METTRA

Numéro

572

Prénom

Louis

Naissance

?

Décès

après 1793

Louis François Mettra est né au plus tôt vers 1738; il était fils de Louis François Mettra, ancien échevin, banquier ou marchand parisien et commissionnaire de Frédéric II, mort le 3 mai 1763, son fils étant à cette époque mineur (H, p. 39). Louis François Mettra l'ancien apparaît comme transitaire pour Berlin dans la correspondance de l'abbé Trublet avec Formey (nombreuses références dans Nachlass Formey, Staatsbibliothek, Berlin) et dans la correspondance de Thieriot et de Voltaire avec Frédéric II entre 1744 et 1750 (H, p. 37-38). J.V.

2. Formation

A la mort de son père en 1763, M. semble lui avoir succédé comme courtier et agent de Frédéric II à Paris; il prend alors la qualité d'écuyer (J, p. 49 ; H, p. 40) ; en 1766, il devient agent de Frédéric II à Paris (patente du 26 avril 1767, citée par J, p. 52-54 et H, p. 40). Mettra acheta pour plus de 40 000 f de tableaux et d'objets à la vente après décès de Jean de Jullienne en 1767 (E. Dacier et A. Vuaflard, Jean de Jullienne et les graveurs de Watteau, Paris, 1929, t. I, p. 244). «Mettra, marchand à Paris» fut poursuivi quelques années plus tard à Berlin pour une caisse de tableaux que n'avait pas reçue la comtesse de Redern (Courier du Bas-Rhin, 15 janv. 1774).

3. Carrière

Il accomplit une mission de négociation à Berlin du 7 juillet au 26 août 1768 (J, p. 54-56; H, p. 41), puis une mission officieuse de rapprochement avec la Prusse du 2 août 1771a septembre (J, p. 58-61). Désavoué par le ministre d'Aiguillon, et bientôt en faillite (début 1772: H, p. 42), il disparaît pendant quelques années et réside probablement à Paris (H, p. 47). Peut-être se rend-il ensuite en Allemagne où paraît en 1775 la Correspondance littéraire secrète (J, p. 94), sans doute à Neuwied où s'installe vers 1780 la Société typographique (J, p. 70; H, p. 48). Il accomplit sa dernière mission diplomatique à Cologne, fin 1792 (J, p. 75 et suiv.); en avril 179 3, la Correspondance littéraire change de rédacteur et devient contre-révolutionnaire (J, p. 83). Un rapport adressé à Fouché le 2 septembre 1805 affirme que l'imprimeur Mettra fabriquait en 1793 de faux assignats dans son atelier de Neuwied (J, p. 95).

4. Situation de fortune

Banquier important à Paris, M. le jeune eut en 1769 l'ambition de devenir fermier-général (J, p. 56). Il paraît avoir été dur et parfois indélicat en affaires; sa «juiverie», selon d'Alembert, n'est plus supportable (J, p. 63). Les causes de sa faillite ne sont pas connues, mais à Neuwied, il rétablit rapidement ses affaires. Selon le Voyage du Rhin (trad. fran­çaise de 1791), la Société typographique formée par M. comprend une librairie, une imprimerie en taille douce et une imprimerie française (J, p. 68-69).

5. Opinions

En 1783, une lettre de recommandation le cite comme « un de nos frères maçons » (H, p. 50). Il semble qu'à Neuwied, il ait publié un journal franc-maçon, le Freymaurer Zeitung (H, p. 59-61). Pendant la Révolution, M. servit d'intermédiaire pour négocier la fin de la guerre franco-prussienne (novembre 1792) (Sybel; H, p. 62-65). M. fut mandaté afin de négocier secrètement à Cologne une paix séparée avec l'envoyé prussien. Le projet échoua. M. aurait eu l'aide de l'écrivain Andréa de Nerciat (Paër), ancien directeur des bâtiments du prince de Hesse-Rothembourg et émigré.

Une Epître dédicatoire au prince Henri de Prusse (Berlin, 30 avril 1803) le désigne comme « de l'Académie des Sciences de Munich et d'autres sociétés littéraires» (Saint-Paterne).

6. Activités journalistiques

M. fut l'imprimeur, l'éditeur et le libraire de la Correspondance littéraire secrète (1775-1793), hebdomadaire publié d'abord de façon clandestine sur une «imprimerie portative» (Avis du premier numéro), sans doute à Neuwied; l'adresse de Neuwied, Société typographique, apparaît en 1785 (voir D.P.1 235). La Correspondance littéraire secrète de M. ne se confond pas avec la Correspondance secrète, politique et littéraire publiée à Londres (Adamson, 1787-1790), qui donne, avec des extraits de M. pour les années 1775-1785 (voir la Correspondance littéraire de M., t. VII, n° 26, 1788, p. 246), des nouvelles à la main tirées des Bulletins de Versailles (1777­1792). Ces Bulletins ont été publiés en 1866 par M. de Lescure sous le titre de Correspondance secrète inédite sur Louis XVI, Marie-Antoinette, la cour et la ville, de 1777 à 1792 (voir J, p. 15-25 ; D.P.1 235). Un Index nominum manuscrit a été établi par A. Paër d'après l'éd. Adamson de la Correspondance secrète politique et littéraire (Dossier Mettra, notes ms. et imprimées réunies par Auguste Paër, Paris, B.H.V.P., ms. 692). Un index nominum de la Correspondance littéraire secrète est en cours de préparation sous la direction de B. Berglund-Nilsson, U. de Karlstad (Suède). En 1780, M. lança un premier journal, le Magasin politique et historique (D.P.1 861), publié par son prête-nom, Louis de La Roque. Cette importante revue politique n'eut pas de succès et fut remplacée à la fin de l'année par le Nouvelliste politique.

De 1780 à 1784, M. publia ou fit publier, près de Cologne, Le Nouvelliste politique d'Allemagne (D.P.1 1067). Son activité personnelle est prouvée par une notice du 23 décembre 1783 parue dans le Nouvelliste politique : « On croit devoir prévenir de nouveau M.M. les abonnés que le S. de Mettra, propriétaire du Nouvelliste politique, leur fera présenter sa quittance à l'échéance de leur abonnement». Le Nouvelliste politique fut fondé en 1780 à Deutz par Louis de La Roque, conseiller financier de l'archevêque de Cologne qui demeurait près de la cathédrale et recevait dans son bureau les abonnements et les annonces. Une lettre signée Mettra dans les archives de Dùsseldorf fait état, dès le 7 février 1781, des difficultés qu'il a rencontrées avec le directeur des Postes au sujet de l'expédition du Nouvelliste (H, p. 53-54); le 27 mars 1782, on mentionne pour la première fois un Bureau des ouvrages périodiques privilégiés de Son Altesse Electorale de Cologne, sur le Quai de la Monnaie, près de Cologne [renseignements fournis par E. Mass].

M. tenta d'intéresser la représentation diplomatique française à la diffusion du Nouvelliste politique d'Allemagne, ainsi que du Magasin politique et historique, Deutz et Cologne, 1780. Il envoya en juillet 1780 un Mémoire anonyme au comte de Chalon, ministre du roi auprès de l'électeur de Cologne, dans lequel il demandait l'entrée en France de ses périodiques et suggérait un avis favorable de l'Intendant général des Postes. Le comte de Chalon en transmettant ce texte à Vergennes nota qu'il lui avait été « adressé par M. Mettra, Français établi à Deutz et qui est un des éditeurs des ouvrages privilégiés de l'Electeur». Un mois après, les «Editeurs des ouvrages périodiques privilégiés» (signant illisible cette fois-ci) interviennent, par une nouvelle supplique datée de Deutz, auprès de l'agent diplomatique français Rayneval: ils se flattaient d'être pour la plupart Français et que le chargé d'affaires Chalgrin avait déjà présenté leur demande à Vergennes. Chalon ne s'y opposait pas non plus. L'Intendant des Postes, le baron d'Ogny est disposé à former un traité avec nous dès que M. le comte de Vergennes y aura donné son approbation ». Ils promettent en outre que « la liberté honnête qui régnera dans nos écrits sera toujours dirigée par le respect le plus sincère pour le gouvernement de notre Patrie». Ils annonçaient un service gratuit de leurs productions aux Affaires étrangères. Vergennes fit répondre que « le ministre ne s'opposerfait] pas» (apostille à la requête), mais qu'il fallait s'adresser d'abord à l'Intendant des Postes (9 déc. 1780: A.A.E.).

M. quitta Cologne au printemps de 1784, après que les glaces du Rhin eurent détruit son imprimerie à Deutz, près de Cologne. Il remarque dans une lettre de Leipzig du 6 juin 1796: «Il est vrai qu'il s'est fait une gazette chez moi; mais ce n'est point moi qui l'ai faite. Depuis près de quinze ans il n'a été rien imprimé de moi en ce genre. La littérature ne s'accordait point avec les soins de la conduite d'un établissement que j'ai formé en 1780 sur les bords du Rhin près de Cologne, transporté à Neuwied à l'occasion de la débâcle des glaces qui l'avaient presque entièrement détruit en 1784». On ne sait pas qui continua la publication du Nouvelliste politique. Cette gazette exista cependant, sous une forme presque identique, jusqu'à l'année 1789 ou 1790.

Outre son imprimerie de Deutz, face à Cologne, M. entrete­nait une équipe de copistes autochtones chargés de diffuser, parallèlement à ses journaux, des séries de nouvelles à la main nourries des Bulletins de Versailles :

Le Nouvelliste politique et littéraire, janv. 1777 - 7 mars 1786, hebd., ms., 2 vol. (Bayonne, coll. part.).

Correspondance politique secrète sur la Cour de France,juil. 1774 - 22 déc. 1779, ms. en feuilles, comportant deux numéros imprimés de la Correspondance secrète (Namur, Archives de l'Etat, fonds Meldeman, n° 37). Série découverte par C. Douxchamps-Lefèvre et mise en rapport avec la Correspondance secrète inédite sur Louis XVI, Marie-Antoinette, la Cour et la ville de 1777 à 1792 publiée par Lescure en 1886. D'autres recueils ont vraisemblablement la même origine:

Lettres de M. de Kagencek [...] au baron Alströmer 1779-1784, éd. L.A. Léouzon Le Duc, Paris, 1884. Bulletins de Versailles conservés ( ?) à Berlin (M. Tourneux, Marie-Antoinette devant l'histoire, Paris, 1895, p. 22-25).

Nouvelles politiques, janvier 1777-1794, ms., 19 vol. comportant 5 numéros imprimés de la Correspondance politique et littéraire de 1793 (Munich, Staatsbibliothek, Cod. Gali., 122a-132).

