FEUTRY

Numéro

302

Prénom

Aimé

Naissance

1720

Décès

1789

Aimé Ambroise Joseph Feutry est né à Lille le 9 octobre 1720 (D). Il a épousé, vers 1751, Charlotte Marie Marguerite

Laurier, née à Paris en 1734. Ils eurent quatre enfants dont trois moururent jeunes et le dernier à vingt-quatre ans, en 1776 (D). Le 27 mars 1789, Feutry fut trouvé pendu au plafond de sa chambre, place du Moulin à Lille (D).

2. Formation

Il fait ses études de droit à l'Université de Douai, où il est reçu avocat en 1745 (A.D. Nord, 8 B, Parlement, 2e série 58, f° 111).

3. Carrière

Secrétaire du maréchal de Richelieu en 1745, il l'accompagne en Saxe en décembre 1746, puis en Italie en septembre 1748 ; de Gênes il alla visiter Rome (D). En 1751, il est secrétaire du comte de Bissy et habite rue Saint-Claude, au Marais, chez son beau-père Laurier ou Laurière (B.N., f.fr. 22156 et 22159, f°85). En 1753, il est employé par Brissart, fermier général, qui le loge et l'entretient. Sa femme enseigne le clavecin à la femme et aux filles de Brissart (f.fr. 22158, f° 193, 26 nov. 1753). En 1754, il «invente une machine pour faire des canons beaucoup plus faciles à transporter et à démonter, et il est après le ministre pour en solliciter la réussite» (f.fr. 22159, f° 85, 9 déc. 1754) ; le prince de Soubise, gouverneur de Lille, en parla au comte d'Argenson qui le convoqua à Versailles, mais les résultats ne furent pas satisfaisants. F. reprit ses essais en 1769 à Rochefort puis aux forges du Bon-Recueil, près de Nontron en Périgord, chez M. de La Pouge (D). Entre-temps, vers 1763, il était devenu bailli de Châtillon-sur-Loing, où il avait momentanément fixé sa résidence. Dans sa préface aux Ruines (1767), il envisage un voyage en Russie ; mais il ne semble pas que ce voyage se soit réalisé.

4. Situation de fortune

Chez Brissart, en 1753, F. avait 1200 £ d'appointement (f.fr. 22158). Son invention ayant englouti la plus grande partie de ses économies, Calonne, intendant de Flandre depuis 1778, demanda en sa faveur aux Etats de la province une pension annuelle de 750 £, qui fut votée par acclamation (D). Le 8 novembre 1782, l'Assemblée (wallonne) lui accorda une gratification annuelle de 400 florins payable d'avance (A.D. Nord, C Flandre wallonne, reg. 1403, f° 214 et 216).

5. Opinions

Il était en relations avec le lieutenant général Maillebois, le marquis de Paulmy, le duc de Luxembourg, le marquis de Puységur, le duc de Sully. Il s'était lié avec Franklin, avec la comtesse de Genlis et les artistes Greuze, Gravelot et Sicardi (D). En 1769, il rencontra Turgot, alors intendant de Limoges, chez M. de La Pouge (D).

6. Activités journalistiques

F. eut part au Journal étranger. Selon Dinaux, «nous le voyons en 1755 écrire avec succès dans le Journal étranger». Un texte du 20 janvier 1754 annonce effectivement qu'il «va travailler au Journal étranger» (f.fr. 22136, f° 357). En 1758, il est proposé comme arbitre dans la querelle qui oppose Chevrier à La Marche (voir ces noms).

7. Publications diverses

Liste des œuvres de F. dans Dinaux (n° 1-21) et dans Cior 18, n° 28588-28607.

8. Bibliographie

(D) Dinaux A., Biographie départementale et littéraire du Nord de la France, t. I.

FAVIER

Numéro

297

Prénom

Jean Louis

Naissance

1711?

Décès

1784

Jean Louis Favier ou Fabvier est né à Toulouse vraisemblablement en 1711. Il mourut à Paris le 22 avril 1784. Son père était syndic général des Etats du Languedoc pour la sénéchaussée de Toulouse.

3. Carrière

Il obtient la survivance de la charge de son père par délibération du 20 février 1727. Reçu avocat au Parlement de Toulouse en 1732, il devient syndic le 9 décembre de la même année, succédant à son père mort en septembre 1731. Il est obligé de démissionner le 20 décembre 1738. Comme son successeur fut astreint à la résidence à Toulouse, on peut supposer que F. s'en dispensait. En effet, il dira au comte de Broglie en 1773 qu'il avait «passé jusqu'à l'âge de trente ans à voyager, cherchant partout l'instruction et le plaisir». Peut-être se rendit-il alors en Espagne, au Portugal et en Angleterre (Flammermont).

Le 18 novembre 1749, il arrive à Turin avec le marquis de La Chétardie, ambassadeur de France auprès du roi de Sardaigne. Après le départ de La Chétardie, il est officiellement chargé d'affaires à Turin du 22 février au 17 octobre 1752. Le marquis d'Argenson le dépeint alors comme « poète et de peu de jugement», mais il ne tardera pas à apprécier l'intelligence de F. auquel il révèle le système des alliances de la France. En 1759, Choiseul l'envoie en Espagne en mission spéciale sous prétexte d'accompagner le jeune comte Woronzoff, neveu du chancelier. Il revient en France au mois de mai 1760. En décembre 1760 il est envoyé à Saint-Pétersbourg comme secrétaire d'ambassade en remplacement du chevalier d'Eon reparti en France : « M. Favier s'occupera beaucoup des objets du commerce [...]. Quand M. de L'Hôpital [l'ambassadeur extraordinaire] sera parti, M. Favier restera à Pétersbourg et continuera à travailler sur le commerce [...]. Il aidera M. de Breteuil [le nouvel ambassadeur] dans toutes les parties dont ce ministre voudra le charger» (Rambaud, p. 173-174). Le comte de Broglie, directeur de la correspondance secrète de Louis XV aura recours à ses services (Rambaud, p. 173). Il semble qu'il se soit attiré dans cette mission l'inimitié du comte de Choiseul (plus tard duc de Praslin) et du baron de Breteuil (Flammermont). En octobre 1761 le duc de Choiseul passa les Affaires étrangères à son cousin le comte et lâcha F. On ignore la date de son retour en France. En février-mars 1763, F. aurait fait écrire à Catherine II qu'il désirait entrer au service de la Russie, qu'autrement «il était persuadé, pour peu qu'il fût connu à Londres, qu'il trouverait facilement de l'emploi». Catherine II annota : «Je ne sais point qui est M. Favier». Le chancelier Vorontsov répondit : « Ce Favier désire être pris au service de Russie et attaché à notre ministre de Londres ; mais il demande un trop gros traitement et un grade trop élevé ; et, quoi qu'il ait beaucoup de mérite, on peut se passer de lui» (Rambaud, p. 173). Il s'intéresse à l'expédition française en Corse, et en octobre 1763 il fournit à Choiseul le mémoire qui décida le ministre à conclure le traité secret avec la république de Gênes d'avril 1763 en vue d'écraser la révolte de Paoli (A. Jobez, La France sous Louis XV, Paris, 1864-18 73, t. V). Il est alors lié avec Dumouriez auquel il révèle le prochain traité (Dumouriez, t. I, p. 3).

Il est à Londres en 1764. Choiseul avait obtenu une lettre de cachet contre lui. Le roi signa l'ordre mais il fit avertir F. de s'enfuir après avoir mis ses papiers en sûreté (B.Un., sans date ni sources d'information). Cette disgrâce est peut-être liée à la Correspondance secrète du roi, dont Choiseul découvrit l'existence le 10 juin 1763 (Boutaric, t. I, p. 294). Pas de renseignements sur les activités de F. à Londres. Signalons que son séjour correspond au plus fort de la querelle entre le chevalier d'Eon et l'ambassadeur de Guerchy, à la mission de M. de La Rosière parti pour reconnaître les côtes anglaises en vue d'un débarquement français, à l'exil officiel du comte de Broglie à Ruffec.

En août 1765, F. part en Hollande. Il se lie avec le prince Henri de Prusse, partisan comme lui du rapprochement de la France et du gouvernement de Frédéric II. Entre 1768 et 1770 il est à Bruxelles (Ars., rns. 12435, f° 137) ; il y passe trois ans en différents séjours ; il y fréquente Cobenzl. Il rentre à Paris après la chute de Choiseul (3 janv. 1771), à laquelle il aurait contribué. «Favier, vous avez écrit contre moi. -Oui, mais vous étiez alors ministre» (B.Un.). Il se lie avec le duc d'Aiguillon devenu ministre des Affaires étrangères. Dès le début du nouveau ministère, le comte de Broglie désirant présenter au roi un mémoire sur la situation politique en Europe et «n'osant l'entreprendre sans le secours de quelqu’un dont l'expérience et les lumières répondissent à l'immensité de l'objet», proposa, par une lettre du 17 mars 1773, de se servir du sieur F., qui n'était pas admis à la correspondance secrète. «Le comte de Broglie expliqua au sieur Favier le plan de cet ouvrage, lui représenta la vérité, la fidélité et l'impartialité qu'exigeait sa destination ; et dès le 17 avril 1773 il eut l'honneur d'adresser à Sa Majesté les premiers numéros de ces mémoires. Ils se sont succédés au nombre de 14, et jusqu'à la fin du mois d'août» (lettre de de Broglie à MM. les comtes du Muy et de Vergennes, Ier mars 1775, Boutaric, t. II, p. 470).

Le 7 septembre 1773, F. est arrêté avec son secrétaire par ordre de d'Aiguillon et enfermé à la Bastille. Le dossier conservé à la Bibliothèque de l'Arsenal ne donne pas les motifs de son arrestation, mais comporte la note suivante : «Les papiers ne sont pas passés au Bureau et l'on ne peut soupçonner que l'affaire avait rapport à la Correspondance des Affaires Etrangères [...]. Les papiers ont été retirés par ordre du roi et envoyés au duc de la Vrillière. On assure qu'ils ont été brûlés» (ms. 12435, f° 67).

