron), Hauterive, Gilles Attinger, 1991.

LOYS DE CHESEAUX

Numéro

530

Prénom

Charles

Naissance

1730

Décès

1789

Issu d'une vieille famille de la noblesse du Pays de Vaud, Charles Louis Loys de Cheseaux a été baptisé à Lausanne le 22 mars 1730. Il est le fils cadet du banneret Paul Etienne Loys de Cheseaux et par sa mère Judith de Crousaz le petit-fils du célèbre mathématicien et philosophe Jean Pierre de Crousaz (1663-1750). Son frère aîné, Jean Philippe Loys de Cheseaux (1718-1751), fut lui aussi, malgré sa mort prématurée, un astronome et physicien de réputation euro­péenne (voir M.

2. Formation

On ignore où L. a fait ses études.

3. Carrière

La carrière de L. est également inconnue. On sait seulement qu'il adhéra à la Société économique de Berne dès le 23 janvier 1762 ; et qu'il fut l'ami intime de Court de Gébelin, tout comme son père avait été celui d'Antoine Court.

4. Situation de fortune

«D'une piété réelle mais excentrique», L. crut lire dans l'Apocalypse la prédiction de la chute imminente de l'Empire ottoman et compromit sa fortune en faisant de gros paris sur la prise de Constantinople par les Russes. Cette déconvenue ne l'empêcha pas de découvrir et d'annoncer ensuite une « harmonie » entre les prophéties bibliques et les événements «du temps présent qui nous découvrent ceux qui ne sont pas loin d'arriver» (voir H. Vuilleumier, Histoire de l'Eglise réformée du Pays de Vaud sous le régime bernois, Lausanne, 1933, t. IV, p. 435, 470).

5. Opinions

Seul héritier, après la mort de son frère, de la seigneurie de Cheseaux que sa famille possédait sans partage depuis 1557, L. la vendit en 1769 à Marc de Boutes pour 124 000 francs (voir E. Mottaz, Dictionnaire historique, géographique et statistique du Canton de Vaud, Lausanne, 1914, 1.1, p. 424).

6. Activités journalistiques

L. avait projeté en 1755 de lancer une collection périodique intitulée Histoire du progrès des sciences depuis le milieu du présent siècle, mais l'entreprise resta sans suite. Au cours de la décennie suivante, la Société économique de Berne publia à deux reprises dans le recueil de ses Mémoires et observations des textes de lui : un extrait de lettre «sur la construction d'un hygromètre (1762, t. I, p. 181-185), et surtout son «Essai sur la population du Canton de Berne, particulièrement du Pais de Vaud, où l'on traite des causes de sa dépopulation» (1766, t. III, p. 3-92).

7. Publications diverses

L. a publié d'autre part : Discours philosophique sur la physique et l'histoire naturelle, Paris, 1762. – Harmonie des prophéties, Lausanne, 1774. – trad. de l'Essai sur la Providence de Charles Price, Yverdon, 1776. – Abrégé chronolo­gique pour servir à l'histoire de la physique jusqu'à nos jours, Strasbourg, 1786-1789, 4 vol. Le premier et le dernier de ces ouvrages ont été souvent attribués par confusion à son frère aîné Jean Philippe.

8. Bibliographie

Montet A. de, Dictionnaire biographique des Genevois et des Vaudois, Lausanne, 1878, t. II, p. 77.

LANTEIRES

Numéro

453

Prénom

Jean

Naissance

1756

Décès

1797

D'une famille huguenote d'apothicaires et de chirurgiens, originaire de Chamborigaud (Gard) et réfugiée en Suisse dès 1738, quatrième des douze enfants de l'apothicaire François Placide Lanteires (1725?-1767) et de la Lausannoise Jeanne Louise Matthey (1728?-1792), Jean Lanteires est né à Lausanne le 3 mars 1756. Il s'est marié en 1784 avec Gervaise Prenleloup, de Penthaz, dont il n'a point eu d'enfant. Il est décédé à Lausanne le 22 mars 1797.

2. Formation

Après de brèves études à Montpellier (1777) et Paris, L. fut nommé apothicaire des réfugiés à Lausanne (1781).

3. Carrière

Sept ans plus tard, la fermeture de sa boutique, jugée «très mal fournie», fut compensée par l'octroi du titre de «professeur honoraire en langue et belles-lettres françaises» et par un subside de cent couronnes (13 juin 1788). L. semble avoir vécu dès lors des cours qu'il donnait (d'orthographe, de grammaire, d'histoire, de mythologie, de botanique, de minéralogie, etc. à raison de 24 £ par élève pour quatre mois de leçons) et de son activité de publiciste.

6. Activités journalistiques

L. fut le fondateur et principal rédacteur du premier Journal de Lausanne (2 décembre 1786 – 19 décembre 1792).

7. Publications diverses

L. est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages de littérature et de pédagogie, presque tous imprimés à Lausanne : Confessions d'Emanuel Figaro écrites par lui-même (1786 ; rééd. en 1787 avec : Une journée champêtre ou Promenade au bois de Sauvabelin). – Quelques avis aux institutrices de jeunes demoiselles, 1788. – Essai sur le tonnerre considéré dans ses effets moraux sur les hommes, 1789. – Tableau des opérations de l'Assemblée nationale d'après le Journal de Paris, 1789-1792, 7 vol. – L'Anglais aux Indes ou Histoire de la guerre des Français et des Anglais aux Indes orientales, 1791, 3 vol. (traduction d'une traduction, selon Monglond, t. II, p. 350-351). – Tableau abrégé de l'antiquité littéraire mis à la portée de tout le monde, 1791. – Mon pamphlet ou Précis des causes qui ont préparé la révolution de France, 1794. – Quelques directions sur la lecture des traductions des poètes grecs et latins, 1794. – Bibliothèque du père de famille ou Cours complet d'éducation, 1795-1796, 12 vol. – Manuel élémentaire de littérature et belles-lettres en forme de dictionnaire, 1796. – C'est à tort en revanche qu'à la suite de Barbier, on attribue à L. l'anonyme Abrégé de l'histoire poétique ou Introduction à la mythologie : la première édition de cet ouvrage a paru à Genève, chez Pellet, en 1750 , six ans avant la naissance de son prétendu auteur ! L’exemplaire de la B.C.U. de Lausanne-Dorigny (Côte : AA 9140) porte sur son titre, d’une main contemporaine, « Par M. Fougeureux », ce qui permettrait d’attribuer l’ouvrage à Jean Fougeureux de Grandbois, fils de Paul, originaire de Montpellier, époux en 1722 (et veuf en 1766) de la Genevoise Jacqueline Fol, bourgeois de Genève le 24 avril 1728, régent de la cinquième classe du collège de Genève de 1732 à sa retraite en 1763 (selon le Livre du recteur de l’Académie de Genève, éd. S. Stelling-Michaud, t. III, Genève, 1972, p.350-351).