J. Manzon, directeur du Courier du Bas-Rhin, signale en 1782 un atelier de nouvellistes à la main fonctionnant à Cologne ou à Francfort (lettre à Stanislas Auguste Poniatowski, 23 juil. 1782: Varsovie, AGAD, Pop. 430, p. 322-324) et dont font partie les comtes Oginski et Castriotto (Stephano Zannowitch alias Castriotto d'Albanie)

8. Bibliographie

A.A.E.: Cologne, C.P. 109, f° 206, lettre de Chalon à Vergennes lui envoyant le Mémoire suivant, 19 juil. 1780; f° 209, Mémoire de M. ; f° 272-273, Requêtes des «Editeurs des ouvrages périodiques privilégiés », 30 août 1780 ; f° 324, Vergennes à Chalon, 9 déc. 1780. – Stadtarchiv Leipzig, Acta über den zur Zeit in Leipzig sich aufhaltenden Buchhändler Mettra, Anno 1796, Libri XL VI, 43 (cité d'après Fontius). – Leclerc de Septchênes, Eloge de M. M. ***, Londres [Paris], 1786, réédité en 1789 avec le nom de Mettra. – Robineau, dit de Beaunoir A.L., Voyage sur le Rhin depuis Mayence jusqu'à Dusseldorf, Neuwied, Société typographique, 1791, 2 vol.: t. I, p. 133, Description de l'imprimerie de Neuwied, ses publications, p. 144-145. – Id., Le Royaliste ou Lettres d'un Francais, réfugié sur les bords du Rhin, Neuwied, 1791: La Deuxième Lettre (p. 39) est dédiée à «Monsieur M.» (Mettra). – Saint-Paterne C. de, Tablettes d'un amateur des arts, Berlin, Librairie des Arts, 1803. – Lévis, duc de, «Mettra le journaliste», dans Souvenirs et portraits, Paris, 1815, p. 183-184. – SybelH. de, Histoire de l'Europe pendant la Révolution française, trad. de l'allemand, Paris, Germer Baillière, 1870, t. II, p. 70. – Sorel A., «Post-scriptum sur Mettra», Le Temps, 5 février 1885. – Schérer E., Melchior Grimm, avec un appendice sur la Correspondance littéraire de M., Paris, 1887 (recueil d'articles parus dans R.D.M., 1885­1886). – Ester K. d', Das Politische Elysium oder die Gespräche der Todten am Rhein, Neuwied, 1936, t. I. – (J) Johansson J.V., Sur la Correspondance littéraire secrète et son éditeur, Göteborg, Gumperts, et Paris, Nizet, i960. – Fontius M., «Mettra und seine Korrespondenzen», Romanische Forschungen, t. LXXVI, 1964, p. 420-421. – Feiler S., Métra's Correspondance secrète, politique et littéraire: its content and nature, Evanston, Illinois, 1967 (University microfilm, Ann Arbor, Michigan). – (H) Hjortberg M., Correspondance litté­raire secrète, 1775-1793 : une présentation, Acta Universitatis Gothoburgensis et Paris, J. Touzot, 1987. – Moureau F., De bonne main, Paris, Oxford, 1993. – Nouvelles, gazettes, mémoires secrets, colloque de Karlstad, dir. B. Berglund-Nilsson, Karlstad, 1999.

9. Additif

Décès : après 1803

Carrière : Louis Mettra est encore connu à partir de 1774 comme nouvelliste à la main à Deutz près de Cologne et à Neuwied, où il publie la Correspondance littéraire secrète (voirRépertoire des nouvelles à la main, Oxford, 1999). Il fut auparavant, marchand d’art à Paris et agent de Frédéric II . Après 1794 (?), il s’installe à Berlin dans le commerce de l’art et publie les Tablettes d’un amateur des arts contenant la gravure au trait des principaux ouvrages de peinture et de sculpture qui se trouvent en Allemagne. Avec leur description par une société d’amateurs et de gens de lettres. Tome premier. Etats du roi de Prusse, Berlin, Librairie du roi et de la cour; Paris, Levrault, Schoell et Compagnie, 1804. La Dédicace au prince Henri de Prusse est signée "Mettra, de l’Académie des Sciences de Munich et d’autres sociétés littéraires", Berlin le 30 avril 1803; ouvrage contenant une suite de 24 pl. [6 cahiers] gravées au trait par divers (dont Haller von Hallerstein) avec leurs notices, les oeuvres originales étant vendues par Mettra dans son "Magasin d’objets d’art et de littérature" à Berlin, Unter den Linden 34", dite aussi "Librairie du roi et de la cour".

Bibliographie : Angelike, Karin, Louis-François Mettra : Ein französischer Zeitungverleger in Köln (1770-1800). Cologne und Vienna : Böhlau, 2002 (J.S.).

Sur la production nouvelliste (1774-1794) de Mettra, voir François Moureau, Répertoire des nouvelles à la main. Dictionnaire de la presse manuscrite clandestine. XVIe-XVIIIe siècle, Oxford, Voltaire Foundation, 1999, p. 380-464. (François MOUREAU)

MARTIGNI

Numéro

555

Naissance

?

Décès

?

Né à Amboise.

6. Activités journalistiques

Il collabore au Journal de Verdun sous le nom de «L'Ano­nyme des environs de Tours».

7. Publications diverses

Auteur du Poème au Roi sur ses conquêtes.

8. Bibliographie

F.L. 1769,1.1, p. 330.

MANZON

Numéro

545

Prénom

Jean

Naissance

1740

Décès

1798

Jean Manzon est né en 1740, à Oulx en Piémont (Meusel) ; marié après 1772 (R.M., p. 372), il eut un fils pour lequel il sollicite vainement, en 1787, un bénéfice ecclésiastique du roi de Prusse (Di). Son père est mort « depuis quelque temps » en 1774 ; il conservait sa mère (AGAD, Pop. 177, lettre du 25 févr. 1774) ; un oncle chanoine à Paris (ibid., lettre du 6 nov. 1772). Il meurt le 10 mars 1798 (D2), probablement à Wesel.

2. Formation

Études dans un collège piémontais jusqu'à la classe de philosophie (R.M., p. 284). En 1758, il quitte le Piémont pour la France et Paris où il séjourne très peu de temps (R.M., p. 58, n. 3). Sans doute attiré par l'état ecclésiastique (R.M., p. 273), il serait entré dans un noviciat jésuite (A.L.A.) et l'aurait quitté à la suite d'une aventure amoureuse qui le contraint à s'enfuir en Westphalie (R.M., p. 57-58). Léopold de Castilhon, militaire, écrit à son oncle Formey, le 31 août 1770 : « L'auteur du Courier du Bas-Rhin, nommé Manson, est effectivement un exilé jésuite, quoiqu'il dise avoir été abbé et avoir volontairement renoncé à cette fonction. Il est originairement italien du Milanais et a quitté sa patrie depuis fort longtemps pour aller en France. Sa conduite ici est telle qu'on ne peut ni la blâmer entièrement ni dire grand chose à son avantage. Il mène une vie assez retirée, à quoi ses modiques revenus l'obligent. Je n'ai aucune liaison, de sorte que je ne suis pas entièrement au fait du fond de son caractère, dont je n'ai jusqu'ici pas entendu mal parler » (Staatsbibliothek Berlin, Nachlass Formey, « Castilhon »).

3. Carrière

Installé, en 1767, à Clèves, il est pris comme rédacteur d'un journal français créé à la suite du Cleefsche Courant (C.B.R.,1767, n° 16) par les responsables de la Loterie Griethuysen et Schomaker (Di) ; le périodique profite de la relative liberté de presse régnant dans les états prussiens.

11 novembre 1767 : diffusion interdite en France du Courrier du Bas-Rhin après la publication d'extraits du Militaire philosophe (B.N., f.fr. 22154, f° 42) ; interdiction rapportée le 28 décembre (ibid., f° 50).

Septembre 1768 : M. est choisi par Marc Michel Rey comme traducteur de Di una riforma d'Italia de Pilati di Tassulo (de Booy).

5 novembre 1768 : M. devient directeur responsable du Courrier du Bas-Rhin imprimé chez la Veuve Sitzmann à Clèves (Di). Il traduit en 1769 pour le Journal des savants de M.M. Rey une partie du Discours sur le commerce et l'administration publique de Beccaria (de Booy).

Le Courrier est constamment soutenu par le gouvernement prussien (Kopstadt). Frédéric II en fait un instrument de sa propagande (Di ; Koser), particulièrement sous le ministère d'Eward Friedrich von Herzberg (A.L.A.). M. se lie financièrement à l'État en sollicitant des fonds pour créer sa propre imprimerie (Di), ce qui ne l'empêche pas d'avoir des ennuis avec la censure pour des critiques outrées (D3). Von Bernuth, fonctionnaire prussien, devient, en 1769, directeur de l'imprimerie chargé de la confection de la gazette (C.B.R., juil. 1769).

1772 : M. publie un commentaire étrangement autobiographique des Réflexions et maximes morales de La Rochefoucauld (Meusel). La même année, il entre en relation avec le roi de Pologne, Stanislas Auguste, et lui sert de courtier en nouvelles à la main venues de Paris (Fabre).

Frédéric II le défend contre les interventions de divers gouvernements étrangers (Paulo). Mme Du Barry et le duc d'Aiguillon le soupçonnent d'avoir part aux écrits scandaleux dirigés contre la favorite (C.B.R., 1794, n° 94).

Le rédacteur du Courier semble avoir eu des relations suivies avec ses confrères de Hollande (Benzel) pour faire contrepoids à la presse des Pays-Bas autrichiens (C.B.R.. 1767, n° 24) et à la Gazette de Cologne. M. songeait à se retirer en Piémont vers 1774 (AGAD, lettres du 25 oct. et du 27 déc. 1774). Vers 1788, il commence à rédiger les Mémoires d'un gazetier dont le manuscrit est perdu (Beutzel ; Linguet, t. XV, p. 492), et publie à Munster en 1793 un Nouveau manuel philosophique et moral (Heinsius, t. II, p. 913).

Il dirige le journal jusqu'à sa mort, d'abord à Clèves, puis au cours de la tourmente révolutionnaire à Emmerich et à Wesel (D2 ; A.L.A.) où il s'installe en juillet 1794 (C.B.R.. 1794, n° 61) en revenant parfois à Clèves où il réside de 1791 à 1795 au n° 28 de la Hagsche Strasse (Stadt-Archiv, Clèves, 123.16). Son fils collabore avec lui à partir de 1795 et prend sa suite à sa mort (D2). Janvier 1799 : interdiction du périodique par le Directoire dans le territoire sous sa domination entre Maas et Rhin (A.L.A.). Il est transféré en mai 1806 à Dûsseldorf (D2).

4. Situation de fortune

M. vit des revenus assez confortables de son journal. En 1768, il acquiert la propriété du titre en versant à son imprimeur 700 florins par an, plus 25 florins pour chaque série de 25 exemp. au-dessus de 300 (Di). Il reçut des subventions indéterminées du gouvernement prussien. Il avouait en 1772 avoir épargné 2 ou 300 ducats depuis 1767 (AGAD, lettre du 6 oct. 1772). Il vendit sa plume et des nouvelles à la main à Stanislas Auguste, roi de Pologne, qui le remercia d'abord par des médailles, puis par une rétribution annuelle de 60 ducats (ibid., 21 oct. 1772., 25 janv. 1774, 9 oct. 1774, 1er janv. 1775, 19 juil. 1777, 22 déc. 1780, 2 déc. 1788, 1er déc. 1789). Dans ses Mémoires, Stanislas Auguste parle de 100 ducats. Les « patriotes » hollandais l'accusent de recevoir du stadhouder 1200 florins par an depuis 1782 (Bernard, p. 33). M. se flatte en 1788 d'assurer l'occupation de plus de vingt personnes à Clèves (Linguet, t. XV, p. 486).

5. Opinions

Une violente antipathie pour les Jésuites, les ordres réguliers et le catholicisme en général forme la constante la plus claire de son caractère (R.M. ; P.R.). Favorable aux penseurs matérialistes et, dans une certaine mesure, à Rousseau, il est souvent réservé ou ironique à l'égard de Voltaire : cependant, il croit une société athée impossible (P.R., p. 16-17). À une date indéterminée, il a de bonnes relations avec le futur cardinal Maury (Kopstadt).