Désirant soutenir Gustave III de Suède contre Frédéric II, Louis XV avait confié à Dumouriez la mission de recruter des mercenaires à Hambourg. F. avertit Dumouriez que d'Aiguillon négociait avec l'Angleterre le transport de ce corps expéditionnaire en Suède. Dumouriez en informe à son tour Monteynard, le ministre de la Guerre, qui ne voulait pas des bateaux anglais. D'Aiguillon intercepte l'échange de courrier entre Monteynard et de Broglie à ce sujet et croit découvrir un complot ayant pour but de changer le système politique de la France (Louis XV à de Broglie, 21 août 1773. Boutaric, t. II, p. 361). Il fait arrêter Dumouriez à Hambourg et découvre que F. lui avait donné une lettre de recommandation auprès du prince Henri de Prusse (Dumouriez, t. I, p. 256). Il fait donc arrêter F. qui seul peut-être désirait l'échec de l'expédition en Suède pour faciliter le rapprochement de la Prusse et de la France. Pendant tout le procès de la Bastille, F. et Dumouriez ne livrèrent aucun secret : il est vrai que de Broglie avait fait enlever tous les papiers compromettants qui se trouvaient au domicile de F. (de Broglie à Louis XV, 2 mars 1774). Fin mars 1774, F. est transféré au fort de Doullens (Ars., ms. 12435). Il semblerait qu'il ait été élargi vers octobre 1774. Mais Boutaric (t. I, p. 183) affirme que Dumouriez et F. furent libérés du vivant même de Louis XV (mort le 10 mai 1774). «Il [F. lui-même] y fut transporté à Paris presque mourant», écrit F. en octobre 1775. «Dès qu'il eut la force de monter en voiture, il alla passer le reste de l'année à la campagne». Il réclame alors ses papiers, après avoir «laissé écouler une année entière».

En marge de sa lettre, et seulement le 13 avril 1776, le major de la Bastille a écrit «n'avoir point de papiers du sieur Favier, on lui a rendu ceux qui devaient être rendus [...]. Le sieur Favier ne mérite pas personnellement beaucoup d'égards» (Ars., ms. 12435, f° 149). Après la mort de Louis XV cesse le ministère secret de de Broglie qui ne peut plus fournir d'emploi à F. On perd sa trace entre 1776 et 1784.

4. Situation de fortune

Né avec 100 000 écus de biens (B.N., n.a.fr. 10782, f° 11). Il reçoit en 1739 des Etats du Languedoc une gratification de 24 000 £ lorsqu'il se démet de sa charge (Flammermont). En fait il vendit sa charge et mangea son bien en trois ans (n.a.fr. 10782).

En juillet 1753 Chevrier et F. donnent 50 louis à La Marche pour son voyage à Avignon, payent 800 £ de location par an pour leur maison et reçoivent d'une «dupe» (probablement le marquis de Cursay) 10 000 francs pour le Journal étranger (f.fr. 22158, f° 15).

En 1763, il s'associe à Jean Du Barry qui lui fait obtenir un intérêt dans les fournitures aux armées partant en Corse. Ils appuient le marquis de Sorba, ambassadeur de Gênes à Paris, pour faire doubler au moins le nombre des troupes «uniquement pour grossir leurs profits [...]. Favier venait d'être chargé par la coalition de faire un mémoire pour lequel on lui avait promis un présent de 51 500 louis. Il détailla tout ce plan à Dumouriez et lui promit de lui faire avoir 100 louis s'il voulait lui fournir les matériaux du mémoire» (Dumouriez, 1.1, p. 3).

En 1773, il reçoit des appointements pour la rédaction des Conjonctures mais la somme est versée « à des créanciers qu'il a laissés, jusqu'à concurrence de ses dettes et ensuite ce traitement lui sera remis» (de Broglie à Louis XV, 23 janv. 1774, Boutaric, t. II, p. 373). Il continuera à recevoir cette pension à la Bastille et sous Louis XVI. A la fin de sa vie, il touchera une pension de 6000 £ et Vergennes lui fait donner 40 000 £ pour payer ses dettes.

5. Opinions

Lié avec le chevalier de Quinsonas (n.a.fr. 10782), avec La Chaussée et Duclos (D4117), traducteur de Bolingbroke, défenseur de la Sémiramis de Voltaire, ami de d'Alembert (D8930), F. écrivit des vers piquants contre Diderot et n'aimait guère Helvétius (B.Un.).

Une constante domine sa pensée politique depuis qu'il connut d'Argenson : l'Angleterre est l'ennemie naturelle de la France qui doit s'allier non à l'Autriche mais à la Prusse. Ceci explique qu'il se soit brouillé successivement avec Choiseul et d'Argenson, partisans de l'alliance avec l'Autriche, et qu'il soit resté fidèle à de Broglie dont les vues étaient proches des siennes. L'influence de l'œuvre de F. s'exerça surtout à l'époque de la Révolution.

Le complot que soupçonnait d'Aiguillon lors du procès de la Bastille était peut-être «fabuleux» (B.Un.). Des doutes subsistent cependant sur l'innocence de F. (Boutaric, t. II, p. 504).

6. Activités journalistiques

Le Spectateur littéraire, ou réflexions désintéressées sur quelques ouvrages nouveaux, Paris, 1746 (D.P.11223) sous la direction de Pourroy de Quinsonas (voir ce nom).

Journal étranger : en juillet 1753 après la fuite de La Marche, il est à sa tête avec Chevrier. En septembre 1753, il est probablement un des «entrepreneurs» (f.fr. 22158, f° 159) qui s'adressent à Malesherbes pour obtenir la permission de publier leur prospectus, puisque la lettre de Lavirotte à Malesherbes datée du 12 septembre porte l'annotation : «J'ai promis verbalement à M. Favier de faire annoncer dans les journaux étrangers» (f.fr. 22133, f° 325)- En novembre 1753, c'est lui, dit-on, qui «préside à l'entreprise, rédige les matériaux, et aura soin de l'impression » (f.fr. 22158, f° 193), mais en avril 1754, quand le journal commence à paraître, il ne fait pas partie de la direction ; J.J. Rousseau et Toussaint le remplacent (f.fr. 22159, f° 34)- H est cependant un des co-propriétaires du privilège d'après la convention signée le 20 juillet 1754 avec La Marche. Il a une part de 2 sols 6 deniers sur 20 sols d'intérêts ; lui-même nie avoir participé au Journal étranger (Mercure, févr. 1754, p. 212).

7. Publications diverses

En 1774, à la Bastille, F. se définit comme «homme de plume» (Ars., ms. 12435, f° 138). On trouve en tous cas dans Cior 18, n° 2838oà28387 : Essai historique et politique sur le gouvernement présent de la Hollande, Londres [Paris], 1748. ; ouvrage publié sans doute à l'instigation et aux frais du ministère des Affaires étrangères. – Le Poète réformé, ou apologie pour la Sémiramis de M. de V., Amsterdam, 1748. – Mémoires secrets de mylord Bolingbroke sur les affaires d'Angleterre, Paris, Londres, 1754, paru sans permission, distribué par Le Cocq de Villeroy : «On assure que M. de Malesherbes avait accordé une permission tacite ensuite retirée» (f.fr. 22159, f° 22, 28 mars 1754). – Doutes et questions sur le traité de Versailles du Iermai 1756 entre le roi de France et l'impératrice reine de Hongrie, Londres, 1778, composé à la prière du comte d'Argenson et ayant circulé en manuscrit. – Lettres sur la Hollande, La Haye, 1780. – Politique de tous les cabinets de l'Europe pendant les règnes de Louis XV et Louis XVI, Paris, 1793, connu aussi sous le titre de : Conjectures raisonnées sur la situation de la France dans le système politique de l'Europe, rédigées en 1773 sous la direction du comte de Broglie, restées inachevées ; secrètes jusqu'en 1793. – On lui attribue encore la Lettre du comte d'Albany au lord Bate, Bruxelles, 1781.

8. Bibliographie

B.Un. ; H.P.L.P. ; Grande encyclopédie Larousse ; Cior 18. – Argenson, marquis d', Mémoires, 11 avril 1752. – Duper-rier Dumouriez CF., Mémoires, Hamburg, Leipzig, 1794. – Jobez, A., La France sous Louis XV, Paris, 1864-1873, t. V. – Boutaric, E.P. (éd.), Correspondance secrète [...] de Louis XV, Paris, 1866. – Flammermont ]., «J.L. Favier, sa vie et ses écrits », La Révolution française, t. XXXVI, 1899. – Rambaud, Recueil des instructions données aux ambassadeurs, Russie, t. II, Paris, 1890. – Dictionnaire diplomatique, Paris, 1937.

DUPUY LA CHAPELLE

Numéro

281

Naissance

?

Décès

?

Dupuy La Chapelle n'est connu que par ses ouvrages ; il signe Dupuy, M. Dupuy, M.D.P., ou, comme dans la dédicace des Instructions d'un père à son fils (I.P.F.), «Dupuy La Chapelle, ci-devant secrétaire au Traité de la Paix de Riswick». On possède une lettre de lui à Sloane (B.L., add. mss 4058, f° 280-281) ; peut-être s'agit-il de lui dans la lettre de P. Coste à Desmaizeaux du 30 avril 1713a Paris : «Je l'ai enfin déterré...» (add. mss 4283, f° 269).

2. Formation

Après avoir été élevé, sans doute en province, par «une mère pieuse», il est envoyé à Paris à l'âge de 17 ans pour y faire un nouveau cours de philosophie sous la direction de l'abbé Pelletier, fils du Contrôleur général (I.P.F.).

3. Carrière

Il est qualifié d'«écuyer» dans le Privilège du Roi du 29 juillet 1693 relatif aux Caractères, pensées, maximes et sentiments (Paris, N. de Burre, 1693) et demeure alors rue des Petits-Augustins, vis-à-vis la petite rue des Marets Faubourg-Saint-Germain ; il sert l'Etat « en des rencontres importantes » (I.P.F.) et les privilèges qu'il obtient par la suite pour la publication de ses livres entendent témoigner de la reconnaissance du roi pour les services rendus. C'est ainsi qu'il est secrétaire au traité de paix de Ryswick (1697), fonction qu'il se plaît à rappeler en tête de ses ouvrages. En 1711, il habite rue de l'Université, chez Monsieur du Garde (Gigas). En décembre 1712, il se rend en Angleterre (Marais) ; il s'y trouve en 1714 d'après l’I.P.F., où il rappelle qu'il a séjourné tant en Angleterre qu'en Hollande. En 1716, il loge à l'Hôtel d'Allemagne, grande rue du Four, Faubourg Saint-Germain (add. mss 4283).