8. Bibliographie

Perrochon H., «Le journaliste Jean Lanteires (1756-1797)», Revue historique vaudoise, 1930, XXXVIII, p. 257-272 (repris sans les notes dans son Evasion dans le passé romand, Lausanne, 1941, p. 59-73). – Olivier E., Médecine et santé dans le Pays de Vaud au XVIIIe siècle, 1675-1798, Lausanne, 1939, p. 255-260, 973-975.

HENZI

Numéro

396

Prénom

Samuel

Naissance

1701

Décès

1749

Issu d'une famille bourgeoise de Berne, Samuel Henzi, baptisé à Bümplitz (BE) le 19 avril 1701, est le fils du pasteur Johannes Henzi (1667-1740) et de sa femme Catharina Herzog (morte en 1747). Il a épousé en premières noces Rosina Wernier, morte en 1738 après lui avoir donné deux fils, dont Rudolf Samuel (1731-1803), amateur d'art et littérateur ; et en secondes noces Katharina Malacrida (1707-1751), veuve Wyttenbach, dont il a eu trois autres fils. S.H. est mort à Berne, le 17 juillet 1749, par décapitation.

2. Formation

Autodidacte, S.H. passe pour s'être donné lui-même une riche culture littéraire.

3. Carrière

En 1715, à l'âge de quatorze ans, S.H. fut engagé comme copiste par la Chambre bernoise des Sels. On ignore quelles furent ensuite ses activités professionnelles jusqu'en 1741 où on le trouve capitaine d'un régiment au service du duc de Modène. De retour à Berne en 1743, il fut nommé précepteur de la jeune et brillante patricienne bernoise Julie von Bondeli (1731-1778). L'année suivante, il était impliqué dans l'affaire du «Mémorial» (placet collectif demandant diverses réformes politiques au gouvernement bernois) et condamné à cinq ans de bannissement par sentence du 24 avril 1744. Réfugié à Neuchâtel, il se fit homme de lettres et publiciste francophone. Gracié par le Grand Conseil bernois le 1er mai 1748, S.H. réintégra la ville de Berne et fut nommé sous-bibliothécaire en octobre 1748. Peu après, il prit la tête d'un complot contre Leurs Excellences de Berne, qui fut découvert le 2 juillet 1749 ce qui lui valut d'être condamné à mort le 16 juillet et exécuté le 17 avec deux de ses complices. Cette «Henziverschwörung» inspira l'année même à Lessing son drame Samuel Henzi, Martyrer der öffentlichen Meinung.

6. Activités journalistiques

Durant son exil neuchâtelois, S.H. a publié deux périodiques littéraires de sa composition : l'Amusement de Misodème (1745) et La Messagerie du Pinde (1747-1748) ; il a donné en outre plusieurs pièces de vers au Journal helvétique sous le nom de «Misodème» ou sous son nom propre («Les Vendanges du Plan» en décembre 1746).

7. Publications diverses

S.H. n'a guère publié que quelques poésies de circonstance, mais il est l'auteur de la première dramaturgie de la légende de Tell : Grisler ou l'ambition punie, tragédie en cinq actes (1762).

8. Bibliographie

Kohler X., «Les oeuvres poétiques de Samuel Henzi», Actes de la Société jurassienne d'émulation, t. XXI, 1869, p. 56-125. – Baebler J.J., Samuel Henzi's Leben und Schriften, Aarau, 1879.- Allgemeine Deutsche Biographie, XII (1880), p. 12-14 (notice de Baebler). – Rossel V., «Un Scarron bernois», Le Semeur, revue littéraire et artistique, t. III, 1889-1890, p. 178-182, 209-212, 251-253. – Krebs M., Henzi und Lessing, Bern, 1903 («Neujahrs-Blatt der Litterarischen Gesellschaft Bern auf das Jahr 1904»).- Telldramen des 18. Jahrhunderts, Bern-Stuttgart, 1985, p. 9-100 : Samuel Henzi, «Grisler ou l'ambition punie», avec un «Nachwort» de Gsteiger Manfred). – Neue Deutsche Biographie, VIII, 1969, p. 568 (notice de Bodmer-Gessner Verena).

HENNEZEL

Numéro

394

Prénom

Béat de

Naissance

1733

Décès

1810

Les nobles de Hennezel sont attestés dès le XIVe siècle en Lorraine, d'où ils ont essaimé en Franche Comté, en Champagne, en Nivernais.

2. Formation

On ne sait rien des «Lehr- und Wanderjahre» de B.A.F.H. , sinon qu'il séjourna dans sa jeunesse à Paris, puis à Londres, où il fréquenta l'atelier de l'architecte huguenot Charles Paul Dangeau de Labélye (1705-1781).

3. Carrière

De retour au pays, il amorça une carrière d'architecte, exécutant divers travaux par la municipalité d'Yverdon, participant sans succès aux concours pour le nouvel hôpital de Lausanne (1766) et pour le nouvel hôtel de ville d'Yverdon (1766), donnant en revanche les plans de l'auberge communale de l'Aigle royal à Yverdon (1774-1775), de la nouvelle porte de la rue du Château à Neuchâtel (1775), du logis de la Couronne à Neuchâtel également (1776-1777) et peut-être aussi de la maison d'Entremont (1778). Parallèlement, H. participa en 1775 au démarrage de la Société littéraire et typographique d'Yverdon, en prêtant main forte à son chef Joseph Ferdinand Lex, et il dirigea de 1776 à 1785 la Feuille d'avis d'Yverdon (voir J.P. Perret , Les imprimeries d'Yverdon au XVIIe et au XVIIIe siècle, Lausanne, 1945, p. 272 et 434-438). . Dilettante curieux de tout, il était allé voir Jean Jacques Rousseau à Môtiers et Voltaire à Ferney le 16 juillet 1766 (voir L.Michaud, «Deux opinions inédites sur Rousseau et sur Voltaire», Revue historique vaudoise, 1962, p. 138-142). Il fréquenta Louis Sébastien Mercier à Neuchâtel et l'abbé Raynal à Lausanne. «Un peu peintre, un peu antiquaire», il fut attiré tardivement par l'Italie, qu'il parcourut au cours de deux longs voyages d'octobre 1791 à juin 1794 et de l'automne 1795 à l'été 1796. Septuagénaire, il alla s'installer enfin à Paris (1803), où il passa les dernières années de sa vie. Il avait réuni et il légua à la Bibliothèque publique d'Yverdon une belle collection de gravures. Les nombreux croquis et dessins qu'il avait rapportés d'Italie restèrent en revanche dans sa famille.