Politiquement, il est un fidèle serviteur de la politique prussienne (P.R., p. 7). On le dit ami des « économistes » français (Kopstadt), ce qui semble discutable (Moureau, « Lumières »). Ce cosmopolite leur reproche leur « patriotisme » (C.B.R., 1768, n° 79). Il n'est pas aisé de séparer ses opinions de son intérêt bien entendu dans ses relations avec Stanislas-Auguste (Fabre, p. 475). En général, ses sentiments monarchiques relèvent plus d'une prudence lucrative que d'une sincérité profonde (P.R., p. 4-19). Il a cependant le courage de s'élever publiquement contre l'embastillement de Linguet qui lui en conservera de la reconnaissance (C.B.R., 1783, n° 74).

Dans les années 1780, le soutien qu'il apporte après quel­ques hésitations (Paulo ; Le Dîner du Lion d'Or ; Luzac, t. I, p. 18) au stadhouder contre les « patriotes » hollandais (A.L.A.) et celui qu'il accorde, en 1789-1791, à la thèse prussienne contre celle de l'Autriche à propos de Liège (Hansen, t. I, p. 27) ne prouvent pas son indépendance intellectuelle.

D'après des documents conservés par l'un de ses ennemis aux Pays-Bas, M. a essayé d'escroquer de l'argent au duc de Brunswick, conseiller du stadhouder Guillaume V à La Haye, en 1781. Selon son adversaire P.A. Dumont-Pigalle, pamphlétaire qui soutenait les Patriotes en Hollande, M. aurait en effet demandé 400 ducats au duc en échange de la suppression d'un pamphlet contre lui, « La Louiso-Brunswiclo-Wolfenbutliade », au moment où le duc était attaqué par des Patriotes d'Amsterdam (Dumont-Pigalle). D'après Dumont-Pigalle, la tentative de M. a donné lieu à des poursui­tes contre lui de la part des États de Gueldre ; on a soupçonné M. d'avoir lui-même écrit le texte en question. On trouve dans l'Archief Dumont-Pigalle, actuellement conservé au Rijksarchief à La Haye, des copies des lettres qui auraient été échangées entre M. et les Luzac, rédacteurs de la Gazette de Leyde, au sujet de cette tentative de chantage en 1785, époque à laquelle M. était devenu le chef des journalistes pro-stadhoudériens. D'après ces textes, M. a commencé par nier toutes les accusations concernant l'affaire du pamphlet. Dans une lettre du 10 septembre 1785, cependant, il dut admettre qu'il avait bien écrit au duc à ce sujet en 1781, tout en continuant de nier avoir eu véritablement l'intention de publier un tel libelle. Dans sa lettre suivante à Jean Luzac, M. proteste : « Vous demandez de moi une rétraction [...] parce que vous savez bien que je ne le puis, sans reconnaître formellement la vérité de votre accusation ». Dumont-Pigalle, qui était d'ailleurs l'auteur d'un pamphlet contre M., Le Dîner du Lion d'Or, a essayé à plusieurs reprises de convaincre Jean Luzac d'imprimer les documents accusateurs sur l'affaire de 1781 dans sa Gazette de Leyde ; il y aurait joint sa correspon­dance avec M. en 1785. Luzac refusa, et Dumont-Pigalle publia les documents dans son pamphlet de 1786. L'épisode souligne le côté douteux du caractère de M., mais ses procédés n'étaient pas uniques parmi les gazetiers de l'époque. Voir un curieux éloge de M. par Sabatier de Castres (art. « Sabatier »). [Renseignements fournis par J. Popkin.].

De 1789 à 1793, le Courier du Bas-Rhin a une discrète sympathie pour les révolutionnaires français (Hansen, t. I, p. 882, 1051 ; t. II, p. 13). Il devient ensuite un adversaire déterminé du jacobinisme (Di) et se consacre « à la défense des vrais principes conservateurs de l'ordre social et d'une liberté bien ordonnée » (C.B.R., 1794. n° 82).

Polémiques avec Bastide, gazetier de Bruxelles [Journal de Bruxelles] (C.B.R., 1767), avec le Mercure de France (1768 : projet d'opéra à Versailles) ; avec Dieudonné Monfelt de Liège (C.B.R., avril 1769) ; avec d'Alembert (Linguet, t. XV, p. 481 ; Frédéric II) ; vers 1782, avec les « patriotes » pro-français de Hollande : Cerisier, François Bernard (Luzac, t. I, p. 18-19), Jean Luzac de la Gazette de Leyde, et le Post van den Neder Rhyn (C.B.R., 1783, n° 46) ; en 1788, avec l'ambassadeur d'Angleterre Elliott (A.L.A.) ; en 1791, avec l'ambassadeur d'Autriche, comte de Metternich (Hansen, 1.1, p. 882).

6. Activités journalistiques

(C.B.R.) Courier du Bas-Rhin, n° 1, 1er juillet 1767 ; bi-hebdomadaire paraissant le mercredi et le samedi, 8 p., in-4° (D.P.1 286). Gazette politique et littéraire sous forme de lettres de divers endroits et de comptes rendus critiques. Diffusion : au début, essentiellement Allemagne, nord de la France et Paris ; puis, dès 1768, Brabant, Pays-Bas, Autriche, Bohème, Suisse, Italie. Situation à peu près semblable signalée en 1787 (Di), malgré une diffusion difficile en Hollande pendant les années 1780 (C.B.R., 1783, n° 93) compensée par des abonnements en Angleterre (Le Dîner du Lion d'Or).

Tirage : assez important (D3) pour un journal servi par abonnement (en 1767 : 24 £ à Clèves et 36 en France). Les estimations varient de plusieurs milliers d'exemplaires (Kopstadt) à un peu plus de mille en année moyenne. Après 1787, la situation politique gêne considérablement le journal. 1793 : 1340 abonnés ; 1797 : 800 ; 1799 : 807 ; 1800 : 673 ; 1801 : 530 (Di ; D2). À la fin de 1789, M. se proposait de publier un nouveau journal : il ne semble pas avoir paru (AGAD, Pop. 222, lettre de Reverdil, 1er nov. 1789, p. 18).

En dehors de son activité de journaliste, M. s'occupa de la diffusion des nouvelles à la main et des « papiers anglais ». II fit venir de Paris des anecdotes scandaleuses et se trouva mêlé aux divers pamphlets lancés contre Mme Du Barry (voir notre art. sur les « Bulletinistes parisiens » et AGAD, Pop. 177, lettres du 17 nov. 1772 et du 16 nov. 1774). Il se fournissait aussi en nouvelles à la main à Francfort et à Cologne (lettre du 2 mars 1782). Ces diverses gazettes manuscrites étaient redistribuées soit vers la Pologne, soit vers l'Angleterre (lettres du 6 oct. 1772, 13 nov. 1772, 25 janv. 1774, 9 oct. 1774). Mais M. servit aussi d'instrument à la propagande des divers États auxquels il vendait son circuit d'informations clandestin : Russie, Pologne et Angleterre (lettres du 6 oct. 1772, 18 et 21 déc. 1772, 16 juil. 1774). La gazette était contrôlée par un censeur (lettre du 6 nov. 1772).

7. Publications diverses

(P.R.) Traduction de Pilati di Tassulo (Carlo-Antonio) : Projet d'une réforme à faire en Italie, Amsterdam, M.M. Rey, 1769. – (R.M.) Réflexions et maximes morales de M. le duc de La Rochefoucauld, « nouvelle édition plus correcte qu'aucune de celles qui ont paru jusqu'ici avec des commentaires de M. Manzon », Amsterdam et Clèves, Baertstecher, 1772. – De Waare Vrijheid. Door enen Vrijheid Lievenden Nederlander, Clè­ves, 1787 (B.U. Amsterdam). – Nouveau manuel philosophi­que et moral, Munster, Coppenrath, 1793.

8. Bibliographie

Varsovie, AGAD (Pop.) Fonds Popiel, n° 177, p. 181-247 : lettres de M., copies de réponses et divers textes ayant trait à M. Ces documents étant difficiles d'accès, nous en donnons une description assez détaillée :

Année 1772 : 20 août, articles sur la Pologne à insérer dans le C.B.R. ; 22 août, lettre anonyme d'envoi des articles précédents ; 4 sept., M. à Stanislas Auguste (S.-A.), dénonciation du courrier du 22 août ; 23 sept., S.-A. à M. ; oct., commentaire de M. sur les articles du 20 août ; 6 oct., M. au général Coccei ; 21 oct., M. à S.-A. et S.-A. à M., réponse aux articles du 20 août ; 6 nov., M. à Coccei, sur l'article « De la Vistule» (C.B.R., n° 83) ; 13 nov., M. à Coccei, sur un correspondant à Londres ; 17 nov., M. à Coccei, ses relations avec d'Aiguillon ; 1er déc, M. à Coccei, il reçoit des correspon­dances d'un secrétaire (d'ambassade?) russe ; 18 déc, M. à Coccei.

Année 1773 : 7 juil., S.-A. à M., réponse au n° 50 du C.B.R., art. « Varsovie » du 9 juin ; 17 déc, « Extrait d'une lettre de Varsovie du 4 décembre » dénoncé par M.

Année 1774 : 5 janv., S.-A. à M., recommandations au rédacteur ; 25 janv., M. à S.-A., problème de la transmission sûre des nouvelles ; s.d., S.-A. à M., commande des nouvelles à la main scandaleuses de Paris (p. 184) ; 12 mars, un anonyme de Berlin à M. : billet pour insérer dans le C.B.R. une lettre de «Pologne du 5 mars» ; 18 mars, M., note sur l'information précédente ; 16 avril, M. à S.-A. : son correspon­dant parisien menace d'être démasqué ; 16 juil., Stackelberg, ambassadeur de Russie en Pologne, à M., recommandations au rédacteur ; 13 août, S.-A. à M. ; 9 sept., M. à Coccei, promesse qu'on ne se repentira pas de l'avoir corrompu ; 22 oct., Stackelberg à M., avec apostille de M. ; 25 oct., M. à S.-A. ; oct. ou nov., M. à S. A. ; 9 nov., S.-A. à M. ; 27 déc, M. à Coccei. Papiers de Marc Reverdil, secrétaire du roi S.-A. Année 1777 : Pop., n° 430, 19 juil., Reverdil à M. sur la pension royale (p. 55-56). Année 1782 : 23 juil., M. à S.-A., dénonciation d'un intri­gant, le comte Castriotto (Cagliostro?) (p. 322-324). Année 1785, Pop., n° 222, 11 janv., R. à S.-A. sur l'entête­ment de M. (p. 12). Année 1788 : Pop., n° 430, 11 janv., R. à S.-A., finance­ment de M. Année 1789 : Pop., n° 222, 1er nov., note de R. sur les règlements faits à M. (p. 18). Année 1790 : 21 févr., Florentyna Reverdil-Dalko à S.-A., sur ses rapports avec M. ; Pop. n° 86,12 juin ; M. à Florentyna (p. 480-481) ; 23 juil., M. à Florentyna sur une correspon­dance de Paris ( ?) fournie par Le Jay (p. 482-483).

Année 1791 : 22 avril, M. à S.-A. (p. 473) ; 22 mai, M. à Florentyna R.-D. (p. 478-479) ; 26 mai, M. à S.-A. (p. 475) ; 21 juin, S.-A. à M. (p. 476).