4. Situation de fortune

A l'en croire (I.P.F.), les services qu'il a rendus à l'Etat n'ont guère amélioré sa fortune. Il laisse entendre qu'ils ne lui ont rapporté que «quelques discours».

5. Opinions

Ecrivain essentiellement moraliste. Tous ses ouvrages concernent les mœurs et l'éducation. Il a été en relation avec les héritiers de Bayle et avec ses amis, ses correspondants, ses éditeurs, notamment avec P. Desmaizeaux à l'occasion de l'édition des Lettres du philosophe. Il possède en effet une importante collection de lettres de Bayle, qu'il a reçue de l'héritier de celui-ci, Charles de Bruguière de Naudis, et que, dès 1711, il songe à éditer, tout en cherchant à la compléter (il s'adresse pour cela à d'anciens correspondants : J. Du Rondel, D. de Larroque, etc. ; Gigas). Comment et pourquoi C. de Bruguière a-t-il remis - ou vendu - ces importants documents? Il est difficile de répondre (Labrousse). A tout le moins, signalons que C. de Bruguière est secrétaire du marquis de Bonrepaux, que la carrière d'ambassadeur conduit précisément en Hollande au lendemain de la signature du traité de Ryswick. Et l'on sait que les plénipotentiaires français ont, avant leur départ (déc. 1697 - janv. 1698), rencontré le nouvel ambassadeur nommé par Louis XIV (Recueil des instructions données aux ambassadeurs et ministres de France : des traités de Westphalie jusqu'à la Révolution française, vol. XXI, Hollande, t. I, 1648-1697, Paris, 1922, p. 509). Les deux secrétaires ont pu, à cette occasion, faire connaissance.

6. Activités journalistiques

Essais hebdomadaires sur plusieurs sujets intéressants par M. Dupuy, ci-devant secrétaire au Traité de Paix de Ryswick, Paris, E. Ganeau, 18 mai -18 août 1730 (si l'on se réfère aux dates d'approbation), privilège du 7 juin 1730 registré le 14 juin et cédé le 16 par Dupuy à Ganeau, périodicité hebdomadaire annoncée, 8 livraisons, 2 t. en un vol. in-8° (D.P.1 402). C'est dans ce périodique que Dupuy, qui a refusé de céder à Desmaizeaux les lettres de Bayle qu'il détient et qui, dans son propre projet d'édition, s'est heurté à la censure, finit par publier, avec d'ailleurs des omissions et des erreurs, quinze lettres dont deux non inédites (Labrousse).Il fournit des articles de politique étrangère au Mercure (voir art. «Fuzelier»).

7. Publications diverses

Liste des œuvres dans Cior 18, n° 26961-26970 (attributions reprises de Feller-Weiss, N.B.G., F.L., Cat.B.N.). Y ajouter : Instructions d'un père à sa fille, tirées de l'Ecriture Sainte «par M. Du Puy, ci-devant secrétaire au Traité de la Paix de Riswick», Paris, Vve Etienne, 1730, privilège du 7 juin 1730. Cet ouvrage (comme les Instructions d'un père à son fils) a connu de nombreuses rééditions ; la 3e éd. (1730) est dédiée à la Duchesse du Maine. Le privilège qu'il a obtenu le 7 juin 1730 pour l'Instruction d'un père a son fils, la 3e éd. de l'Instruction d'un père à sa fille et les Essais hebdomadaires, fait également mention de deux autres ouvrages, qui ne semblent pas avoir vu le jour : Traité de différents styles, particulièrement du style épistolaire et Essais de modèles de lettres.

8. Bibliographie

F.L. 1769 ; Feller-Weiss ; Desessarts, t. II, p. 438 ; Q. ; B.Un. ; N.B.G. ; Cior 18. – Marais M., Journal et mémoires, éd. Lescure, Paris, Didot, 1863, t. I, p. 150. – B.L.. add. mss (Birch) 4283, f°(67), 176 et 178. – (I.P.F.) Dupuy la Chapelle, Instruction d'un père à son fils, Paris, J. Estienne, 1730. – Gigas E., Choix de la Correspondance inédite de Pierre Bayle 1670-1706, Copenhague, 1890, introd. – Labrousse E., Inventaire critique de la correspondance de Pierre Bayle, Paris, Vrin, 1961, introd.

DUPUY

Numéro

280

Prénom

Louis

Naissance

1709

Décès

1795

Louis Dupuy est né à Chazey (Ain) le 23 novembre 1709. Sa famille se disait noble mais avait perdu tous ses titres pendant la Ligue. Il était l'aîné de douze enfants. Il épousa en 1769 Louise Menon, connue par sa correspondance avec Voltaire (cf. lettre de Voltaire, 20 juin 1756, D6900). Ils eurent deux filles. Il mourut à Paris le 10 ou 12 avril 1795 (Walkenaer).

2. Formation

Il fut tonsuré dès l'enfance comme tous les aînés de la famille Dupuy et élevé, de cinq à douze ans, par un oncle curé ; il entra ensuite au collège des Jésuites de Lyon puis au séminaire des Jésuites de cette ville. Il alla à Paris vers 1731, prit ses degrés en Sorbonne puis enseigna la philosophie au séminaire des Trente-Trois, où il fut successivement maître de conférences, bibliothécaire et second supérieur. L'archevêque de Lyon lui refusa les dispenses pour entrer dans les ordres à Paris ; il quitta le petit collet vers 1765.

3. Carrière

A Paris, il logea chez le marquis de Mancini puis s'installa chez Pasquier, conseiller au Parlement de Paris, qui lui confia l'éducation de son fils. Grâce à Fourmont et au comte de Caylus, il fut reçu en 1756 à l'Académie des Inscriptions dont il devint secrétaire perpétuel, nommé par le roi, en décembre 1772 ; il démissionna de sa charge en 1782, peut-être pour raisons de santé. Il fut bibliothécaire du prince de Soubise de 1769 à 1788 ; après la vente de cette bibliothèque, D., en mauvaise santé, cessa toute activité.

4. Situation de fortune

Comme secrétaire perpétuel de l'Académie, il recevait 3000 £ à quoi s'ajoutait une pension personnelle de 1000 £. A sa retraite, en 1783, il perçut une pension de 2000 £. Un financier lui aurait promis sa fille et 500 000 £ de dot s'il consentait à se livrer aux affaires, mais il refusa (Walkenaer).

5. Opinions

Favorable au jansénisme, puis aux idées révolutionnaires selon Walkenaer.

6. Activités journalistiques

Fourmont et Malesherbes le firent entrer au Journal des savants, dont il fut rédacteur de 1758 à la fin de 1792, époque où le journal cessa de paraître. Il y publia de nombreux extraits d'ouvrages scientifiques. Il publia les volumes 36 à 41 du recueil des Mémoires de l'Académie des Inscriptions (Feller-Weiss) et y donna plusieurs Eloges (D.P.1 601).

7. Publications diverses

Liste de ses œuvres dans Cior 18, n° 26933-26939.

8. Bibliographie

F.L. 1769 ; D.B.F. – Monglond A., La France révolutionnaire et impériale, Grenoble, 1930-1946. – Lalande J., «Eloge de M. Dupuy», La Décade philosophique, littéraire et politique, t. VI, 1795. – Walkenaer C.A., «Eloge de L. Dupuy », Mémoires de l'Académie des Inscriptions, t. XIV, 1845.

DUPORT DU TERTRE

Numéro

279

Prénom

François

Naissance

1715

Décès

1759

François Joachim Duport Du Tertre, appelé Du Tertre par ses contemporains, est né à Saint-Malo ou Saint-Servan en 1715, et mort le 17 ou 19 avril 1759 (D.B.F.). Marié, père de plusieurs enfants (lettre à Malesherbes, 15 mars 1755, f.fr. 2213 3, f° 50) ; son fils, Marguerite Louis François Duport Du Tertre, né à Paris le 6 mai 1754, sera ministre de la justice en 1790 et mourra le 29 novembre 1793.

2. Formation

D. entra chez les Jésuites et professa les humanités (Feller-Weiss), puis sortit de la Compagnie (sortie non mentionnée par Sommervogel). Il fut membre de l'Académie d'Angers et de la Société littéraire de Besançon.

4. Situation de fortune

Il vend pour 160 £ le manuscrit de la Bibliothèque amusante à Duchesne (f.fr. 22158, f° 103). Le même libraire le paie 50 écus par an pour L’Almanach des beaux-arts ; D. demande 200 écus en 1755 et, sur le refus de Duchesne, qui prétend que l'ouvrage lui appartient, il essaie de faire intervenir Malesherbes (f.fr. 22133, f° 49) : il oppose sa misère, celle de sa femme et de ses enfants, à la fortune des libraires (ibid., f° 50).

6. Activités journalistiques

Il collabore avec Fréron et La Porte aux Lettres sur quelques écrits de ce temps jusqu'en novembre 1753 (Feller-Weiss ; Nouvelles littéraires, 28 juin 1754, dans CL., t. II, p. 155 : f.fr. 22158, f° 189, 13 nov. 1753).

Bibliothèque amusante et instructive, contenant des anecdotes intéressantes et des histoires curieuses tirées des meilleurs auteurs, Paris, Duchesne, 1753-1755, 3 vol., périodique fondé par J.P. Nicéron ; Duport a rédigé les t. II et III (D.P.1 144).

Lettres orientales, 1754, publiées par D., B. de Valabrègue et Vaquette d'Hermilly (f.fr. 22136, f° 130, 13 févr. 1754), non retrouvé.

Almanach des beaux-arts « contenant les noms et ouvrages des gens de lettres, des savants et des artistes célèbres qui vivent actuellement en France», Paris, Duchesne, 1752-1753,2 vol. (D.P.1 78) ; devient en 1754 : La France littéraire «ou Almanach des beaux-arts», avec une publication retardée jusqu'en 1757 (1755-1756 et 1757 en 1 vol.). D. écrit le 15 mars 1755 à Malesherbes : «Je suis comme vous savez l'auteur de L’Almanach des beaux-arts. J'avais dessein de le faire soigneusement pour l'année 1755 mais Du Chêne n'a pas voulu y consentir parce qu'il lui restait encore quelques centaines d'exemplaires de l'année précédente» (f.fr. 22133, f° 49). D. reconnaît qu'il n'est pas le seul à avoir eu le projet de son almanach, et que Duchesne avait acquis le privilège pour six ans en 1751. Il semble qu'il n'eut pas gain de cause et que Duchesne lui préféra l'abbé de La Porte.