4. Situation de fortune

Réduit à sa légitime par le testament de son père, H. devait faire sans succès un procès à son frère aîné Christophe François Sébastien (1732-1795), auquel la terre et seigneurie d'Essert avait été cédée le 14 janvier 1749 à des conditions avantageuses.

6. Activités journalistiques

H. fut en 1776 le co-fondateur et durant dix ans le premier directeur de la deuxième Feuille d'avis d'Yverdon.

7. Publications diverses

H. a publié à petit tirage un Traité des différentes espèces de tapisseries, Yverdon, 1776, 74 pages in 8°.

8. Bibliographie

Gilliard C., «Un voyage en Italie à la fin du XVIIIe siècle», Bibliothèque universelle et revue suisse, LXXIII, 1914, p. 108-128 et 352-372 (repris dans ses : Pages d'histoire vaudoise, Lausanne, 1959, p. 276-303). – Hajjar R., «Béat-Antoine-François de Hennezel d'Essert (1733-1810), un album factice au Musée d'art et d'histoire», Genava, n.s. XXXI, 1983, p. 89-99. – Grandjean M., «L'hôtel de ville d'Yverdon et son logis : architecture et architectes», Revue historique vaudoise, 1984, p. 11-72. – Herdt A. (de), Les Voyages en Italie de Béat de Hennezel, architecte, 1791-1796, Genève, Musée d'art et d'histoire, 1989.- Perret-Gentil N., Béat de Hennezel architecte yverdonnois, Yverdon, 1992.

GARCIN

Numéro

330

Prénom

Laurent

Naissance

1683

Décès

1751

Né à Grenoble en 1683, Laurent Garcin est le fils (unique?) de Jean Garcin (mort en 1735), médecin huguenot réfugié en 1685 à Vevey, puis à Neuchâtel. Il épouse à Genève, par contrat du 15 septembre 1731, Marguerite Maystre (née en 1704), troisième des six enfants de Daniel Maystre (1651-1717) et de sa seconde épouse Marie Aigouin. Il en a un fils unique, Jean Laurent Garcin dit Garcin de Cottens (1733-1781). G. a été enterré à Neuchâtel le 18 avril 1751.

2. Formation

Il fit en Hollande des études de chirurgie et de médecine dans les années 1695-1705 ; dans quelle université? On l'ignore. Son nom ne figure pas dans L’Album studiosorum Academiae Lugduno Batavae 1575-1875 (La Haye, 1875).

3. Carrière

G. commença par entrer au service des Etats Généraux des Provinces-Unies en qualité de médecin d'un régiment hollandais, ce qui lui permit de «voyager commodément pendant seize ans en Espagne, au Portugal et en Flandres» (selon ses propres dires rapportés par Bridel, p. 99). Devenu premier chirurgien d'un vaisseau de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, il fit entre 1720 et 1729 trois voyages au long cours jusqu'en Insulinde, visitant au passage l'Arabie, la Perse, les Indes, Ceylan et la Malaisie. Muni des instructions de Boerhaave, G. profita de ces séjours pour mener de véritables campagnes d'exploration botanique, dont les résultats satisfirent Linné au point de l'inciter à baptiser Garcinia un arbre des Molluques. De retour en Europe, G. prit ses grades de docteur en médecine à l'académie de Reims, séjourna à Genève le temps de s'y marier, puis alla rejoindre sa famille à Neuchâtel, où il pratiqua la médecine jusqu'à la fin de sa vie. Correspondant de l'Académie des sciences de Paris dès 1731, G. entretint un commerce épistolaire avec les plus grands savants de son temps, notamment avec les Bernoulli, Haller, Jallabert, Jussieu, Réaumur, etc., et collabora aux travaux de Louis Bourguet et d'Abraham Gagnebin de La Ferrière.

6. Activités journalistiques

G. fut dès 1734 et durant une quinzaine d'années un des collaborateurs assidus du Mercure suisse et Journal helvétique de Neuchâtel. Il y tint la chronique météorologique, publiant d'abord pendant deux ans (1734-1735) des relevés mensuels détaillés, défendant son «système» de météorologie contre les critiques d'un savant romain (nov. 1735, p. 97-119 ; janv. 1736, p. 49-72), comparant à l'occasion d'un séjour à Hulst (Pays-Bas) ses observations faites à des latitudes maritime d'une part, alpine de l'autre (mai 1740, p. 465-478), etc. Il fit paraître d'autre part, en y mettant son nom, une série de lettres sur divers sujets scientifiques : particularités des bains d'Aix-en-Savoie, causes des mouvements barométriques, remèdes nouveaux expérimentés aux Indes (pilules «madurines» notamment), œufs philosophiques, maladies de la peau, grains tombés du ciel, système de Telliamed. Liste dans la Biographie neuchâteloise.

Il collabora à la Bibliothèque raisonnée, mais de façon certainement épisodique (voir D.P.1 169).

7. Publications diverses

G. a publié en outre divers mémoires d'histoire naturelle dans les Mémoires de l'Académie des sciences de Paris et dans les Philosophical transactions of the Royal Society de Londres. Il a collaboré au grand Dictionnaire universel de commerce de Jacques Savary Des Bruslons (Genève, 1742, 4 vol.).

Le Conservateur suisse, Lausanne, 1831, t. XIII, p. 98-108 (notice du doyen P.S. Bridel, source de toutes les suivantes). – Haag 2, t. VI, col. 933-934. – Biographie neuchâteloise, Locle, 1863, t. I, p. 373-379. – Briquet J., Biographies des botanistes à Genève de 1500 à 1931, Genève, 1940, p. 233-235. – Le Refuge huguenot en Suisse, Lausanne, 1985, n°526.