Archives Poniatowski, vol. 408 : 12 févr. 1774, 1er versement de 60 ducats à M. ; vol. 409 : janv. 1775, « pension annuelle » de 60 ducats à M. – Correspondance de Stanislas-Auguste, n° 11, p. 192 : 22 déc. 1780, versement par Reverdil de 228 ducats à M.

Varsovie, Bibliothèque Nationale, Reverdil Marc, Journal (1765-1787), ms. Boz 802, mars 1777, p. 93 ; 2 févr. 1783, p. 134. Ces documents manuscrits ont été analysés et, pour certains, publiés par Jerzy Lojek (voir infra). – Clèves, Stadt-Archiv. – La Haye, Rijksarchief, Collection Dumont-Pigalle, articles A (Correspondance, 1785-1782). – Ibid., BBB (50), «Procès de Manzon». Correspondance entre les Luzac et M. : 24 et 27 août 1785, M. à Etienne Luzac ; 2 et 5 sept. 1785, Etienne Luzac à M. ; 3 sept. 1785, M. à Etienne Luzac ; 9 sept. 1785, Jean Luzac à M. ; 10 et 14 sept. 1785, M. à Jean Luzac. – Le Dîner du Lion d'Or, ou aventures singulières arrivées en 1783 [...] Au Sr. Manzon, Athènes, Jean-qui-pique [sic], 1784 (anon.). – La Riposte à Manzon, ou Chanson nouvelle, 1784 (anon.). – Dumont-Pigalle P.A., Esquisse d'un grand tableau ou Mémoires pour servir à l'histoire des Provinces-Unies des Pays-Bas, Hollande, 1786. – Correspondance secrète, dite de Mettra, Londres, Adamson, 1788, t. XV, p. 375-376 (sur la Réponse à M., 27 janv. 1784). – (A.L.A.) Allgemeiner Litterarischer Anzeiger, n° 38, 9 mars 1801. – Benzel P., Niederrheinisches Geistesleben im Spiegel Klevischer Zeitschriften des achtzehnten Jahrhunderts, Bonn, 1912, p. 40 et suiv. – Bernard F., Précis historique de la Révolution qui vient de s'opérer en Hollande, Paris, Desenne, 1788. – Beutzel J.J.C, et Gusmuth, Allgemeines Sachregister, Leipzig, Weygand, 1790, 326. – Booy J.T. de, « La traduction française de Di una riforma d'Italia de Pilati di Tassulo », S.V.E.C. 12, i960, p. 29-42. – (Di) D'Ester K., « Aus der Geschichte des Courier du Bas-Rhin », Dortmundisches Magazin, 15 dèe. 1909, 1er janv. 1910. – (D2) Id., « Das Ende des Courier du Bas-Rhin », Zeitschrift des Bergischen Geschichtsvereins, t. XXXXV, 1912. – (D3) Id., Das Zeitungswesen in Westfalen, Münster, 1907, 186-187. – Fabre ]., Stanislas-Auguste Poniatowski et l'Europe des Lumières, Paris, 1952, p. 344,475. – Frédéric II, Œuvres posthumes, Berlin, Voss et Decker, 1788, t. XI et XIV. – Hansen J., Quellen zur Geschichte des Rheinlandes im Zeitalter der französischen Revolution, Bonn, Hanstein, 1935. – Hein­sius W., Allgemeines Buecher-Lexikon (1700-1801), Leipzig, 1812-1813. – Koser R., Preussische Staatsschriften, Berlin, 1877, 1.1, p. XLIV, n. – Kopstadt, Über Cleve, Francfort-sur-­le-Main, 1822, p. 30-31. – Linguet S., Annales politiques, Bruxelles, 1788, t. XV, p. 481-497. – Lojek J., L'Inspiration polonaise de la presse européenne sous les règnes du roi Stanislas-Auguste Poniatowski (1764-1795), Varsovie, 1969, chap. IV, en polonais, résumé en français ; en annexe, p. 173-185, extraits de la correspondance de M. avec diverses personnali­tés polonaises. – Id., « International French newspapers and their rôle in Polish affairs during the second half of the 18th Century », East Central Europe, Pittsburgh, 1974, p. 54-64. – Id., « Gazettes internationales de langue française dans la seconde moitié du XVIIIe siècle », dans Modèles et moyens de la réflexion politique au XVIIIe siècle (colloque de Lille), 1977, Lille, p. 369-382. – Id., « Les gazettes internationales de langue française et leur rôle dans les affaires de Pologne au temps de Stanislas-Auguste » (en polonais), Problemy Kultury literackiej polskiego Oswiecenia, Wroclaw, Ossolineum, 1978, 135-150. – Luzac J., Défense des Belges confédérés, Hol­lande, 1784. – Meusel J.G., Das Gelehrte Teutschland, 5e éd., Lemgo, 1797, t. V, p. 37. – Mortier R. (éd.), Difficultés sur la Religion, Bruxelles, 1970, p. 13-16. – Moureau F., « Sur une lettre de Diderot à John Wilkes publiée dans le Courier du Bas-Rhin », D.H.S., n° 6, 1974, p. 277-285. – Id., « Lumières et libertés à Cleves en 1768 à travers Le Courier du Bas-Rhin pour 1768 », dans Le Concept de liberté dans l'espace rhénan, Colloque, Bulletin de la Faculté des Lettres de Mulhouse, fasc. 7, 1975, p. 77-88. – Id., « Les Mémoires secrets de Bachaumont, le Courier du Bas-Rhin et les bulletinis­tes parisiens », dans L'Année 1768 à travers la presse traitée par ordinateur, éd. P. Jansen, C.N.R.S., 1981, p. 58-79. – Paulo E., « Zur Geschichte der Censur am Niederrhein bis zum Frühjahr 1816 », Beiträge zur Geschichte des Niederrheins, t. XV, 1900, p. 36-117. – Poniatowski S.A., Mémoires, Leningrad, 1924, t. II, p. 244.

LOEN

Numéro

526

Prénom

Johann Michael von

Naissance

1694

Décès

1776

Johann Michael von Loen est né à Francfort le 11 décembre 1694 d'une famille hollandaise installée en Allemagne depuis 1623, il est d'origine huguenote française par sa mère, une demoiselle Passavant (morte en 169 7). Il épouse en 1729 Catharina Lindheimer, sœur de la grand-mère Textor de Goethe. Son fils Johann, né en 1737, se maria avec la princesse Agnès d'Anhalt-Dessau : leurs descendants habitaient encore Dessau à la fin du XIXe siècle. Mort le 24 juillet 1776.

2. Formation

Etudes de droit et de beaux-arts aux Universités de Marbourg (1711) et de Halle (1712-1715).

3. Carrière

D'abord juge à Wetzlar (1715), il se retire assez rapidement en 1718 de la vie active à cause d'un providentiel héritage (voir ci-dessous) ; voyages en Europe (1718-1724), vie de dilettante collectionneur. Il achète une propriété champêtre à Mörfelden en 1733, mais reprend du service de 1752 à 1765 quand Frédéric II le nomme conseiller secret et président du gouvernement du comté de Tecklenbourg et Lingen ; il réside dans cette dernière ville. Pris en otage par les Français pendant la guerre de Sept Ans, il passe quelques années inconfortables à Wesel (1757-1761). Les dernières années de son existence sont rendues difficiles par une cécité presque totale.

4. Situation de fortune

L. hérita en 1718 de la fortune de son grand-père Passavant et, en 1729, de celle de son frère.

5. Opinions

Tolérant et libre penseur, L. a consacré plusieurs ouvrages à la controverse religieuse. Il a traduit en allemand les oeuvres spirituelles de Fénelon (1737) et le poème La Religion de Louis Racine. Goethe, qui l'a connu, en parle dans ses souvenirs.

6. Activités journalistiques

6. Lettres curieuses d'un gentilhomme allemand pour l’année 1741 [-1742], touchant les mœurs et les afaires du tems, Francfort, Fleischer, 1741-1742 : 3 vol. de lettres rédigées par L. comme journal du couronnement de l'empereur Charles (D.P.1 801).

7. Publications diverses

Bibliographie de ses œuvres (allemandes, latines, françaises) dans Meusel.

8. Bibliographie

8. Allgemeine Deutsche Biographie, Leipzig, 1884. – Meusel J.G., Das Gelehrte Teutschland, 3e éd., Lemgo, 1776, p. 656-658.

LE TELLIER

Numéro

508

Prénom

Jean François

Naissance

?

Décès

1791

On ignore presque tout de son état civil. Jean François Le Tellier a un frère prénommé Antoine (voir «Le Tellier Antoine»); il a été marié et ne semble pas avoir d'héritier direct (P, doc. 415).

3. Carrière

Avant 1776, il exerce comme architecte et entrepreneur des bâtiments du Roi (Lüthy, p. 398; P. doc. 490). En 1774, il songe à s'installer à Marseille pour se rapprocher de Volpelière, commerçant et banquier qu'il avait connu à Paris. Mais la vente d'un grand immeuble à Necker et les différends qui s'ensuivent le retiennent à Paris (A.D.H.). En juin 1776, il se trouve pour la première fois à Deux-Ponts, où il a obtenu le privilège de l'établissement de 1'«Imprimerie Ducale» et «de deux gazettes politique et de littérature» (Kuhn, p. 240). De 1776 à 1778, il voyage beaucoup entre Paris, où il a gardé son appartement, et l'Allemagne. En 1777, il adresse à l'envoyé de Deux-Ponts en France une lettre signée «L., Maison Saugrain et Cie, libraire et mercier papetier, Rue des Lombards, au Marc d'Or» (lettre non datée de L. à Pachelbel, sans doute de mai 1778, B.H.S.). Dès 1776, L. est en contact avec Paradis (voir ce nom), fondateur de la «Société patriotique de Hesse-Hombourg » et journaliste à Francfort, qui lui envoie régulièrement des nouvelles et articles destinés aux journaux de Deux-Ponts. Au début de l'année 1777, L. adhère à la « Société patriotique » et envisage un déplacement de la plus grande partie de son entreprise ainsi que des deux journaux sur Hombourg, près de Francfort (Solomé à Paradis, 27 févr. 1777, H.S.D. D 11, 128/9); il obtient à cet effet le privilège du landgrave de Hesse-Hombourg. Il se rend à Versailles (où il rencontre Beaumarchais) pour tenter d'en obtenir la prorogation du droit de faire entrer ses journaux en France, au cas où ils seraient désormais publiés à Hambourg. N'ayant pas réussi, il renonce à son projet de déménagement (Solomé à Paradis, Ier mai 1777 et 13 juil. 1777, H.S.D., Du, 128/9; L- à Volpelière, 13 août 1777, A.D.H.). Le 23 octobre 1777, L. prévoit donc d'exploiter deux imprimeries: «l'une aux Deux-Ponts, où je continuerai les gazettes et où j'imprimerai ce qui sera destiné pour la France et le midi, l'autre à Hesse-Hombourg, où j'imprimerai ce qui est destiné pour le nord et pour les foires de librairie d'Allemagne» (A.D.H.). Le grand projet de coopération entre L. et Paradis à Hombourg ne se réalisera jamais: en 1778, L. proteste contre la publication à Paris d'un journal fondé par Rossel, la Bibliothèque du Nord, devenue l'organe officiel de la «Société patriotique de Hesse-Hombourg» (voir D.P.i 161), et qu'il considère comme une concurrence pour ses propres journaux. Les relations entre Hombourg et Deux-Ponts sont rompues, le comité de Deux-Ponts est exclu de la « Société » en avril 1778. On se dénigre réciproquement auprès des autorités (voir la lettre de Verdy Duvernois du 24 mai 1778 au landgrave de Hesse-Hombourg, W. Rüdiger, «Über die Société patriotique de Hesse-Hombourg», Annalen des Vereins für nassauische Altertumskunde, t. XXXVIII, 1908, p. 248, n. 19, et la lettre non datée, sans doute d'avril 1778, que L. écrit à Pachelbel, B.H.S.). A partir de 1778, L. semble négliger de plus en plus son travail à Deux-Ponts pour se consacrer à l'édition des œuvres complètes de Voltaire à Kehl, montée par Beaumarchais. Il effectue avec Sanson (voir ce nom) un voyage à Londres et Birmingham - sans doute en 1780 pour s'y procurer des caractères de Baskerville. Si L. fut d'abord très estimé et soutenu par Beaumarchais, celui-ci le considérera plus tard (en 1784) comme le «malheur de son existence» et fustigera en lui le «Noir Le Tellier» (P, doc. 416). En janvier 1785, Beaumarchais le remplace par J.G. de La Hogue, mais leur différend financier durera encore en mai 1787. L. reste en possession du privilège de Deux-Ponts jusqu'à sa mort, bien qu'il semble avoir rapidement abandonné son activité à Deux-Ponts.