Il projette en novembre 1754 un nouveau périodique intitulé Extraits de livres anciens et modernes : «Malesherbes lui a accordé la permission mais Duchesne n'en veut pas, l'abbé Joannet travaillera avec lui» (Journal de la Librairie, f.fr. 22158, f° 189). Le projet n'eut pas de suite.

7. Publications diverses

7. Abrégé chronologique de l'histoire d'Angleterre «par M.D.P.D.T. », Paris, 1751. – Histoire des conjurations, conspirations et révolutions célèbres tant anciennes que modernes, « par M.D.P.D.T. », Paris, 1754-1760, 10 vol., t. I à VIII ; les tomes IX et X sont de J.L. Des Ormeaux. – Projet utile pour le progrès de la littérature, s.l.n.d. [1757]. – Feller-Weiss lui attribue les Mémoires du Marquis de Chouppes, 1753.

8. Bibliographie

8. F.L. 1769 ; Feller-Weiss ; D.B.F. ; Cior 18.

DESTREES

Numéro

237

Prénom

Jacques

Naissance

?

Décès

?

Jacques Destrées, ou Detrée, ou D'Estrées est né à Reims (F.L. 1769 ; Letillois ; Danton) ; il était, selon d'Olivet, «fils d'un laquais de Maucroix» (D, n° 4, p. 305).

2. Formation

Il a étudié la théologie jusqu'en 1732 et fut clerc tonsuré du diocèse de Reims (Ars., ms. 11917. f° 30). En 1735, l'abbé d'Olivet, qui connaissait son père, le fit entrer comme précepteur au collège des Jésuites d'où il fut chassé (D, n° 4, p. 305 : lettre d'Olivet à Bouhier, 22 déc. 1739). «A été, dit-on, précepteur chez M. d'Hozier et, mécontent de lui, le décrie beaucoup, surtout son Nobiliaire» (D, n° 5, p. 120 : lettre de Bonardi à Bouhier, 12 avril 1745).

3. Carrière

Professeur au collège Mazarin, puis secrétaire des Commandements du comte de Clermont. Il fut enfermé à Vincennes du 26 janvier au 24 mars 1746 pour avoir imprimé sans permission le Contrôleur du Parnasse («logé» à Vincennes en 1746, Ars., ms. 11591, 11917, 12496-12498). Il séjourne à la Bastille du 21 février 1755 au 14 décembre 1757 «pour plusieurs impertinences dont il avait farci la préface de son Mémorial de chronologie» (CL., t. IV, p. 157 ; cf. Ars., ms. 11917, f° 10 et B.N., n.a.fr. 1891, f° 387 ; Ravaisson, t. XII, p. 424 ; Funck-Brentano, n° 4276). Libéré avec une lettre d'exil, il reste à Paris. Il fut protégé par Fontenelle, Mirabaud, Mme de Tencin, le chevalier de Belle-Isle, le comte de Clermont.

6. Activités journalistiques

Le Controlleur du Parnasse, ou Nouveaux mémoires de littérature française et étrangère [...] Par M. Le Sage de L'Hydrophonie, Berne [Genève, Rouen], 1745-1748, 3 vol. in-12 (D.P.1 228). Jacques Destrées en est l'auteur pour l'année 1745 : «Il convient d'être l'auteur du Contrôleur du Parnasse, a commencé l'ouvrage sous l'espérance d'un privilège que M.le Chancelier lui avait promis. D'abord imprimé à Genève puis chez un nommé Petit, imprimeur à Rouen. Il l'a fait colporter par l'abbé Lenglet» (Ars., ms. 11593, f° 410). Voir également les témoignages de Michault (2 et 19 juin 1745 : D, n° 5, p. 137, 141), de Bonardi (11 juin 1745, ibid., p. 121, 122 ; 22 sept. 1745, p. 125), de d'Aguesseau (Ars., ms. H593, f°410). Mais on ne possède pas de preuve de collaboration à ce périodique après 1745.

Sa collaboration avec Desfontaines dans les Observations sur les écrits modernes n'est pas prouvée ; il aurait collaboré aux Jugements sur quelques ouvrages nouveaux (D.P.1 794). Il aurait également « fourni les matériaux » de La Bigarrure en juin 1751 (B.N., f.fr. 22156, f° 75 et 79). D'Hémery lui attribue les 6 premiers volumes (ibid., f° 134).

7. Publications diverses

Voir Q. et Cior 18, n° 23874-23886. Il n'est pas sûr que la Lettre de M. l'abbé [...] prieur de Neufville à M. l'abbé d'Olivet (Bruxelles, 1739) soit de lui ; l'abbé d'Olivet, dans une lettre du 22 décembre 1739, l'attribue à Desfontaines (D, n° 4, P- .305).

8. Bibliographie

8. F.L. 1769 ; D.B.F. ; Cior 18. – Archives de la Bastille, Ars., ms. 11591, 11917, 12496-12498. – B.N., f.fr. 22156 (Journal de l'inspecteur d'Hémery, f° 75, 79, 134, 141). – «Mémoire historique sur le Journal des savants», Table du Journal des savants, Paris, 1764, t. X, p. 726. – Danton H., Biographie rémoise, ou histoire des Rémois célèbres, Reims, 1855. – Letillois, Biographie générale des Champenois célèbres morts ou vivants, Paris, 1836. – (D) Duranton H. (éd.), Correspondance littéraire du président Bouhier, U. de Saint-Etienne, n° 4 et 5, 1976.

DESMOLETS

Numéro

230

Naissance

Pierre

Pierre Nicolas Desmolets naquit à Ollainville (ou Aulainville) près d'Arpajon le 17 octobre 1677 (A). Il était le deuxième enfant de Pierre-Nicolas des Molets, seigneur d'un petit fief en ce village et procureur général au bureau des finances de Paris (C), et le petit-fils de Marc Nicolas, greffier, mort à la fin de 1682 (K). Sa mère, Marie Perrin (D), originaire de Chaumont en Haute-Marne (A) et nièce de Mgr. Marion, évêque de Gap (G), était, selon Bonnardet, fille d'un riche fermier.

2. Formation

Ayant appris à lire avec sa soeur aînée et commencé le latin avec l'abbé de Cornouailles, vicaire de Saint-Eustache (B), il fut bientôt mis «dans une petite pension du faubourg Saint-Antoine» où il «demeura trois ans à perdre son temps» (A). Il fit ses humanités de 1686 à 1692 au Collège des Génovéfains de Senlis (D), où il fut un brillant élève et eut pour régent de rhétorique le P. de Bassonville (B), puis sa philosophie en deux ans, au collège Mazarin, avec pour maître Pourchot. A cause de sa surdité, il renonça vite à suivre les leçons de Witasse et de Lestocq (B) et étudia la théologie «en particulier» (C) auprès du P. Mabille, «en deux ans de temps» (B). Vers 1699, il prit «le parti de [se] retirer au séminaire de l'Oratoire» (B) à Saint-Magloire où il passa 15 moi (B,C) avant d'entrer à l'institution (M).

3. Carrière

Voulant éviter d'entrer chez les Génovéfains et «pensant déjà à l'Oratoire» dont il vantera plus tard «la piété éclairée, mais sans affectation» (B), il reçut la tonsure à Saint-Nicolas du Chardonnet en juin 1692 (A). «Entré» à l'lnstitution le 31 octobre 1701 et «vêtu» le 7 décembre (D), il est qualifié de «confrère» au début de 1704, et demeure rue Saint-Honoré (K). Il fut ordonné sous-diacre en 1704, diacre en 1705 et prêtre le 29 mai 1706 (F). Bientôt chargé de seconder le P. Lelong, bibliothécaire de l'Oratoire en 1707, il lui succéda à sa mort, en août 1721 (A). A ce moment, il hérite de ses manuscrits et de sa chambre ; il ne quitte plus la rue Saint-Honoré que pour de courts séjours à la campagne (H), comme celui qu'il a fait dans son village natal en 1702 après une maladie (B).

4. Situation de fortune

A son entrée à l'Oratoire, il est spécifié qu'il paiera «400 livres de pension et son entretien pour toujours» (C; D). Lors du partage de 1704, il hérite d'un des trois lots tirés au sort, c'est-à-dire du tiers des biens de ses parents, estimés 59 408 £ (K). Le 21 septembre 1751, il vend le fief des Molets à un fermier. Le terrier est évalué 1400 £ et les fermages sont de 49 £ par an (L).

5. Opinions

Encore adolescent, il fut remarqué par le P. de Bassonville (1692) et par Ameline, archidiacre de Paris (1694). Plus tard, «les plus savants» Oratoriens, B. Lamy, Malebranche, Lelong, F.A. Pouget, «se lièrent avec lui» (A; G). En 1731, il possède une vingtaine de lettres de Leibniz au P. Lelong et à Malebranche, qu'il met à la disposition de Vèze pour une édition de la correspondance de Leibniz (lettre de Vèze à Seigneux, 15 juil. 1731, B.P.U. Genève, fonds Seigneux II, n° 51). A partir de 1722, il prit l'habitude d'assembler «chez lui tous les dimanches sur le soir un nombre d'amis qui à son exemple aimaient et cultivaient les lettres» (H). «On y apportait diverses pièces. La conversation faisait naître l'idée de quelque autre, des amis en envoyaient aussi» (Catalogue de la bibliothèque de Goujet, B.N., n.a.fr. 1012, p. 479). Ces réunions donnèrent lieu aux Nouvelles littéraires (I). Goujet, Granet, de Vèze, le mathématicien Gauger et le docteur F. Petit furent parmi les plus assidus ; y assistèrent également Jacob Vernet, l'abbé Conti (J), le président de Mazaugues (lettre de Granet, 10 mars 1725, B.V. Nîmes, ms. 151, f° 131), le P. Bougerel, Bonardy, J.L. Le Clerc, Papillon, d'Olivet, le président Bouhier (B.N., f.fr. 24410), le comte de Plélo (J), Desmaizeaux (B.M., add. mss. 4285). On ne possède pas de témoignages sur ces réunions après 1727 ; elles auraient été «jugées suspectes sans aucun fondement» et le P. de La Tour aurait «conseillé [leur] cessation» (Goujet, n.a.fr. 1012, f° 479) ; mais d'autres rencontres avaient lieu encore en 1741 (lettres de Bonardy à Bouhier, 21 août 1741 et 11 août 1742, dans la Correspondance littéraire du président Bouhier, éd. H. Duranton, n° 5, Université de Saint-Etienne, 1977, p. 73, 83). Il est probable que le jansénisme de D. et de plusieurs de ses amis parut compromettant aux Oratoriens.