FELICE

Numéro

299

Prénom

Fortunato de

Naissance

1723

Décès

1789

De famille napolitaine, Fortunato Placido Bartolomeo de Felice est né à Rome le 24 août 1723, premier des six enfants de Gennaro de Felice (1701-1783) et de sa femme Caterina Rossetti.

2. Formation

F. a fait ses humanités chez les Jésuites, au Collegio Romano de Rome, puis dans un des collèges de Brescia (1740-1743).

3. Carrière

De retour à Rome en 1743, sous-diacre le 19 septembre 1744 et diacre le 18 septembre 1745 dans l'ordre mineur des frères mineurs observants, ordonné prêtre le 18 mai 1746, F. assiste d'abord l'évêque de Rieti. Nommé professeur extraordinaire de géographie ancienne et moderne à l'Université de Naples en 1750, il y obtient en 1752 la chaire de physique expérimentale. Mais en mai 1756, il enlève Agnesa Arquato, épouse du comte Giuseppe Panzutti, et s'enfuit de Naples avec elle. Arrêté à Gênes, relégué dans un couvent toscan, il s'en échappe en avril 1757, gagne la Suisse et abjure le catholicisme à Berne le 26 juin 1757. Etabli d'abord à Berne, il participe en 1758 au lancement de la Société typographique, postule sans succès la chaire de philosophie de l'Académie de Lausanne en 1761, mais peut donner des cours à Berne. Fixé dès juillet 1762 à Yverdon, il y établit un pensionnat et y fonde une imprimerie, qui devient bientôt l'une des plus importantes de Suisse.

4. Situation de fortune

Complètement démuni lors de son arrivée en Suisse, F. put acheter successivement ; en 1766 la maison Warney de la rue du Lac, à Yverdon, qu'il avait d'abord louée pour sa famille et pour son pensionnat ; en 1772, le vaste domaine et la maison dite du Tertre à Bonvillars au-dessus d'Yverdon ; et le 13 mars 1777, pour 1500 francs, la maison de la rue du Lac où son imprimerie était installée (voir Perret, p. 100-101). Mais cette prospérité ne dura pas. En 1788, F. dut revendre son domaine de Bonvillars et sa succession en 1789 s'avéra si obérée qu'elle faillit être répudiée (id., p. 243-247).

5. Opinions

Partisan des Lumières, F. reste très attaché au christianisme dont il n'hésite pas à prendre la défense face aux philosophes.

F. est l'un des rares journalistes du XVIIIe siècle qui ait publié ses périodiques en trois langues différentes. Il a rédigé et fait paraître à Berne, de juillet 1758 a juin 1762, l'Excerptum totius Italicae nec non Helveticae Literaturae (16 vol.). Simultanément, il a publié à Berne, puis à Yverdon, de 1758 à 1766, L’Estratto délia letteratura europea (36 vol.). Enfin, il a imprimé à Yverdon en 1779, 1782 et 1783 le Tableau raisonné de l'histoire littéraire du dix-huitième siècle (36 vol. ; D.P.1 1246).

7. Publications diverses

F. est également l'auteur des ouvrages suivants : Scelta de'migliori opuscoli [...] concernenti le scienze e le arti che la vita umana interessano (Napoli, 1755). – De Newtoniana attractione (Bernae, 1757). – Lettre aux désœuvrés (Yverdon, 1766). – Essai sur la manière la plus sûre d'établir un système de polke des grains (1772). – Tableau philosophique de la religion chrétienne (Yverdon, 1779, 4 vol.). – A titre posthume, Le Développement de la raison (Yverdon, 1789, 3 vol.). – A l'usage de ses pensionnaires d'Yverdon ou d'autres étudiants, il a publié en outre les manuels suivants : Discours sur la manière de former l'esprit et le cœur des enfants (1763).

Eléments abrégés de grammaire latine (1765). – Leçons de droit de la nature et des gens (1769). – Leçons de logique (1770). – Enfin, on doit à F. quelques traductions, une édition, augmentée d'une suite inédite, des Principes du droit de la nature et des gens de Jean Jacques Burlamaqui (Yverdon, 1766-1768, 8 vol.) ainsi que de nombreux articles de l'Encyclopédie ou Dictionnaire universel raisonné des connaissances humaines, qu'il dirigea et publia sur ses presses d'Yverdon de 1770 à 1780 en 58 vol. in-40.

8. Bibliographie

Q., t. V, p. 86. – Dizionario biografico degli Italiani, Roma, 1987. – Montet A. de, Dictionnaire biographique des Genevois et des Vaudois, Lausanne, 1877. – Maccabez E., F.B. de Felice, 1723-1789, et son Encyclopédie, Bâle, 1903. – Perret J.P., Les Imprimeries d'Yverdon au XVIIe et au XVIIIe siècle, Lausanne, 1945 (p. 80-247 et 388-433). – [Johnson B.P.], Des nouvelles du vieux, York, 1968. – Fortunato Bartolomeo De Felice editore illuminista (1723-1789), una mostra, éd. G. Pejrone Chiabotti, Milano, 1983 (surtout p. 37-57 : «I rapporti con l'Italia di una grande impresa editoriale svizzera»).– Cornaz H., «Fortuné Barthélémy de Felice - pas toujours conforme», Forum des écrivains, annuaire, n° 2, 1988, p. 7-12. – Pejrone G., «Fortunato Bartolomeo de Felice, éducateur, publiciste, éditeur», Annales Benjamin Constant, 14, 1993, p. 57-62.

FAVRE-RILLIET

Numéro

298

Prénom

Jean Jacques

Naissance

1734

Décès

1784

Issu d'une vieille famille gouvernementale genevoise, Jean Jacques Favre, né à Genève le 17 février 1734, est le premier fils de Pierre Favre (1695-1788) et de sa seconde femme Suzanne Jolivet (1715-1782). Il épousa à Genève le 27 avril 1760 Marie Rilliet (1740-1794), fille de Samuel Rilliet et Suzanne Guyon (d'où son nom de Favre-Rilliet). Il mourut à Genève le 15 janvier 1784, sans postérité.