4. Situation de fortune

Nous sommes assez bien renseignés sur la situation financière de L. entre 1774 et 1784, par ses lettres à Volpelière (A.D.H.) ainsi que par la correspondance de Beaumarchais et surtout les « Brouillon et minute des observations du Sr De Beaumarchais sur le dernier mémoire du Sr Le Tellier » (P, doc. 490). Le 2 décembre 1774, L. possède un «terrain de cent à cent vingt mille livres» (A.D.H., 17 août 1755) qu'il vend à Jacques Necker en été 1775 (A.D.H.). Peu de temps après la signature du contrat, des différends financiers opposent les deux hommes ; le procès au sujet de l'hôtel de la Chaussée d'Antin, que L. construit pour Necker en qualité d'architecte, ne se terminera qu'en 1779 (ibid.), fixant le coût de la construction à 261 600 £ (P, doc. 194, note 2). Les nombreux détails que L. donne sur cette affaire dans ses lettres à Volpelière (A.D.H.) ne corroborent qu'en partie le tableau négatif que Beaumarchais peint de lui à partir de 1784 et que reprendra von Proschwitz. Très lié avec L. en 1776, Beaumarchais lui prête alors 1000 louis que L. ne lui avait toujours pas remboursés en 1787 (P, doc. 490). Le même Beaumarchais investit en 1777 une somme de 50 000 £ dans l'entreprise de L., participation pour laquelle il est «associé à un tiers» (A.D.H., 13 août 1777). Pour cette somme également, Beaumarchais constatera dix ans plus tard que L. la lui doit toujours. Les sommes que L. dépense pour l'imprimerie de Kehl sous la garantie de Beaumarchais sont énormes: de 20 à 25 000 £ par mois en 1784 selon Beaumarchais (P, doc. 398, p. 847); en octobre 1784, il aurait tiré en tout de Beaumarchais 300 000 £ (doc. 405, p. 8 5 7) ; en mai 178 7, le libraire Ruault évalue à223i248£ le total des sommes dépensées par Beaumarchais en dix ans pour l'édition des œuvres de Voltaire (doc. 495, p. 973).

Les lettres de L. à Volpelière et divers documents conservés aux Archives de Darmstadt et Munich sont riches en détails sur les conditions matérielles du fonctionnement de l'imprimerie et des gazettes à Deux-Ponts. En 1776, quand L. succède à Dubois-Fontanelle à la direction des gazettes de Deux-Ponts, celles-ci rapportent 10 000 £, montant duquel il faut retirer 4400 £ pour frais d'impression et papiers de correspondance, ainsi que 3600 £ pour la composition ou J. les frais de copie pour les deux gazettes (lettre de Castilhon à Dubois-Fontanelle, H.S.D., D II, 128/9). Quant aux 200 £ de bénéfice net, L. les considère comme l'argent nécessaire «pour faire bouillir la marmite» (A.D.H., 9 juin 1776). Il compte surtout sur «la commission de livres» en ce lieu idéal entre la France et l'Allemagne et sur des bénéfices considérables grâce à «l'impression de bons ouvrages nou­veaux, ou la réimpression d'anciens ouvrages dont l'édition est épuisée et recherchée, ou (ceci se dit tout bas) la contrefac­tion des ouvrages les plus en crédit» (ibid.). Lorsque L. projette, en 1777, de déplacer partiellement l'entreprise de Deux-Ponts sur Hombourg près de Francfort, une société devait être fondée à cet effet par L., Castilhon, Paradis et Solomé (voir ces noms), société dans laquelle L. aurait surtout été chargé de fournir «les fonds nécessaires». On espérait, dans un délai de quatre ans, un bénéfice net de 40 000 £ (Solomé à Paradis, 17 mai 1777, H.S.D., D II, 128/9). La plupart de ces renseignements sur la situation financière de L. à Deux-Ponts nous sont fournis par lui-même dans des textes où il cherche à convaincre ses amis et collaborateurs, et qui concernent donc en partie des projets qui ne seront jamais mis en œuvre. Aussi convient-il de les interpréter avec prudence. L. n'a-t-il pas avoué à Beaumarchais que son «entreprise des Deux-Ponts» n'a eu aucun succès (P, doc. 490)? Solomé par contre, son plus proche collaborateur à Deux-Ponts, parle en 1800 dans un «Mémoire à la Louable Commission de l'Administration générale du Palatinat» de «Feu M. Le Tellier, riche propriétaire établi à Paris» (G.K., 213/334). Quoi Qu'il en soit, tous ces détails matériels trouvés dans la correspondance de L. et de ses collaborateurs sont précieux pour qui désire approfondir sa connaissance du fonctionnement de la presse française en Allemagne au siècle des Lumières. A cet égard, il convient de souligner l'intérêt particulier d'un mémoire adressé par L. à «Messieurs les Administrateurs des Postes de France» en 1778, dans lequel il se plaint des conditions peu avantageuses infligées par cette institution aux journaux de Deux-Ponts, et nous fournit quelques détails financiers intéressants: la gazette politique est taxée à 36 £ pour le public par la Bureau des gazettes étrangères. Mais les auteurs ne touchent que 10 £ et doivent même encore payer les frais de port et d'expédition de Deux-Ponts à Sarrelouis. L. demande que le bureau et les auteurs se partagent le prix de 36 £ plus équitablement, à raison de la moitié (18 £) pour chaque partie, et insiste sur ses dépenses, honoraires des correspondants, et des rédacteurs, l'achat du papier et frais d'impression (B.H.S., Bayr. Gesandtschaft Paris, 278).

5. Opinions

L. semble bien introduit dans les milieux politiques de Paris et dispose surtout, par l'intermédiaire de Beaumarchais, d'une source d'informations secrètes (A.D.H., 23 oct. 1777). Il semble favorable aux réformes du gouvernement Turgot (A.D.H., 18 déc. 1775). Il s'intéresse à la littérature, mais ce sont les sujets commerciaux qui dominent sa correspondance. Il semble avoir un caractère difficile et des procédés pas toujours honnêtes. Il se brouille en effet avec Paradis, Volpelière et Beaumarchais après avoir été très lié avec eux. Nous avons de lui des lettres adressées à Antoine Volpelière, grand commerçant marseillais de l'époque, lettres conservées aux A.D. Hérault, ms. I E 1505. Sa correspondance avec Beaumarchais est imprimée par von Proschwitz; quatre lettres de L. à Formey, datées de 1776, sont conservées dans la Deutsche Staatsbibliothek Berlin, Nachlass Formey.

6. Activités journalistiques

Pour le commencement du travail de L. à Deux-Ponts, où il possédait le privilège pour la Gazette des Deux-Ponts et la Gazette universelle de littérature, deux dates avaient été retenues: 1770 par Q. (t. V, p. 255) et 1775 par von Proschwitz (doc. 44, p. 304, n. 1); on peut aujourd'hui fournir la date de juin 1776. Cette datation se confirme par les lettres de L. en 1776 à Volpelière. II est à Deux-Ponts le 9 juin 1776 (A.D.H.) après avoir obtenu du duc Charles II Auguste, le 20 mars 1776, le privilège exclusif pour «l'éta­blissement d'une imprimerie et de deux gazettes politique et de littérature » sur une période de vingt ans, dont le texte est conservé au Landesarchiv de Speyer (f° 16). Il restera en possession du privilège jusqu'à sa mort en 1791.

Quel fut le rôle exact joué par L. dans la rédaction des deux journaux de Deux-Ponts, la Gazette universelle de littérature (1770-1780) et la Gazette des Deux-Ponts (de 1770 à 1777 et de 1783 à 1798) dont le titre est changé en Gazette ou journal universel de Politique de 1778 à 1782? Il semble bien qu'il se soit surtout consacré au côté commercial de l'entreprise. Ses nombreux séjours à Paris et d'autres voyages excluent en effet l'hypothèse d'un travail rédactionnel régu­lier à Deux-Ponts. Au début, quand il succède à Dubois-Fontanelle en 1776, il semble décidé à s'occuper activement des deux journaux. Il se félicite alors d'avoir «pris un établis­sement qui réunit les deux objets pour lesquels [il a] le plus de goût, les lettres et le commerce» (A.D.H., 9 juin 1776). Il taxe son prédécesseur de négligence et essaie de trouver « de bons correspondants tant pour les nouvelles politiques que pour les littéraires» (ibid.). Les lettres qu'il adresse à Formey en 1776, où il encourage son correspondant à continuer «l'envoi des nouvelles politiques et littéraires les plus fraîches et les plus intéressantes» (D.S.B., 9 juin 1776) ou le critique d'être trop peu concis dans ses articles, prouvent bien qu'il se consacre alors lui-même à ses feuilles. Plus que son prédécesseur, nous dit-il, il tente à donner à ses journaux la variété qui plaît au public: «J'ai une correspondance en littérature beaucoup plus étendue que ne l'était celle de M. de Fontanelle, et le nombre des bons ouvrages dont je reçois des extraits m'empêche d'insérer des articles d'une grande étendue» (D.S.B., 24 juil. 1776). Il correspond avec ceux qui lui fournissent les nouvelles, Paradis en particulier, qu'il prie de « lui écrire [de Hombourg] tous les jours, s'il est nécessaire » et de l'informer sur les nouvelles les plus fraîches d'une trentaine d'endroits (en Allemagne, Suède, Russie, Italie, Suisse, etc.): «Vous n'excepterez des nouvelles de l'Europe entière que celles de France, d'Angleterre, de Hollande et d'Espagne que je me fournirai d'ailleurs» (H.S.D., 30 juin 1776). Dans la même lettre il insiste sur l'actualité des informations : « Vous ne devez laisser vieillir aucune nouvelle dans vos mains». Quelques jours plus tard il attend Paradis pour « notre réunion aux Deux-Ponts » : « que vos matériaux soient seulement préparés et nous y mettrons tous ensemble la dernière main» (H.S.D., Du II, s.d.).