D. était janséniste : «Je crois que sans le zèle des prétendus jansénistes l'irréligion s'emparerait de tout le royaume, mais c'est de quoi les promoteurs de la Bulle paraissent se soucier très peu pourvu qu'elle soit reçue» (lettre du 14 avr. à Conti, J). Il fournit plusieurs articles au «Catéchisme de Montpellier» dans la version latine et publia dans ses Mémoires d'importants textes de Pascal. Il admirait le P. Le Courayer (lettre à Conti, 12 mai 1727, J) et se méfiait des Jésuites : «Je les crains tous en général et en respecte plusieurs en particulier» (lettre à Bouhier, 3 mai 1726, n.a.fr. 1212, f° 72). Il fut en relations avec Montesquieu, surtout en 1734 et en 1749-1750 (R. Favre, «Montesquieu et la presse périodique», dans Etudes sur la presse au XVIIIe siècle, n° 3, P.U.L., 1978). Il était surtout connu pour son affabilité et sa largeur de vues ; on trouve plusieurs fois sous sa plume les termes de «tolérantisme» (lettre à Bouhier, 17 déc. 1727, f.fr. 24410, f° 451) et de «tolérance» (à Conti, 18 janv. 1730, J.) ; il redoute les interlocuteurs «pleins d'eux mêmes, entêtés de leurs opinions et incapables d'écouter le bon sens et la droite raison» (à Desmaizeaux, add.mss. 4285, f° 256-257). L'abbé Papillon le qualifiait de «meilleur homme du monde» (f.fr. 2418, f° 49, 15 sept. 1727).

6. Activités journalistiques

Nouvelles littéraires, 7 numéros du 1er décembre 1723 au 1er mars 1724, Paris, Vve Le Febvre puis A.X.R. Mesnier, VI-248 p. in-8° (D.P.1 1041). D. a utilisé un privilège acquis par A. Martel qui n'avait fait paraître, en octobre 1723 qu'une feuille sous le titre de Nouvelles littéraires, curieuses et intéressantes (Paris, L. Sevestre).

Continuation des Mémoires de littérature et d'histoire de M. de Sallengre, Paris, Simart, 11 vol, en 21 parties in-12. Projeté dès 1724 (f.fr. 21974, priv. du 24 déc., enregistré le 29 janv. 1725, et 21953, p. 133), le journal prit corps en 1726 : 1re partie du tome I à la fin de février (Histoire littéraire de l'Europe, nouv. litt., mars, p. 275) ; 2e partie à la fin de mars (lettre de Bonardy à Bouhier, 8 mars 1726, éd. citée, p. 9) ; 1re partie du tome II, début juillet (lettre de l'abbé d'Olivet à Bouhier, 9 juil.1726, éd. citée, n° 3, p. 108) ; sept volumes fournis à la Bibliothèque du Roi en 1729 (f.fr. 22023, p. 83, 21 juin). Il commença à péricliter pendant l'été 1731, du fait de l'«indolence» du libraire (lettres de D. à Desmaizeaux du 27 juil. 1731, add.mss. 4285, f° 259, et du 16 juin 1732, dossier Bonnardet, J), et cessa à la fin de l'année à cause du dérangement des affaires de Simart (H) : «Le pauvre homme est prisonnier à la Conciergerie sans qu'on puisse trop dire pourquoi sinon qu'il était un des plus assidus valets de chambre des convulsionnaires» (D. à Bouhier, 21 sept. 1735, f.fr. 24410, f° 459 ; cf. Bonardy à Bouhier, lettre du 18 juil. 1734, f.fr. 24409, f° 131).

Recueil de pièces d'histoire et de littérature (D.P.1 1171), t. III et IV, Paris, Chaubert, in-12, juin 1738 (D. en envoie deux exemplaires à Bouhier, le 16, f.fr. 24410, f° 455) et février 1740 (tome dont Goujet annonçait «l'impression» imminente dès juin 1738 : f.fr. 244112, f° 311). Il s'agit d'une reprise des Mémoires sous un autre titre (voir lettres de Bonardy à Bouhier, 3 mars 1738 et 31 janv. 1740, éd. citée, p. 32 et 58) ; mais D. ne semble y avoir publié que peu d'articles de lui ; son rôle, dans les divers périodiques qu'il a animés, a consisté à «ramasser des dissertations, des discours et autres pièces de prose et de poésie, ou nouvelles, ou rares» (lettre de Bonardy à Bouhier, 8 mars 1726, éd. citée, p. 9) .

On lui doit encore l'éloge de Dom de Vert dans les Mémoires de Trévoux de 1708, l'abrégé de la vie du P. Lelong dans le Journal des savants (janv. 1724), une «lettre d'un professeur de l'université d'Angers» dans la Bibliothèque française (mai 1726).

Il a surtout su donner corps, dans les Nouvelles littéraires, au projet d'A. Martel : faire vivre un grand journal d'information littéraire. Il y a mis en pratique la régularité et la fréquence de publication (une livraison au moins tous les quinze jours), une information large et rapide (le compte rendu consacré au Spectateur suisse paraît le jour même de la publication), une critique impartiale et aimable. D'après Goujet (H), les Nouvelles littéraires eurent un grand retentissement, si bien que le P. de La Tour, supérieur de l'Oratoire, «homme trop politique», demanda bientôt à D. d'en interrompre la publication.

7. Publications diverses

Voir la liste des ouvrages du D. à la B.V de Dijon, ms. 1134, f° 73 : Historia ecclesiae Parisiensis du P. Gérard Dubois, Muguet, 1710, (2e t. : Vie du P. Dubois, épître, préface et tables de D.). – Ed. des Explications [...] des cérémonies de l'Eglise de Dom Claude de Vert, t. III et IV, 1713 (notes et éloge de l'auteur «qui était son oncle»). – Ed. du De Tabernaculo foederis de B. Lamy, Mariette, Delespine, 1720 (préface, vie de l'auteur et tables de D.). – Ed. du De Templo Salomonis de B. Lamy, 3e éd. fr., Lyon, Certe, 1723. – 2e éd. de la Bibliotheca sacra du P. Lelong, Paris, Coustelier, 1738 (additions et vie de l'auteur par D.). – Institutiones catholicae de F. Pouget, «catéchisme de Montpellier», Paris, Simart, 1725 (citations recueillies par D.). – Panégyriques des Saints, Paris, Moreau, 1723, 2 vol. in-12. Sermons pour l'Avent, ibid., 1725, in-12, et Sermons pour le Carême, ibid., 1735, 3 vol. in-12, du P. Jean de La Roche (éd, et éloge de l'auteur par D.). – Les Ruses de guerre de Polyen avec les stratagèmes de Frontin, Paris, 1738, 2e éd., Ganeau, 1739, trad. attribuée à Dom Lobineau, probablement de D. (lettre d'Anfossi à Caumont, 14 oct. 1738, B.V. Avignon, ms. 2279, f° 192). – Ed. de la Résolution des cas de conscience, du p. G. Juénin, s.l., 1741. – Histoire de l'empire ottoman de D. Cantemir, trad. par M. de Jonquières, éd. par P.D., s.l., Leclerc, 1743, 2 vol. in-4°, et Barois fils, 4 vol. in-4°. Bibliothèque historique de la France du P. Lelong, 2e éd. par Fevret de Fontette, 1768-1778 (réalisée à partir de l'exemplaire annoté de D. : cf. préf., p. VII).

8. Bibliographie

(A) Adry, Bibliothèque des écrivains de l'Oratoire, t. II et VI (B.N., f.fr. 25 682 et 25 686). – (B) Autobiographie de D. utilisée par le P. Bonnardet dans le Bulletin de la paroisse Saint-Eustache. – (C), A.N., MM 6612 ; (D), A.N., MM 618 ; (F), A.N., MM 230 ; (G), A.N., MM 607. – (E) Catalogue Bicaïs de la B.V. Aix et sa copie aux Archives de l'Oratoire. – (H) Mémoires historiques et littéraires de l'abbé Goujet, La Haye, 1767. – (I) Goujet, «Lettre à M.» [Bonamy] «sur la vie et les ouvrages du P. Desmolets» (25 juin 1764) dans le Journal de Verdun, septembre 1764. – (J) Archives de l'Oratoire à Montsoult (correspondance de D. et de Conti et pièces utilisées par Bonnardet). – (K) Partage du 8 février 1704 (Etude Jean-François Richer, Minutier central, MC XVI/383 ; MC LXII/173). – (L) Vente du 21 septembre 1751 (Etude Lemoine, Minutier central, MC XVI/383). – (M) Table des écrivains de l'Oratoire (A.N., M 231, n° 8).

CHEVRIER

Numéro

176

Prénom

François de

Naissance

1721

Décès

1762

François Antoine Chevrier est né à Nancy le 11 octobre 1721 (Alméras, Gillet); son père, Charles Claude Chevrier, était licencié en droit, avocat depuis 1702, secrétaire de la Cour et anobli depuis 1720, fermier du greffe de Nancy (Ars., ms. 11819) ; sa mère s'appelait Marguerite Larcher. Sa famille était originaire des Vosges; son aïeul, Claude Dominique Chevrier, avait été avocat à Mirecourt (Gillet). François Antoine Chevrier eut deux soeurs, l'une plus âgée, l'autre plus jeune que lui, qui, selon la note de police du 20 août 1753, eurent mauvaise réputation (Ars.

2. Formation

Inscrit à l'Université de Pont-à-Mousson, au moins du 23 février 1740 au 7 mai 1743, il y étudia le droit et prêta serment le 12 février 1743 (Gillet, d'Alméras); il renonça à plaider mais garda le titre d'avocat. Membre de l'Académie de Corse en 1749, il en aurait rédigé les statuts et participa activement à ses travaux (d'Alméras); il ne put entrer à celle de Nancy, qu'il accabla de ses sarcasmes.