2. Formation

F. fit toutes ses études à l'Académie de Genève, dont il fréquenta tour à tour dès 1749 les auditoires de belles-lettres, de philosophie et de droit. Il fut reçu avocat au barreau de Genève le 13 mai 1757 (voir La Matricule des avocats de Genève, 1712-1904, éd. A. Choisy, Genève, 1904, p. 30). Appartenant à un rameau cadet de la famille, il ne put entrer dans les Conseils où siégeaient déjà ses cousins germains. Tandis que son frère puîné François (1736-1814), négociant à Marseille, amassait une énorme fortune, faisait un beau mariage et acquérait le superbe domaine de «La Grange» aux portes de Genève, où son fils Guillaume Favre-Bertrand (1770-1851) allait mener une vie de grand seigneur lettré (voir A. Choisy, Généalogies genevoises : familles admises à la Bourgeoisie avant la Réformation, Genève, 1947, p. 131), F. ne fit qu'une obscure carrière d'avocat.

6. Activités journalistiques

F. est l'auteur d'une Gazette américaine datée du 3 janvier 1780, qui n'a jamais eu qu'un seul numéro de huit pages et qui n'est à la vérité qu'un pamphlet persiflant les notabilités politiques du jour (D.P.1 535).

7. Publications diverses

F. a publié dans la même année trois autres pamphlets inspirés par l'actualité politique genevoise (voir E. Rivoire, Bibliographie historique de Genève au XVIIIe siècle, Genève, 1897,1.1, n° 1877, 1886 et 1897) : un fictif Supplément à la Feuille d'avis du samedi 16 février 1780 (7 p.), une prétendue Relation de la foire, datée du 11 mars 1780 (8 p.) et Le Poisson d'avril, daté du 1er avril 1780 (8 p.).

8. Le Livre du Recteur de l'Académie de Genève (1359-1878), éd. S. Stelling-Michaud, t. III, Genève, 1972, p. 290.

DESPRAZ

Numéro

234

Prénom

Jean-Jacques

Naissance

vers 1685/1690

Décès

1743

Jean Jacques Despraz ou Deprat est n ˆ Paris vers 1685-1690. On ignore le nom de ses parents, mais il sortait, para”t-il, d'une famille ÇdistingueÈ. Il a pous en 1723 la Bernoise Salome Anliker, dont il eut un fils. Le 4 avril 1724, il acquit la bourgeoisie de la localit bernoise de Thunstetten. Il mourut en 1743, mais le lieu de son dcs n'a pas pu tre retrouv.

2. Formation

Destin ˆ la carrire militaire, D. fut d'abord officier au service de la Rpublique de Venise. Mais il avait l'esprit curieux et, selon Holzhalb, la lecture d'ouvrages protestants le conduisit ˆ embrasser la religion rforme ˆ Zurich, o il russit mme ˆ soutenir le 9 septembre 1715, sous la prsidence du professeur Johann Jakob Hottinger, des thses de thologie assez polmiques ˆ l'gard de l'Eglise catholique romaine. Il dut acqurir galement une formation de juriste, mais on ignore o et comment. Ds 1716, il se fixa ˆ Berne, o il concourut vainement pour la chaire de droit de l'acadmie de Lausanne en 1718 (voir P. Meylan, Jean Barbeyrac (1674-1744) et les dbuts de l'enseignements du droit dans l'ancienne Acadmie de Lausanne, Lausanne, 1937, p. 163-164, o Prat n'est cependant pas identifi), et pour celle de Berne en 1723. A dfaut, il tint un collge pour jeunes gens.

5. Opinions

D. semble avoir t li d'amiti avec de nombreux savants bernois, et plus particulirement avec le professeur d'histoire Johann Jakob Laufer (1688-1734). Il passe pour avoir entretenu une vaste correspondance scientifique, dont rien cependant ne s'est conserv.

6. Activités journalistiques

De 1721 ˆ 1734, D. fut le rdacteur principal de la Gazette de Berne (D.P.1 500) Il pourrait bien avoir t l'diteur de ce florilge des ÇSpectateursÈ allemands que fut en 1734 le Grand Tableau de la nature humaine (D.P.1 590). Aprs un faux dpart et divers atermoiements, il publia ensuite Le Dsoeuvr, qui parut de janvier ˆ juin 1742 (D.P.1 350).

7. Publications diverses

La seule publication que D. ait signe (du nom de Jacobus de Prat) est sa thse de thologie : Meditationes sacrae de variis theologiae capitibus, quae genuinis Christi in Ecclesia romana religuiis incentiva sunt, et causae, illam cur deserant, ut Communionem Reformatorum unic Orthodoxam amplectantur et foveant, Tiguri, 1715.

8. Bibliographie

Holzhalb Hans Jakob, Supplement zu dem allgemeinen helvetisch-eidsgenšssischen oder scheizerischen Lexicon, so von weiland Herrn Hans Jakob Leu, ZŸrich, 1789, t. IV, p. 567-568. – Tobler G., ÇDie Gazette de Berne, 1689-1798È, Neues Berner Taschenbuch fŸr das Jahr 1911, Bern, 1910, p. 224.

CLEMENT

Numéro

180

Prénom

Pierre

Naissance

1707

Décès

1767

Pierre Clément est né à Genève le 25 décembre 1707 ; il a reçu le baptême au temple de Saint-Gervais une semaine plus tard, le dimanche 1er janvier 1708. Son père, Jean Clément (mort en 1750), fils de Jean, originaire de Paris, est qualifié d'«habitant» et ne semble pas avoir jamais acquis la bourgeoisie. Sa mère, Marie Mussard (morte en 1738, à l'âge de 70 ans), appartient en revanche à une famille bourgeoise de Genève depuis 1579.

2. Formation

Etudes de théologie à l'Académie de Genève, où il s'inscrit en 1722 (Livre du Recteur, n° 5402) ; soutient des thèses (orales) de philosophie qui lui valent une censure de l'assemblée des professeurs pour s'être «exprimé d'une maniere peu convenable sur des matieres importantes» (Archives d'Etat, Genève, Compagnie des Pasteurs, R 22, p. 359, 5 sept. 1727) ; publie et soutient le 24 décembre 1731 des Theses theologicae (Henri Heyer, Catalogue des thèses de théologie soutenues à l'Académie de Genève, Genève, 1898, n° 344) sous la présidence du professeur Jean Alphonse Turrettini. Consacré au saint ministère, après examen, le 12 mai 1732 (AEG, Compagnie des Pasteurs, R 23, p. 339).