Il est évident que L. désire surtout mettre sur pied un important réseau de correspondances. De là son intérêt pour la «Société patriotique de Hesse-Hombourg», qui se voulait un nœud de communication entre tous les savants et nouvellistes. Outre les nouvelles et articles envoyés par Paradis et par Formey de Berlin, on reçoit à Deux-Ponts une « correspondance littéraire de Paris, composée de trois lettres doubles par semaine», des correspondances de «Bordeaux, Brest, Dunckerque, et Calais ou Boulogne-sur-Mer, équivalant à dix lettres par semaine» et tous les grands journaux de l'Europe, le London Evening Post, le Morning Post, le Courier de l'Europe, la Gazette de Madrid, le Courier d'Avignon, la Gazette de France « relativement aux nouvelles politiques » et le Monthly Review, et le Criticai Review «relativement aux nouvelles littéraires» (mémoire cité, B.H.S., Bayr. Gesandtschaft Paris, 278). L'organisation de ce réseau d'informations pour ses journaux de Deux-Ponts est sans aucun doute le mérite de L., homme plein de dynamisme mais aussi de projets étouffés dans l'œuf (telle l'idée de faire traduire régulièrement les journaux de Deux-Ponts en allemand; H.S.D., lettre à Paradis, n.d., sans doute de juillet 1776).

L. semble avoir envisagé ou compris très vite qu'il lui fallait des gens sûrs pour assurer un travail régulier à Deux-Ponts. Il engage dès juin 1776 Nicolas Sanson comme directeur commercial, «ex commissione de M. LeTellier» (H.S.D..D II, 128/9, lettre de Sanson au landgrave de Hesse-Hombourg, non datée, mais vraisemblablement de mars 1777), avec lequel il rompt en 1782 ; pour le détail de l'engagement de Sanson, voir la lettre de Beaumarchais à Sanson du 8 juin 1780 (P, doc. 239, p. 591-592). Comme rédacteur de la Gazette universelle de littérature, il engage d'abord (en 1776) Jean Pierre Solomé, qui s'occupera des journaux de Deux-Ponts jusqu'en 1802. A partir d'octobre 1777, c'est Jean Louis Castilhon qui est chargé du journal littéraire, dont la publication prend fin avec son départ à la fin de l'année 1780 (c'est à Castilhon, et non pas à L., que le gouvernement français fait les reproches qui le décident à abandonner la rédaction du journal littéraire de Deux-Ponts). Quand il est question de fonder la société qui devait réunir les activités de Hombourg et de Deux-Ponts, en collaboration avec Castilhon, Solomé et Paradis (voir ci-dessous), il propose à chacun pour ce projet des conditions qui reflètent très bien la répartition du travail à Deux-Ponts, même si le projet de Hombourg ne s'est jamais réalisé. L. est le patron incontesté de l'entreprise, et se réserve à ce titre six dixièmes du bénéfice net, « 1° en qualité de propriétaire, 2° en qualité de bailleur de fonds qu'il peut perdre, 3° en qualité de correspondant, agent et collaborateur, 4° en ce qu'il se chargera de reconnaître les soins et le zèle de M. Sanson qui avec six cents livres d'appointements veillera à l'imprimerie et au commerce» (lettre de Solomé à Paradis, 17 mai 1777, H.S.D.). Le second dans la hiérarchie de la maison est Castilhon, dont le rôle serait d'apporter «dans la société un journal dont il a le projet, un nom déjà célèbre, un travail facile et sûr» (ibid.), avec 2000 £ d'appointements fixes et deux dixièmes de participation au bénéfice net. Pour Solomé et Paradis sont prévus un dixième de participation et 1500 £ d'appointe­ments chacun. Quant à Volpelière, il refuse comme une offense les 4000 £ d'appointements qui lui sont offerts par L. pour entrer de son côté dans l'entreprise de Deux-Ponts, ce qui met fin à leur correspondance (A.D.H., 17 janv., 8 févr. et 5 juin 1778). Après 1778, L. ne semble plus participer activement à la production des journaux, dont il conserve pourtant le privilège jusqu'à sa mort.

7. Publications diverses

Nous ne connaissons aucune publication signée de L. lui-même, ce qui confirme l'impression que son intérêt pour les journaux de Deux-Ponts et son engagement dans l'édition des œuvres de Voltaire à Kehl furent surtout le fruit d'un intérêt économique.

8. Bibliographie

(A.D.H.) A.D. Hérault, Montpellier, ms. IE 1505. – (G.K.) Badisches Generallandesarchiv Karlsruhe, Abteilung 207, Nr 101 et 620; Abteilung 213/332, 333, 334. – (B.H.S.) Bayerisches Hauptstaatsarchiv München, Bayerische Gesandtschaft Paris 278 et Kasten blau 420/17/I. – (D.S.B.) Deutsche Staatsbibliothek Berlin, Nachlass Formey, 4 lettres de L., 1776. – (H.S.D.) Hessisches Staatsarchiv Darmstadt (Hausarchiv), Abteilung Du , Konvolut 128, Faszikel 1-16 et Konvolut 109, Faszikel 7, Folie L. – Pfälzisches Staatsarchiv Speyer, B2/225/3, f° 16. – Lüthy H, La Banque protestante en France, de la révolution de l'Edit de Nantes à la Révolution, t. IL De la banque aux Finances (1730-1794), Paris, 1961. – Kuhn K.H., Das Französischsprachige Pressewesen im Herzogtum Pfalz-Zweibrücken, thèse dact, Trier, 1989. Voss J., «Die Société patriotique de Hesse-Hombourg (1775-1781) : Der erste Versuch einer europäischen Koordi­nationsstelle für wissenschaftlichen Austausch», Deutsch­französische Beziehungen im Spannungsfeld von Absolutismus, Aufklärung und Revolution, Bonn, 1992, p. 153-175. – (P) Proschwitz G. et M. von, Beaumarchais et le Courier de l'Europe : documents inédits ou peu connus, S.V.E.C. 273-274, 1990. Schlobach J., «Conditions matérielles de l'imprimerie et des gazettes littéraires et politiques à Deux-Ponts», dans Les Gazettes européennes de langue française (XVIIe-XVIIIe siècles), Table ronde internationale Saint-Etienne, 21-23 mai 1992, textes réunis par H. Duranton, C. Labrosse et P. Rétat, Saint-Etienne, 1992, p. 269-280.

LE SUIRE

Numéro

506

Prénom

Robert

Naissance

1737

Décès

1815

Robert Martin Le Suire est né à Rouen en 1737, et mort à Paris le 17 (ou le 27) avril 1815.

2. Formation

Etudes à Rouen. Membre de l'Académie de Rouen.

3. Carrière

Lecteur de l'Infant, duc de Parme, ce qui lui permit de voyager en Italie et en Angleterre. Travaille pour les libraires de Paris. Pendant la Révolution, il est professeur de législation à l'Ecole Centrale de Moulins, mais perd son emploi au moment de l'organisation des Lycées.

5. Opinions

L. transforme en compilations de librairie les idées à la mode: rousseauiste, anti-gluckiste, méfiant à l'égard du néoclassicisme en art, il a le sentiment de vivre, sous Louis XVI, une époque de transition. Il polémique avec L'Année littéraire de Stanislas Fréron et de l'abbé Royou (Histoire de la République des Lettres). Adversaire de l'Angleterre et favorable à la Révolution américaine (Histoire de la République des Lettres ; Les Sauvages de l'Europe, 1760). Admirateur de Voltaire, il adresse à Beaumarchais une lettre autographe pour l'édition de Kehl (G. et M. von Proschwitz, Beaumarchais et le Courier de l'Europe: documents inédits ou peu connus, S.V.E.C. 274, 1990, p. 636).

6. Activités journalistiques

Histoire de la République des Lettres et Arts en France, 1779-1783 (1780-1785). L. en fut le rédacteur exclusif: il s'employa à fournir un «tableau» annuel des «lettres, sciences et arts cultivés par une nation entière» (D.P.1 602).

7. Publications diverses

Voir Cior 18, n° 39903-39934.

8. Bibliographie

B.Un.; N.B.G.; F.L. – Frère E.B., Manuel du bibliophile normand, Rouen, 1858-1860, t. II, p. 228.

LE NOBLE

Numéro

498

Prénom

Eustache

Naissance

1643

Décès

1711

Eustache Le Noble, baron de Saint-Georges et de Tennelière, est né à Troyes le 26 décembre 1643 et mort à Paris le 31 janvier 1711. Peut-être apparenté à Colbert, il aurait été pensionné par d'Argenson.

3. Carrière

Procureur au Parlement de Metz depuis 1673, il vend sa charge en 1684 à la suite de conflits avec ses confrères. Le 26 juillet 1683, il est mis à la Bastile, par ordre contresigné Le Tellier, pour avoir fabriqué une lettre de cachet qui faisait défense de mettre à exécution contre lui aucune contrainte par corps, puis transféré au For l'Evêque, sur un autre ordre également contresigné Le Tellier (Archives de la Bastille : Ars., ms. 12474 ; Ravaisson, t. VIII, p. 246 ; Funck-Brentano, Lettres de cache à Paris,Paris, 1903, n° 957). Il est condamné par le Châtelet à neuf ans de bannissement, sentence dont il fait appel ; mais ses créanciers obtiennent qu'il soit enfermé à la Conciergerie. Force affaires de faux le conduisent en prison : au For L'Evêque (1683-1684), au Grand-Châtelet et à la Conciergerie (1690-1697), ainsi que d'adultère (1703-1704?). Entretemps, il avait été l'avocat et l'amant de Marie-Gabrielle Perreau, la «belle Epicière», avec laquelle il s'était évadé (1695-1697). En mai 1697, il est arrêté au sortir d'une maison où il se cachait et incarcéré à la Conciergerie jusqu'à ce qu'il fasse amende honorable, peine à quoi l'avait condamné une sentence antérieurement rendue contre lui. Il produisit de nombreux ouvrages en tous genres, notamment des dialogues politiques au service de la politique française (1688-1694, 1702-1709), qui eurent grand succès, lui rapportèrent bien de l'argent, comme à ses libraires, et eurent beaucoup de contrefaçons. Cette carrière de journaliste et de pamphlétaire politique commence en 1688 et se poursuivra jusqu'en 1709.

4. Situation de fortune

En dépit de cette activité de polygraphe très largement rétribuée, à sa mort, il se trouvera complètement dénué de ressources et sera enseveli aux frais de la paroisse Saint-Séverin.

5. Opinions

Il se signale par un poème en quatre chants à la louange de la Révocation de l'Edit de Nantes (Charenton ou l'Hérésie détruite, poème héroïque, Etienne Michallet, 1686, in-12, 40 p., 2e éd. corrigée, Paris, 1690, in-12, 161 p., rééd. moderne en 1828). Bayle, dans ses Pensées diverses à un docteur de Sorbonne, à l'occasion de la comète qui parut au mois de décembre 1680 (Rotterdam, sept. 1683), avait loué son esprit et ses connaissances. On a voulu voir en lui l'auteur de la Fausse Prude, comédie italienne qui provoqua, si tant est qu'elle ait jamais existé, l'expulsion des Comédiens italiens (14 mai 1697), parce que la police y avait découvert des allusions à Madame de Maintenon ; mais cette atribution peut être mise fortement en doute ( Moureau).