3. Carrière

Il se rendit à Paris en 1743 et y demeura sans doute jusqu'en 1746 (Gillet). Peut-être est-il, à cette époque, devenu soldat (B.N., n.a.fr. 10781); il partit en tout cas en Italie avec l'armée, arriva à Gênes, passa en Corse, sans doute vers 1749. Il se lia avec le marquis de Cursay, commandant des troupes en Corse et devint en fait son secrétaire (Ars., ms. 11819). Très lié avec les Corses, il devint suspect à la République de Gênes; quand il voulut publier son Voyage de Rogliano(Avignon [Livourne], 1751), les Gênois obtinrent son rappel en France.

En avril 1751, il habite à Paris, rue de Grenoble, au grand hôtel de Lyon; il est le commissionnaire et le correspondant littéraire de Cursay (n.a.fr. 10781) jusqu'au retour du marquis à la fin de 1752 (f.fr. 22157, f° 197). Il fait un voyage à Nancy au cours de l'été 1752 (f.fr. 22157, f° 116 et 172). En juillet 1753, il habite avec Favier une maison «sur le boulevard»; en août, rue Basse du Rempart, n° 15, près la place Vendôme; il est alors habitué du café littéraire «Curé», de Mme Bourette (note de police du 20 août, f.fr. 22158, p. 159, 165). En novembre, il habite avec Favier chez le marquis de Cursay, rue Saint-Louis au Marais (ibid., p. 189). Pendant l'été de 1757, il dirige la propagande des armées francaises en campagne. En août, il séjourne à Hanovre.

En 1758, on le trouve à Francfort, peut-être en raison des poursuites engagées contre son Histoire de Lorraine (Gillet). Il est de retour à Nancy en 1759; ce fut sans doute son dernier séjour dans sa ville natale; en août, il retourne en Allemagne. Il fait ensuite un assez long séjour à Bruxelles, mais menacé d'arrestation pour avoir insulté Cobenzl, et recherché par la police française (Ars., ms. 12152; Van Bever, p. 233), il se retire à La Haye en septembre 1761, tente en vain de se justifier auprès de la Cour de Versailles (Van Bever, p. 234) et se voit menacé d'internement à la Bastille (Van Bever, p. 233, 235). L'ordre du Roi, daté du 16 juin 1762, allait être exécuté quand il quitte La Haye pour Rotterdam et meurt au moment où il allait être arrêté (Van Bever, p. 239).

4. Situation de fortune

Né avec 30 000 £ de biens qu'il aurait dissipés rapidement (f.fr. 22158, f° 117). En 1751 et 1752, Cursay lui fait une pension de 600 £ pour être son correspondant (f.fr. 22157, f° 197). En 1753, il n'a plus rien et vit, dit-on, de sa plume et d'escroquerie (f.fr. 22158, f° 117). Une «dupe», peut-être Cursay, lui aurait avancé, ainsi qu'à Favier, 10 000 £ pour racheter le privilège du Journal étranger. Chevrier est alors associé à La Marche, propriétaire de 6/20e du privilège selon la convention du 20 juillet 1754 (M.R. de Labriolle, «Conditions matérielles de la publication du Journal étranger», dans L'Etude des périodiques anciens, Nizet, 1972, p. 80), et il lui rachète effectivement ses droits le 21 juillet mais par une cession simulée: «Je déclare que la cession que M. de La Marche vient de me faire de son intérêt dans le Journal étranger n'est que simulée, et que je n'ai jamais rien à prétendre dans le produit du dit Journal» (acte du 21 juil. 1754, cité par M.R. de Labriolle, ibid., p. 81). Il semble qu'à cette époque, Chevrier ait dissipé les fonds dont il disposait; quand le principal bailleur de fonds, Courcelles, le somme de déposer sa part du capital, il ne peut faire face ; il est évincé, ainsi que La Marche, du Journal étranger (ibid., p. 82). L'escroquerie de Chevrier reste probable sans être mentionnée avec précision (cf. f.fr. 22158, f° 117, 159, 165).

Il publie le Colporteur à ses frais et tente de rétablir sa situation en Hollande: «On veut lui faire un sort à Rotterdam: On lui offre 100 florins par mois et un logement pour écrire une gazette et un Mercure» (lettre de la police du 3 nov. 1761, citée par Van Bever, p. 235).

5. Opinions

Chevrier n'a jamais ménagé qui que ce soit; on rapporte qu'il quitta Nancy pour avoir prêché sur l'impureté à la place d'un Jésuite (f.fr. 22158, f° 116-117); il «débuta à faire différentes satires sur les femmes les plus respectables de [Nancy]» et publia avec le sieur Fournier des comédies satiriques (Ars., ms. 11819, cité par Van Bever, p. 231). Il aurait, à la même époque (avant 1743), attaqué Stanislas et le nouveau gouvernement, dans des comédies écrites en collaboration avec Fournier, ce qui lui aurait valu une arrestation et l'exil (Van Bever, p. 231-232). Il eut des querelles avec la Comédie-Française, avec Fréron, avec Palissot (f.fr. 22 159, f° 75).

Le 14 janvier 1752, on fit une perquisition chez lui, à Paris, à la suite de la publication de l'Histoire de Mlle Cronel, dite Frétillon (5e part., La Haye, 1750); on ne trouve rien, mais on saisit tous ses papiers, en particulier sa correspondance avec Cursay (n.a.fr. 10781); « en 1754, s'étant rendu suspect parce qu'il fournissoit à Morand, auteur, qui était espion du Roy de Prusse, toutes les nouvelles de Paris et de la Cour, que Morand envoyoit à ce Prince, M. Berryer envoya faire une perquisition chez luy où l'on trouva beaucoup de minuttes de nouvelles qui furent saisies. Néanmoins ne fut pas arrêté» (rapport de police de 1762, Ars., ms. 12152, f° 276, cité par Van Bever, p. 244).

En 1758, à la suite de la publication de l'Histoire de Lorraine, il dressa contre lui le Parlement et le Bailliage de Nancy. Il fut condamné aux galères par le Bailliage (sentence du 22 juin) et son livre fut brûlé. Il s'enfuit en Allemagne. Un revirement se produisit en sa faveur l'année suivante; il demanda à être jugé par le Parlement (1er juil. 1759), revint à Nancy le 8 juillet, se constitua prisonnier le 10, fit appel le 12 et fut remis en liberté le 3 août (Gillet, d'Alméras, Van Bever). Chevrier a relaté ce procès dans l'Histoire d'une cause célèbre «jugée par arrêt du Parlement le 3 août 1759» (s.l. [Francfort], 1759).

Les rapports de police de 1761-1762 le donnent pour un espion, un frondeur, auteur de libelles contre la France: «il s'est meslé autrefois à Paris, sans en être chargé, de beaucoup d'intrigues relatives à la Politique et au Gouvernement» (rapport du 9 nov. 1761, Van Bever, p. 233). Il était franc-maçon (rapport du 29 juin 1762, Van Bever, p. 236-237).

6. Activités journalistiques

Nouvelles à la main en collaboration avec de Thuile en 1753 (f.fr. 22158, f° 170).

Journal étranger: associé à La Marche pour la mise en place du journal et la préparation des premiers numéros, il y travaille en avril 1753 (f.fr. 22 158, f° 127), mais s'en trouvera évincé avant la sortie de la première livraison en janvier 1754.

Journal militaire, Au quartier général (Hanovre], août 1757; «entrepris autrefois en pays étranger» (M.S., 1779, t. XII, 1er juin 1778). Numéro unique imprimé sur les presses de l'armée de Richelieu, protecteur de Chevrier: Chevrier en rédigea le texte et la dédicace signée. Journal destiné aux troupes, mais, plus ambitieusement, feuille de propagande pour la population francophone (D.P.1 770).

Chevrier a demandé en mars 1761 au Conseil privé de Bruxelles un privilège pour une Feuille manuscrite dont il présenta, sans succès, deux numéros (D.P.1 469).

Le 10 janvier 1761, il devient le rédacteur des Mémoires du temps, gazette hebdomadaire fondée l'année précédente par Maubert de Gouvest (D.P.1 891); sa collaboration prend fin par décision du Conseil privé le 9 septembre de la même année.

L'Observateur des spectacles, ou Anecdotes théâtrales, «ouvrage périodique», La Haye, H. Constapel, 1762-1763, 3 vol. Chevrier, mort en juin, n'a publié que les livraisons de janvier à juin 1762.

Chevrier est l'auteur d'un Almanach des gens d'esprit pour l'année 1762, qui parut après sa mort (D.P.1 79).

Le Gazetin publié à Bruxelles à partir de 1760, dont il parle à plusieurs reprises dans le Colporteur (éd. de 1761, p. 213 et suiv.) et dans la Vie du fameux Père Norbert (éd. de 1762, p. 126), n'est autre que les Mémoires du temps.

Il a publié quelques articles dans le Mercure de France (juil. 1749, p. 68; oct. 1754, p. 141; fév. 1756, p. 141).