3. Carrière

Précepteur à Paris dès 1732 chez «Mylord Waldegrave» (soit James premier comte Waldegrave, 1685-1741), ambassadeur de Grande-Bretagne en France. Voyage avec son fils James (plus tard deuxième comte Waldegrave, 1715-1763) en France et en Italie. Prêche à l'occasion dans les chapelles des ambassadeurs de Hollande et de Suède (Nécrologe, p. 172). Renonce au ministère pastoral par lettre du 28 septembre 1740 (B.P.U., ms. fr. 440, f° 229-230), après plus de trois ans de démarches de la part de la Compagnie des Pasteurs de Genève, scandalisée par son goût pour le théâtre (AEG, Compagnie des Pasteurs, R 24, p. 560, 569, 571 ; R 25, p. 16-17, 25, 36, 242, 325, 326, 332, 342, 344).

Auteur dramatique à Paris : Les Fri-Maçons, hyperdrame, Londres, 1740 (réimpr. 1740, 1741, 1743 ; devenu Les Francmaçons, comédie, Strasbourg, 1769 ; La Haye, 1774) ; Le Marchand de Londres, 1748 (réimpr. Londres, 1751, 1767 ; adaptation du George Barnwell de George Lillo) ; Mérope, Paris, 1749 (réimpr. 1749, 1750 ; adaptation de la pièce de Scipione Maffei, mais court-circuitée par celle de Voltaire). Demeure à cette époque rue Guénégaud (d'après les rapports de police des Archives de la Bastille, publ. Pierre Chevallier, La première profanation du temple maçonnique, Paris, 1968, p. 33-34).

Mentor de George Louis Coke dans son tour d'ltalie, 1746 (cf. lettres de Clément au comte de Montaigu, ambassadeur de France à Venise, juillet-octobre 1746 : B.N., n.a.f. 14921, f° 318-319 ; n.a.f. 14927, f° 115-118 et 129).

Nouvelliste et critique littéraire à Paris, puis à Londres, puis à La Haye, 1747-1755. Son adresse en 1751-1752 est à Londres, chez Alexandre Jamison, tailleur, en Pall-Mall, près de King's Arms ; en 1753-1755 à La Haye, au Parlement d'Angleterre.

Postule sans succès le poste de résident du landgrave de Hesse-Darmstadt à Londres, mars 1753 (cf. sa lettre du 2 mars 1753 au comte de Cobenzl : Bruxelles, Archives générales du Royaume, reg. 1089, f° 22).

«Son esprit s'étant dérangé», passe les douze dernières années de sa vie (1756-1767) alité soit chez son frère Jean Louis à Paris, rue des Francs-Bourgeois, près la place Saint-Michel, soit à l'Hospice de Charenton, où il meurt à l'âge de 60 ans, le 7 janvier 1767.

4. Situation de fortune

Durant ses années d'études, travaille à la Bibliothèque de Genève pour se faire quelque argent (B.P.U., Archives P 5, p. 9, 11 et 14). En avril 1737, Pierre Vimielle, chapelain de l'ambassadeur de Hollande à Paris, rapporte que Clément «travaille à des pièces de théâtre [...] et qu'il n'a pas d'autre moien de subvenir à ses besoins» (AEG, Compagnie des Pasteurs, R 24, p. 571).

Les Nouvelles littéraires de France sont offertes en souscription à Londres au prix d'une guinée par an (d'après le Projet de souscription du 31 janvier 1751).

Les Cinq années littéraires sont proposées en souscription au prix d'une guinée ou d'un louis d'or (d'après le Projet de souscription de 1753, réimprimé en tête de l'ouvrage). La liste des souscripteurs, publiée au début du premier volume, totalise 211 exemplaires souscrits, mais le nombre des souscriptions fut plus considérable encore, puisque cette liste omet «les personnes qui n'ont pas jugé à propos d'être nommées».

La correspondance littéraire manuscrite de 1753 est offerte au comte de Cobenzl, en exclusivité avec un seul autre destinataire, au prix de 200 £ de France par année (Bruxelles, Archives générales du Royaume, reg. 1089, f° 21, 16 févr. 1753).

L'éphémère correspondance de 1766 est proposée au même Cobenzl au prix de 200 francs par année pour deux lettres par mois (ibid., f° 103, 26 mars 1766) ; elle est offerte en même temps à d'autres souscripteurs «à 2 guinées par an, pour une feuille chaque mois» (lettre de Jean Deschamps à J.H.S. Formey, 5 mars 1765-1766, publiée par W. Krauss, «La Correspondance de Formey», dans R.H.L.F., t. LXIII, 1963, p. 212).

5. Opinions

A ses professeurs de Genève qui censurent ses thèses de philosophie, Clément répond qu'il est «persuadé autant que personne des veritez qu'enseigne la Religion, soit sur l'unité d'un Dieu, soit sur l'immortalité de l'âme qui sont les matieres agitées dans ces thèses» (AEG, Compagnie des Pasteurs, R 22, p. 359, 5 sept. 1727) Dans sa correspondance littéraire, il se pique essentiellement d'objectivité et d'indépendance d'esprit. Avertissement des Cinq années littéraires : «Je tâcherai sur toutes choses de représenter le caractère d'esprit des Auteurs du tems, le goût du païs, du siècle, et même du moment où ils écrivent : le tout avec autant d'égards pour leur personne, que d'impartialité sur leurs ouvrages». Même ouvrage, lettre LXXIV, 15 avril 1751 : «Il y a un commerce de fadeurs depuis trop lontems établi entre nos écrivains, un trafic de louanges mutuellement prodiguées, un droit mis sur les ames, un poids sur les esprits ; presque plus de critique dans les journaux ; des extraits la plûpart fournis par l'auteur même de l'ouvrage dont on rend compte. Où est donc la vérité, la liberté ? Celle-ci a des bornes, je les connois parfaitement, je consens à la perdre si je les passe ; mais doublement Républicain, né à Genêve et dans les Lettres, je ne veux point tenir ma pensée dans une prison perpétuelle» (édition de La Haye, 1754, t. III, p. 58). Même ouvrage, lettre LXXXVII, 1er novembre 1751 : «Liberté et vérité, c'est ma fidèle devise : je veux qu'il soit dit que dans ce siècle de lait et de miel il s'est trouvé un homme franc du collier, qui sans aucun mauvais dessein, ni procédé, contre qui que ce soit, et pour le moins aussi disposé que personne à l'admiration et à l'indulgence, en un mot avec un coeur honnête et bon, mais sans fadeur comme sans méchanceté, aura osé penser tout haut, parler sans fard, persister, s'il le falloit, dans l'Opposition plûtot que d'être Pair du Roïaume, et ne prostituer son suffrage ni à sa vanité, ni à son intérêt, ni même à sa reconnoissance» (t. III, p. 226-227).