Contre Donneau de Visé, Le Noble, après avoir compté parmi les rédacteurs du Mercure galant, publie en 1692 la Fable du Rossignol et du Coucou. Il bénéficie d'«étroites liaisons» avec Charles Rivière-Dufresny (Dufresny, Préface, p. 5). Le Mercure galant lui consacrera une notice nécrologique et des «remarques» élogieuses de Dufresny, qui dirige alors cette revue.

Sur ses démêlés avec Courtilz de Sandras, voir, de ce dernier, le Mercure historique et politique, mars 1691, p. 294, et octobre 1691, p. 431.

6. Activités journalistiques

La liste des journaux écrits par L. est assez difficile à établir. Elle comprend : les Dialogues sur les affaires du temps (Le Cibisme, premier dialogue entre Pasquin et Marforio, oct. 1688, in-12, 44 p.; Le Songe de Pasquin, ou le bal de l'Europe, in-12, 46 p. ; Le Couronnement du Roi Guillemot [Guillaume III d'Angleterre] et de la Reine Guillemette, avec le sermon du grand docteur Burnet, in-12, 41 p. ; Le Festin de Guillemot, in-12, 41 p. ; La Chambre des comptes d'lnnocent XI ou dialogue entre Saint-Pierre et le Pape à la porte du Paradis, in-12, 48 p., parus autour de 1689 ; voir D.P.1 353).

A partir de janvier 1690, la série se continue sous le titre de : La Pierre de touche politique, «Dialogues dans la manière de Lucien, mais appliqués aux grands de la terre», à raison d'un dialogue par mois jusqu'au 28e numéro en novembre 1691 (La Bibliothèque du Roi Guillemot, Dialogue entre la Suisse et la Hollande, La Diète d'Augsbourg, La Loterie de Pasquin, L'Ombre de Montmouth, Les Médailles, La Clef du Cabinet, Le Triomphe [...], L'Ombre de Schomberg, La Lanterne de Diogène, La Tabatière des Etats de Hollande, Le Roi de la fève, Dialogue politique entre le comte de Tekeli et Guillaume de Nassau sur les affaires du temps, in-12, 23 p., Les Etrennes d'Esope, Le Duc d'Albe, Le Carnaval de La Haye, Le Tabouret des Electeurs, Le Réveille-Matin des Alliés, Les Lunettes des Quinze-Vingts, Nostradamus, Le Baudet, L'Anneau de Gygès, L'Avortement, Le Jean de retour, Le Protée ; voir D.P.1 1123). En 1692, paraissent : La Fable du Rossignol et du Coucou, avec la lettre de Maître Pasquin à Maître Jacquemar, in-12, 24 p. ; Midas ou le combat de Pan et d'Apollon sur la prise de Namur ; Le Renard pris au trébuchet, Troisième lettre, in-12, 2 vol. ; Dialogue de la Samaritaine avec le Grenier à sel, et la fable du Sapin et du Buisson, in-12, 28 p. ; Le Paroli de la Samaritaine ou le Censeur savetier, quatrième Lettre, in-12, 28 p., La Médaille retournée, ou la fable du Sapin et du Buisson, in-12, 11 p. ; Le Renard démasqué, cinquième Lettre, in-12, 36 p.

De janvier 1693 à août 1694, s'échelonnent 21 dialogues publiés chaque mois sous le titre : Les Travaux d'Hercule (Etrennes au Roi, Furnes et Nieuport, Hermskerke et Paget, Halifax et Burnet, Liège et Namur, Apollon et les Muses, Heinsius et Stratman, Jurieu et Van Buninghen, Mylord Gruë, Le Rhin et le Danube, White-Hall et la Tamise, Le Pô et Turin, Hop et Van Lewarden, Philippe et Lira, L'Hiver et le Printemps, Le Jacobite et le Guillemin, Bade et Athlone, Ruyter et Wheler, Elderen et le G. Maître, etc., Castanaga et Medina-C., Cérès et Dunkerque : D.P.1 1194). Vient ensuite de septembre à décembre 1694 L'Esprit d'Esope (Pasquin-Marforio, Mars et la Paix, Esope et Paget, Mercure et Vanvaveren : D.P.1 391). L'originalité de Le Noble journaliste consiste en ce qu'il a toujours utilisé abondamment les apologues ésopiques sous forme d'allégories appliquées à l'actualité politique. Les Nouveaux Entretiens politiques publiés de 1702 à 1709 à raison d'un tous les mois (87 numéros) porteront chacun un titre de fable, ou de proverbe (D.P.1 997).

Une autre série, intitulée L'Ecole des sages (privilège du 31 mars 1692, registré le 1er avr., D.P.1 360), commencée en 1692, semble s'être arrêtée après le second dialogue (continuée en 1697). Mais en 1694 et 1696, parurent, à raison d'un dialogue par mois, les 24 premiers Entretiens formant l'Ecole du Monde, ou Instruction d'un père à un fils touchant la manière dont il faut vivre dans le monde (D.P.1 362), rééditée en 1702 à Paris (Jouvenel), puis à Amsterdam en 1709, en 6 vol. Ils furent accompagnés des 16 mercuriales de L'Esprit d'Esope (1695) et des 14 de La Grotte des fables (1696), et au-delà de L'Ecole des sages (1697), prolongés par les 25 Promenades (1699).

Il est malaisé souvent, pour L., de distinguer ce qui est proprement journalistique du reste de ses ouvrages. Ajoutons encore ici la série en 6 parties intitulée Dialogue entre le Diable boiteux et le Diable borgne, Paris, 1707, in-12 (D.P.1 352).

7. Publications diverses

Le Noble a beaucoup écrit dans tous les genres.

Romans et nouvelles : Ildegerte reine de Norvège, ou l'amour magnanime, première nouvelle historique, Paris, G. de Luynes, 1694, privilège du 2 sept., achevé d'imprimer du 6 oct., in-12, 2 vol. – Zulima ou l'amour pur, seconde nouvelle historique, Paris, G. de Luynes, 1694, même privilège, achevé d'imprimer du 13 déc., in-12. – Abra-Mulé, ou l'histoire du détrônement de Mahomet IV, troisième nouvelle historique, Paris, Jouvenel, 1696, même privilège, achevé d'imprimer du 20 mai 1696, in-12. – Les Aventures provinciales, Le Voyage de Falaize, nouvelle divertissante, la fausse comtesse d'lsamberg, seconde nouvelle divertissante, Paris, M. et G. Jouvenel, 1697, privilège du 30 nov. 1696, achevé d'imprimer du 4 janv. et du 15 juin 1697, in-12. – L'Histoire secrète des plus fameuses conspirations. De la conjuration des Pazzi contre les Médicis, Paris, P. Ribou, 1697, privilège du 15 juil., achevé d'imprimer du 21 oct., in-12. – Epicaris, suite des histoires secrètes des plus fameuses conspirations, Paris, 1698, in-12. – Les Promenades de M. Le Noble, première [-douzième] promenade, Amsterdam, 1705, in-12 ; La Promenade de Titonville, Suite des Promenades, treizième [-dix-huitième] promenade, Amsterdam, Gérard Kuyper, 1705, in-12. – Carte de l'lle de mariage, suite des promenades, dix-neuvième [vingt-quatrième] promenade, Amsterdam, Gérard Kuyper, 1705, in-12. – Le Jaloux, Paris, 1709, in-12. – Aventures galantes, nouvelle édition, augmentée des nouvelles africaines du même auteur, Amsterdam, Pierre de Coup, 1710, in-12.

Théâtre : Esope, comédie [en cinq actes] accomodée au théâtre italien, Paris, Guillaume de Luynes, Gabriel Quinet, Martin Jouvenel et Jean-Baptiste Langlois, 1691 (première représentation 24 févr. 1691, privilège 16 mars 1691, achevé d'imprimer 13 avr. 1691). – Les Deux Arlequins, comédie en trois actes (première représentation, 26 sept. 1691, voir le Théâtre italien de Gherardi, t. III). – Le Fourbe, comédie en trois actes en prose (première représentation qui ne put être achevée le 14 févr. 1693), non imprimée.

Poésies : L'Allée de la seringue, ou les noyers, poème héroïque en quatre chants, s.l., 1675, in-8°. – La Fradine, ou les ongles rognés. Poème héroï-satirique en trois chants, 1684, in-12. – Contes et fables, Lyon, Claude Rey, 1697, et Paris, M. Brenet, in-12 (recueil des fables parues séparément dans les dialogues mensuels, mais avec un autre texte, en général plus développé), 2 vol. – Exaudiat, psaume XIX, paraphrasé en sonnets, avec des réflexions, Paris, 1699, in-12.

Ouvrages divers : Uranie ou les tableaux des Philosophes, Paris, 1694-1697, in-12, 3 vol. (voir le Journal des Savants, 1694, p. 448-463). – Traité de la monnaie de Metz, avec un tarif de sa réduction en monnaie de France, Paris, 1675, in-12. – Relation de l'Etat de Gênes et le traité par lequel les Gênois se sont donnés à Charles VII et à ses successeurs, Paris, 1685, in-12. – Histoire de l'établissement de la république de Hollande ou sa révolte, où l'on verra comme la conduite que tint le prince d'Orange, le prétexte de la religion dont il se servit et les artifices qu'il employa pour soustraire de l'obéissance du roi d'Espagne ces provinces rebelles, ont été suivis pas à pas par son arrière petit-fils pour envahir l'Angleterre, Paris, Vve Bouillerot et J. Bouillerot, 1689, t. I (privilège du 18 avr. ; voir le Journal des Savants du 9 janv. 1690, p. 21-24, le Mercure galant de juil. 1689, p. 216-222), 1690, t. II (voir le Journal des Savants du 21 mars 1690, p. 133-136). – Le Bouclier de la France, ou les sentiments de Gerson et des canonistes touchant les différends des rois de France avec les papes, Cologne, Jean Sambix le Jeune, 1691, in-12. – L'Esprit de Gerson, s.l., 1691, in-12 (voir la Bibliothèque universelle et historique, sept. 1692, p. 244-262). – Dissertation chronologique et historique touchant l'année de la naissance de Jésus-Christ, Paris, 1693, in-12. – Histoire du prince Ragotzi, ou guerre des mécontents sous son commandement, Cassovie, 1707, in-12. – Description du feu de joie tiré à Versailles pour la réjouissance de la naissance de Mgr le duc de Bretagne, Paris, 1704, in-4°. – Description du feu d'artifice dressé devant l'hôtel de ville de Paris pour la naissance de Mgr le duc de Bretagne, Paris, 1704, in-4°.

Traductions : De l'Ode du P. Commire sur le combat de Steinkerque, s.l., 1692, in-8°. – Des vers latins de M. de Santeul (Ad Burgundiae comitia), Paris, 1695, in-8°. – L'Esprit de David, ou traduction nouvelle des psaumes de David en vers français avec de courtes réflexions, Paris, 1698, in-12 ; version en prose en 1706, voir les Mémoires de Trévoux, août 1706, p. 1341-1343, et en 1710. – Perse traduit en vers français et accomodé au goût présent, Paris, 1704 (réédité en 1706, avec quelques satires sur le théâtre).

Oeuvres, Paris, 1718 et 1726, in-12, 19 vol.