7. Publications diverses

Liste des oeuvres de Chevrier dans Gillet et dans Cior 18 (n° 19425-19498): les oeuvres non mentionnées par ce dernier seront marquées d'un astérique: Recueil de ces dames, Paris, 1744 et Bruxelles, aux dépens de la Compagnie, 1745; attribué parfois à tort à Caylus. – Bi-Bi, «conte traduit du chinois par un français», Mazuli, Paris [1745 ou 1746]. – *Lettre sur la comédie du Méchant, 1748 (Gillet, n° 3). – *Epître contre ceux qui déshonorent la poésie, 1748 (Gillet, n° 4). – Cargula, «parodie de Catilina», s.l.n.d. [1749]. – Extrait de la séance publique de l'Académie des Belles-Lettres de Corse, tenue le 1er novembre 1749, s.l., [1749]. – *Dissertation sur les progrès de la tragédie depuis les Grecs jusqu'à nous: lue le 23 août 1750 devant l'Académie de Corse (Gillet, n° 6). – Voyage de Rogliano, [Livourne], imprimerie française, 1751. – Etrennes littéraires à M. Ailhaud fils, avocat au Parlement, Bruxelles, 1751. – *Histoire de Corse: 6 vol. dont seuls les deux premiers auraient été imprimés en 1751 (Gillet, n° 10); selon Gillet, il ne s'agirait pas de l'ouvrage paru à Nancy, chez Cusson, en 1749, sous le même titre; attribué à Chevrier par Feller-Weiss. – *Lettre d'un marchand de Paris à un docteur de Sorbonne, 1752 (cf. B.N., n.a.fr. 10781). – *Les Ridicules du siècle, Londres, 1752: «M. de Malesherbes, qui avait fait arrêter le roman de Chevrier, vient d'en permettre la vente sans y avoir fait aucun changement» (f.fr. 22157, f° 43, 16 mars 1752). – Ma-ga-kou, «histoire japonaise traduite par l'auteur D[es] R[idicules] D[u] S[iècle], Goa [Paris, Mérigot], 1752, imprimé sur permission tacite (f.fr. 22157, f° 116). – Minakalis, «fragment d'un conte siamois», Londres [Paris], s.d. [1752]: Malesherbes accorda la permission tacite après refonte de l'ouvrage (f.fr. 21994, n° 106 et 22157, f° 43, du 16 mars 1752); l'ouvrage ne commence effectivement qu'au chapitre II. – Cela est singulier, «histoire égyptienne», Babylone [Paris], Imprimerie royale, 1752. – Essai historique sur la manière de juger des hommes, Paris, Jorry, 1753; 2e éd., Amsterdam, H. Constapel, 1763; privilège du 25 janvier 1753 (f.fr. 22158, f° 3). – Les Mémoires de Mme la baronne de Saint-Clair, La Haye, 1753, en 1 ou 2 vol., attribué parfois, à tort, à de La Bastide. – Le Quart d'heure d'une jolie femme, ou les amusements de la toilette, «ouvrage presque moral», Genève, H. Philibert, 1753. – Mémoires d'une honnête femme, «écrits par elle-même et publiés par M. de Chevrier», Londres et Paris, Jorry, 1753, 3 parties en 1 vol.; rééd. en 1762, 1763, 1764 à Amsterdam; permission tacite (f.fr. 21994, n° 177 et 182). – Mémoires pour servir à l'histoire des hommes illustres de Lorraine, «avec une réfutation de la Bibliothèque lorraine de Dom Calmet», Bruxelles, 1754 [Paris, Mérigot, selon Gillet, n° 16]; privilège du 31 décembre 1752, retiré et remplacé par une permission tacite (f.fr. 22159, f° 8 et 18). – La Revue des théâtres, comédie en un acte, représentée le 22 décembre 1753 au Théâtre Italien, publiée en 1754. – Le Retour du goût, comédie, Paris, Duchesne, 1754. – La Campagne, comédie en un acte, 13 représentations à partir du 14 septembre 1754; Paris, Duchesne, 1754 ou 1755. – Observations sur le théâtre, Paris, Debure, 1755. – L'Epouse suivante, comédie en un acte, Paris, Debure, 1756; 2e éd., La Haye, H. Constapel, 1762, 23 représentations. – Les Fêtes parisiennes, comédie en un acte, composée pour la naissance du comte de Provence, Paris, Debure, 1756. – Epître sur la prise de Port-Mahon, Paris, Didot, 1756. – La Petite Maison «parodie d'Anacréon, 3e acte des Surprises de l'Amour», Paris, Duchesne, 1757: Chevrier y aurait eu part (Gillet, n° 28). – Epître de M. de C. «à l'un de ses amis qui lui demandait une peinture de la ville d'Aix-la- Chapelle», s.l. [Aix-la-Chapelle?], 1757. – Vers sur la mort de M. le Marquis de Toustain de Viray, Francfort, 1757. – Histoire de la campagne de 1757, Francfort, 1757; rééd. en 1758 et 1759. – L'Invasion en Saxe, ses prétendus motifs, Nancy, Vve d'A. Lescure, 1757. – Observations générales sur les intérêts présents des puissances, Leipzig, 1758. – Réponse du Roi de Prusse à la lettre du Prince, son frère, mourant, Littau [Francfort], 1758. – Histoire civile, militaire, ecclésiastique, politique et littéraire de Lorraine et de Bar, Bruxelles et Francfort (selon Gillet, n° 37), 1758, 2 vol.; selon Gillet, 5 vol. de l'histoire générale et 2 vol. de l'histoire littéraire ont paru, sur 12 vol. prévus. – Placet à S.M. Polonaise, contenant la sentence rendue contre l'Histoire de Lorraine, s.l.n.d., [Francfort, 1758]. – Poèmes sur des sujets près de l'histoire de notre temps, Liège, 1758 (Gillet, n° 39), comprenant La Mandrinade [Valenciennes, 1758), La Prussiade [Cassel, 1758], L'Acadiade [Cassel, 1758], L'Albinionide [Aix, 1759], L'Hanovriade [s.l., 1759]. – Le Point d'appui contre les principales puissances de l'Europe, Liège, Balbin, 1759. – Le Point d'appui entre la France et l'Angleterre, Liège, Balbin, 1759. – Tableau général de l'Europe belligérante en 1758, Goslar, H. Bremer, 1759; 2e éd. sous le titre: Le Point d'appui entre Thérèse et Frédéric, Liège, Balbin, 1759. – L'Ombre du Prince d'Ysembourg à l'éditeur des prétendues lettres, s.l.n.d. [Francfort, 1759]. – Dialogue entre le Prince d'Ysembourg, général hessois, et le Baron de Dyhern, général saxon, s.l.n.d. [Francfort, 1759]. – Histoire d'une cause célèbre, «jugée par arrêt du Parlement de Nancy le 3 août 1759», s.l .n.d. [Francfort, 1759]. – La Nouvelle du jour, comédie en un acte, représentée à Francfort le 6 décembre 1759, Dresde (Gillet, n° 47), 1759. – La Voix de la Paix, Amsterdam, Van der Broc, 1760 (Gillet, n° 48); rééd. Amsterdam, 1761. – Le Colporteur, «histoire morale et critique», Londres, J. Nourse, 1761 (imprimé à La Haye ou Bruxelles selon Gillet, n° 49); rééd. en 1762; Bachaumont écrit le 16 avril 1762: «Ce livre est de la plus grande rareté. Le gouvernement n'a point voulu en permettre ni en tolérer l'introduction en France» (M.S., t. I, p. 74). Selon les pièces publiées par Van Bever, la première édition fut réalisée par H. Constapel, directeur de l'Imprimerie de Bruxelles, en oct. 1761. – La Ressource du théâtre, pièce en un acte, Paris, 1760. – Histoire de la vie de H. Maubert, soi-disant chevalier de Gouvest, Londres [La Haye], 1761; rééd. à Londres en 1763. – Etrennes voluptueuses dédiées aux Grâces, «par Mme L.M.D.P.», Londres [La Haye], 1761 (Gillet, n° 53); rééd. en 1789. – La Vie du fameux Père Norbert, ex-capucin, Londres [La Haye selon Gillet, n° 50], 1762; rééd., Londres, J. Nourse, 1762. – Les Amusements des dames de B[ruxelles], «histoire honnête et presque édifiante», Rouen, Pierre le Vrai, 1762, 3 part. en 1 vol.; la 2e partie a été également imprimée sous le titre: Les Trois C., «conte métaphysique imité de l'espagnol»; la 3e part., Je m'y attendais bien, «histoire bavarde», paraît à Amsterdam ou La Haye en 1762 (Van Bever, p. 230). – Almanach des gens d'esprit, «par un homme qui n'est pas sot», Londres, J. Nourse, 1762. – La Vie politique et militaire du maréchal de Belle-Isle, La Haye, Vve Van Duren, 1762. – La Chevriade, ou l'observateur des enfers..., Amsterdam, 1762. – La Vie de toutes les actrices et danseuses, «depuis 1650 jusqu'au 1er janvier 1762», La Haye, 1762: Gillet (n° 58), d'après Chevrier et l'annonce de la Gazette des Deux-Ponts précise que seul le 1ervolume, sur huit de prévus, a été publié.

Attributions discutées: Le Testament politique du maréchal-duc de Belle-Isle, Amsterdam, Libraires Associés, 1761, rééd . en 1761 et 1762, est très probablement de Chevrier (Lelong, n° 24781; Gillet, n° 55) malgré l'avis contraire de Quérard, qui s'appuie sans doute sur Grimm (C.L., t. V, p. 169): l'avis de la police est net (Van Bever, p. 244). – Le Codicille et l'esprit, ou Commentaire des maximes politiques de M. Ie maréchal-duc de Belle-Isle, La Haye, Vve Van Duren, 1762, a été attribué par Bachaumont à Maubert de Gouvest, mais doit être restitué à Chevrier (cf. Lelong; Gillet, n° 56). – Les Anecdotes critiques, Londres, s.d., lui sont attribuées par Gillet (p. 299). – Histoire de Mademoiselle Cronel, dite Frétillon, actrice de la Comédie-Française, La Haye, 1750: il s'agit de la 5e partie du roman de Gaillard de La Bataille, Histoire de la vie et moeurs de Mlle Cronel, dite Frétillon, La Haye, 1739-1740. Une fiche de police signale, à propos de cette 5e partie: «Le 1er novembre 1751, il a paru une suite de l'Histoire de Mlle Clairon dont j'ai découvert qu'il [Chevrier] était l'auteur» (n.a.fr. 10781).

8. Bibliographie

Lelong ; Q. ; D.B.F., Cior 18. – Gillet N.A., «Notice historique et bibliographique sur Chevrier», Mémoires de l'Académie de Stanislas, 1863, p. 135 et suiv.; publication distincte en 1864. – Alméras H. d', «François-Antoine Chevrier», Chronique des livres, 10-15 octobre 1904, étude rééditée en partie dans l'ouvrage suivant. – Van Bever A., éd. du Colporteur, avec une préface, des notes, des documents inédits et suivi d'un Supplément, Paris, Bibliothèque des Curieux, 1914.

9. Additif

Bibliographie:

Chevrier F.-A., Suite des Mémoires pour servir à l'histoire de notre temps par rapport à la campagne de MDCCLVII, où l'on voit les circonstances qui ont précédé, accompagné et suivi la battaille de Rosbach, avec le détail de ce qui s'est passé d'important dans l'électorat d'Hanovre depuis la convention de Closter-Seven jusqu'au 1 janvier 17584ème éd., Francfort, 1758 in-8°, 96 p. (BnF 8- LH4- 1386)

Sur Chevrier critique de spectacles, voir : VAN AELBROUCK J.-Ph., «Le théâtre et la dance à Bruxelles de 1760 à 1765» in Etudes sur le XVIIIè siècle : Musiques et spectacles à Bruxelles au XVIIIe siècle, vol. XIX, Editions de l'Université de Bruxelles, 1992, p. 9-26.