Dès 1734, Clément fait partie à Paris de la loge maçonnique du Louis d'Argent, aux côtés de l'ambassadeur Waldegrave, du duc de Kingston, de Montesquieu, du comte de Saint-Florentin, etc. (cf. Pierre Chevallier, Les Ducs sous l'acacia, Paris, 1964, p. 63-64, 77-78).

La liste des souscripteurs des Cinq années littéraires (1754) compte notamment : a) 14 princes régnants ou membres de familles régnantes, dont 9 en Allemagne ; b) 16 ambassadeurs ou anciens ambassadeurs ; c) 35 lords anglais, parmi lesquels les ducs de Dorset, Grafton, Kingston, Marlborough et Rutland ; d) une dizaine de membres de la noblesse française, dont la duchesse douairière d'Aiguillon, la marquise de Créqui, le marquis de Gouffier et la marquise de Pompadour ; e) une dizaine d'écrivains et savants français, parmi lesquels d'Alembert, Clairault, Mme du Boccage, le baron d'Holbach, La Beaumelle, Maupertuis et l'abbé Prévost ; f) 8 Genevois, dont le peintre Jean Etienne Liotard, les syndics Pierre Mussard et Jean Louis Saladin d'Onex et le Dr Théodore Tronchin ; 9) 3 Suédois, 2 Espagnols (dont le duc de Medina-Sidonia), un Portugais, un Danois et un Hongrois. Le second lord Waldegrave et le comte de Cobenzl mis à part, les souscripteurs avec lesquels Clément paraît avoir entretenu les relations les plus étroites sont le marquis de Lambertie (qui souscrit pour 5 exemplaires), le comte de Holderness, secrétaire d'Etat (5 aussi), le duc de Marlborough (3), le Dr. M. Maty (3) et une certaine Milady Mary Maynard (3).

On sait en outre, par son recueil de Pièces posthumes, que Clément était en rapports avec Buffon, La Condamine et le Dr. Angelo Gatti. La Satire à M. Palissot de Montenoy montre enfin qu'un lien d'amitié unissait les deux écrivains.

6. Activités journalistiques

Il rédige dès 1747, soit six ans avant Grimm, des bulletins manuscrits de nouvelles littéraires «par ordre de diverses personnes du premier rang» et les diffuse, semble-t-il, à 150 exemplaires (cf. Les Cinq années littéraires, lettre XXVIII, du 31 mars 1749).

Il publie à Londres, le «21 janv. 1750-51 vieux Stile», soit le 31 janvier 1751, un Projet de souscription pour des Nouvelles littéraires de France (2 p. in-4°), où il annonce également la publication prochaine de ses «Lettres» des années 1747-1750. Fait paraître, du 1er février 1751 au 15 janvier 1752, 24 numéros bi-mensuels de Nouvelles littéraires &c. de France, comptant chacun 4 pages in-4° (v. D.P.1 211, sous le titre des Cinq années littéraires). Poursuit sa publication du 1er février 1752 au 31 janvier 1753 sous le titre de Nouvelles littéraires &c. de France & d'Angleterre et en fait paraître également 24 numéros bi-mensuels de 4 p. in-4° chacun. Le périodique compte donc au total 48 numéros, et non pas 24 comme le dit par erreur le Catalogue collectif des périodiques conservés dans les Bibliothèques de Paris (t. III, p. 783). Lance en 1753 un prospectus de souscription (réimpr. en tête du t. I de la publication ; original non retrouvé) pour le recueil de ses Lettres ou Nouvelles des années 1748-1752, formant «une suite de cinq années littéraires en 4 volumes in-huit». A noter qu'il n'est plus question désormais des bulletins de l'année 1747. Publie à La Haye, en 1754 avec un certain «retardement», Les Cinq années littéraires, ou nouvelles littéraires &c. des années 1748, 1749, 1750, 1751 et 1752, par Mr. Clément (Ant. de Groot et fils, imprimeur ; Pierre Gosse junior, libraire ; 4 vol. in-8° de 302, 280, 318 et 296 p., plus les tables des matières des t. I-II à la fin du t. III, des t. III-IV à la fin du t. IV). Contrefaçon : Berlin, «chez les libraires les plus consciencieux et les plus désintéressés», 1755, 2 vol. in-l2 ; réimpr. 1756 ; retirage avec un autre titre : Lettres critiques sur divers sujets de littérature, ou Nouvelles littéraires critiques et amusantes, Amsterdam, (sans autre adresse), 1761 (exemplaires : Ars., 8° B 31170 ; Londres, B.L., 11824. aaa. 22 ; Fribourg, B.C.U., E.L. 42) ; reprint (de la contrefaçon de Berlin!), Genève, Slatkine reprints, 1967, 249 p.

Les Cinq années littéraires contiennent 118 lettres, les numéros LXIX-CXVI reproduisant avec quelques variantes le texte des 48 lettres des Nouvelles littéraires. En alternance avec ses propres lettres, datées de Paris, Clément publie des bulletins de nouvelles, soit «réponses», d'un ami et correspondant qu'il avait à Londres, dans l'entourage du deuxième comte Waldegrave apparemment : c'est ainsi que les lettres LVII, LXVIII, LXXV, LXXVIII, LXXXIII, LXXXVI, XCI, XCIII, XCIV, XCV, XCVI, XCVII, CVI, CVIII, CX, CXII, CXIV et CXVII des Cinq années littéraires sont écrites en tout ou en partie de Londres. En tête du recueil, on trouve 1) la liste alphabétique des 182 souscripteurs ayant accepté d'être nommés ; 2) un Avertissement de l'Auteur, qui reproduit le projet de souscription de 1753 ; 3) une épître en vers à «Mylord comte de...» (Waldegrave, sans aucun doute), datant de 1743. Le recueil s'achève par deux lettres postérieures, écrites l'une de Londres le 30 décembre 1753, l'autre de Paris le 31 décembre 1753, avec post-scriptum du 8 septembre 1754. Chais écrit à Roger de La Haye, le 16 avril 1754 : «Le sr Clément, auteur de bien des écrits, particulièrement de quelques feuilles littéraires qui ont eu un grand succès à Londres, vient de faire imprimer ici 4 volumes» (B.P.U., Sup. 738, f° 99, référence communiquée par F. Weil).