8. Bibliographie

H.P.L.P., G.H., p. 119-124 ; Ravaisson, t. VIII, p. 246-247 ; H.G.P. ; D.L.F.B.N., f.fr. 21744, f° 75 et suiv., affaire de L'Ecole des sages (1691). – Les Dépêches du Parnasse, 15 sept. 1693. – Le Mercure galant, mars 1711, t. II, p. 113-116. – Bayle P., Dictionnaire historique et critique. – Clef des Caractères de La Bruyère, dans les Caractères de Théophraste et de La Bruyère, Nîmes, Gaudes, 1805, t. I, p. 343. – Les Dépêches du Parnasse, 15 sept. 1693. – Paradis, La Manière de bien juger des ouvrages de M. Le Noble, entretien d'Eudoxe et de Philante, Paris, 1708, in-12, 26 p. – L.P.R., L'Apparition de M. Le Noble à l'auteur des dialogues diaboliques, ou des diables boiteux et borgnes, pièce nouvelle, Turnhaute, 1708, in-12, 23 p. – Rivière-Dufresny C., La Musique du diable ou le Mercure galant dévalisé, Paris, 1711, in-12, 381 p. – Lenglet du Fresnoy N., De l'usage des romans, où l'on fait voir leurs différents caractères : avec une bibliothèque des romans, accompagnés de remarques critiques sur leur choix et leurs éditions, Amsterdam, de Poilras, 1734, t. II, p. 121. – Du Gérard, Tables alphabétiques et chronologiques des pièces représentées sur l'ancien Théâtre italien depuis son établissement jusqu'en 1697 qu'il a été fermé, Paris, 1750, in-8°, p. 63-69. – Bibliothèque universelle des romans, avr. 1786, t. I. – Revue rétrospective, 2e série, t. VII, p. 130. – Journal et Mémoires de Mathieu Marais, Paris, 1863, t. I, p. 22. – Le Cabinet historique, t. X, 1864, p. 174-179,194-197. – Havet, Correspondance littéraire, 5 mars 1857, p. 106. – Marais M., Journal, éd. de Lescure, 1863, t. I, p. 52. –Fournier E., La Comédie de Jean de La Bruyère, Paris, Dentu, 1866, t. I, p. 153-154, 156, 161. – Eschenauer A., «Apologie de la révocation de l'édit de Nantes», B.H.S.P.F., 1870-1871, p. 328. – Bourgeois A., Essais d'histoire biographique et littéraire sur les Champenois marquants, Saint-Amand, 1904, p. 63-69. – Fage R., Dans les sentiers de l'Histoire, Paris, 1912, p. 149-182. – Bourgeois E. et André L., Les Sources de l'Histoire de France au XVIIe siècle, Paris 1823-1832, t. IV, p. 45-48, n° 1956, 3033, 3203. – Watts G.B., «Le Noble's Le Fourbe», Modern Language Notes, t. XLII, 1927, p. 107-108. – Mangeot S., «E. Le Noble procureur général au Parlement de Metz (1672-1682), aventurier et homme de lettres», Mémoires de l'Académie de Metz, t. CXV, 1934, p. 55-83. – Mélèse P., «A propos de l'expulsion des comédiens italiens en 1697», R.H.L.F., t. XLIV, 1937, p. 533-537. – Lancaster H.C., A History of French dramatic literature in the seventeenth century, Baltimore, 1940, t. IV, p. 638-644. – Martin H .J., «Un polémiste sous Louis XIV, Eustache Le Noble, 1643-1711», Positions de thèses de l’Ecole de Chartes, 1947, p. 85-91. – Crowley J.F., «Notes on Voltaire's Zulime», Romanic Review, t. XLIV, 1955, p. 108-111. – Coulet H., Le Roman jusqu'à la Révolution, Paris, A. Colin, t. I, 1967, p. 291-292, t. II, 1968, p. 256-258. – Martin H.J., Livre, pouvoir et société à Paris au XVIIe siècle (1958-1701), Genève, Droz, 1969, t. II. – Foreman J., Eustache Le Noble (1643-1711) témoin de son temps, thèse dact.., U. of Colorado, 1969. – Godenne R., Histoire de la nouvelle française aux XVIIe et XVIIIe siècles, Genève, Droz, 1970. – Conlon P.M., Prélude au siècle des lumières en France, Répertoire chronologique de 1680 à 1715, Genève, Droz, 1970, t. I, n° 2461, 2977, 3968, 4434-4438, 4924-4927. – Lombard J., Courtilz de Sandras et la crise du roman à la fin du Grand Siècle, Paris, P.U.F., 1980, p. 348-349 et passim. – Moureau F., «Les Comédiens italiens et la Cour de France (1664-1697)», XVIIe siècle, janv.-mars 1981, n° 130, p. 63-81. – Hourcade P., Entre Pic et Rétif. Eustache Le Noble (1643-1711), Paris, Aux Amateurs de Livres 1990.

LE CORVAISIER

Numéro

485

Prénom

Pierre

Naissance

1719

Décès

1758

Pierre Jean Le Corvaisier est né à Vitré le 22 août 1719. Il est mort le 12 août 1758.

2. Formation

Etudes au collège de Laval, puis à Rennes chez les Jésuites. Noviciat à la maison de Paris, mais, sous la pression de sa famille, il quitte la Compagnie et se marie à Angers.

3. Carrière

Homme à la mode dans sa province. Membre de l'Académie d'Angers, reçu dans la Société littéraire épiscopale d'Orléans le 8 août 1749 (Fauchon). Membre, en outre, des Académies de La Rochelle et de Besançon, et de la Société des francs-pèteurs de Caen.

6. Activités journalistiques

Recueil de littérature, Angers, Bossard, 1748, bi-mensuel, L. en était le rédacteur (D.P.1 1168).

7. Publications diverses

Au Cat. B.N. : deux discours académiques et deux ouvrages scatologiques.

8. Bibliographie

B.Un. – Mémoires de Trévoux, mai 1748, p. 938-941 (compte rendu du 1er numéro du Recueil de littérature). – L'Année littéraire, 1761, t. III, p. 281-286 (Eloge de L.). – «Mémoire historique sur le Journal des Savants», Tables du Journal des Savants, 1764, t. X, p. 728. – Fauchon, «Sociétés savantes orléanaises du XVIIIe siècle», Mémoires de la Société d'agriculture, sciences, belles-lettres et arts d'Orléans, 5e série, t. XIX, 1925, p. 65 et 83.

LAUS DE BOISSY

Numéro

467

Prénom

M.A.

Naissance

1747

Décès

?

Laus de Boissy, prénommé Louis selon le Cat. B.N. La B.Un., apparemment bien informée sur ce sujet comme sur d'autres, donne les initiales M.A. Né en 1747 à Paris. Fils d'un riche artisan nommé Laus (Dulaure, B.Un.), il voulait passer pour le fils naturel de l'auteur dramatique Louis de Boissy. Surnoms : «le bâtard de Boissy», «Bos de Poissy». Pseudonymes : Alétophile ; Mlle M. de Morville.

2. Formation

Son père lui donna une solide éducation. Membre de nombreuses académies : Rome, Madrid, Padoue (Ricovrati), Montpellier, Rouen (voir son ex-libris gravé qui en fournit la liste, art. de L. Bouland ; et B.N., f.fr. 13651-13653 ; Ars., 8°N.F. 5430).

3. Carrière

«Ecuyer, Lieutenant-particulier du Siège de la Connétablie, Rapporteur du Point-d'Honneur» (ex-libris), au département de Choisy-le-Roi.

4. Situation de fortune

Laus de Boissy ne vit pas de sa plume. Voir l'épigramme : «Damis ne sera pas des nôtres./ Il n'écrit que pour son plaisir». Il perd ses emplois au moment de la Révolution.

5. Opinions

Admirateur éperdu de Voltaire (Moureau), avec lequel il entretient une correspondance, Laus de Boissy succéda à Dorat dans le coeur de Fanny de Beauharnais. Il est mondain et pratique le théâtre de société dans les banlieues à la mode : son oeuvre dramatique a cette destination. Il a quelques rivalités littéraires, d'où naissent de petites pièces de vers assassines, avec Lebrun-Pindare, Ginguené et Cubières. Il polémique contre Sabatier de Castres et ses Trois Siècles (Addition à l'ouvrage intitulé : Les Trois Siècles, 1773).

6. Activités journalistiques

Il est l'auteur de nombreuses pièces de vers publiées dans les journaux (Mercure de France, etc.) et il donne volontiers à la presse sa correspondance personnelle avec Voltaire (D 16811, 18296, 19420, 20107). Il rédigea les trois livraisons trimestrielles (Sabatier) du Secrétaire du Parnasse, 1770 et collabora au Journal littéraire de Nancy, 1780-1787 (B.Un.).

7. Publications diverses

Oeuvres : poésie, théâtre, romans, recueils divers, voir Cior 18, n° 37603-37629 (37630 est à exclure et à donner à Louis de Boissy. La B.Un. signale divers romans du début du XIXe siècle, qui lui sont attribués à tort).

Il existe un Recueil ms. en 3 volumes provenant de sa bibliothèque et contenant de nombreuses pièces en vers et en prose (B.N., f.fr. 13651-13653 ; v. Moureau).

8. Bibliographie

B.Un. – Sabatier de Castres A., Les Trois Siècles de la littérature française, Amsterdam, Paris, 1774, t. IV, p. 283-287 : notice sur «Laus de Boissy». – M.S., t. IX, 31 août 1776 ; t. X, 4 et 20 août 1777 ; t. XV, 18 juil. 1780 ; t. XVI, 26 oct. 1780 ; t. XX, 7 et 9 janv. 1782 ; t. XXI, 13 sept. 1782 ; t. XXII, 27 mai 1783 ; t. XXV, 27 mars 1784 ; t. XXXV, 3 juin 1787. – Rivarol A. de, Le Petit Almanach des grands hommes, s.l., 1788, p. 108-109 : notice ironique sur L. de B. – Dulaure J., Liste des noms des ci-devant nobles, Garnéry, an II, p. 85-86 : notice sur «De Boissi», Liste n° XXVII. – Favart C.S., Mémoires et correspondance littéraire, 1808, t. II, p. 423 : lettre de L. de B., 6 mars 1774. – Bouland L., «Laus de Boissy», dans Archives de la Société française des collectionneurs d'ex-libris, 1894, t. I, p. 36-38. - Moureau F., «Voltaire dans le Recueil Laus de Boissy», S.V.E.C. 249, 1987.

LA ROQUE

Numéro

462

Prénom

Louis de

Naissance

?

Décès

?

3. Carrière

Collecteur général de la Loterie de Cologne (Gazette de Collogne), Conseiller des Finances de S.A. Electorale de Cologne. Il réside, en 1780, sur la place de la Cathédrale à Cologne (Magasin politique et historique ; Le Nouvelliste politique).

6. Activités journalistiques

L'un des titulaires du privilège d'«ouvrages périodiques» de l'Electorat de Cologne. Avec Mettra, mais sous son nom seul, et sans doute plus comme bailleur de fonds et répondant officiel que comme rédacteur, il publia à Deutz, près de Cologne : Le Nouvelliste politique de l'Allemagne, 1780-1789 (D.P.1 1067).- (M.P.P.) – Magasin politique et historique, 1780 (D.P.1 861).

Il assurait la diffusion de nouvelles à la main venues de France et de Hollande. Un dossier copieux de celles-ci, qui étaient adressées à James de La Cour (voir ce nom), libraire à Francfort, est conservé, avec sa correspondance, à Munich (Bayerische Staatsbibliothek, cod. gall. 112 : 1744-1752 ; 115 : 1753 ; 118 b : 1753-1754 ; 118 a : 1754).

8. Bibliographie

Gazette de Cologne, 9 avril 1765.