BRUIX

Numéro

122

Naissance

1728

Décès

1780

Le chevalier de Bruix est fils d'un officier, signalé en 1766 comme mort au service. Les registres paroissiaux de Bayonne mentionnent plusieurs familles Bruix ou de Bruix.

3. Carrière

Ayant quitté Bayonne pour Paris, le chevalier y exerce la banque rue Beaurepaire. Mais il ne réussit pas (il manque à la foi publique) et se met alors, avec son frère aîné qui l'a rejoint, à vivre d'intrigues et d'expédients. C'est ainsi qu'il revend à bon marché et au comptant des marchandises qu'il a achetées à crédit. Dans le cadre de cette activité, il entre en relation, vers la fin de 1762, avec un marchand épicier de la rue Neuve des Petits Champs, Antoine Sauvel, auprès de qui il va s'endetter et emprunter, en l'espace de deux ou trois ans, des sommes considérables. Lui et son frère se lient alors intimement avec deux autres Bayonnais, amis d'enfance et d'école retrouvés à Paris (l'un d'eux est Pierre Nicolas Coste d'Arnobat), et tous quatre vont abuser de la crédulité et de la facilité de Sauvel, peut-être flatté, comme le suggère le rapport du commissaire Chenon, de parler sur un ton d'égalité avec de jeunes «gentilshommes». En juin 1764, ils louent à Lay, sous le nom de Coste, une maison ou ils s'installent «en société» (auparavant les deux frères Bruix ont habité rue de Tournon chez Clossin, traiteur et tenant de chambres garnies). Ils poursuivent là une affaire de chimie ou... d'alchimie, dirigée par un certain M. de Langlade et dont le succès est annoncé comme infaillible. En même temps, ils y attendent Bruix du Sandau qui, venant de Saint-Domingue, leur a demandé de louer pour lui une maison à la campagne ainsi qu'un appartement à Paris (cet appartement est retenu a l'Hôtel de Bayonne, rue Saint Honoré, vis-à-vis le Palais Royal). Pour mener à bien leurs opérations de chimie, pour accueillir décemment «Bruix l'Americain» qui aurait promis de rembourser dès son arrivée, et aussi pour subsister, les Bruix et leurs compagnons ne cessent de soutirer marchandises et argent à Sauvel, qui, en juin 1765, à l'occasion du renouvellement du bail, se porte caution des meubles de la maison de Lay. Tous semblent mener joyeuse vie et se rendent souvent à Paris pour se divertir. Le chevalier a pour maîtresse la Merville (ex La Guérin) qui demeure rue Poissonnière où il va fréquemment. Mais, en avril 1766, Sauvel, qui se prétend embarrassé pour satisfaire à des engagements relatifs à son commerce et qui constate que Bruix du Sandau, arrivé en France, refuse d'acquitter les dettes de ses frères, porte plainte, nie, à l'encontre de ce que soutiennent ses débiteurs, qu'il ait jamais eu l'intention de mettre des fonds dans l'entreprise de chimie et d'en accepter les risques. D'abord objet d'une tentative d'arbitrage confiée par M. de Sartine au fils de l'avocat genéral Joly de Fleury, l'affaire finit par prendre l'allure d'une véritable affaire d'escroquerie et le Roi donne l'ordre, le 1er septembre 1766, d'arrêter et de conduire en prison le chevalier et son frère. Ceux-ci s'enfuient alors à l'étranger et se réfugient à Bruxelles. Dès son arrivée, le chevalier écrit à M. de Sartine une lettre ou il lui rapporte l'histoire de sa vie et lui donne sa version de l'affaire. Près de quatre ans plus tard, il lui adresse un nouveau Mémoire, le priant de «retirer» les lettres de cachet qui le regardent, lui et son frère, puisqu'ils «ont pris des mesures pour assurer au Sieur Sauvel ce qui lui est du». Le Roi révoque ses ordres le 15 avril 1770 et le comte de Saint-Florentin expédie les ordres nouveaux le 18 avril. Le chevalier et son frère rentrent en France.

4. Situation de fortune

Le père officier ne laisse aucun bien à ses enfants. Comme le chevalier dépense beaucoup, alors qu'il n'a ni état ni fortune soutenue, il se couvre de dettes, emprunte et, dans l'embarras, ne recule pas devant des moyens plus ou moins répréhensibles. Il quitte sa chambre de la rue de Tournon sans acquitter le loyer, abandonnant une malle où il n'y a presque rien et, après son départ, pleuvent assignations, significations, sentences, lettres de change pour être payées. La dette contractée auprès de Sauvel s'élève globalement à 30 000 £ environ. Certes, le chevalier et ses complices font des reçus, signent des billets à ordre, mais, à l'échéance, les laissent impayés. Et, a la suite de la tentative d'arbitrage, ils ne se soucient pas de respecter les termes de l'accommodement selon lequel ils doivent verser immédiatement (fin avril) 2000 £ à Sauvel et la même somme tous les trois mois jusqu'à extinction complète de la dette.

6. Activités journalistiques

Le Conservateur ou Collection de morceaux rares et d'ouvrages anciens, élagués, traduits et refaits en tout ou en partie, continué par Le Conservateur ou Collection de Morceaux rares et d'ouvrages anciens et modernes imprimés ou manuscrits, élagués, traduits et refaits en tout ou en partie, Paris, Lambert, 1756-1758 (D.P.1 222) et 1761 (D.P.1 223), 38 vol. au total. Le privilège est au nom de B. En janvier 1758, B. et Turben en sont considérés comme les auteurs (B.N., f.fr. 22160, f° 72, 19 janv.) ; le n° d'avril paraît avec permission tacite (ibid., f. 85) ; le n° de juin est donné comme de Turben seul (f° 97) ; les numéros d'août, septembre et octobre paraissent en février 1759 : «Cet ouvrage qui était resté suspendu va reparaître assidument depuis que le sieur Turben l'a quitté et que le chevalier de B. l'a repris. Je crois que Fréron y travaillera aussi» (f.fr. 22161, f° 9, 1er mars 1759).

Le Discoureur, Amsterdam et Paris, chez Fournier, 16 février-7 décembre 1762, un volume in-8° de 568 p., l'exemplaire retrouvé comptant 50 numéros (D.P.1 355).

7. Publications diverses

Voir Cior 18, n° 14281-14286 : Réflexions diverses de M. Ie chevalier de B[ruix], Londres, Paris, 1758. Les Après-Soupées de la campagne, ou Recueil d'histoires courtes, Amsterdam et Paris, 1769, 2 vol. (en collaboration avec Antoine de Leris). – Sennemours et Rosalie de Civraye, histoire française, Amsterdam et Paris, 1773, avec permission tacite du 17 décembre 1772. Cécile, drame en trois actes et en prose, Londres et Paris, 1776.

8. Bibliographie

D.B.F , D.L.F. – Nécrologe, 1781, p. 117-128. – A.M. Bayonne, Reg. par., G.G. 70 et 73 ; Ars., Archives de la Bastille 12272 f° 153263.

BOULANGER DE RIVERY

Numéro

100

Prénom

Claude

Naissance

1725

Décès

1758

Claude François Félix Boulanger (ou Boullanger ou Boulenger, ou Boullenger) est né à Amiens le 12 juillet 1725 de François Nicolas B., conseiller au bailliage, puis garde-sel au présidial, juge et garde de la Monnaie d'Amiens, et de Jeanne d'Halloy (A. Camus, «Boulanger de Rivery»). Il épousa en 1755 (contrat du 13 janvier) Marie Françoise Morel, dame de Belloy, Quevilliers, etc., dont il aura en 1759 un fils (guillotiné sous la Révolution). Boulanger est mort de la petite vérole le 24 décembre 1758 (ibid.).

2. Formation

Il fit ses premières études au collège des Jésuites d'Amiens, et sa rhétorique au collège Louis-le-Grand où il eut comme professeur le R.P. Porée. Il fit sa licence en droit, s'inscrivit comme avocat au Parlement de Paris et plaida au moins une fois (factum de 1750 pour A. de Crocquoison).

3. Carrière

Il retourne à Amiens en 1750 ou 1751 (B.N., f.fr. 22158, f° 188 et 193), devient conseiller du Roi et lieutenant particulier au bailliage, et siège présidial d'Amiens (lettres de provision du 12 février 1752).

6. Activités journalistiques

Lettres d'une société ou Remarques sur quelques ouvrages nouveaux, en collaboration avec Landon et Larcher (voir ces noms) : tome I et unique, Berlin, 1751 (D.P.1 809) ; l'ouvrage avait été présenté à la censure en 1750 par Duchesne et refusé le 14 juillet. Il est réimprimé en 1752 sous le titre : Mélange littéraire ou Remarques sur quelques ouvrages nouveaux.

7. Publications diverses

Mémoire pour M. Antoine de Crocquoison [...] contre les héritiers de Firmin Dubois, Paris, 1750.– Momus philosophe, comédie en un acte, Amsterdam, 1750.– Traité de la cause et des phénomènes de l'électricité, 1750 (F.L. 1769 et A. Camus).– Apologie de l'Esprit des lois, en réponse aux Observations de M. de L.P., Amsterdam, 1751.– Recherches historiques et critiques sur quelques anciens spectacles, et particulièrement sur les mimes et pantomimes, Paris, 1751.– Fables et contes, traduits de Gray, Gellert, etc., avec un discours préliminaire sur la littérature allemande, Paris, 1754.– Daphnis et Amalthée, pastorale héroïque, Amiens, 1755.– Justification de la tragédie d'Oreste, par l'auteur, s.l.n.d. (1760 selon Barbier, 1750 selon A. Camus).

8. Bibliographie

F.L. 1769 ; D.L.F. ; Cior 18. – Ars., ms. 10302. – Daire, Histoire littéraire de la ville d'Amiens, Paris, 1782. – Macqueron H., Bibliographie du département de la Somme, Amiens, 1904–1907, 2 vol. – Camus A., «Boulanger de Rivery», Bulletin de la Société des Antiquaires de Picardie, 1972, p. 369 et suiv.