Parallèlement à la publication des Cinq années littéraires, Clément continue de rédiger une correspondance littéraire manuscrite et mensuelle, mais à l'intention de deux abonnés seulement : le comte de Cobenzl d'une part, et, très probablement, le second lord Waldegrave d'autre part. Interrompue par la maladie mentale de Clément en août 1755, cette correspondance reprend, à la faveur d'une amélioration passagère de sa santé, de mars à décembre 1766. Quelques-uns des bulletins de nouvelles adressés pendant ces deux périodes au comte de Cobenzl sont conservés à Bruxelles, dans les Archives générales du Royaume (reg. 1089-1090, passim ; signalés par Alphonse Rivier, Journal de Genève, 5 oct, 1880 ; retrouvés en 1964 par Françoise Weil).

7. Publications diverses

Autres ouvrages de Clément (outre ses trois pièces de théâtre signalées ci-dessus) :

A) De paternité certaine : «La Pipée, comédie en deux actes, mêlés d'ariettes, traduction d'll Paratajo, intermède italien de Nicolo Jumelli (Comédie italienne, 19 janvier 1756)» (ms autogr. à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris ; cf. Amédée Marandet, Manuscrits de la famille Favart, de Fuzelier, de Pannard et de divers auteurs du XVIIIe siècle, Paris, 1922, p. III). – Pièces posthumes de l'auteur des Cinq années littéraires, Amsterdam, «et se distribuent chez le Défunt, Place Saint Michel», 1766, 38 p. in-8°. – Satire à M. Palissot de Montenoy, ouvrage posthume de M. Clément de Genève, Genève, 1769, 16 p. in-8°.

B) D'attribution discutable : Le Nécrologe de 1768 et la plupart des notices biographiques à sa suite attribuent à Clément l'adaptation de The Devil to pay de Charles Coffey intitulée La Double métamorphose, dont l'acte II se trouve publié sous la date du 30 janvier 1751 dans les Cinq années littéraires (t. II, p. 209-280). Mais il faut remarquer que cet extrait est présenté comme venant de Londres et comme étant l'oeuvre d'un Anglais. Y aurait-il ici supercherie de la part de Clément, alors que, dans la suite de l'ouvrage, les lettres de Londres paraissent émaner d'un authentique informateur anglais?

C) Erreurs d'attribution : la notice biographique de Jean-François Chaponnière (1826) attribue à Clément «une tragédie, dont le sujet, si notre mémoire est fidèle, n'était rien moins que l'OEdipe-Roi» et assure que cet «essai» fut imprimé. Mais on ne trouve aucune trace d'une telle publication. – D.O.A. (t. IV, p. 533) attribue à Clément, sur la foi d'Alexandre Savérien (1777), le recueil périodique intitulé Les Sotises du tems, ou Memoires pour servir à l'histoire generale et particuliere du genre humain, La Haye, Nicolas Van Daalen, 1754, 168 p. in-8°. Cette attribution se heurte aux objections suivantes : 1) il est peu croyable que Clément ait publié la même année, dans la même ville, deux recueils de nouvelles littéraires chez deux libraires différents ; 2) les lettres des Sotises du tems sont hebdomadaires, ce qui ne correspond pas au rythme de Clément ; 3) l'auteur des Sotises du tems écrit de Paris à l'usage de la province et ses lettres vont du 8 janvier au 10 mai 1754 ; or la seule lettre autographe de Clément qui se soit conservée pour cette période (Bruxelles, Archives générales du Royaume, reg. 1089, f° 45, 24 avr. 1754) est datée de La Haye et mentionne un séjour récent à Bruxelles, mais non pas à Paris, où Clément n'est revenu qu'en été 1755 ; 4) lorsque la comparaison est possible, on constate que l'auteur des Sotises du tems et Pierre Clément ne s'expriment pas du tout de la même façon sur un même ouvrage : ainsi, à propos de l'Encyclopédie, Clément écrit (Les Cinq années littéraires, t. III, p. 165, 15 août 1751) : «La préface, qui est de Mr. d'Alembert, est un chef-d'oeuvre», tandis que les Sotises du tems (p. 94, 11 fév. 1754), parlant des auteurs à la mode, déclarent : «Infatués de leurs talents [...], les uns, comme les Auteurs de la Préface du Dictionnaire Encyclopédique, se louent eux-mêmes pendant des heures entieres». Jusqu'à preuve évidente du contraire, nous proposons donc de retirer à Pierre Clément la paternité des Sotises du tems.

8. Bibliographie

A) Généralités : Eloge de M. Clément, dans Nécrologe, Paris, 1768, p. 169-184. – Senebier J., Histoire littéraire de Genève, Genève, 1786, t. III, p. 247-248. – C.L., t. V, p. 373-375. – (Chaponnière J.F.), sous la rubrique Biographie, dans Journal de Genève, 20 avr. 1826, p. 2-3. – Monnier M., Genève et ses poëtes, Paris-Genève, 1874, p. 169-173. – Le Livre du Recteur de l'Académie de Genève (1559-1878), éd. S. & S. Stelling-Michaud, Genève, 1959-1980, t. I, n° 5402, t. II, p. 520. – Dizionario critico della letteratura francese, Torino, 1972, t. I, p. 275 (notice de Raymond Trousson).

B) Sur l'oeuvre : Hatin E., H.P.L.P., t. III, p. 61-64 ; B.H.C., p. 44. – Sayous E., Le dix-huitième siècle à l'étranger, Paris, 1861, t. II, p. 469-472. – Rossel V., Histoire littéraire de la Suisse romande, Genève-Bâle-Lyon, 1891, t. II, p. 215-218 ; éd. illustrée, Neuchâtel, 1903, p. 407-409. – Benn, t. V., «Notes sur la fortune du George Barnwell de Lillo en France», R.L.C., t. VI, 1926, p. 682-687. – Rosenberg C.I., A critical analysis of Pierre Clément's «Les Cinq années littéraires», Evanston, Ill., 1959, 232 f° dactyl. (Diss. Phil. Northwestern Univ.).